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11/05/2010 | FRANCE | N°08MA02433

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 7ème chambre - formation à 3, 11 mai 2010, 08MA02433


Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour administrative d'appel de Marseille, sous le n° 08MA02433, le 13 mai 2008 présentée pour M. Adel A, demeurant ..., par Me Gyucha, avocat ;

M. A demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0800098 du 17 avril 2008 par lequel le Tribunal administratif de Bastia a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté en date du 11 janvier 2008 par lequel le préfet de la Haute-Corse a refusé le renouvellement de son titre de séjour et a assorti sa décision d'une obligation de quitter le territoire français ;
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3°) d'enjoindre au préfet ...

Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour administrative d'appel de Marseille, sous le n° 08MA02433, le 13 mai 2008 présentée pour M. Adel A, demeurant ..., par Me Gyucha, avocat ;

M. A demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0800098 du 17 avril 2008 par lequel le Tribunal administratif de Bastia a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté en date du 11 janvier 2008 par lequel le préfet de la Haute-Corse a refusé le renouvellement de son titre de séjour et a assorti sa décision d'une obligation de quitter le territoire français ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, ledit arrêté ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Haute-Corse de lui délivrer un titre de séjour ou, à titre subsidiaire, de procéder au réexamen de sa situation dans le délai d'un mois à compter de l'arrêt à intervenir ;

4°) de condamner l'Etat à lui verser la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ainsi qu'à supporter la charge des entiers dépens ;

...........................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile

Vu l'arrêté du 27 janvier 2009 fixant la liste des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel autorisés à appliquer, à titre expérimental, les dispositions de l'article 2 du décret n° 2009-14 du 7 janvier 2009 ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 13 avril 2010 :

- le rapport de Mme Buccafurri, rapporteur ;

- les conclusions de Mlle Josset, rapporteur public ;

Considérant que M. A, de nationalité tunisienne, qui avait bénéficié le 8 octobre 2001 d'un titre de séjour en qualité d'étudiant, régulièrement renouvelé jusqu'au 25 octobre 2005, a sollicité le 15 novembre 2007, le renouvellement de son titre de séjour ; que, par un arrêté en date du 11 janvier 2008, le préfet de la Haute-Corse a rejeté sa demande et a assorti sa décision d'une obligation de quitter le territoire français ; que M. A relève appel du jugement du 17 avril 2008 par lequel le Tribunal administratif de Bastia a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté dont s'agit ; que l'appelant demande également à la Cour, à titre principal, d'enjoindre au préfet de la Haute-Corse de lui délivrer le titre de séjour sollicité ou, à titre subsidiaire, de procéder au réexamen de sa situation ;

Sur les conclusions aux fins d'annulation de l'arrêté du 11 janvier 2008 :

Sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres moyens de la requête

Considérant que l'arrêté attaqué du 11 janvier 2008 a été pris aux motifs, d'une part, que M. A s'était maintenu en situation irrégulière sur le territoire national dès lors qu'il n'avait pas sollicité le renouvellement de son dernier titre de séjour lequel avait expiré le 24 octobre 2005, d'autre part, qu'il avait échoué à ses études à l'issue de l'année universitaire 2004-2005 et avait interrompu ses études en 2005-2006 et, enfin, qu'il n'avait pas progressé dans ses études, M. A s'étant inscrit en 1ère année d'Anglais pour l'année universitaire 2007-2008 alors qu'il était lauréat d'un Diplôme d'Etudes Supérieures Spécialisées ( DESS) et d'un Master ;

