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18/12/2008 | FRANCE | N°07MA01574

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 7ème chambre - formation à 3, 18 décembre 2008, 07MA01574


Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour administrative d'appel de Marseille le 4 mai 2007 sous le n° 07MA01574, présentée par la SELARL interbarreaux LLC et associés, pour Mme Simone -, demeurant ... et M. Jean-Louis , demeurant Y ;

Mme - et M. demandent à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0304157 du 6 mars 2007 du Tribunal administratif de Nice en tant qu'il n'a que partiellement fait droit à leurs demandes tendant à faire prendre en charge par la commune et faire réaliser les travaux préconisés par l'expert pour leur restituer un accès à la voie pu

blique, dans le délai d'un mois à compter de la notification du jugement à ...

Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour administrative d'appel de Marseille le 4 mai 2007 sous le n° 07MA01574, présentée par la SELARL interbarreaux LLC et associés, pour Mme Simone -, demeurant ... et M. Jean-Louis , demeurant Y ;

Mme - et M. demandent à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0304157 du 6 mars 2007 du Tribunal administratif de Nice en tant qu'il n'a que partiellement fait droit à leurs demandes tendant à faire prendre en charge par la commune et faire réaliser les travaux préconisés par l'expert pour leur restituer un accès à la voie publique, dans le délai d'un mois à compter de la notification du jugement à intervenir, sous astreinte, et à défaut, de condamner la commune du Revest-les-Eaux à leur verser la somme de 300 000 euros, soit le coût des travaux préconisés par l'expert, et, à titre subsidiaire, à leur verser la somme de 42 000 euros ;

2°) de condamner la commune du Revest-les-Eaux à prendre en charge et faire réaliser les travaux préconisés par l'expert, dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, et à défaut, de condamner la commune du Revest-les-Eaux à leur verser la somme de 300 000 euros, soit le coût des travaux préconisés par l'expert ;

3°) de mettre à la charge de la commune du Revest-les-Eaux une somme de 10 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

4°) d'assortir lesdites condamnations des intérêts au taux légal, à compter de la date de réception du recours préalable, et de la capitalisation des intérêts ;

.....................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la note en délibéré, enregistrée le 25 novembre 2008, présentée par Mme - et M.

Vu le code de la voirie routière ;

Vu le code civil ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 20 novembre 2008 :

- le rapport de Mme Chenal-Peter, rapporteur ;

- les observations de Me Marchesini de la société d'avocats LLC et associés pour Mme -Z et M. Z et de Me Hollet pour la commune du Revest-les-Eaux ;

- les conclusions de M. Dieu, commissaire du gouvernement ;

Considérant que Mme - et M. sont propriétaires, depuis 1942 de plusieurs parcelles sur le territoire de la commune du Revest-les-Eaux, cadastrées lieudit Fontanieu, section AM n° 22, AO n° 2 et AO n° 12, longées en partie par le chemin de Fontanieu, qui a été incorporé dans la voirie communale par délibération du conseil municipal du 18 juin 1960 ; qu'il résulte du rapport de l'expert désigné par le Tribunal administratif de Nice que M. et Mme ne peuvent plus emprunter le chemin de Fontanieu pour accéder à leurs parcelles, dès lors que la partie Ouest du chemin a été incorporée de fait dans une propriété privée et que la partie Est est envahie par la végétation ; que M. et Mme ne disposent d'aucun autre accès à la voie publique ; qu'après avoir effectué une demande préalable auprès du maire de la commune du Revest-les-Eaux, Mme - et M. ont demandé au Tribunal administratif de Nice de condamner la commune à prendre en charge et faire réaliser les travaux préconisés par l'expert, pour leur restituer un accès à la voie publique et à défaut, de condamner la commune du Revest-les-Eaux à leur verser la somme de 300 000 euros, correspondant au coût desdits travaux et, à titre subsidiaire, à leur verser la somme de 42 000 euros ; que, par jugement en date du 6 mars 2007, le Tribunal administratif de Nice a condamné la commune du Revest-les-Eaux à leur verser la somme de 5 000 euros ; que Mme - et M. relèvent appel de ce jugement, en tant qu'il n'a que partiellement fait droit à leurs demandes ; que la commune du Revest-les-Eaux, par la voie de l'appel incident, demande à être déchargée de toute condamnation prononcée en faveur des requérants ;

Sur la compétence de la juridiction administrative :

Considérant que la requête des consorts n'a pas pour objet d'introduire une action en désenclavement sur le fondement de l'article 682 du code civil, mais d'obtenir réparation du préjudice résultant de la privation d'accès à la voie publique de leurs parcelles, qu'ils imputent à des fautes de la commune du Revest-les-Eaux ; que la juridiction administrative est compétente pour connaître d'un tel litige et que par suite, la commune du Revest-les-Eaux n'est pas fondée à soutenir que ce litige est porté devant une juridiction incompétente pour en connaître ;

