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09/11/2009 | FRANCE | N°07MA00594

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 6ème chambre - formation à 5, 09 novembre 2009, 07MA00594


Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour administrative d'appel de Marseille le

21 février 2007, sous le n° 07MA00594, présentée pour la SOCIETE VIGITEL, dont le siège social est situé 187-189 boulevard Saint-Denis à Courbevoie (92400), par Me Barbançon-Hillion, avocat ;

La SOCIETE VIGITEL demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0303748 en date du 22 décembre 2006, par lequel le Tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande tendant à la condamnation de la commune de Fréjus à lui verser la somme de 783.783,40 euros, assortie des inté

rêts au taux légal à compter du 4 février 1998, au titre des investissements non amo...

Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour administrative d'appel de Marseille le

21 février 2007, sous le n° 07MA00594, présentée pour la SOCIETE VIGITEL, dont le siège social est situé 187-189 boulevard Saint-Denis à Courbevoie (92400), par Me Barbançon-Hillion, avocat ;

La SOCIETE VIGITEL demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0303748 en date du 22 décembre 2006, par lequel le Tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande tendant à la condamnation de la commune de Fréjus à lui verser la somme de 783.783,40 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter du 4 février 1998, au titre des investissements non amortis lors de la résiliation du contrat de concession des activités de télésurveillance et de vidéosurveillance dans la commune de Fréjus signé le 10 novembre 1989 avec la SEMAF, la somme de 78.378,34 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter du 4 février 1998, au titre de l'indemnité contractuelle de résiliation et la somme de 150.000 euros à titre de dommages-intérêts pour le préjudice subi du fait des agissements fautifs de la commune de Fréjus, outre la capitalisation des intérêts ;

2°) de condamner la commune de Fréjus à lui payer au titre de l'indemnité de résiliation la somme de 3.305.330,36 F soit 503.894,37 euros, ou à titre subsidiaire la somme de 607.761 euros, ainsi qu'une somme de 826.123 euros à titre de dommages-intérêts, ou à titre infiniment subsidiaire la somme de 1.448.405,09 euros ;

3°) de condamner la commune de Fréjus à lui verser une somme de 7.500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

......................................................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le décret n° 2009-14 du 7 janvier 2009 relatif au rapporteur public des juridictions administratives et au déroulement de l'audience devant ces juridictions ;

Vu l'arrêté du vice-président du Conseil d'Etat en date du 27 janvier 2009 fixant la liste des tribunaux administratifs et cours administratives d'appel autorisés à appliquer, à titre expérimental, les dispositions de l'article 2 du décret n° 2009-14 du 7 janvier 2009 ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 5 octobre 2009 :

- le rapport de Mme Markarian, rapporteur ;

- les conclusions de M. Marcovici, rapporteur public ;

- les observations de Me Barbançon Hillion pour la société VIGITEL et de Me Capiaux pour la commune de Fréjus ;

Considérant que la société d'économie mixte de l'aire de Fréjus (SEMAF), délégataire de la gestion et de l'exploitation de Port-Fréjus, a conclu le 10 novembre 1989 avec la société Alarme et protection, aux droits de laquelle est venue la société VIGITEL dans le cadre du présent litige, un contrat pour une durée de quatorze ans confiant à la société Alarme et Protection la télésurveillance de la zone de Port-Fréjus ; que les contrats de la SEMAF ayant été repris par la commune de Fréjus, celle-ci a informé la société Alarme et Protection, par courrier en date du 23 juin 1997, qu'elle résiliait le contrat de télésurveillance qui prendrait ainsi fin au 31 décembre 1997 ; que la société Alarme et Protection n'ayant pas cessé son activité, la commune de Fréjus, persistant dans sa volonté de résilier la convention en cause, a sollicité la nomination d'un expert afin qu'il détermine le montant des indemnités de résiliation qu'elle était tenue de verser en application de l'article 3 de la convention en cause ; que l'expert a rendu son rapport le 20 octobre 1999 ; qu'en l'absence de réponse à sa demande d'indemnisation d'un montant de 862.161,74 euros à raison de la résiliation du contrat, outre le paiement de prestations dues pour l'année 1998, la société VIGITEL a saisi le tribunal administratif de Nice à fin de condamnation de la commune de Fréjus à lui verser cette somme, ainsi qu'une somme de 150.000 euros à titre de dommages-intérêts à raison des agissements fautifs de la commune ; que par un jugement en date du 22 décembre 2006, le tribunal administratif de Nice a rejeté cette demande au motif, d'une part, qu'en raison de la nullité de la convention, la société VIGITEL ne pouvait prétendre au versement d'une indemnité de résiliation, d'autre part, qu'elle n'établissait pas avoir subi un préjudice en lien avec la faute commise par la commune ; que la société VIGITEL relève appel de ce jugement ;

