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10/07/2009 | FRANCE | N°06MA03198

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 4ème chambre-formation à 3, 10 juillet 2009, 06MA03198


Vu le recours, enregistré le 15 novembre 2006, présenté par LE MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE ;

Le ministre demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0103576-0103924 du 30 juin 2006, par lequel le Tribunal administratif de Montpellier a déchargé la SARL Augé-Rudant des compléments d'impôt sur les sociétés et de taxe sur la valeur ajoutée ainsi que des pénalités afférentes qui avaient été assignés à cette dernière au titre des exercices clos en 1993, 1994, 1995 ainsi que de la période correspondante ;

2°) de rétablir

les impositions déchargées et de rejeter la demande présentée par la société devant le tri...

Vu le recours, enregistré le 15 novembre 2006, présenté par LE MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE ;

Le ministre demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0103576-0103924 du 30 juin 2006, par lequel le Tribunal administratif de Montpellier a déchargé la SARL Augé-Rudant des compléments d'impôt sur les sociétés et de taxe sur la valeur ajoutée ainsi que des pénalités afférentes qui avaient été assignés à cette dernière au titre des exercices clos en 1993, 1994, 1995 ainsi que de la période correspondante ;

2°) de rétablir les impositions déchargées et de rejeter la demande présentée par la société devant le tribunal administratif ;

..................................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu le code de justice administrative et l'arrêté d'expérimentation du vice président du Conseil d'Etat en date du 27 janvier 2009 ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 7 juillet 2009 ;

- le rapport de M. Bonnet, rapporteur,

- et les conclusions de M. Emmanuelli, rapporteur public ;

Considérant que le MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE relève appel du jugement du 30 juin 2006, par lequel le Tribunal administratif de Montpellier a déchargé la SARL Augé-Rudant des compléments d'impôt sur les sociétés et de taxe sur la valeur ajoutée ainsi que des pénalités afférentes qui lui avaient été assignés au titre des exercices clos en 1993, 1994, 1995 ainsi que de la période correspondante ; que les impositions contestées procèdent d'une vérification de comptabilité à l'issue de laquelle le service, après avoir écarté la comptabilité de la requérante, a reconstitué son chiffre d'affaires au titre de chacun des exercices vérifiés ;

Considérant que l'article 1er du décret 96-804 du 12 septembre 1996, dont l'article 3 a abrogé les dispositions de l'article 376 de l'annexe II au code général des impôts, dans sa rédaction applicable au litige, dispose : I. Sous réserve des dispositions des articles 409 et 410 de l'annexe II au code général des impôts et de l'article 2 ci-dessous, seuls les fonctionnaires titulaires de la direction générale des impôts appartenant à des corps des catégories A et B peuvent fixer les bases d'imposition et liquider les impôts, taxes et redevances ainsi que notifier les redressements. / Les fonctionnaires mentionnés au premier alinéa ci-dessus peuvent se faire assister pour les opérations de contrôle par des stagiaires et par tout autre fonctionnaire des impôts affecté ou non dans le ressort territorial du même service ; que si le défaut de signature manuscrite du vérificateur prive en principe de sa valeur la notification de redressements lorsque y figurent seulement son nom et son titre dactylographiés, cette omission ne vicie pas pour autant la procédure d'imposition lorsque la réponse aux observations du contribuable est en revanche revêtue de la signature de son supérieur hiérarchique, dans le cadre relatif à l'application de sanctions fiscales exclusives de bonne foi ;

Considérant qu'il résulte de l'examen de la réponse aux observations du contribuable en date du 9 janvier 1997 que si ce document ne comporte pas la signature manuscrite du vérificateur, mais seulement une mention dactylographiée du nom de ce dernier, la signature de l'inspecteur principal supérieur hiérarchique du vérificateur est apposée en revanche dans le cadre prévu pour l'hypothèse où sont appliquées les pénalités exclusives de bonne foi ; qu'ainsi la réponse aux observations du contribuable a été signée par un fonctionnaire compétent au sens des dispositions précitées de l'article 1er du décret du 12 septembre 1996 ; qu'il suit de là que le ministre est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Montpellier a estimé que la procédure d'imposition avait été irrégulière et a déchargé en conséquence la SARL Augé-Rudant des impositions en litige ; qu'il y a lieu de censurer ce motif ;

Considérant qu'il appartient à la cour, en vertu de l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés tant devant elle que devant le tribunal administratif ;

Sur la régularité de la procédure d'imposition :

