La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

05/11/2009 | FRANCE | N°08MA00149

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 3ème chambre - formation à 3, 05 novembre 2009, 08MA00149


Vu, I, sous le n° 08MA00149, la requête, enregistrée le 11 janvier 2008, présentée pour M. Charles X, élisant domicile ..., par Me Ludot ;

M. X demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0600347 en date du 20 décembre 2007 par lequel le Tribunal administratif de Bastia a rejeté sa demande tendant à la condamnation de l'Etat à lui verser la somme de 150 000 euros en réparation des préjudices qui auraient résulté pour lui de la faute qu'aurait commise l'Etat dans la gestion des conséquences sur le territoire français de l'explosion de la centrale nucléaire

de Tchernobyl ;

2°) de condamner l'Etat à lui payer la somme de 150 000 euros...

Vu, I, sous le n° 08MA00149, la requête, enregistrée le 11 janvier 2008, présentée pour M. Charles X, élisant domicile ..., par Me Ludot ;

M. X demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0600347 en date du 20 décembre 2007 par lequel le Tribunal administratif de Bastia a rejeté sa demande tendant à la condamnation de l'Etat à lui verser la somme de 150 000 euros en réparation des préjudices qui auraient résulté pour lui de la faute qu'aurait commise l'Etat dans la gestion des conséquences sur le territoire français de l'explosion de la centrale nucléaire de Tchernobyl ;

2°) de condamner l'Etat à lui payer la somme de 150 000 euros ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros en application de l'article L.761-1 du code de justice administrative ;

.........................................................................................................

Vu, II, sous le n° 08MA00507, la requête, enregistrée le 4 février 2008, présentée pour M. Charles X, demeurant ..., par Me Ludot ;

M. X demande à la Cour :

1°) d'annuler l'ordonnance n° 0600347 en date du 17 janvier 2008 par laquelle le président du Tribunal administratif de Bastia a modifié pour erreur matérielle le jugement n° 0600347 en date du 20 décembre 2007 ;

2°) de condamner l'Etat à lui payer la somme de 150 000 euros ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros en application de l'article L.761-1 du code de justice administrative ;

Vu la loi n° 2002-303 du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé et notamment son article 102 ;

Vu le code de la santé publique ;

Vu le code de justice administrative ;

Vu l'arrêté du vice-président du Conseil d'Etat en date du 27 janvier 2009 fixant la liste des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel autorisés à appliquer, à titre expérimental, les dispositions de l'article 2 du décret n° 2009-14 du 7 janvier 2009 ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 1er octobre 2009 ;

- le rapport de M. Bédier, président-assesseur ;

- et les conclusions de M. Dubois, rapporteur public ;

Considérant que les requêtes susvisées de M. X, enregistrées sous le n° 08MA00149 et le n° 08MA00507 sont relatives au même litige et ont fait l'objet d'une instruction commune ; qu'il y a lieu de les joindre pour statuer par un seul arrêt ;

Considérant que M. X a été victime d'un cancer de la thyroïde détecté au cours de l'année 2001 ; que l'intéressé impute l'apparition de ce cancer aux retombées du nuage radioactif résultant de l'explosion le 26 avril 1986 de la centrale nucléaire de Tchernobyl auxquelles il aurait été exposé à l'âge de neuf ans alors qu'il résidait en Corse et estime que les pouvoirs publics français ont commis une faute en ne dispensant pas une information complète aux populations concernées par les risques d'irradiation et en ne prenant pas les mesures sanitaires qui s'imposaient ; qu'il a saisi en conséquence le Tribunal administratif de Bastia d'une demande d'indemnisation par l'Etat du préjudice résultant de l'affection dont il est atteint et qu'il impute aux conséquences de son exposition aux retombées radioactives ; que, par jugement en date du 20 décembre 2007, rectifié par ordonnance du président du tribunal en date du 17 janvier 2008, le tribunal a rejeté cette demande ; que M. X relève appel de ce jugement et de l'ordonnance qui l'a rectifié et réitère ses conclusions tendant à la condamnation de l'Etat à lui verser la somme de 150 000 euros en réparation de ses préjudices ;

Sans qu'il soit besoin de statuer sur les fins de non-recevoir tirées de l'irrecevabilité de la requête dirigée contre l'ordonnance du 17 janvier 2008 :

Considérant que la responsabilité de l'Etat ne pourrait être engagée en l'espèce que s'il était établi que la pathologie qui se trouve à l'origine du préjudice dont M. X demande réparation résulte directement de son exposition aux retombées radioactives provenant de l'explosion de la centrale de Tchernobyl ; que, contrairement à ce que soutient le requérant, il lui appartient d'établir l'existence de ce lien de causalité, les dispositions de l'article 102 de la loi du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé, qui concernent les seules hypothèses de contamination par le virus de l'hépatite C, ne trouvant pas ici à s'appliquer ;

