Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour administrative d'appel de Marseille le 5 juillet 2007, sous le 07MA02526, présentée pour la CHAMBRE DE COMMERCE ET D'INDUSTRIE D'AVIGNON ET DE VAUCLUSE, dont le siège est 46 cours Jean Jaurès à Avignon (84000), par Me Lemaire, avocat ;
La CHAMBRE DE COMMERCE ET D'INDUSTRIE D'AVIGNON ET DE VAUCLUSE demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 0523835 du 10 mai 2007 du Tribunal administratif de Nîmes en tant qu'il a condamné, à la demande de la société Soditra, la CCI appelante à lui verser, en réparation du préjudice résultant pour ladite société de la résiliation, le 9 juillet 2003, du marché du 13 janvier 2003 relatif à la réalisation des travaux de rénovation des toitures et de la façade Ouest de l'hôtel consulaire à Avignon, une somme de 67.616,72 € ;
2°) de rejeter la demande de la société Soditra présentée devant le tribunal et de la condamner à lui verser une somme de 1.500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
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Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code des marchés publics ;
Vu l'arrêté du 27 janvier 2009 fixant la liste des tribunaux et des cours administratives d'appel autorisés à appliquer, à titre expérimental, les dispositions de l'article 2 du décret n° 2009-14 du 7 janvier 2009 ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 11 juin 2009 :
- le rapport de Mlle Josset, premier conseiller ;
- les conclusions de M. Dieu, rapporteur public ;
- les observations de Me Plantevin, avocat, pour la CCI D'AVIGNON ET DE VAUCLUSE, et de Me Pfligersdorffer, avocat, pour la société Soditra ;
Considérant que, par marché du 13 janvier 2003, la CCI D'AVIGNON ET DE VAUCLUSE a confié la réalisation des travaux de rénovation des toitures et de la façade Ouest de l'hôtel consulaire à Avignon, pour un montant de 166.962,35 euros, à la société Soditra ; que, par une décision du 9 juillet 2003, la personne responsable du marché en a prononcé la résiliation aux torts exclusifs de l'attributaire, motifs pris du défaut de conseil, de présence insuffisante sur le chantier, de nombreuses interruptions de chantier, de retards dans l'exécution matérielle des travaux et de refus d'exécution ; que la société Soditra qui avait contesté la résiliation du marché, a adressé au maître de l'ouvrage le 4 décembre 2003 un projet de décompte final accompagné d'une réclamation ; que la chambre de commerce et d'industrie, par lettre du 22 janvier 2004 notifiée le 26 janvier, a refusé de donner suite à cette demande qu'elle estimait prématurée ; que la société Soditra a alors saisi le 15 mars 2004 le comité consultatif interrégional de règlement amiable des litiges en matière de marchés publics de Marseille, lequel a proposé, dans son avis du 31 janvier 2005, le versement au profit de la société Soditra d'une indemnité de 56.625 euros ; qu'en l'absence de suite favorable donnée par l'établissement consulaire, la société Soditra a saisi le Tribunal de Marseille d'une demande tendant à la condamnation de la CHAMBRE DE COMMERCE ET D'INDUSTRIE à l'indemniser du préjudice causé par la résiliation du marché en cause ; que la CCI D'AVIGNON ET DE VAUCLUSE fait appel du jugement du 10 mai 2007 par lequel le Tribunal administratif de Nîmes l'a condamnée à verser une somme de 67.616,72 € à la société Soditra ;
Sur la régularité de la résiliation :
En ce qui concerne le vice de procédure entachant la décision de résiliation :
Considérant qu'en vue de ladite résiliation, par lettre du 18 juin 2003, reçue le 23 juin, la CCI D'AVIGNON ET DE VAUCLUSE a mis en demeure la société Soditra de reprendre les travaux sous quinzaine à peine de résiliation du marché, puis, par lettre du 9 juillet 2003, reçue le 10 juillet, en a prononcé la résiliation ; qu'en appel la CCI D'AVIGNON ET DE VAUCLUSE, ne conteste plus que cette décision, prise avant que le délai d'un mois dont disposait la société Soditra en application de l'article 18 du cahier des clauses administratives particulières applicables au marché soit expiré, est intervenue à la suite d'une procédure irrégulière ;
Sur la responsabilité contractuelle :
En ce qui concerne le bien-fondé de la décision de résiliation :
