Vu la requête, enregistrée le 3 juillet 2007, présentée pour la SARL 801 FRANCE, dont le siège est Le Patrol à Pernes-les-Fontaines (84210), représentée par son gérant en exercice, par la société Ernst et Young ;
La SARL 801 FRANCE demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n°0425051 du 30 avril 2007 par lequel le Tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande tendant à la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée auxquels elle a été assujettie au titre de la période courant du 1er août 2001 au 30 juin 2003 ;
2°) de prononcer la décharge des impositions contestées et des pénalités y afférentes ;
3°) de prononcer la décharge des impositions supplémentaires auxquelles elle a été assujettie au titre de la période correspondant aux exercices clos en 1999, 2000 et 2001 ;
4°) d'annuler la décision du 15 janvier 2004 par laquelle sa demande de restitution d'un crédit de taxe sur la valeur ajoutée afférent au premier trimestre de l'année 2003 a été rejetée ;
5°) de surseoir à statuer et de saisir la Cour de justice des communautés européennes d'une question préjudicielle ;
6°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
.........................................................................................................
Vu le traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ;
Vu la sixième directive n°77/388 du Conseil des communautés européennes du 17 mai 1977 modifiée, relative à l'harmonisation des législations des Etats membres en matière de taxes sur le chiffre d'affaires-Système commun de taxe sur la valeur ajoutée : assiette uniforme ;
Vu la directive 2006/112/CE du Conseil du 28 novembre 2006 relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée ;
Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
Vu le code de justice administrative ;
Vu l'arrêté du vice-président du Conseil d'Etat en date du 27 janvier 2009 fixant la liste des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel autorisés à appliquer, à titre expérimental, les dispositions de l'article 2 du décret n° 2009-14 du 7 janvier 2009 ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 1er avril 2010 :
- le rapport de Mme Menasseyre, rapporteur ;
- les conclusions de M. Dubois, rapporteur public ;
Considérant que la SARL 801 FRANCE, exerce à Pernes-les-Fontaines une activité consistant à assurer la logistique en France de circuits touristiques, culturels ou sportifs ; qu'à ce titre, elle donne en location à son client exclusif, le tour operator Backroad USA, des bicyclettes que celui-ci met à disposition de ses clients américains ; qu'au cours de la période comprise entre le 1er août 2001 et le 30 juin 2003, elle a facturé à cette société les locations en cause sans mentionner de taxe sur la valeur ajoutée au motif que ces prestations entraient dans le champ d'application des dispositions du 2° de l'article 259 B du code général des impôts ; que l'administration a estimé que ces prestations étaient taxables en France dès lors qu'elles constituaient des locations de moyens de transport au sens du 1° de l'article 259 A du même code ; que, dans le dernier état de ses écritures, le société demande à la Cour, à titre principal de surseoir à statuer et de saisir la Cour de justice des communautés européennes d'une question préjudicielle, et, à défaut, d'annuler le jugement du 30 avril 2007 par lequel le Tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande tendant à la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée auxquels elle a été assujettie au titre de la période courant du 1er août 2001 au 30 juin 2003, sans renoncer à ses conclusions tendant à la décharge des impositions supplémentaires auxquelles elle a été assujettie au titre de la période correspondant aux exercices clos en 1999, 2000 et 2001 ;
Sur les conclusions principales tendant à la saisine de la Cour de justice de l'Union européenne d'une question préjudicielle :
Considérant que si, en vertu des dispositions de l'article 267 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, une juridiction peut, si elle estime qu'une décision sur ce point est nécessaire pour rendre son jugement, demander à la Cour de justice de l'Union européenne compétente pour statuer, à titre préjudiciel sur une question portant sur l'interprétation des traités, ou sur la validité et l'interprétation des actes pris par les institutions, organes ou organismes de l'Union, des conclusions présentées à titre principal sur ce point ne peuvent être admises, dès lors que, dans une telle hypothèse, il n'y aurait pas lieu de statuer sur les conclusions subsidiaires donnant lieu à une difficulté d'interprétation des traités ; qu'en tout état de cause, la faculté de procéder à un tel renvoi constituant, hors le cas où l'affaire est pendante devant une juridiction nationale dont les décisions ne sont pas susceptibles d'un recours juridictionnel de droit interne, un pouvoir propre du juge, de telles conclusions sont, en tout état de cause, irrecevables ;