Considérant qu'aux termes de l'article L. 313-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction applicable à la date de l'arrêté attaqué : I. - La carte de séjour temporaire accordée à l'étranger qui établit qu'il suit en France un enseignement ou qu'il y fait des études et qui justifie qu'il dispose de moyens d'existence suffisants porte la mention étudiant. En cas de nécessité liée au déroulement des études ou lorsque l'étranger a suivi sans interruption une scolarité en France depuis l'âge de seize ans et y poursuit des études supérieures, l'autorité administrative peut accorder cette carte de séjour sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée et sous réserve d'une entrée régulière en France./ La carte ainsi délivrée donne droit à l'exercice, à titre accessoire, d'une activité professionnelle salariée dans la limite de 60 % de la durée de travail annuelle. ; qu'aux termes de l'article R. 311-2 du même code, dans sa rédaction applicable au présent litige : La demande est présentée par l'intéressé dans les deux mois de son entrée en France. S'il y séjournait déjà, il présente sa demande : .....4° Soit dans le courant des deux derniers mois précédant l'expiration de la carte de séjour dont il est titulaire, sauf s'il est titulaire du statut de résident de longue durée-CE accordé par la France en application de l'article L. 314-8./ A l'échéance de ce délai et en l'absence de présentation de demande de renouvellement de sa carte de séjour, il justifie à nouveau des conditions requises pour l'entrée sur le territoire national lorsque la possession d'un visa est requise pour la première délivrance de la carte de séjour. ; qu'il résulte de ces dernières dispositions que, lorsque le préfet est saisi d'une demande de renouvellement d'un titre de séjour après l'expiration du délai mentionné au 4° de cet article, cette demande doit être regardée comme tendant à la première délivrance d'un titre de séjour de même nature ; que, pour l'application des dispositions de l'article L. 313-7 dudit code, l'autorité administrative peut opposer l'insuffisance de sérieux des études lors d'une première demande de titre de séjour ;

Considérant, en premier lieu, qu'il ressort des pièces du dossier et qu'il constant que le dernier titre de séjour portant la mention étudiant délivré à M. A expirait le 24 octobre 2005 ; que l'intéressé n'ayant pas déposé de demande de renouvellement de ce titre dans le courant des deux derniers mois précédant l'expiration de ce titre, comme l'exigent les dispositions de l'article R. 311-2 du code précité, la demande de renouvellement présentée par M. A, le 15 novembre 2007, devait être regardée comme une première demande de titre de séjour en qualité d'étudiant ;

Considérant, en deuxième lieu, qu'en relevant dans l'arrêté attaqué, que M. A avait échoué à ses études à l'issue de l'année scolaire 2004-2005, que l'intéressé avait interrompu ses études en 2005-2006 et que ce dernier n'avait pas progressé dans ses études, le préfet de la Haute-Corse doit être regardé comme ayant entendu fonder son refus de délivrance d'un titre de séjour sur l'absence de sérieux des études poursuivies par l'intéressé ; qu'il ressort, toutefois, des pièces du dossier, et notamment des justificatifs versés au dossier par M. A, que ce dernier a obtenu un diplôme dénommé DESS Affaires Internationales Sud Méditerranéennes , délivré le 11 mars 2005 ; que l'intéressé a justifié de son inscription, pour l'année 2005-2006, à l'Université de Corte, en vue d'obtenir un master sciences du management, master administration des entreprises 2ème année dans la perspective d'une thèse ; qu'enfin, M. A a progressé dans ses études ou à tout le moins, poursuivi son cursus puisque M. A a justifié de son inscription en 2007-2008 en master administration des entreprises, interrompu à la suite d'une procédure judiciaire engagée à son encontre pour laquelle l'intéressé a bénéficié d'une décision de non lieu ; qu'ainsi, pour l'année 2007-2008, l'intéressé n'était pas seulement inscrit en 1ère année de licence d'anglais comme le relève, à tort, le préfet, alors, au demeurant, que M. A a précisé que son inscription en licence d'anglais était destiné à parfaire son cursus principal en master ; qu'il suit de là que M. A est fondé à soutenir que le motif tiré de l'absence de sérieux des études qu'il poursuivait est entaché d'une inexactitude matérielle des faits sur lesquels il est fondé et d'une erreur d'appréciation ; que, par suite, ce premier motif ne pouvait légalement justifier le refus opposé à M. A ;

Considérant, en troisième lieu, que si le refus contesté est également fondé sur le motif tiré de ce que M. A était en situation irrégulière, lequel pouvait légalement justifier un tel refus, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet aurait pris la même décision s'il s'était fondé sur ce seul motif ;

Considérant toutefois que l'administration peut, en première instance comme en appel, faire valoir devant le juge de l'excès de pouvoir que la décision dont l'annulation est demandée est légalement justifiée par un motif, de droit ou de fait, autre que celui initialement indiqué, mais également fondé sur la situation existant à la date de cette décision ; qu'il appartient alors au juge, après avoir mis à même l'auteur du recours de présenter ses observations sur la substitution ainsi sollicitée, de rechercher si un tel motif est de nature à fonder légalement la décision, puis d'apprécier s'il résulte de l'instruction que l'administration aurait pris la même décision si elle s'était fondée initialement sur ce motif ; que, dans l'affirmative, il peut procéder à la substitution demandée, sous réserve toutefois qu'elle ne prive pas le requérant d'une garantie procédurale liée au motif substitué ;