Considérant, en premier lieu, que le recours présenté par le LE MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE devant la cour administrative d'appel a été enregistré dans le délai d'appel de deux mois dont il dispose, à compter de l'expiration du délai de deux mois imparti au service local pour lui transmettre le jugement attaqué et le dossier de l'affaire, en vertu des dispositions de l'article R.200-18 du livre des procédures fiscales ; que ces dispositions réglementaires, qui tiennent compte des nécessités particulières de fonctionnement de l'administration fiscale qui la placent dans une situation différente de celle des autres justiciables, ainsi que dans une situation différente de celle résultant pour le ministère public de l'application de l'article 505 du code de procédure pénale, ne lui confèrent pas, contrairement à ce que soutient la société, un privilège discriminatoire qui serait incompatible avec les principes consacrés par les stipulations du § 1 de l'article 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, au demeurant non applicables dans un litige relatif à l'assiette de l'impôt, ainsi qu'avec ceux de l'article 14 de cette convention ; que les dispositions de l'article R.200-18 du livre des procédures fiscales ne sont pas davantage incompatibles avec les termes de l'article 14 du pacte international relatif aux droits civils et politiques, les situations différentes dans lesquelles se trouvent le ministre et l'administration, d'une part, les contribuables, d'autre part, justifiant le délai complémentaire de deux mois accordé au ministre, délai dont les contribuables peuvent, d'ailleurs, en provoquant eux-mêmes la signification du jugement au ministre, réduire la durée ;

Considérant, en deuxième lieu, que si la SARL Augé-Rudant soutient que le ministre a prononcé un dégrèvement d'office des impositions en litige, postérieurement à l'audience devant le tribunal administratif, il résulte de l'instruction que ce dégrèvement, prononcé d'ailleurs après réception du jugement attaqué, a été pris en exécution de ce dernier, la case dégrèvement d'office n'ayant au surplus pas même été cochée dans le document adressé à la requérante ; que le moyen ne peut dès lors qu'être écarté ;

Considérant, en troisième lieu, que la circonstance que le supérieur hiérarchique du vérificateur aurait apposé son visa, comme il a été dit ci-dessus, sur la réponse aux observations du contribuable, est sans incidence sur la garantie offerte par la Charte du contribuable vérifié consistant en la possibilité pour ce dernier de former un recours effectif devant ce même supérieur hiérarchique, ce dernier n'ayant pas lui-même effectué le contrôle ;

Considérant, en quatrième lieu, que si la SARL Augé-Rudant soutient que les opérations de contrôle sur place auraient excédé la durée légale de trois mois prévue à l'article L.52 du livre des procédures fiscales, il résulte de l'instruction que c'est de son propre chef qu'elle a présenté des documents comptables au vérificateur alors que ce délai était expiré, et que ce dernier s'était borné, six jours avant l'expiration du dit délai, à solliciter (sans d'ailleurs les obtenir) les cartes des tarifs de l'établissement de restauration géré par l'intimée ; que le moyen ne peut dès lors qu'être écarté ; que doit de même être écarté le moyen tiré de ce que le droit à un débat oral et contradictoire avec le représentant de la société aurait été méconnu, ainsi que celui tiré de ce que le vérificateur aurait omis de procéder à de véritables constatations sur place, dès lors que ce dernier est intervenu à deux reprises dans l'entreprise, puis à dix reprises, sur demande de son mandataire, au cabinet du comptable ; que si la société soutient que le même vérificateur ne pouvait légalement opter finalement pour la méthode des boissons au lieu de s'en tenir à celle des plats initialement envisagée, sans en discuter auparavant avec son représentant, un tel moyen doit également être écarté, le service n'étant pas tenu de débattre à l'avance des mérites respectifs de l'une ou l'autre des méthodes qu'il envisage de retenir ; qu'il en va de même pour le moyen tiré de ce que le vérificateur aurait emporté sans autorisation des documents comptables, dès lors que les documents en cause ont été proposés spontanément par la société, après réception par ses soins de la notification de redressement ;

Considérant, en cinquième lieu, que la notification de redressement en date du 6 décembre 1996 comportant le visa d'un inspecteur principal en ce qui concerne l'application des pénalités de mauvaise foi, le moyen tiré de ce que la réponse aux observations du contribuable ne mentionnerait ni le nom ni la qualité de l'inspecteur ayant apposé sa signature dans le cadre correspondant à ces mêmes pénalités est en tout état de cause inopérant, un tel visa n'ayant pas à être réitéré à ce stade ultérieur de la procédure ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la SARL Augé-Rudant n'est pas fondée à soutenir que la procédure d'imposition aurait été irrégulière ;

Sur le rejet de la comptabilité et la reconstitution du chiffre d'affaires :

Considérant, en premier lieu, qu'il résulte de l'instruction que la SARL Augé-Rudant a été dans l'incapacité de produire quelque justificatif que ce soit de ses recettes, lesquelles étaient globalisées journellement, faute pour elle d'avoir conservé les bandes détaillées de caisse enregistreuse, ou les copies des notes clients ; que cette seule circonstance, aggravée au surplus par l'existence d'anomalies dans les relevés des stocks, absents en totalité au 1er janvier 1993, était de nature à ôter à la comptabilité tout caractère probant ; que la société soutient en vain que la documentation administrative autorisait la globalisation à laquelle elle a procédé, dès lors que cette facilité admise en matière d'écriture comptable ne dispense pas le contribuable de conserver par devers lui les justificatifs des recettes ainsi relevées globalement ; que, si l'intimée fait valoir en outre qu'elle tenait un relevé de ses recettes sur un agenda, il est constant que ces écritures manuscrites, à les supposer de date certaine, ne comportaient pas la totalité du détail des recettes et ne permettaient donc pas de suivre de manière précise l'activité de l'entreprise ;