Sur les conclusions subsidiaires :
En ce qui concerne les conclusions portant sur la restitution d'un crédit taxe, et sur la décharge de rappels portant sur une période antérieure aux années en litige devant le tribunal :
Considérant que les conclusions présentées par la société et tendant d'une part à la décharge de impositions supplémentaires auxquelles elle a été assujettie au titre de la période correspondant aux exercices clos en 1999, 2000 et 2001, et, d'autre part, à l'annulation de la décision du 15 janvier 2004 par laquelle sa demande de restitution d'un crédit de taxe sur la valeur ajoutée afférent au premier trimestre de l'année 2003 a été rejetée sont, en tout état de cause, nouvelles en appel et par suite irrecevables ;
En ce qui concerne la régularité du jugement :
Considérant, en premier lieu, que la société requérante reproche au jugement attaqué de ne pas avoir suffisamment répondu à son argumentation tirée de ce que la doctrine devait recevoir une application littérale ; que si le tribunal, qui n'était pas tenu de répondre à l'ensemble des arguments qui lui étaient soumis par la société a, en indiquant que l'instruction dont se prévalait la société n'avait pas entendu exclure les bicyclettes de la catégorie des moyens de transport, refusé d'adopter de cette instruction la lecture fermée qu'en faisait le contribuable, il n'a pas, ce faisant, entaché son jugement d'une insuffisance de motivation ; que la circonstance qu'il ne se soit pas davantage explicitement prononcé sur les raisons pour lesquelles les développements de la société relatifs aux dérives économiques auxquelles conduisait, selon elle, la position retenue par le service n'emportaient pas son adhésion n'est pas davantage de nature à entacher la régularité de son jugement, dès lors que lesdits développements constituaient une simple argumentation, inopérante, destinée à étayer sa contestation ;
Considérant, en deuxième lieu, que devant le tribunal, la société se prévalait d'une instruction excluant, selon elle, les bicyclettes de la catégorie des moyens de transport , pour soutenir qu'elle se livrait à des locations de biens meubles corporels ; que, pour écarter ce moyen, le tribunal a relevé qu'en employant l'adverbe normalement , cette instruction n'avait pas entendu exclure de son champ d'application les véhicules utilisés en dehors du cadre de l'exécution d'un contrat de transport ; que si l'administration, en défense, se bornait à indiquer qu'aucune disposition législative ou doctrinale n'excluait les bicyclettes de la catégorie des moyens de transport, le tribunal s'est borné, comme il lui appartenait de le faire, à répondre à un moyen dont il était saisi et n'a pas soulevé d'office un moyen qu'il aurait été tenu de communiquer aux parties ;
En ce qui concerne les conclusions tendant à la décharge des rappels afférents à la période du 1er août 2001 au 30 juin 2003 :
S'agissant de la régularité de la procédure d'imposition :
Considérant qu'aux termes de l'article L.57 du livre des procédures fiscales, dans sa rédaction applicable en l'espèce : L'administration adresse au contribuable une notification de redressement qui doit être motivée de manière à lui permettre de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation (...) Lorsque l'administration rejette les observations du contribuable sa réponse doit également être motivée et qu'aux termes de l'article R. 57-1 du même code : La notification de redressement prévue par l'article L. 57 fait connaître au contribuable la nature et les motifs du redressement envisagé. L'administration invite, en même temps, le contribuable à faire parvenir son acceptation ou ses observations dans un délai de trente jours à compter de la réception de la notification ; qu'aux termes enfin de l'article R. 198-10 de ce code relatif à l'instruction par l'administration des réclamations des contribuables : En cas de rejet total ou partiel de la réclamation, la décision doit être motivée ;
Considérant tout d'abord, qu'une insuffisance de motivation de la décision prise par le directeur sur la réclamation du contribuable est sans influence sur la régularité de la procédure d'imposition ;
