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21/01/2010 | FRANCE | N°08MA00662

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 7ème chambre - formation à 3, 21 janvier 2010, 08MA00662


Vu la requête, enregistrée le 13 février 2008 au greffe de la Cour Administrative d'Appel de Marseille sous le n° 08MA00662, présentée pour M. Abdelkader A, demeurant ..., par Me Ferraiuolo, avocat ;

M. A demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0624864 du 6 décembre 2007 par lequel le Tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande tendant à la condamnation de l'Etat à lui verser une somme de 66 500 euros en réparation des préjudices subis du fait des refus et retards du préfet de Vaucluse dans la délivrance des titres de séjour auxquels il avait

droit ;

2°) de condamner l'Etat à lui verser la somme de 66 500 euros, assort...

Vu la requête, enregistrée le 13 février 2008 au greffe de la Cour Administrative d'Appel de Marseille sous le n° 08MA00662, présentée pour M. Abdelkader A, demeurant ..., par Me Ferraiuolo, avocat ;

M. A demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0624864 du 6 décembre 2007 par lequel le Tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande tendant à la condamnation de l'Etat à lui verser une somme de 66 500 euros en réparation des préjudices subis du fait des refus et retards du préfet de Vaucluse dans la délivrance des titres de séjour auxquels il avait droit ;

2°) de condamner l'Etat à lui verser la somme de 66 500 euros, assortie des intérêts au taux légal, avec capitalisation, en application des dispositions de l'article 1154 du code civil, des intérêts échus à compter de la demande indemnitaire préalable du 1er décembre 2004 ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 300 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

.....................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code civil ;

Vu l'arrêté du 27 janvier 2009 fixant la liste des tribunaux et des cours administratives d'appel autorisés à appliquer, à titre expérimental, les dispositions de l'article 2 du décret n° 2009-14 du 7 janvier 2009 ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 17 décembre 2009 :

- le rapport de Mme Jorda-Lecroq, rapporteur,

- les conclusions de M. Dieu, rapporteur public ;

Considérant que M. A, de nationalité marocaine, né en 1963, est entré en France dans le cadre d'une procédure de regroupement familial en 1977, à l'âge de 14 ans ; qu'il a bénéficié à compter de sa majorité d'une carte de résident valable dix ans, régulièrement renouvelée le 2 février 1990 ; qu'ayant sollicité le 10 avril 2000 le renouvellement de son titre de séjour, il a fait l'objet le 21 septembre 2000 d'une décision de rejet du préfet de Vaucluse prise au double motif de la tardiveté de sa demande et de la menace à l'ordre public représentée par sa présence sur le territoire français ; que, par jugement en date du 13 juin 2003 devenu définitif, le Tribunal administratif de Marseille a annulé pour excès de pouvoir, au motif de l'incompétence du signataire de l'acte, la décision en date du 21 septembre 2000 ; que par ailleurs, l'arrêté de reconduite à la frontière pris par le préfet de Vaucluse à l'encontre de M. A le 6 novembre 2000 a été annulé par un jugement du magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Marseille en date du 24 janvier 2001 ; que cette annulation a été confirmée, après substitution de motifs, par une décision du Conseil d'Etat en date du 23 janvier 2002 ayant accueilli l'exception d'illégalité du refus de séjour du 21 septembre 2000 en raison de l'erreur manifeste dont celui-ci était entaché dans l'appréciation de la gravité de la menace à l'ordre public représentée par la présence de l'intéressé sur le territoire français ; qu'à la suite de ces annulations, le préfet de Vaucluse a délivré à M. A différentes autorisations provisoires de séjour à compter du 28 juin 2002, puis à compter du 21 mai 2003, des cartes de séjour temporaires successives portant la mention salarié et valables un an ; que M. A relève appel du jugement en date du 8 octobre 2007 par lequel le Tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande tendant à la condamnation de l'Etat à lui verser une somme de 66 500 euros en réparation des préjudices subis du fait des refus et retards du préfet de Vaucluse dans la délivrance des titres de séjour auxquels il avait droit ;

Sur la responsabilité :

Considérant, d'une part, que les décisions illégales de refus de titre de séjour et de reconduite à la frontière opposées à M. A les 21 septembre et 6 novembre 2000 sont de nature à engager la responsabilité de l'Etat à raison des préjudices directs et certains qu'elles lui ont causé ;

Considérant, d'autre part, qu'il est constant que M. A a résidé régulièrement sur le territoire national entre 1977 et le 1er février 2000, soit durant une période de 23 ans ; qu'à la suite de la notification du jugement du Tribunal administratif de Marseille en date du 24 janvier 2001 annulant la mesure de reconduite à la frontière de M. A, le préfet de Vaucluse était tenu de délivrer sans délai à celui-ci une autorisation provisoire de séjour le temps nécessaire au réexamen de sa situation ; qu'il est constant que cette délivrance n'est intervenue que le 28 juin 2002, soit dans un délai de dix-sept mois ; que, par ailleurs, M. A est resté placé sous le régime d'autorisations provisoires de séjour ne lui accordant pas le droit au travail durant onze mois supplémentaires, alors que le traitement de son dossier ne posait pas de difficulté particulière ; que, dans ces conditions, le retard dans la délivrance imputable au préfet de Vaucluse est également constitutif d'une faute de nature à engager la responsabilité de l'Etat ;