Sur la légalité de la convention :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 2212-2 du code général des collectivités territoriales : La police municipale a pour objet d'assurer le bon ordre, la sûreté, la sécurité et la salubrité publiques. Elle comprend notamment : 1° Tout ce qui intéresse la sûreté et la commodité du passage dans les rues, quais, places et voies publiques, ce qui comprend le nettoiement, l'éclairage, l'enlèvement des encombrements, la démolition ou la réparation des édifices et monuments funéraires menaçant ruine, l'interdiction de rien exposer aux fenêtres ou autres parties des édifices qui puisse nuire par sa chute ou celle de rien jeter qui puisse endommager les passants ou causer des exhalaisons nuisibles ainsi que le soin de réprimer les dépôts, déversements, déjections, projections de toute matière ou objet de nature à nuire, en quelque manière que ce soit, à la sûreté ou à la commodité du passage ou à la propreté des voies susmentionnées ; 2° Le soin de réprimer les atteintes à la tranquillité publique telles que les rixes et disputes accompagnées d'ameutement dans les rues, le tumulte excité dans les lieux d'assemblée publique, les attroupements, les bruits, les troubles de voisinage, les rassemblements nocturnes qui troublent le repos des habitants et tous actes de nature à compromettre la tranquillité publique ; 3° Le maintien du bon ordre dans les endroits où il se fait de grands rassemblements d'hommes, tels que les foires, marchés, réjouissances et cérémonies publiques, spectacles, jeux, cafés, églises et autres lieux publics (...) ; qu'aux termes de l'article 1er de la concession passée entre la commune de Fréjus et la SEMAF : (...) 1-2 Le concessionnaire doit assurer la création, l'entretien et l'exploitation des équipements et installations nécessaires à la réalisation et au fonctionnement du port (...) à savoir feux de signalisation, ouvrages de protection, plan d'eau, ouvrages d'amarrage et mouillage équipés nécessaires au stationnement et à l'entretien des bateaux, ouvrages de mise à terre et de mise à l'eau des bateaux, réseaux de distribution d'eau douce et d'énergie électrique, installations d'avitaillement en combustibles et accostages des vedettes à passagers, aire de carénage, voies de dessertes intérieures à la concession, bâtiments d'accueil et locaux de service, installations sanitaires et de sécurité, mâts et signaux du port (...) ; qu'aux termes de l'article 26 de cette concession : Le concessionnaire est soumis, d'une part, aux règlements généraux du port à l'intérieur duquel il peut se trouver et, d'autre part, aux règlements particuliers qui sont pris pour l'exploitation de l'ensemble portuaire concédé (...) La police du port est assurée par un officier de port ou par un surveillant désigné par l'autorité concédante et secondé par un ou plusieurs agents du concessionnaire dûment assermentés ; qu'aux termes de l'article 1 de la convention dite de concession conclue entre la SEMAF et la société Alarme et Protection conclue le 10 novembre 1989 : Le concédant donne en concession à la SARL Alarme et Protection qui accepte la réalisation et l'exploitation, dans les conditions ci-après énumérées, de la télésurveillance d'alarme et vidéosurveillance de Port-Fréjus. Ce traité de concession comporte notamment les prestations suivantes : - la conception, le financement, l'installation, l'équipement et la maintenance d'un centre de télésurveillance et des divers équipements qui lui sont rattachés, ainsi que des matériels et équipements nécessaires au fonctionnement du système de surveillance installé sur l'ensemble de la zone comprenant le port, les bateaux, les voies et les rues ainsi que les immeubles dont les promoteurs demanderont l'équipement ; - le service de transmission des alarmes depuis les divers points de surveillance qui font partie de la concession exclusive ; -le service de télésurveillance des alarmes dans d'autres locaux qui sont exclus de la concession ; - la mise en oeuvre des services d'exploitation et la présentation d'un budget prévisionnel de fonctionnement qui devra recevoir l'agrément du concédant (...) ; qu'aux termes de l'article 2 relatif à l'étendue de la concession : La concession comporte quatre fonctions différentes :- 1) l'équipement d'un poste central de réception ; 2) la télésurveillance du bassin portuaire ; 3) la télésurveillance de la zone urbaine ; 4) la télésurveillance des locaux commerciaux ou d'habitation dans les immeubles ; Le service consiste : - dans la surveillance directe et permanente du bassin portuaire et de la zone urbaine ; - dans la réception des alarmes ; -dans le traitement des alarmes ;

