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29/04/2010 | FRANCE | N°07MA04449

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 6ème chambre - formation à 3, 29 avril 2010, 07MA04449


Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour administrative d'appel de Marseille le 16 novembre 2010 sous le n° 07MA04449, présentée pour M. Pierre A, demeurant ..., par Me Poletti ;

M. A demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0600135 du 20 septembre 2007 par lequel le Tribunal administratif de Bastia a rejeté sa demande tendant à la condamnation de la commune de Bastia à lui verser 30.642,45 euros correspondant au montant des loyers dont il a été privé en raison des décisions du maire de Bastia interdisant l'occupation entre le 21 octobre 1999 et le

11 mai 2005 d'un logement dont il est propriétaire dans la résidence A Sul...

Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour administrative d'appel de Marseille le 16 novembre 2010 sous le n° 07MA04449, présentée pour M. Pierre A, demeurant ..., par Me Poletti ;

M. A demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0600135 du 20 septembre 2007 par lequel le Tribunal administratif de Bastia a rejeté sa demande tendant à la condamnation de la commune de Bastia à lui verser 30.642,45 euros correspondant au montant des loyers dont il a été privé en raison des décisions du maire de Bastia interdisant l'occupation entre le 21 octobre 1999 et le 11 mai 2005 d'un logement dont il est propriétaire dans la résidence A Sulana, outre les intérêts à la date de sa demande préalable et la capitalisation des intérêts ;

2°) de condamner la commune de Bastia à verser ladite somme ;

3°) de mettre à la charge de la commune de Bastia une somme de 2.000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

.........................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code général des collectivités territoriales ;

Vu le décret n° 2009-14 du 7 janvier 2009 relatif au rapporteur public des juridictions administratives et au déroulement de l'audience devant ces juridictions ;

Vu l'arrêté du vice-président du Conseil d'Etat en date du 27 janvier 2009 fixant la liste des tribunaux administratifs et cours administratives d'appel autorisés à appliquer, à titre expérimental, les dispositions de l'article 2 du décret n° 2009-14 du 7 janvier 2009 ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 29 mars 2010 :

- le rapport de Mme Favier, rapporteur ;

- et les conclusions de M. Marcovici, rapporteur public ;

Considérant que M. A fait appel du jugement en date du 20 septembre 2007 par lequel le Tribunal administratif de Bastia a rejeté la demande qu'il avait présentée en vue d'obtenir la condamnation de la commune de Bastia à lui verser une somme de 30.642,31 euros en réparation des pertes de loyers qu'il a subies entre octobre 1999 et mai 2005 en raison de l'édiction par le maire de Bastia d'un arrêté interdisant l'occupation d'un logement dont il est propriétaire dans la résidence A Sultana ;

Considérant, en premier lieu, qu'il résulte de l'instruction que par un arrêt n° 04MA00162-05MA02104 du 6 avril 2007, confirmé par le Conseil d'Etat dans un arrêt n° 306260 du 28 novembre 2008, la Cour administrative d'appel de Marseille, statuant sur une première demande de réparation de M. A, a estimé que le département de Haute-Corse était responsable du quart des conséquences dommageables des inondations survenues dans la nuit du 20 au 21 octobre 1999, lesquelles ont justifié l'arrêté d'interdiction en cause dans le cadre de la présente instance ; que si la demande de M. A a trait au même préjudice, elle ne concerne pas le même fait générateur, et n'a donc pas le même objet ; que dès lors l'exception de chose jugée invoquée en défense ne peut être accueillie ;