Sur les préjudices :

Considérant que M. A, qui a fait état, dans sa demande introductive d'instance, du préjudice matériel résultant pour lui de la perte de chance de trouver un emploi ou de bénéficier des ASSEDIC au cours de la période où il n'a pas bénéficié d'une autorisation ou d'un titre de séjour l'autorisant à travailler, ne justifie pas, par les pièces qu'il produit, de la réalité de la perte de chance sérieuse d'obtention du bénéfice des ASSEDIC ou d'un emploi pour l'ensemble de la période de responsabilité de l'Etat ; que, par ailleurs, il n'établit pas plus avoir personnellement exposé de frais relatifs aux procédures engagées pour la contestation des décisions illégales dont il a fait l'objet ; que ses demandes présentées à ces titres doivent donc être rejetées ;

Considérant, en revanche, qu'il résulte de l'instruction que M. A a fait l'objet le 21 février 2001 d'une décision de la commission départementale d'aide sociale de Vaucluse confirmant le refus d'attribution du bénéfice du revenu minimum d'insertion dont il avait fait l'objet le 15 décembre 2000, au motif du défaut de titre de séjour en cours de validité ; que, dès lors, l'intéressé établit avoir été privé de la perception du revenu minimum d'insertion à compter du 21 février 2001 et jusqu'à la fin de la période de responsabilité de l'Etat ; qu'il en est résulté un préjudice direct et certain qui doit être intégralement réparé, à hauteur de la somme de 11 000 euros ; que, par ailleurs, eu égard à sa situation personnelle et familiale, M. A établit également avoir souffert, en raison des décisions illégales de refus de séjour et de reconduite à la frontière et du retard dans la délivrance d'une autorisation provisoire puis d'un titre de séjour, d'un préjudice moral et de troubles dans ses conditions d'existence ; qu'il sera fait une juste appréciation de ces chefs de préjudices en les évaluant à la somme de 3 000 euros ; que le montant total du préjudice dont l'Etat doit supporter la réparation s'élève ainsi à la somme totale de 14 000 euros ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. A est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande d'indemnisation ;

Sur les intérêts et les intérêts des intérêts :

Considérant, d'une part, que le requérant a droit aux intérêts sur la somme que l'Etat est condamné à lui verser à compter du 7 décembre 2004, date de réception de sa réclamation préalable par le préfet de Vaucluse ;

Considérant, d'autre part, qu'aux termes de l'article 1154 du code civil : Les intérêts échus des capitaux peuvent produire des intérêts, ou par une demande judiciaire, ou par une convention spéciale, pourvu que, soit dans la demande, soit dans la convention, il s'agisse d'intérêts dus au moins pour une année entière ; que pour l'application des dispositions précitées, la capitalisation des intérêts peut être demandée à tout moment devant le juge du fond ; que cette demande prend toutefois effet au plus tôt à la date à laquelle elle est enregistrée et pourvu qu'à cette date il s'agisse d'intérêts dus au moins pour une année entière ; que, le cas échéant, la capitalisation s'accomplit à nouveau à l'expiration de chaque échéance annuelle ultérieure sans qu'il soit besoin de formuler une nouvelle demande ; que M. BOUDADZELMAT a donc droit à la capitalisation des intérêts échus à la date du 13 février 2008, date de sa demande d'anatocisme ; qu'il y a lieu dès lors de faire droit à cette demande tant à cette date qu'à chaque échéance annuelle à compter de cette date ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation. ;

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros au titre des frais exposés par M. A et non compris dans les dépens ;

D É C I D E :

Article 1er : Le jugement du Tribunal administratif de Nîmes du 6 décembre 2007 est annulé.

Article 2 : L'Etat est condamné à verser à M. A la somme de 14 000 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter du 7 décembre 2004. Les intérêts échus le 13 février 2008 puis à chaque échéance annuelle à compter de cette date seront capitalisés à chacune de ces dates pour produire eux-mêmes intérêts.

Article 3 : L'Etat versera à M. A une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus de la demande de M. A devant le Tribunal administratif de Nîmes et le surplus de ses conclusions d'appel sont rejetés.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. Abdelkader A et au ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire.

Copie en sera adressée au préfet de Vaucluse.

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N° 08MA00662

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 7ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 08MA00662
Date de la décision : 21/01/2010
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme BUCCAFURRI
Rapporteur ?: Mme Karine JORDA-LECROQ
Rapporteur public ?: M. DIEU
Avocat(s) : FERRAIUOLO

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2010-01-21;08ma00662 ?
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