Considérant que la SEMAF ayant en charge l'exploitation des équipements et installations de Port-Fréjus, dont les installations de sécurité, a confié à la société Alarme et Protection l'aménagement et la gestion d'un réseau logistique de télésurveillance par caméras et bornes anti-panique sur l'ensemble de la zone portuaire concédée comprenant le port, les bateaux et les voies ; que la société Alarme et Protection assurait la transmission et la gestion des alarmes et alertait en cas de besoin, soit le commissariat de police en cas d'alarme agression, soit le service local des pompiers en cas d'alarme incendie, soit le service d'EDF compétent en cas de panne d'électricité ; qu'elle surveillait également par caméras la zone de Port-Fréjus, en déclenchant d'éventuelles interventions dans la zone dite urbaine et en étroite liaison et sous l'autorité de la capitainerie dans la zone portuaire ; qu'ainsi, la société Alarme et Protection retransmettait seulement des informations, n'avait pas en charge la protection effective des lieux et ne procédait pas à la constatation et à la répression des infractions commises aux règlements de police ; que, dès lors, un tel contrat s'il faisait participer la société Alarme et Protection à la mission exercée par le concessionnaire, pour le compte et sous l'autorité de la commune de Fréjus, n'avait pas pour autant pour objet de lui confier une mission de police administrative ; qu'il résulte de ce qui précède que la société VIGITEL est fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Nice a estimé que la convention confiait à la société Alarme et Protection une mission relevant de la compétence de police administrative du maire définie par les dispositions susvisées de l'article L. 2212-2 du code général des collectivités territoriales et était par suite entachée de nullité ; qu'il en résulte que la société VIGITEL peut utilement fonder la demande indemnitaire sur les clauses de ce contrat ;

Sur l'indemnité de résiliation :