Considérant que, dans ses mémoires en défense présentés devant les premiers juges et devant la Cour de céans, régulièrement communiqués à M. A, le préfet de la Haute-Corse a invoqué un nouveau motif tiré de ce que, contrairement aux prescriptions de l'article L. 313-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, M. A exerçait une activité professionnelle d'une durée supérieure à 60 % de la durée de travail annuelle ; que, toutefois, si en vertu des dispositions précitées de l'article L. 313-7 de ce code, l'étudiant étranger, une fois la carte de séjour délivrée à ce titre, ne peut exercer une activité professionnelle salariée supérieure à 60 % de la durée de travail annuelle, cette condition ne figure pas au nombre de celles mises pour la délivrance d'une carte de séjour ; que, de la même façon, si l'autorité administrative, dans l'hypothèse où cette proportion de 60 % d'activité salariée n'est pas respectée par l'étudiant étranger, est en droit de procéder au retrait de la carte de séjour, en application des dispositions de l'article L. 313-5 du même code, elle ne peut en revanche se fonder sur une telle circonstance pour rejeter une demande de délivrance d'une carte de séjour, laquelle, par définition n'a pas encore été délivrée ; que, par suite, le motif invoqué en cours d'instance par le préfet de la Haute-Corse n'est pas susceptible de fonder légalement l'arrêté attaqué ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. A est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué du 17 avril 2008, le Tribunal administratif de Bastia a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 11 janvier 2008 par lequel le préfet de la Haute-Corse a rejeté sa demande de délivrance d'un titre de séjour portant la mention étudiant et a assorti sa décision d'une obligation de quitter le territoire français ; que, par suite, M. A est fondé à demander l'annulation tant du jugement attaqué que de l'arrêté dont s'agit en tant qu'il refuse l'octroi d'une carte de séjour et, par voie de conséquence, en tant qu'il porte obligation de quitter le territoire français ;

Sur les conclusions à fin d'injonction :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public (...) prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution ; qu'aux termes de l'article L. 911-2 du même code : Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne à nouveau une décision après une nouvelle instruction, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision juridictionnelle, que cette nouvelle décision doit intervenir dans un délai déterminé ;

Considérant que le présent arrêt n'implique pas nécessairement, dès lors que l'année universitaire 2007/2008 est arrivée à son terme, que le préfet délivre une carte de séjour temporaire portant la mention étudiant à M. A; qu'eu égard à la situation de droit et de fait de l'intéressé à la date du présent arrêt, ce dernier n'implique pas davantage que le préfet délivre à l'intéressé une carte de séjour temporaire portant la mention visiteur ou vie privée et familiale ; que, par suite, les conclusions à fin d'injonction présentées, à titre principal, par M. A, doivent être rejetées ;

Considérant, en revanche, que le présent arrêt implique nécessairement qu'il soit fait droit aux conclusions présentées, à titre subsidiaire, par M. A et qu'il y a lieu, par suite, d'enjoindre au préfet de la Haute-Corse de procéder à un nouvel examen de la situation de l'intéressé, dans le délai d'un mois, à compter de la notification de la présente décision ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'aux termes de l'article L.761-1 du code de justice administrative : Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation. ;

Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de condamner l'Etat à verser à M. A la somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

Article 1er : le jugement n° 0800098 du 17 avril 2008 du Tribunal administratif de Bastia est annulé.

Article 2 : L'arrêté en date du 11 janvier 2008 par lequel le préfet de la Haute-Corse a refusé à M. A la délivrance d'un titre de séjour et a assorti sa décision d'une obligation de quitter le territoire français est annulé.

Article 3 : Il est enjoint au préfet de la Haute-Corse de procéder à un nouvel examen de la situation de M. A dans un délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 4 : L'Etat versera à M. A une somme de 1 500 euros (mille cinq cents euros) sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à M. Adel A et au ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire.

Copie en sera adressée au préfet de la Haute-Corse.

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N° 08MA02433 2

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 7ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 08MA02433
Date de la décision : 11/05/2010
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. FERULLA
Rapporteur ?: Mme Isabelle BUCCAFURRI
Rapporteur public ?: Melle JOSSET
Avocat(s) : GYUCHA

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2010-05-11;08ma02433 ?
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