Considérant ensuite que si la société estime que la réponse qui lui a été adressée par l'administration à la suite de ses observations était insuffisamment motivée, il résulte de l'examen de ce document, qui comporte neuf pages, dont deux et demi sont consacrées à la seule question de l'assujettissement à la taxe sur la valeur ajoutée en France des opérations de location de bicyclettes réalisées par la société que l'administration y a, de façon détaillée, repris l'ensemble des motifs qui la conduisaient à maintenir sa position, et, notamment, à ne pas retenir la lecture faite par la société de l'instruction du 20 octobre 1999 référencée 3-A-2132 ; que l'appréciation du caractère suffisant de la motivation d'une réponse aux observations du contribuable ne dépend pas, en tout état de cause, de l'exactitude des motifs qu'elle énonce ; que si la société se plaint de ce que l'administration est restée silencieuse sur les développements historiques que comportaient ses observations sur les redressements, et sur ses développements consacrés à l'impossibilité pour les bicyclettes de faire l'objet d'un contrat de transport, l'administration doit être regardée comme ayant suffisamment répondu sur ce point à la société, dont elle a écarté les prétentions en se référant notamment à sa propre interprétation des dispositions de l'article 237 de l'annexe II au code général des impôts ;
S'agissant du bien-fondé des impositions :
Quant à l'application de la loi fiscale :
Considérant qu'aux termes de l'article 259 du code général des impôts relatif à la détermination du lieu d'imposition à la taxe sur la valeur ajoutée des opérations de prestations de services : Le lieu des prestations de services est réputé se situer en France lorsque le prestataire a en France le siège de son activité ou un établissement stable à partir duquel le service est rendu ou, à défaut, son domicile ou sa résidence habituelle ; qu'aux termes de l'article 259 A du même code, dans sa rédaction applicable en l'espèce : Par dérogation aux dispositions de l'article 259, le lieu des prestations suivantes est réputé se situer en France : 1° Les locations de moyens de transport : a. Lorsque le prestataire est établi en France et le bien utilisé en France ou dans un autre Etat membre de la Communauté (...) ; qu'enfin aux termes de l'article 259 B dudit code : Par dérogation aux dispositions de l'article 259, le lieu des prestations suivantes est réputé se situer en France lorsqu'elles sont effectuées par un prestataire établi hors de France et lorsque le preneur est un assujetti à la taxe sur la valeur ajoutée qui a en France le siège de son activité ou un établissement stable pour lequel le service est rendu ou, à défaut, qui y a son domicile ou sa résidence habituelle : 2° Locations de biens meubles corporels autres que des moyens de transport ; (...) Le lieu de ces prestations est réputé ne pas se situer en France même si le prestataire est établi en France lorsque le preneur est établi hors de la communauté européenne ou qu'il est assujetti à la taxe sur la valeur ajoutée dans un autre Etat membre de la communauté. ;
Considérant que la SOCIETE 801 FRANCE ne saurait utilement invoquer, à l'appui de sa contestation d'impositions dont le fait générateur est né en 2001, 2002 et 2003 le moyen tiré de ce que la position du service des impôts, méconnaîtrait les stipulations de la directive TVA 2006/112/CE du 28 novembre 2006 ; qu'en tout état de cause il résulte des termes-même du a) du 2. de l'article 21 de cette dernière que si elle définit les moyens de transport comme étant les véhicules terrestres à moteur d'une cylindrée de plus de 48 centimètres cube ou d'une puissance de plus de 7,2 kilowatts, cette définition n'est valable que pour l'interprétation du paragraphe 1, point b) ii) du même article, qui régit les livraisons ou les acquisitions intracommunautaires de moyens de transport neufs ; que cette définition ne saurait, dès lors, être transposée aux règles régissant la territorialité de la taxe sur la valeur ajoutée, et ce alors même que la directive est silencieuse sur la définition des moyens de transport qu'il convient de retenir dans ce domaine ;
Considérant que les dispositions, d'une part, de l'article 259 du code général des impôts et, d'autre part, des articles 259 A et 259 B du même code, ont opéré la transposition en droit interne des règles de territorialité figurant respectivement aux paragraphes 1 et 2 de l'article 9 de la sixième directive CEE n° 77/388 susvisée ; qu'il résulte de la jurisprudence de la Cour de justice des Communautés européennes d'une part qu'il n'existe aucune prééminence du paragraphe 1 sur le paragraphe 2 de cet article de sorte que le paragraphe 2 de l'article 9 de la sixième directive ne doit pas être considéré comme une exception à une règle générale, devant recevoir une interprétation stricte, d'autre part que c'est la difficulté à déterminer le lieu d'utilisation des moyens de transport, et le fait que ceux-ci pouvaient franchir facilement les frontières, qui a conduit à ne pas fixer, en ce qui les concerne, le lieu de rattachement de la prestation de location dont ils peuvent faire l'objet à l'endroit où s'effectue l'utilisation du bien donné en location ;