Considérant que le marché, dont le cahier des clauses techniques particulières prévoyait que les travaux devaient débuter le 15 janvier 2003, ne précisait aucun délai d'exécution avec des pénalités de retard et renvoyait de même que le cahier des clauses administratives particulières à l'acte d'engagement lequel ne comportait aucune indication sur ce point ; que le travail sur les façades arrières, commencé début janvier, a été terminé vers le 30 avril 2003 ; qu'en revanche, le travail sur les façades sur rue, que l'entrepreneur envisageait de commencer le 12 mai 2003, n'a pu débuter en l'absence d'une décision de non opposition à déclaration de travaux comportant l'avis de l'architecte des bâtiments de France, laquelle n'a été prise par le préfet que le 20 juin 2003 et notifiée à la société Soditra que le 3 juillet suivant ; qu'à cette date, la réglementation municipale faisait obstacle, comme chaque année durant la période du festival, à la délivrance d'une autorisation de voirie, ce qui rendait impossible la réalisation des travaux durant cette période ;
Considérant qu'aux termes de l'article 31.3. du cahier des clauses administratives générales relatif aux autorisations administratives : Le maître de l'ouvrage fait son affaire de la délivrance à l'entrepreneur des autorisations administratives, telles que les autorisations d'occupation temporaire du domaine public ou privé, les permissions de voirie, les permis de construire nécessaires à la réalisation des ouvrages faisant l'objet du marché. Le maître de l'ouvrage et le maître d'oeuvre peuvent apporter leur concours à l'entrepreneur pour lui faciliter l'obtention des autres autorisations administratives dont il aurait besoin, notamment pour disposer des emplacements nécessaires à l'installation des chantiers et au dépôt des déblais... ; qu'il résulte de ces dispositions qu'il appartenait à la chambre de commerce et d'industrie de s'assurer de l'obtention des décisions d'urbanisme susceptibles d'être exigées dans le secteur sauvegardé d'Avignon ; qu'il est constant que celle-ci n'a entrepris aucune démarche antérieurement au 15 avril 2003 en vue de la délivrance des autorisations d'urbanisme et de voirie nécessaires à l'exécution d'une partie des travaux et il n'est pas davantage contesté que la disposition de ces autorisations à la date du 12 mai 2003, envisagée par l'entrepreneur, aurait permis l'achèvement des travaux avant le début du festival d'Avignon, ni que l'obtention de ces autorisation, le 3 juillet 2003, ne permettait pas un tel achèvement ;
Considérant que compte tenu de l'obtention tardive par le maître d'ouvrage des autorisations requises et alors même que de nombreuses interruptions de chantier auraient été constatées, de même que des refus d'exécution, c'est à bon droit que le tribunal a estimé que le retard dans l'exécution des travaux est exclusivement imputable au maître d' ouvrage ;
Considérant que la CCI D'AVIGNON ET DE VAUCLUSE fait valoir qu'en application des dispositions de l'article 12.1 du CCAP selon lesquelles le titulaire du marché se doit d'assurer la bonne exécution de la prestation dont il a la charge et pour laquelle il assure la maîtrise d'oeuvre, conformément aux règles de l'art et aux lois en vigueur, son cocontractant, en qualité de maître d'oeuvre avait une obligation de conseil envers elle ; que toutefois, aux termes du deuxième alinéa de l'article 7 de la loi du 12 juillet 1985 relative à la maîtrise d'ouvrage publique et à ses rapports avec la maîtrise d'oeuvre privée : Pour la réalisation d'un ouvrage, la mission de maîtrise d'oeuvre est distincte de celle d'entrepreneur ; qu'il résulte clairement de ces dispositions, que la société Soditra chargée d'exécuter les travaux dont s'agit ne pouvait avoir légalement la qualité de maître d'oeuvre et ne pouvait être par suite chargée de l'obligation de conseil qui s'impose en la matière ; que si les marchés de conception-réalisation échappent à cette distinction des fonctions, il est constant que le marché dont s'agit n'entrait pas dans cette catégorie ; que, dans ces conditions, l'article 12.1 précité du CCAP qui est contraire aux dispositions d'ordre public de la loi du 12 juillet 1985 est, dans cette mesure entaché de nullité, et ne peut être utilement invoqué par la CCI D'AVIGNON ET DE VAUCLUSE ;
Considérant que la CCI soutient, sans d'ailleurs l'établir, que la société Soditra se serait abstenue d'achever les travaux qui ne nécessitaient aucune occupation du domaine public, il n'est pas contesté que lesdits travaux étaient néanmoins soumis à autorisation et ne pouvaient en conséquence être réalisés avant l'obtention de l'autorisation en cause ; qu'il n'est pas davantage contesté que les contraintes liées à l'organisation du chantier et notamment l'impossibilité de bouger l'échafaudage en attente d'autorisation, ne permettaient pas de réaliser les travaux interférant avec ceux qui ne pouvaient être poursuivis de ce fait ;
