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01/09/2009 | FRANCE | N°06MA00679

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 4ème chambre-formation à 3, 01 septembre 2009, 06MA00679


Vu la requête, enregistrée le 3 mars 2006, présentée pour Mme Claudine X, demeurant ..., par Me Curtil ; Mme X demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0105774 0705778 du 13 décembre 2005 par lequel le Tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande en décharge des cotisations supplémentaires à l'impôt sur le revenu et des pénalités y afférentes, ainsi que des contributions sociales, mises à sa charge au titre des années 1992, 1993 et 1994 ;

2°) de prononcer la décharge des impositions contestées et des pénalités y afférentes ;

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Vu la requête, enregistrée le 3 mars 2006, présentée pour Mme Claudine X, demeurant ..., par Me Curtil ; Mme X demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0105774 0705778 du 13 décembre 2005 par lequel le Tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande en décharge des cotisations supplémentaires à l'impôt sur le revenu et des pénalités y afférentes, ainsi que des contributions sociales, mises à sa charge au titre des années 1992, 1993 et 1994 ;

2°) de prononcer la décharge des impositions contestées et des pénalités y afférentes ;

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Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu le code de justice administrative et l'arrêté d'expérimentation du vice-président du Conseil d'Etat en date du 27 janvier 2009 ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 7 juillet 2009,

- le rapport de Mme Mariller, rapporteur ;

- les conclusions de M. Emmanuelli, rapporteur public ;

- et les observations de Me Curtil pour Mme X ;

Considérant que M. et Mme X ont fait l'objet d'un examen contradictoire de leur situation fiscale personnelle portant sur les années 1992, 1993 et 1994, à l'issue duquel le vérificateur leur a notifié, au titre de l'année 1992, un redressement fondé sur les dispositions de l'article 1649 quater A, à raison d'un transfert de fonds en Suisse sans déclaration d'une somme d'un montant de 2 280 000 francs ; qu'ils ont également fait l'objet d'un redressement pour les trois années soumises à vérification portant sur les revenus reconstitués par le vérificateur des avoirs qu'ils détenaient en Suisse, soit la somme de 3 980 000 francs ; que Mme X fait régulièrement appel du jugement du Tribunal administratif de Nice rejetant ses demandes tendant à la décharge de ces redressements et des impositions en procédant ;

Sur le transfert de sommes à l'étranger :

Considérant qu'aux termes de l'article 1649 quater A dans sa rédaction applicable au litige : Les personnes physiques qui transfèrent vers l'étranger ou en provenance de l'étranger des sommes, titres ou valeurs, sans l'intermédiaire d'un organisme soumis à la loi n° 84-46 du 24 janvier 1984 relative à l'activité et au contrôle des établissements de crédit, ou d'un organisme cité à l'article 8 de ladite loi, doivent en faire la déclaration dans les conditions fixées par décret. Une déclaration est établie pour chaque transfert à l'exclusion des transferts dont le montant est inférieur à 50 000 F. Les sommes, titres ou valeurs transférés vers l'étranger ou en provenance de l'étranger constituent, sauf preuve contraire, des revenus imposables lorsque le contribuable n'a pas rempli les obligations prévues aux alinéas précédents. ; qu'il appartient à l'administration d'établir la réalité du transfert des fonds à l'étranger en méconnaissance des formalités exigées par les dispositions de l'article 1649 quater A ; que lorsque l'administration satisfait à cette obligation, il appartient au requérant de combattre la présomption de revenu imposable posée par ces dispositions, en établissant que les fonds transférés à l'étranger sont issus de revenus déjà imposés ou qu'ils n'entrent pas dans le champ d'application de l'impôt, ou qu'il s'agit de revenus exonérés ;