Considérant, en second lieu, qu'aux termes de l'article L.13 du livre des procédures fiscales : Le défaut de présentation de la comptabilité est constaté par procès verbal que le contribuable est invité à contresigner ; que, toutefois, cette disposition n'impose pas au vérificateur, lorsqu'il se propose d'écarter comme non probante une comptabilité effectivement présentée, de dresser un tel procès verbal ; que, dès lors, le moyen tiré de l'absence d'établissement d'un tel procès verbal ne peut en tout état de cause qu'être écarté ;

Sur le bien fondé des impositions :

Considérant que la SARL Augé-Rudant ayant vu sa comptabilité écartée à bon droit, et l'administration s'étant conformée à l'avis de la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires, la preuve de l'exagération des impositions incombe à l'intimée en vertu de l'article L.192 du livre des procédures fiscales ;

Considérant que si la SARL Augé-Rudant soutient que le vérificateur aurait dû mettre en oeuvre et recouper deux méthodes, elle se fonde en cela sur de simples recommandations adressées à ses agents par l'administration, lesquelles sont inopposables à cette dernière ; que la méthode des vins, contrairement à ce qu'elle soutient, est particulièrement adaptée à une activité de restauration, et a été complétée au surplus par la méthode des boissons, afin de prendre en compte la diversité de celles proposées aux clients ; que si le vérificateur a fondé la reconstitution sur les notes clients du seul mois de juin 1996, seuls éléments disponibles au regard de l'absence totale de justificatifs des recettes sur les années vérifiées, cette circonstance est sans incidence sur la valeur interne de la méthode, dès lors que l'examen de ces notes a seulement permis de déterminer en pourcentage la part des vins et boissons dans les recettes dégagées par la vente de repas et consommations, et que le chiffre d'affaires a été ensuite déterminé par application de ces pourcentages aux factures d'achat couvrant l'ensemble de la période vérifiée, déduction faite des perdus et offerts ; qu'il résulte en outre de ce qui vient d'être dit que le moyen tiré de ce que le vérificateur aurait fondé la reconstitution sur des éléments extérieurs à ceux de l'entreprise ne peut qu'être écarté, la circonstance que ce dernier a, au surplus, indiqué dans son rapport à la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires que le chiffre d'affaires reconstitué était cohérent avec le résultat que la SARL Augé-Rudant pouvait attendre de l'achat d'une terrasse contigüe d'un fonds de commerce de même nature étant, au regard de ce qui vient d'être dit, sans incidence sur le bien fondé de la méthode employée ; qu'enfin, si la SARL Augé-Rudant produit devant la cour, comme elle l'avait déjà fait devant le tribunal administratif, une étude d'un cabinet d'expert comptable mettant en oeuvre la méthode des plats, et dont les résultats sont conformes à ses déclarations, il résulte de l'instruction que cette étude ne prend pas en compte les écarts très importants de taux de marge existant entre les diverses pizzas servies, comme entre les autres plats selon leur composition, et ne permet pas de suivre la répartition des recettes entre les uns et les autres, compte tenu de l'absence de tous justificatifs comptables quant à la répartition des recettes entre ces divers plats et produits cuisinés ; que l'intimée ne peut dès lors être regardée comme proposant une méthode fiable plus pertinente que celle de l'administration ; que la SARL Augé-Rudant n'apporte dès lors pas la preuve de l'exagération du chiffre d'affaires reconstitué ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le ministre est fondé à demander l'annulation du jugement attaqué ; qu'il y a lieu de prononcer cette annulation et de rejeter la demande présentée par la SARL Augé-Rudant devant le Tribunal administratif de Montpellier ;

Sur l'application de l'article L.761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'aux termes de l'article L.761-1 du code de justice administrative : Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation ; que ces dispositions font obstacle à ce que l'Etat, qui n'est pas partie perdante, soit condamné à payer à la SARL Augé-Rudant la somme que celle-ci réclame au titre des frais exposés par la cour et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du Tribunal administratif de Montpellier en date du 30 juin 2006 est annulé.

Article 2 : Les conclusions de la SARL Augé-Rudant présentées tant devant le Tribunal administratif de Montpellier que devant la cour sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au MINISTRE DU BUDGET, DES COMPTES PUBLICS, DE LA FONCTION PUBLIQUE ET DE LA REFORME DE L'ETAT et à la SARL Augé-Rudant.

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N° 06MA03198

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 4ème chambre-formation à 3
Numéro d'arrêt : 06MA03198
Date de la décision : 10/07/2009
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Autres

Composition du Tribunal
Président : Mme FELMY
Rapporteur ?: M. André BONNET
Rapporteur public ?: M. EMMANUELLI
Avocat(s) : CABINET GILLES CELIMENE

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2009-07-10;06ma03198 ?
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