Considérant, en deuxième lieu, qu'il résulte également de l'instruction que par deux arrêtés des 21 et 26 octobre 1999 consécutifs aux inondations de la nuit du 20 au 21 octobre 1999, le maire de Bastia a interdit l'occupation de tous les logements situés en R+1 des bâtiments A, B, C et D de la résidence A Sulana, puis a limité cette interdiction aux logements R+1 situés à l'arrière des bâtiments A, B et C, au nombre desquels figurait l'appartement de M. A ; que ce n'est que par un arrêté du 2 mai 2005 notifié à l'intéressé le 11 mai 2005, que le maire de Bastia, constatant que les travaux exécutés par le département de Haute-Corse et par la Ville de Bastia étaient de nature à protéger la résidence contre les éboulements et inondations qu'elle a connus à deux reprises en 1993 et 1999, ainsi que le précisait un rapport de l'APAVE, a levé l'interdiction d'occupation ; qu'en l'absence de tout nouveau sinistre rendant les logements concernés inhabitables entre fin 1999 et 2005, et contrairement à ce qu'ont estimé les premiers juges, l'existence d'un lien de causalité entre l'arrêté du maire de Bastia et l'impossibilité dans laquelle s'est trouvé M. A de louer l'appartement qu'il donnait à bail antérieurement est établie ; que ce dernier est ainsi fondé à soutenir que c'est à tort que le Tribunal a rejeté sa demande au motif que le préjudice dont il se prévalait trouvait sa cause dans les seules inondations ;

Considérant, en troisième lieu, qu'il résulte des principes qui gouvernent l'engagement de la responsabilité sans faute de l'Etat que le silence d'une loi sur les conséquences que peut comporter sa mise en oeuvre, ne saurait être interprété comme excluant, par principe, tout droit à réparation des préjudices que son application est susceptible de provoquer ; qu'ainsi, en l'absence même de dispositions le prévoyant expressément, le propriétaire d'un logement donné en location qui a fait l'objet d'une interdiction d'occupation ordonnée sur le fondement des pouvoirs de police dévolus au maire par le 5° de l'article L. 2212-2 du code général des collectivités territoriales pour prévenir les conséquences d'éventuelles inondations, est fondé à demander l'indemnisation du dommage qu'il a subi de ce fait lorsque, excédant les aléas que comporte nécessairement une telle exploitation, il revêt un caractère grave et spécial et ne saurait, dès lors, être regardé comme une charge incombant normalement à l'intéressé ;

Considérant, en l'espèce, que les pertes de loyers subies par M. A à compter du 1er novembre 2001, soit deux ans après les dernières inondations et juste après l'intervention d'un rapport technique de l'APAVE constatant la réalisation de travaux de protection par le département de Haute-Corse, mais l'absence de travaux exécutés par la commune de Bastia, eu égard à la durée de cette interdiction, constituent un préjudice anormal et spécial ; qu'il y a donc lieu de lui accorder l'indemnisation qu'il sollicite pour les 43 mois compris entre le 1er novembre 2001 et le 31 mai 2005 ; que toutefois, et ainsi qu'il l'a été dit précédemment, par son arrêt du 6 avril 2007, la Cour de céans a mis à la charge du département de Haute-Corse, sur le fondement de la responsabilité pour dommages de travaux publics, l'indemnisation du quart des loyers perdus par M. A pour la même période ; que dans ces conditions, il sera fait une exacte appréciation du préjudice non encore indemnisé dont M. A peut obtenir réparation au titre des loyers perdus en fixant à 14.000 euros l'indemnité que devra lui verser la commune de Bastia ; que cette somme sera assortie des intérêts à compter de la demande préalable reçue en mairie de 3 août 2005 ; qu'à cette date du 3 août 2005, il n'était toutefois pas dû une année d'intérêts ; que les intérêts ne seront donc capitalisés pour produire eux-mêmes intérêts qu'à compter du 3 août 2006 et à chaque échéance annuelle ;

Considérant, enfin, qu'il y a lieu de mettre à la charge de la commune de Bastia une somme de 1.500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du Tribunal administratif de Bastia du 20 septembre 2007 attaqué est annulé.

Article 2 : La commune de Bastia est condamnée à verser à M. Pierre A une somme de 14.000 euros. Cette somme produira intérêts à compter du 3 août 2005. Les intérêts seront capitalisés pour produire eux-mêmes intérêts à compter du 3 août 2006 et à chaque échéance annuelle.

Article 3 : La commune de Bastia versera à M. A une somme de 1.500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. Pierre A, à la commune de Bastia et au ministre de l'écologie, de l'énergie, du développement durable et de la mer.


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 6ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 07MA04449
Date de la décision : 29/04/2010
Type d'affaire : Administrative

Composition du Tribunal
Président : M. GUERRIVE
Rapporteur ?: Mme Sylvie FAVIER
Rapporteur public ?: M. MARCOVICI
Avocat(s) : POLETTI

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2010-04-29;07ma04449 ?
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