Considérant qu'il résulte des actes notariés des 31 mars et 22 mai 1993, invoqués par l'administration à l'appui de sa démonstration, que M. X a remis à M. Y, conseiller en placements financiers domicilié en Suisse dans le cadre de l'activité professionnelle de celui-ci, la somme globale de 3 980 0000 francs en liquide à l'exception d'un chèque de 100 000 francs aux fins de placements entre le 1er janvier 1990 et le 31 décembre 1992, dont 2 280 000 francs au cours de l'année 1992 ; que cette somme est constituée par cinq remises de fonds d'un montant de 380 000 francs le 30 janvier 1992, d'un montant de 1 000 000 le 6 août 1992, d'un montant de 500 000 francs le 2 septembre 1992, d'un montant de 300 000 francs le 3 décembre 1992 et d'un montant de 100 000 francs par chèque le 9 décembre 1992 ; que dans l'acte notarié du 31 mars 1993, M. Y a expressément indiqué avoir effectué les placements de l'ensemble des sommes au nom de la société Management et Investissements Service dont le siège est à Genève ; que les circonstances invoquées par Mme X, tirées de ce que M. Y s'est déclaré domicilié en France à Feyzin dans le cadre d'une procédure de divorce et de ce qu'il aurait conservé de nombreuses propriétés en France, ne permettent de contester ni sa domiciliation en Suisse, ni le transfert des fonds dans ce pays ; que la requérante, qui conteste à titre subsidiaire le montant du transfert, soutient que ne peuvent être regardées comme ayant été transférées en Suisse en 1992 que les sommes qui, aux termes des déclarations de M. Y, ont fait l'objet d'un investissement à l'étranger au cours de l'année 1992, soit l'acquisition de 75 actions Codril et 75 actions Corogim le 6 août pour un montant de 998 350 francs, ainsi que l'acquisition de 4 actions Huteast Holding pour 300 000 francs le 3 décembre 1992 ; que, cependant, le fait générateur de l'imposition établie sur le fondement des dispositions de l'article 1649 quater A du code général des impôts est constitué par le transfert des fonds à l'étranger, sans déclaration aux services des Douanes et non par l'utilisation des fonds qui est faite à partir de ce pays ; qu'ainsi, la circonstance qu'une somme de 500 000 francs a été investie dans le capital d'une société française est sans incidence sur le montant du redressement ; qu'à cet égard, la production d'un reçu de 500 000 francs établi sur une note à en-tête d'un hôtel situé à Paris ne permet pas d'établir l'absence de transfert en Suisse de la somme dont s'agit, qui a été, au surplus, investie par l'intermédiaire d'une société située à Genève ; que les circonstances que les sommes de 380 000 et 100 000 francs n'auraient pas fait l'objet d'un investissement et que la seconde aurait constitué un prêt consenti à M. Y, sont sans incidence sur la réalité du transfert ; que l'administration doit ainsi être regardée comme apportant la preuve qui lui incombe du transfert en Suisse par M. X au cours de l'année 1992 de la somme de 2 280 000 francs ;

Considérant que pour combattre la présomption d'imposition résultant de l'application de l'article 1649 A quater du code général des impôts, Mme X soutient que les fonds transférés ne constituaient pas des revenus imposables dès lors qu'ils proviennent du produit de la cession des parts sociales du domaine viticole de Taillas situé sur le territoire de la commune du Castelet à M. Z au cours des années 1990 et 1991 pour un montant global de 24 millions de francs ; qu'il est constant que les produits de cession de l'ensemble des actions ou parts sociales des différentes sociétés propriétaires du domaine de Taillas ont été régulièrement soumises à l'impôt sur le revenu ou en étaient exonérées ; que Mme X fait valoir que le produit de cession a été au moins partiellement investi dans l'achat de bons de caisse auprès de la Banque Populaire de Bourgogne et que ces bons ont été négociés pour permettre la remise des fonds à M. Y ;