Considérant, enfin, que si l'acte d'engagement prévoyait que l'entreprise devait fixer le délai de réalisation des travaux et s'il est constant que cette précision n'a pas été inscrite, cette absence de mention a été expressément acceptée par la personne responsable du marché ainsi que cela résulte notamment d'un courrier du 22 avril 2003, eu égard à la qualité des relations entretenues jusqu'alors par l'établissement consulaire avec la société Soditra ; que, dans ces conditions, le maître d'ouvrage ne saurait se prévaloir de la faute qu'aurait commise la société Soditra en ne mentionnant pas, dans l' acte d'engagement, de délai d'exécution ;
Sur l'évaluation du préjudice :
Considérant, en premier lieu, que l'entrepreneur a droit au paiement des travaux réalisés dont il n'est pas contesté par le maître de l'ouvrage qu'ils n'ont pas été payés et qui s'élèvent à la somme non remise en cause de 20.112 euros T.T.C. ;
Considérant, en deuxième lieu, que la CCI se borne à soutenir qu'elle est en droit de conserver la retenue de garantie en raison de la faute commise par la société Soditra qui l'a obligée à faire appel à une autre entreprise pour achever les travaux ; qu'il résulte toutefois de ce qui a été dit ci-avant que la CCI D'AVIGNON ET DE VAUCLUSE n'établit pas que la société SODITRA n'a pas satisfait à ses obligations contractuelles ; que, dès lors, c'est à bon droit que le tribunal a considéré que la société Soditra était en droit d'obtenir le reversement de la retenue de garantie soit la somme de 6.979, euros ;
Considérant, en troisième lieu, que la société Soditra justifie de 4.636 euros de frais d'échafaudage exposés pour le chantier ainsi que d'une somme de 889,72 euros pour l'achat de sacs d'enduit qui n'ont pu être utilisés et qui ne sont pas réutilisables ; que c'est donc à bon droit que le tribunal a condamné la CCI D'AVIGNON ET DE VAUCLUSE à payer la somme de 5525,72 € à la société Soditra au titre de ces deux préjudices ;
Considérant, en quatrième et dernier lieu, qu'en estimant à la somme de 35.000 euros le préjudice lié au manque à gagner, lequel a été évalué à 20% de la différence entre le montant du marché et celui des prestations réalisées, et le préjudice commercial subi par la Société Soditra, compte tenu de l'atteinte à son image et à la perte de marchés avec la CCI, le tribunal n'a pas fait une inexacte appréciation des circonstances de l'espèce ;
Sur la responsabilité quasi contractuelle :
Considérant que la nullité partielle de l'article 12.1 relative à l'obligation de maîtrise d'oeuvre mise à la charge du cocontractant de la CCI D'AVIGNON ET DE VAUCLUSE ne constitue pas une clause essentielle du contrat et est divisible du reste du contrat ; qu'elle n'est, en conséquence, pas de nature à entraîner la nullité du contrat dans son ensemble; que, par suite, les conclusions de la CCI D'AVIGNON ET DE VAUCLUSE tendant à être indemnisée sur le fondement de l'enrichissement sans cause de la société Soditra ne peuvent qu'être rejetées ;
Sur les intérêts :
Considérant que la société requérante a sollicité l'allocation des intérêts sur la somme de 6.979 euros correspondant à la retenue de garantie ainsi que sur une partie de la somme due au titre des travaux exécutés mais non réglés à hauteur de 14.209,40 euros ; que la CCI ne conteste pas que la société Soditra a droit, ainsi que l'a jugé le tribunal, à ce que ces sommes portent intérêt au taux légal à compter du 8 décembre 2003, date à laquelle elle a, pour la première fois, présenté sa demande à la CCI D'AVIGNON ET DE VAUCLUSE ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la CCI D'AVIGNON ET DE VAUCLUSE n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que le Tribunal administratif de Nîmes l'a par jugement 10 mai 2007 condamné à verser une somme de 67.616,72 € ;
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la société Soditra, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que la CCI D'AVIGNON ET DE VAUCLUSE demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;
Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la CCI D'AVIGNON ET DE VAUCLUSE une somme de 1.500 euros au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;
D E C I D E
Article 1er: La requête de la CCI D'AVIGNON ET DE VAUCLUSE est rejetée.
Article 2 : La CCI D'AVIGNON ET DE VAUCLUSE versera à la société Soditra une somme de 1.500 € au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la CCI D'AVIGNON ET DE VAUCLUSE, à la société Soditra et au ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi.
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N° 07MA02526 2
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