Considérant qu'aux termes de l'article 3 du traité de concession : La présente concession est conclue pour une période de quatorze ans à compter de la date de signature des présentes. (...) Le présent contrat pourra être résilié par la SEMAF dans les conditions définies ci-après et à l'article 40 de la présente convention ; a) La résiliation prendra effet à la fin d'une année civile ; b) Hormis les motifs de résiliation prévus à l'article 40 susvisé, la notification de la résiliation sera faite par lettre recommandée avec avis de réception six mois avant la date de prise d'effet. A la date de prise d'effet de la résiliation, prononcée du fait de la SEMAF, le concédant versera au concessionnaire une somme comprenant la partie non amortie des investissements réalisés par le concessionnaire, à l'exclusion de tous frais financiers qu'il aurait pu supporter pour l'application du présent traité de concession et une indemnité de résiliation égale à 10 % de cette part non amortie (...) ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction, notamment du rapport de l'expert, que si la société VIGITEL a estimé le montant des investissements non amortis à la somme de 5 141 282,05 F, il convient, d'une part, et afin que la durée d'amortissement corresponde à une durée d'utilisation normale des matériels concernés, de prendre une durée d'amortissement linéaire de 5 ans pour le matériel et outillage, le matériel de transport et le matériel de bureau et informatique, de 10 ans pour les installations et agencements et le mobilier de bureau, et non la durée de 14 ans prévue du contrat ; que, d'autre part, les investissements réalisés entre le 1er janvier 1996 et le 31 décembre 1997 ne peuvent être pris en compte puisque l'avenant signé le 29 juillet 1996, avec effet rétroactif au 1er janvier 1996, prévoyait que la maintenance devait désormais incomber à la SEMAF et, qu'en conséquence, la société Alarme et Protection ne devait plus effectuer aucun investissement sans l'accord du concédant ; qu'après déduction du

différentiel des durées d'amortissements, des investissements réalisés entre le 1er janvier 1996 et le 31 décembre 1997 ainsi que d'une opération de crédit-bail effectuée le 1er janvier 1997, non contestée par la société VIGITEL, le montant des investissements non amortis s'élève à la somme de 490 201,62 F soit 74 730,76 euros ; qu'en application des dispositions susvisées de l'article 3 de la convention, la commune de Fréjus doit être condamnée à verser à la société VIGITEL au titre des investissements non amortis la somme de 74 730,76 euros, ainsi qu'une indemnité de résiliation égale à 10 % de cette part non amortie égale à 7 473 euros, soit une somme totale de 82 203,76 euros ;

Considérant que la société VIGITEL a droit aux intérêts au taux légal à compter de sa demande en date du 17 avril 2003 ; qu'il y a lieu de faire droit à la demande de capitalisation des intérêts, demandée à l'appui de la demande devant le tribunal le 1er août 2003, à compter du 17 avril 2004 et à chaque échéance annuelle ;

Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application de ces dispositions et de mettre à la charge de la commune de Fréjus, qui reste tenue aux dépens, la somme de 3.000 euros au titre des frais exposés par la société VIGITEL ; qu'en revanche, ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de la société VIGITEL, qui n'est pas la partie perdante, la somme demandée par la commune de Fréjus à ce titre ;

DECIDE :

Article 1 : Le jugement du tribunal administratif de Nice en date du 22 décembre 2006 est annulé.

Article 2 : La ville de Fréjus est condamnée à payer à la société VIGITEL la somme de 82.203,76 euros augmentée des intérêts moratoires à compter du 17 avril 2003. Les intérêts échus le 17 avril 2004 seront capitalisés à cette date puis à chaque échéance annuelle à compter de cette date pour produire eux-mêmes intérêts.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 4 : La commune de Fréjus versera à la société VIGITEL une somme de 3.000 euros au titre des frais exposés par elles et non compris dans les dépens.

Article 5 : Les conclusions de la commune de Fréjus présentées sur le fondement de l'article

L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à la société VIGITEL à la commune de Fréjus et au ministre de l'écologie, de l'énergie, du développement durable et de la mer.

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 6ème chambre - formation à 5
Numéro d'arrêt : 07MA00594
Date de la décision : 09/11/2009
Type d'affaire : Administrative

Composition du Tribunal
Président : M. GUERRIVE
Rapporteur ?: Mme Ghislaine MARKARIAN
Rapporteur public ?: M. MARCOVICI
Avocat(s) : BARBANCON HILLION

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2009-11-09;07ma00594 ?
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