Considérant, d'une part, qu'il résulte de l'ensemble des pièces produites par la requérante et, notamment, de l'attestation notariale du 21 novembre 2006, que M. et Mme X ont encaissé à l'occasion de la vente de leur propriété à M. Z, les sommes de 10 865 082,27 francs le 21 février 1990, de 1 272 876 francs le 29 mars 1990, de 7 928 380 francs le 30 décembre 1991 et de 813 000 francs le 24 janvier 1992 ; qu' il est établi, par la production d'une attestation de la Banque Populaire de Bourgogne et par les documents bancaires produits, que M. et Mme X ont acquis en janvier 1992 deux bons de caisse d'un montant respectif de 7 900 000 francs et 4 917 000 francs ; que le bon de 7 900 000 francs a été acquis grâce à un virement du même montant du compte de l'EURL J. X sur lequel le chèque de 7 928 380 francs procédant de la vente du domaine avait été versé ; que l'administration ne conteste pas que le bon de 4 917 000 francs a été acquis grâce à la vente de deux bons de caisse de 5 034 403,60 francs et 423 090,27 francs souscrits en décembre 1991, à partir du remboursement de deux bons souscrits en avril 1990 pour un montant respectif de 410 000 et 9 700 000 francs, acquis grâce aux crédits des deux chèques de 10 865 082,27 francs et 1 272 876,80 francs provenant de la vente du domaine à M. Z ; que Mme X établit ainsi, qu'elle-même et son époux avaient acquis en janvier 1992, avec les fonds provenant du domaine de Taillas, deux bons de caisse de 7 900 000 francs et 4 917 000 francs ;

Considérant, d'autre part, qu'il résulte des rapprochements entre les documents bancaires produits par la requérante, en premier lieu, que la remise de la somme en espèces de 380 000 francs le 30 juin à M. Y a été consentie au moyen d'un retrait caisse sur le compte détenu par M. et Mme X à la Banque Populaire de Bourgogne du même jour d'un montant de 350 000 francs, couvert quatre jours plus tard par un virement du compte sur lequel sont gérés les bons de caisse d'un montant de 440 000 francs ; qu'en second lieu, la remise de la somme de 1 Million de francs le 6 août provient d'un virement à partir du compte de gestion des bons d'une somme d'égal montant sur le compte personnel, suivi d'un retrait de caisse le 5 août 1992 et de la remise de la somme à M. Y le lendemain ; qu'en troisième lieu, M. X a retiré de son compte personnel la somme en espèce de 500 000 francs pour la remettre le même jour à M. Y, cette opération ayant été couverte le 11 septembre par un virement du compte de gestion des bons de 500 000 francs ; que Mme X doit ainsi être regardée comme établissant le caractère non imposable de la somme de 1 850 000 francs ; qu'ainsi, et contrairement à ce que soutient le ministre, s'agissant de cette somme, le négoce de bons de caisse en 1992 a contribué à dégager des liquidités expliquant les transferts en Suisse ; que, par contre, pour justifier la remise à M. Y de la somme de 300 000 francs le 3 décembre, Mme X se prévaut d'une remise de chèque de 322 739 francs le 10 décembre suivant, sans justifier l'origine de ce crédit ; qu'il en est de même pour le versement à M. Y du chèque d'un montant de 100 000 francs dont l'origine n'est pas justifiée ; qu'il résulte de ce qui précède que Mme X est fondée à demander que la somme de 1 850 000 francs soit exclue des bases imposables afférentes à l'année 1992 ;

Sur l'imposition des revenus des avoirs détenus en Suisse :

Considérant que le vérificateur a estimé que M. X a détenu en Suisse, au cours des années 1992, 1993 et 1994, des placements à hauteur de 3 980 000 francs ; qu'il a notifié aux époux X des redressements correspondant au revenu de ces placements reconstitué à partir du taux moyen de rendement des obligations privées, soit 8,86 % pour 1992, 7,19 % pour 1993 et 7,14 % pour 1994 ; que dès lors que la réalité du transfert des fonds en Suisse aux fins de placement doit être regardée comme établie pour les motifs ci-dessus exposés à hauteur de la somme de 2 280 000 francs et qu'elle n'est pas contestée pour le surplus, il appartient à Mme X d'établir que les sommes transférées n'ont pas été productives de revenus ou que ces revenus n'étaient pas disponibles pour une cause indépendante de la volonté des époux X ; que Mme X conteste les redressements en soutenant qu'elle-même et son époux n'avaient pas la disposition des titres qui ont été souscrits par la société Management and Investissement Services et que M. Y a détourné, à son profit, l'ensemble de ces sommes ; qu'il résulte de l'arrêt de la Cour d'appel de Besançon du 23 novembre 1999 produit par la requérante, rendu sur appel d'un jugement du Tribunal de grande instance de Besançon du 14 février 1995, que M. X a reconnu dans une convention du 15 février 1994 être créancier de M. Y à hauteur de la seule somme de 1 590 000 francs, somme à laquelle la Cour d'Appel a fixé la créance de la succession de M. X sur M. Y ; que dans les circonstances de l'espèce, Mme X doit ainsi être regardée comme établissant l'indisponibilité de la somme de 1 590 000 francs, laquelle a fait l'objet d'une utilisation par M. Y à son profit et n'a pas été productive de revenus pour M. et Mme X ; que pour le surplus, soit la somme de 2 390 000 francs, et en l'absence de preuve d'un remboursement de cette somme par M. Y, il y a lieu de considérer qu'elle a fait, conformément à l'accord initial de M. Y et de M. X, l'objet de placements en faveur de ce dernier ; qu'ainsi, Mme X n'apporte pas la preuve qui lui incombe de ce que cette somme n'était pas productive de revenus ou que les revenus de cette somme n'étaient pas disponibles ; qu'il résulte de ce qui précède que les redressements en litige doivent, en conséquence, être, pour les trois années en litige, limités aux revenus des placements réalisés à hauteur de la somme de 2 390 000 francs ;

