Vu la requête, enregistrée le 12 décembre 2007 au greffe de la Cour administrative d'appel de Marseille, sous le n° 07MA04835, présentée pour la SOCIETE ESA, dont le siège social est situé Castello di Rostino à Ponte Novo (20235), par la SCP d'avocats Colonna d'Istria-Gasior ;
La SOCIETE ESA demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 0600348 du 18 octobre 2007 par lequel le Tribunal administratif de Bastia a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision par laquelle le maire de la commune d'Ajaccio a attribué le marché relatif à la refonte de la signalisation directionnelle de la commune à la société L.R.S. ;
2°) d'annuler ladite décision ;
3°) de mettre à la charge de la commune d'Ajaccio une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
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Vu le jugement attaqué ;
Vu le mémoire en défense, enregistré le 15 décembre 2008, présenté pour la commune d'Ajaccio par la SCP d'avocats Roux-Lang Cheymol - Canizares - Le Fraper du Hellen - Bras ; la commune d'Ajaccio demande à la Cour de rejeter la requête, de confirmer le jugement et de mettre à la charge de la SOCIETE ESA une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Elle soutient, à titre principal, que les conclusions de la requête tendant à ce que la Cour constate l'ajout d'un critère de sélection non prévu au règlement de la consultation, la modification d'un critère de sélection et de la hiérarchie des critères de sélection définis dans le règlement de consultation, les irrégularités du système d'évaluation et le non-respect de la régularité de la mise en concurrence des entreprises candidates au marché, sont irrecevables ; qu'en effet, il n'appartient pas au juge administratif de prononcer des déclarations de droit ; qu'en outre, si l'appelante avait entendu solliciter l'annulation de la procédure de passation du marché, elle devait, en application des dispositions de l'article L. 523-1 du code de justice administrative, saisir le Tribunal administratif d'un référé précontractuel ; à titre subsidiaire, que la demande de première instance était irrecevable ; qu'en effet, elle a été présentée par la SARL ESA et non par le groupement auquel elle appartenait avec la société Signature SA au moment du dépôt de la candidature ; que la requérante n'ayant pas participé à l'appel d'offres à titre individuel, elle doit être regardée comme étant dénuée d'intérêt à agir ; qu'il appartenait à la société Signature SA, qui a été choisie comme mandataire du groupement, d'engager un éventuel contentieux ; que les demandes de première instance en déclaration de droits sont irrecevables ; à titre infiniment subsidiaire, que le moyen tiré de la modification des critères de sélection doit être écarté ; qu'en effet, le règlement de consultation pose trois critères de jugement des offres, dont la valeur technique, qui comprend les moyens matériels mobilisés pour la réalisation des prestations ; que conformément aux documents de la consultation, la valeur technique a été appréciée en partie à la lumière des échantillons remis par les candidats, échantillons permettant de se rendre compte de la qualité ; que le fait que l'examen des échantillons constitue les deux tiers de la note correspondant à la valeur technique ne suffit pas pour autant à démontrer qu'elle a modifié ses critères de sélection des offres et leur pondération ; qu'elle a pu valablement fonder son appréciation sur un sous-critère ; que le moyen tiré d'un prétendu favoritisme en ce qui concerne les caractéristiques techniques des panneaux doit être écarté ; qu'en effet, elle n'a pas entendu favoriser l'entreprise L.R.S. en précisant dans le cahier des clauses techniques particulières que les mâts seraient anodisés et que les dispositifs de fixation des panneaux de signalisation seraient équipés de cache-colliers pour les panneaux SD2 ; qu'en effet, de nombreuses entreprises disposent, à l'instar de la société L.R.S., de produits et de techniques de production permettant de répondre à de telles exigences ; que, par ailleurs, un cache-collier ne constitue pas un élément esthétique d'un panneau de signalisation routière mais un élément technique spécifique permettant d'éviter un éventuel démontage des boulons de fixation ; que la pose de cache-colliers facilite l'entretien et le nettoyage des panneaux ; que l'exigence de cache-colliers s'inscrit donc dans le cadre d'un ensemble technique de renforcement de la qualité des matériaux ; qu'en outre, le respect des normes d'homologation est une condition nécessaire mais non suffisante pour l'octroi d'un marché ; que, de plus, la note technique attribuée à la société L.R.S., dont les panneaux traditionnels dos fermé ne présentent pas de colliers apparents mais comportent un cache-collier, n'est pas irrégulière ; que le moyen tiré de l'irrégularité du système de notation des candidats doit être écarté ; qu'en effet, il n'y a pas eu d'erreur en ce qui concerne la notation de la valeur technique ; que le planning des travaux constitue une indication et non pas un élément déterminant de la valeur technique de l'offre ; que le caractère non apparent des rails ne contrevient pas aux modalités de fixation des panneaux telles que prévues par le cahier des clauses techniques particulières ; que le planning prévisionnel permet d'évaluer la valeur technique et non le délai d'exécution du marché ;
que c'est à juste titre qu'elle a retenu le délai maximal de 26 semaines prévu par le CCAP pour les sociétés L.R.S. et S.E.S., dès lors que celles-ci, si elle n'ont pas produit de planning, ont renvoyé le CCAP approuvé et signé ;
Vu la mise en demeure adressée le 18 décembre 2008 à la société L.R.S., en application de l'article R. 612-3 du code de justice administrative, et l'avis de réception de cette mise en demeure ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code des marchés publics ;
Vu l'arrêté du 27 janvier 2009 fixant la liste des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel autorisés à appliquer, à titre expérimental, les dispositions de l'article 2 du décret n° 2009-14 du 7 janvier 2009 ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 4 février 2010 :
- le rapport de Mme Jorda-Lecroq, rapporteur ;
- les conclusions de M. Dieu, rapporteur public ;
