Vu la requête, enregistrée le 17 juillet 2006, présentée pour Mme Laziza X élisant domicile ..., par la SCP d'avocats Dessalces-Ruffel ; Mme X demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 0402575 du Tribunal administratif de Montpellier en date du 21 mars 2006, qui a rejeté ses conclusions tendant à l'annulation, d'une part, de l'arrêté du 16 décembre 2003 par lequel le préfet de l'Hérault a rejeté sa demande d'admission au séjour, d'autre part de la décision du 22 mars 2004 par lequel ledit préfet a rejeté le recours gracieux formé contre la première décision ;
2°) d'annuler cette décision pour excès de pouvoir, d'ordonner sous astreinte au préfet de l'Hérault de lui délivrer un titre de séjour comportant la mention « vie privée et familiale » ou, subsidiairement, de réexaminer sa demande de titre de séjour, ainsi que de condamner l'État à lui verser la somme de 700 euros au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu les autres pièces du dossier et notamment celles produites le 14 septembre 2006 ;
Vu l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 modifiée ;
Vu le décret n° 50-722 du 24 juin 1950 modifié relatif à la délégation des pouvoirs propres aux préfets, sous-préfets et secrétaires généraux de Préfectures ;
Vu le décret n° 82-389 du 10 mai 1982 relatif aux pouvoirs des préfets et à l'action des services et organismes publics de l'État dans les départements ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 12 novembre 2008 :
- le rapport de M. Renouf, rapporteur,
- les observations de Me Sabin de la SCP Dessalces-Ruffel pour Mme X,
- et les conclusions de M. Brossier, commissaire du gouvernement ;
Sur la régularité du jugement :
Considérant que le Tribunal administratif de Montpellier a suffisamment précisé, dans le jugement attaqué, les circonstances de fait sur lesquels il se fonde pour juger que la durée alléguée du séjour de l'intéressée en France n'est pas établie ; qu'ainsi, le défaut de motivation reproché à ce jugement manque en fait ;
Sur la légalité des décisions attaquées :
Considérant, en premier lieu, que par arrêté du 14 décembre 2001 régulièrement publié au recueil des actes administratifs de la préfecture de l'Hérault, M. Philippe Vignes, secrétaire général de la préfecture, a reçu, en application des dispositions des décrets susvisés du 24 juin 1950 et du 10 mai 1982, délégation pour signer « tous arrêtés, décisions, circulaires relevant des attributions de l'État dans le département de l'Hérault (...) à l'exception des réquisitions prises en application de la loi du 11 juillet 1938 » ; que le Gouvernement a pu légalement prendre les dispositions des décrets susvisés, qui ne sont pas au nombre de celles dont la Constitution réserve l'édictions au législateur ; qu'en particulier, les dispositions donnant compétence au représentant de l'État pour la délivrance des titres de séjour sont de nature réglementaire ; que, par suite, le requérant n'est pas fondé à exciper de l'illégalité du décret du 24 juin 1950, en soutenant que la délégation de signature pour les refus de séjour aurait dû être autorisée par une norme législative ; qu'en outre, la délégation de signature accordée par le préfet de l'Hérault à M. Philippe Vignes par l'arrêté du 21 juin 2001 est conforme à l'article 17 du décret du 10 mai 1982 susvisé, aux termes duquel : « Le préfet peut donner délégation de signature... au secrétaire général... en toute matières » ; qu'enfin, dans les termes où elle est rédigée, la délégation de signature dont justifiait M. Vignes pour prendre l'arrêté en litige puis rejeter le recours gracieux formé contre cet arrêté était définie avec une précision suffisante ; qu'ainsi le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur des actes attaqués doit être rejeté ;
Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : « 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et des libertés d'autrui. » ; qu'aux termes de l'article 12 bis de l'ordonnance du 2 novembre 1945 relative aux conditions d'entrée et de séjour des étrangers en France susvisée : « Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention « vie privée et familiale » est délivrée de plein droit : (...) 3° A l'étranger, ne vivant pas en état de polygamie, qui justifie par tout moyen résider en France habituellement depuis plus de dix ans ou plus de quinze ans si, au cours de cette période, il a séjourné en qualité d'étudiant. (...) 7° A L'étranger, ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial dont les liens personnels et familiaux en France sont tel que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs refus (...) » ; que l'article 12 quater de la même ordonnance dispose que : « dans chaque département, est instituée une commission du titre de séjour... La commission est saisie par le préfet lorsque celui-ci envisage de refuser de délivrer ou de renouveler une carte de séjour temporaire à un étranger mentionné à l'article 12 bis ou de délivrer une carte de résident à un étranger mentionné à l'article 15 » ; qu'il résulte de ces dispositions que le préfet est tenu de saisir la commission du cas des seuls étrangers qui remplissent effectivement les conditions prévues aux articles 12 bis et 15 auxquels il envisage de refuser le titre de séjour sollicité, et non de celui de tous les étrangers qui se prévalent de ces dispositions ;