Sur les pénalités :

En ce qui concerne les sommes transférées à l'étranger :

Considérant qu'aux termes de l'article 1759 du code général des impôts alors applicable : En cas d'application des dispositions prévues au troisième alinéa des articles 1649 A et 1649 quater A, le montant des droits est assorti de l'intérêt de retard visé à l'article 1727 et d'une majoration de 40 % ; que Mme X peut prétendre au dégrèvement des pénalités en conséquence de la réduction de la base d'imposition d'un montant de 1 850 000 francs ci-dessus décidée ; que les pénalités doivent être maintenues sur les droits correspondant à l'imposition au titre de l'article 1649 quater A de la somme de 430 000 francs ;

En ce qui concerne les revenus sur les avoirs détenus en Suisse :

Considérant qu'aux termes de l'article 1729 du code général des impôts, dans sa rédaction applicable à l'espèce : Lorsque la déclaration ou l'acte mentionnés à l'article 1728 font apparaître une base d'imposition ou des éléments servant à la liquidation de l'impôt insuffisants, inexacts ou incomplets, le montant des droits mis à la charge du contribuable est assorti de l'intérêt de retard visé à l'article 1727 et d'une majoration de 40 % si la mauvaise foi de l'intéressé est établie (...) ; que l'administration a assorti les redressements afférents aux revenus des avoirs détenus en Suisse des pénalités de mauvaise foi ; qu'il y a lieu de faire droit à la demande de la requérante sur les pénalités correspondant à la réduction en base ci-dessus décidée ; que Mme X ne développe aucun moyen propre à contester le bien-fondé des pénalités demeurant en litige ;

DÉCIDE :

Article 1er : La base d'imposition à l'impôt sur le revenu de M. et Mme X établi au titre de l'année 1992 à raison de transferts de fonds à l'étranger est réduite d'une somme de 1 850 000 francs.

Article 2 : Les redressements afférents aux revenus des avoirs détenus en Suisse par M. et Mme X en 1992, 1993 et 1994 seront calculés en appliquant à la somme de 2 390 000 francs, le taux moyen de rendement des obligations privées, soit 8,86 % pour 1992, 7,19 % pour 1993 et 7,14 % pour 1994.

Article 3 : Il est accordé à Mme X la réduction des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales, ainsi que des pénalités afférentes, mis à la charge de M. et Mme X au titre des années 1992, 1993 et 1994 résultant de l'application des articles 1er et 2 ci-dessus.

Article 4 : Le jugement du Tribunal administratif de Nice en date du 13 décembre 2005 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 5 : Le surplus de la requête de Mme X est rejeté.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à Mme Claudine X et au ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l'Etat.

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N° 06MA00679


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 4ème chambre-formation à 3
Numéro d'arrêt : 06MA00679
Date de la décision : 01/09/2009
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Autres

Composition du Tribunal
Président : Mme FELMY
Rapporteur ?: Mme Cécile MARILLER
Rapporteur public ?: M. EMMANUELLI
Avocat(s) : PAILHES

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2009-09-01;06ma00679 ?
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