- les observations de Me Saules, substituant Me Bras, représentant la commune d'Ajaccio ;
Considérant que la commune d'Ajaccio a lancé en septembre 2003 un appel d'offres ouvert en vue de l'attribution du marché de la refonte de la signalisation directionnelle ; que l'offre du groupement auquel participait la SOCIETE ESA a été écartée par une décision du 14 décembre 2005 de la commission d'appel d'offres ; que la SOCIETE ESA relève appel du jugement du 18 octobre 2007 par lequel le Tribunal administratif de Bastia a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision par laquelle le maire de la commune d'Ajaccio a attribué le marché à la société L.R.S. ;
Sur la fin de non-recevoir opposée par la commune d'Ajaccio à la requête d'appel :
Considérant qu'il est constant que la SOCIETE ESA a participé au groupement SIGNATURE/ESA qui a pris part à l'appel d'offres ouvert de la commune d'Ajaccio et dont l'offre a été écartée ; qu'elle a intérêt à l'annulation de la décision litigieuse, bien que cette dernière n'ait pas été contestée par ailleurs par ledit groupement ;
Sur les fins de non-recevoir opposées par la commune d'Ajaccio à la demande de première instance :
Considérant, en premier lieu, pour le même motif que celui retenu précédemment, la fin de non-recevoir opposée par la commune d'Ajaccio et tirée de l'absence d'intérêt à agir de la SOCIETE ESA doit être écartée ;
Considérant, en deuxième lieu, que la demande de première instance de la SOCIETE ESA tend à l'annulation de la décision d'attribution du marché et non à la suspension en référé de sa signature ; que la fin de non-recevoir tirée de l'incompétence de la formation collégiale pour en connaître doit donc être écartée ;
Considérant, en troisième lieu, qu'il ressort des pièces du dossier que la décision d'attribution du marché contestée, laquelle n'avait pas à être notifiée à la SOCIETE ESA, qui n'en a pas été destinataire, a été produite par la commune d'Ajaccio à la demande du Tribunal ; que, dès lors, la fin de non-recevoir tirée de l'absence de production de la décision contestée doit être écartée ;
Considérant, enfin, que les conclusions présentées par la SOCIETE ESA tendent à l'annulation de la décision par laquelle le maire de la commune d'Ajaccio a attribué le marché à la société L.R.S. ; que de telles conclusions à fin d'annulation sont recevables ; que, par suite, la fin de non-recevoir tirée de l'irrecevabilité de conclusions aux fins de déclarations de droit doit être écartée ;
Sur les conclusions à fin d'annulation :
Sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête ;
Considérant qu'aux termes du dernier alinéa du II de l'article 53 du code des marchés publics dans sa rédaction issue du décret n° 2004-15 du 7 janvier 2004 applicable à l'espèce : Les critères sont définis dans l'avis d'appel public à la concurrence ou dans le règlement de la consultation. Ces critères sont pondérés ou à défaut hiérarchisés ;
Considérant qu'en vertu de l'article 4 du règlement de la consultation relatif à la passation du marché litigieux, le jugement des offres devait être effectué à partir des critères suivants classés par ordre décroissant d'importance : - Valeur technique 40 % - Mémoire technique indiquant notamment la provenance, la qualité des matériaux proposés, les procédés d'exécution, les moyens humains (nombre, qualifications), les moyens matériels mobilisés pour la réalisation des prestations ainsi qu'un projet de plan d'assurance qualité. Le candidat proposera en outre un planning de réalisation faisant apparaître les différentes phases du chantier. - Prix des prestations 40% - Délai 20 % ; que, si le règlement de la consultation prévoyait par ailleurs, au titre des pièces à fournir par les candidats, des échantillons gratuits de panneaux et de mâts et de signalisation directionnelle conformes aux produits proposés dans leurs offres, il ne précisait toutefois nullement que l'évaluation de ces échantillons constituait l'un des sous-critères de l'appréciation de la valeur technique des offres ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier, et notamment du tableau récapitulatif de la notation technique établi par la commune d'Ajaccio, que celle-ci a apprécié la valeur technique des offres en se fondant sur les échantillons des panneaux fournis et le mémoire technique des groupements et entreprises, tout en conférant au premier de ces deux sous-critères un coefficient de pondération correspondant aux deux-tiers de la note technique attribuée à chaque concurrent ; que la ville d'Ajaccio n'a pu régulièrement prendre ainsi en considération l'examen des échantillons, dès lors que ce sous-critère, affecté d'une importante pondération, n'était pas prévu par les documents de la consultation ; qu'il en résulte que la SOCIETE ESA, laquelle a d'ailleurs pu être lésée par ce manquement, dès lors qu'elle a obtenu sur le critère valeur technique une note très inférieure à celle du candidat retenu, est fondée à demander l'annulation de la décision contestée ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la SOCIETE ESA est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Bastia a rejeté sa demande ;
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant qu'aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation. ;
Considérant, d'une part, qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la commune d'Ajaccio une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par la SOCIETE ESA et non compris dans les dépens ; que, d'autre part et en revanche, les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la SOCIETE ESA, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que demande la commune d'Ajaccio au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;
D E C I D E :
Article 1er : Le jugement du Tribunal administratif de Bastia en date du 18 octobre 2007 et la décision par laquelle le maire de la commune d'Ajaccio a attribué le marché à la société L.R.S. sont annulés.
Article 2 : La commune d'Ajaccio versera à la SOCIETE ESA une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Les conclusions de la commune d'Ajaccio présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la SOCIETE ESA, à la commune d'Ajaccio, à la société L.R.S. et au ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales.
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