Considérant, d'une part, que si les documents produits pour établir la réalité du séjour en France de Mme X depuis 1989 sont nombreux à compter de l'année 1999, l'attestation par laquelle un médecin se borne à certifier « avoir examiné à plusieurs reprises Mme X sur le plan médical de 1990 à 2000 » et les attestations de proches de l'intéressée ne peuvent être regardées comme justifiant suffisamment la réalité du séjour allégué pour la période antérieure à 1999 ; que par suite, il ne ressort pas des pièces du dossier que les décisions attaquées méconnaissent les dispositions du 3° de l'article 12 bis précité ;
Considérant, d'autre part, que Mme X, âgée de cinquante et un ans à la date des décisions attaquées, célibataire et sans enfant, doit être regardée comme séjournant en France depuis cinq années aux dates de ces décisions ; que si elle se prévaut de ce que sa soeur M'Barka et son frère Driss résident en France et ont acquis la nationalité française, elle ne donne pas d'indication sur la composition entière de la fratrie dont elle est issue ni sur le lieu de résidence de l'ensemble des membres de cette fratrie ; qu'enfin, elle n'établit aucunement que sa présence en France pour aider sa mère, dont l'état de santé est déficient, soit nécessaire compte tenu notamment de la présence du frère et de la soeur susnommés et des aides dont la mère de la requérante peut bénéficier ; qu'ainsi, eu égard à la situation personnelle et familiale d'ensemble de Mme X, le préfet de l'Hérault n'a pas porté une atteinte excessive au respect de la vie privée et familiale de l'intéressée en méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ou des dispositions du 7° de l'ordonnance du 2 novembre 1945 relative aux conditions d'entrée et de séjour des étrangers en France ;
Considérant, enfin, que Mme X ne satisfaisant pas aux conditions posées par les dispositions qu'elle invoque de l'article 12 bis de l'ordonnance du 2 novembre 1945, ainsi que jugé ci-dessus, le préfet de l'Hérault n'était pas tenu de procéder à la consultation de la commission du titre de séjour prévue par l'article 12 quater de cette ordonnance ;
Considérant, en troisième lieu, qu'il ressort des pièces du dossier, et notamment des termes de la décision attaquée, que le préfet de l'Hérault ne s'est pas estimé lié par l'absence de visa de long séjour de Mme X lors de son entrée en France, pour rejeter sa demande de titre de séjour ; que, par suite, le moyen tiré de ce qu'il aurait commis l'erreur de droit alléguée doit être écarté ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Mme X n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa requête tendant à l'annulation d'une part, de l'arrêté du 16 décembre 2003 par lequel le préfet de l'Hérault a rejeté sa demande d'admission au séjour, d'autre part de la décision du 22 mars 2004 par lequel ledit préfet a rejeté le recours gracieux formé contre la première décision ;
Sur les conclusions à fin d'injonction :
Considérant qu'aux termes de l'article L.911-1 du code de justice administrative : « Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution. » ;
Considérant que le présent arrêt n'implique aucune mesure d'exécution ; que, par suite, les conclusions de Mme X tendant à ce que la Cour enjoigne sous astreinte au préfet de l'Hérault de lui délivrer un titre de séjour mention « vie privée et familiale » ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa demande de titre de séjour, ne peuvent qu'être rejetées ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative :
Considérant que les dispositions de l'article susvisé font obstacle à ce que l'État, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, soit condamné à payer à Mme X la somme qu'elle demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;
DECIDE :
Article 1er : La requête de Mme X est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme Laziza X et au ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire.
Copie en sera adressée au préfet de l'Hérault.
N°06MA02068
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