Considérant que si aucune disposition du code général des impôts n'exclut les bicyclettes de la catégorie des moyens de transport, aucune disposition ne les y range ; que la circonstance que les bicyclettes soient susceptibles d'être qualifiées, sur le fondement du texte particulier que constitue l'article 237 de l'annexe II au code général des impôts qui concerne le seul droit à déduction de la taxe, dans la catégorie des véhicules ou engins, quelle que soit leur nature, conçus pour transporter des personnes ou à usages mixtes , reste sans incidence sur l'application des dispositions qui ont vocation à régir les questions de territorialité de la taxe sur la valeur ajoutée ; que toutefois, eu égard aux considérations sus exposées, liées à la difficulté de déterminer le lieu d'utilisation des moyens de transport, et à la possibilité pour une bicyclette de franchir de façon relativement aisée les frontières du territoire français, ces engins doivent être regardés comme des moyens de transport au sens et pour l'application des dispositions des articles 259 A et 259 B du code général des impôts ; que dès lors, les locations en cause relèvent, par suite, de la règle de territorialité énoncée au 1° de l'article 259 A du code général des impôts ;
Quant au bénéfice de la doctrine :
Considérant, il est vrai, que la société requérante se prévaut, sur le fondement des dispositions de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, aux termes desquelles Il ne sera procédé à aucun rehaussement d'impositions antérieures si la cause du rehaussement poursuivi par l'administration est un différend sur l'interprétation par le redevable de bonne foi du texte fiscal et s'il est démontré que l'interprétation sur laquelle est fondée la première décision a été, à l'époque, formellement admise par l'administration.(...) , de l'interprétation du texte fiscal exprimée par une instruction du 20 octobre 1999, référencée 3 A 2142 indiquant que, pour l'application des dispositions de l'article 259-A-1° du CGI, sont des moyens de transport :- les véhicules, quelle que soit l'énergie utilisée, qui sont normalement utilisés dans le cadre de l'exécution d'un contrat de transport (véhicules de transport routier, ferroviaire, aérien, maritime et fluvial) ; - les équipements et dispositifs susceptibles d'être tractés par ces véhicules (wagons, remorques, ...) ; - les bateaux de plaisance, les avions de tourisme, les hélicoptères, les planeurs. En revanche, sont des biens meubles corporels autres que des moyens de transport les conteneurs, les engins de chantier, les chariots de manutention, les roulottes et caravanes dont la location est imposable en vertu des dispositions de l'article 259 B du CGI. (...) Il résulte des dispositions de l'article 259 A-1° du CGI que le lieu des locations de moyens de transport (véhicules automobiles, bateaux, aéronefs) est réputé se situer en France lorsque :- le loueur est établi en France et le moyen de transport est utilisé par le locataire en France ou dans un autre État membre de la CE ;
Considérant toutefois que, contrairement aux affirmations de la société requérante, cette instruction ne peut être regardée comme ayant expressément exclu les bicyclettes de la catégorie des moyens de transport, dès lors que les seuls véhicules expressément exclus de cette catégorie, et rangés parmi les biens meubles corporels autres que des moyens de transport sont les conteneurs, les engins de chantier, les chariots de manutention, les roulottes et caravanes ; qu'il ne résulte pas davantage des termes de cette instruction que l'administration ait entendu regarder comme des locations de biens meubles corporels celles qui porteraient sur des engins autres que les véhicules automobiles, les bateaux ou aéronefs, ou sur des véhicules utilisés autrement que dans le cadre de l'exécution de moyens de transport ; qu'il en résulte que la société requérante n'est pas fondée à se prévaloir des termes de cette instruction ;
En ce qui concerne les conclusions tendant à la jonction de la présente requête avec l'appel formé par la société contre le jugement n° 0701283 du 5 mai 2009 :
Considérant que la décision par laquelle le juge administratif joint deux ou plusieurs affaires pour y statuer par une seule décision constitue un pouvoir propre qu'il n'est jamais tenu d'exercer ; que les conclusions à fin de jonction, présentées en outre par la société après l'expiration du délai de recours, doivent dès lors, et en tout état de cause, être rejetées ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la SARL 801 FRANCE n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande ; que les dispositions de l'article L. 761-1 font obstacle à ce qu'il soit fait droit aux conclusions qu'elle a présentées à ce titre ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de la SARL 801 FRANCE est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la SARL 801 FRANCE et au ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l'État.
Copie en sera adressée à la société Ernst et Young et au directeur de contrôle fiscal Sud-Est.
''
''
''
''
2
N°07MA02489