Considérant, en premier lieu, qu'il résulte de l'instruction et notamment du rapport, déposé le 5 décembre 2005, de l'expert désigné par ordonnance du Tribunal administratif de Bastia en date du 4 juillet précédent qu'aucune relation de cause à effet entre les pathologies thyroïdiennes et le passage en France du nuage consécutif à l'explosion de la centrale de Tchernobyl ne peut, d'une façon générale comme en ce qui concerne la cas plus particulier de M. X, être formellement établie ni même regardée comme probable ;

Considérant, en deuxième lieu, qu'il résulte de l'instruction et notamment des données scientifiques actuellement disponibles, telles que les études menées par le groupe de recherche sur la thyroïde de la société française d'endocrinologie et par l'institut national de veille sanitaire qu'il n'est pas possible de relever une augmentation significative du risque de cancers thyroïdiens chez des patients exposés dans leur enfance, même plus lourdement que dans la région de Corse, aux retombées de l'explosion et que l'augmentation du nombre de cancers thyroïdiens diagnostiqués est très probablement liée à l'amélioration des techniques de dépistage qui se sont généralisées dans les années 1980 et 1990 alors que les méthodes d'investigation étaient quasiment inaccessibles dans les années 1970 ; que les mêmes études scientifiques font apparaître que l'augmentation des cancers thyroïdiens a été statistiquement constatée dans l'ensemble des pays développés, même non touchés par les retombées de l'explosion de la centrale de Tchernobyl, et que les départements français les plus touchés par le nuage radioactif, tels que ceux de l'est et du sud de la France, ne sont pas ceux où est relevée la plus grande augmentation de pathologies, telles que celle dont M. X est victime, liées aux cancers papillaires de la thyroïde ;

Considérant, en troisième lieu, qu'il résulte également de l'instruction et notamment des résultats des enquêtes scientifiques retracés dans le rapport de décembre 2000 de l'Institut national de veille sanitaire relatif à l'évaluation des conséquences sanitaires de l'accident de Tchernobyl en France (page 25 à 39) que, d'une façon générale, les retombées radioactives sur le territoire français se sont révélées d'une intensité, mesurée en milli-Sievert, très inférieure à celle qui est susceptible de favoriser une augmentation significative du nombre de cancers de la thyroïde ; que, plus particulièrement, il résulte des conclusions du même rapport, que des données scientifiques plus récentes ne viennent pas infirmer, que les doses de radiation auxquelles ont été exposés les enfants de dix ans résidant dans la zone du territoire français, comprenant la région de Corse, la plus touchée par les radiations, estimées entre 0,9 et 2,7 milli-Sievert, ne peuvent être regardées comme ayant entraîné un excès de risque significatif de cancer de la thyroïde, un tel risque n'ayant pas été observé dans les études épidémiologiques concernant des enfants exposés à des doses beaucoup plus élevées ; que, dans ces conditions, en l'état actuel des données de la science, le lien de causalité direct entre l'apparition du cancer de la thyroïde dont M. X a été atteint et son exposition aux retombées radioactives de l'explosion de la centrale nucléaire de Tchernobyl dans la région de Corse ne peut être regardé comme établi ; qu'en l'absence d'un tel lien de causalité, le requérant n'est pas fondé à rechercher la responsabilité de l'Etat du fait des carences qui auraient, selon lui, caractérisé la gestion par les pouvoirs publics de la crise sanitaire résultant du passage sur la France en 1986 du nuage radioactif provenant de l'explosion de la centrale ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'ordonner une nouvelle expertise, que M. X n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, rectifié par ordonnance du président du Tribunal administratif de Bastia, ce tribunal a rejeté sa demande ; que doivent être rejetées, par voie de conséquence, ses conclusions tendant au bénéfice des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative ;

D É C I D E :

Article 1er : Les requêtes de M. X sont rejetées.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. Charles X, au ministre de l'écologie, de l'énergie, du développement durable et de la mer, au ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi, au ministre de la santé et des sports et à la caisse primaire d'assurance maladie de Haute-Corse.

Copie en sera adressée à Me Ludot.

''

''

''

''

2

Nos 08MA00149,08MA00507 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 3ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 08MA00149
Date de la décision : 05/11/2009
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. BEDIER
Rapporteur ?: M. Jean-Louis BEDIER
Rapporteur public ?: M. DUBOIS
Avocat(s) : LUDOT

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2009-11-05;08ma00149 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award