Sur la responsabilité :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 116-1 du code de la voirie routière : La répression des infractions à la police de la conservation du domaine public routier est poursuivie devant la juridiction judiciaire sous réserve des questions préjudicielles relevant de la compétence de la juridiction administrative ; qu'aux termes de l'article L. 116-6 du même code : L'action en réparation de l'atteinte portée au domaine public routier, notamment celle tendant à l'enlèvement des ouvrages faits, est imprescriptible ;

Considérant, d'une part, que les autorités chargées de la police et de la conservation du domaine public routier sont tenues, par application des principes régissant la domanialité publique, de veiller à son utilisation normale et d'exercer à cet effet les pouvoirs qu'elles tiennent de la législation en vigueur, en particulier celui d'engager des poursuites pour faire cesser les occupations sans titre et enlever les obstacles créés de manière illicite, qui s'opposent à l'exercice, par le public, de son droit à l'usage des voies publiques, et d'une manière générale, de prendre les mesures nécessaires pour assurer la libre circulation sur les voies communales ;

Considérant, d'autre part, que, sauf dispositions législatives contraires, la qualité de riverain d'une voie publique confère à celui-ci le droit d'accéder à cette voie ; que ce droit est au nombre des aisances de voirie dont la suppression donne lieu à réparation au profit de la personne qui en est privée ;

Considérant qu'il ressort du rapport d'expertise déposé le 8 juillet 2002, et qu'il n'est d'ailleurs pas contesté qu'une section du chemin de Fontanieu a été délaissée et rendue inaccessible pour une partie et incorporée à une propriété privée pour une autre partie ; que si la commune soutient avoir tenté de trouver une solution, et acquis des parcelles en vue de réaliser certains travaux d'aménagement sur une partie du chemin de Fontanieu, il ne résulte pas de l'instruction que le maire du Revest-les-Eaux ait pris des mesures concrètes de nature à mettre fin à l'impossibilité, pour les consorts , riverains de cette voie publique, d'accéder à ce chemin ; qu'il lui appartenait d'entretenir le chemin de Fontanieu et, notamment, d'empêcher qu'il soit envahi par la végétation d'une part et, d'autre part, incorporé indûment dans une propriété privée ; que cette abstention est constitutive d'une faute, de nature à engager la responsabilité de la commune du Revest-les-Eaux, alors même qu'elle n'aurait jamais accordé l'autorisation à des personnes privées d'incorporer de fait une portion du chemin de Fontanieu dans leur propriété ; qu'enfin, si la commune du Revest-les-Eaux soutient que le chemin de Fontanieu est un ancien chemin muletier qui a toujours été un chemin piétonnier, elle n'établit pas une telle allégation ; qu'au surplus, il n'est pas contesté que des véhicules circulent régulièrement sur la partie accessible de ce chemin ; que par suite, il y a lieu de déclarer la commune du Revest-les-Eaux responsable des conséquences dommageables de cette faute à l'égard de Mme - et M. ;

Sur le préjudice

Considérant, en premier lieu, que l'incorporation de fait d'une partie du chemin de Fontanieu dans une propriété privée, matérialisée notamment par la pose d'une clôture et d'un portail, constitue une atteinte portée au domaine public routier ; que, conformément aux dispositions des articles L. 116-1 et suivants du code de la voirie routière, il n'appartient qu'à la juridiction judiciaire d'ordonner la suppression de la clôture et du portail en question ; que, dès lors, les conclusions de Mme - et M. tendant à ce que la commune du Revest-les-Eaux soient condamnée prendre en charge et faire réaliser les travaux préconisés par l'expert ne peuvent qu'être rejetées ; qu'en second lieu, les requérants demandent, à défaut, de condamner la commune à leur verser la somme de 300 000 euros, correspondant au montant des travaux préconisés par l'expert ; que toutefois, les intéressés ne sauraient prétendre à obtenir une somme correspondant à la remise en état d'une voie communale ; qu'une telle demande ne peut qu'être rejetée ;

Considérant, en dernier lieu, que les requérants demandent également la réparation du dommage lié à la privation du droit d'accès à la voie publique ; qu'ils font valoir qu'ils projetaient d'édifier sur leur parcelle six villas destinés à la location et que la commune du Revest-les-Eaux leur a délivré, le 29 juin 1999, un certificat d'urbanisme négatif sur ces parcelles au motif que les caractéristiques de la voie étaient nettement insuffisantes pour satisfaire aux besoins de toute construction ou installation nouvelle ; que, toutefois, Mme - et M. ne produisent, ni en première instance, ni en appel, aucun document de nature à établir le caractère certain de ce projet de construction, eu égard notamment à l'ensemble des dispositions d'urbanisme applicables sur le territoire de la commune du Revest-les-Eaux ; qu'en tout état de cause, les intéressés ne sauraient réclamer le remboursement des seuls revenus de location des villas qu'ils envisageaient de construire, sans en déduire les charges afférentes à la construction desdites villas ; que dans ces conditions, la perte des revenus escomptés de ces locations ne présente qu'un caractère purement éventuel ; que, par suite, Mme - et M. ne peuvent ainsi prétendre au versement d'une indemnité au titre de ce chef de préjudice ;

Considérant en revanche que, compte tenu de la période pendant laquelle Mme - et M. ont été privés de leur accès à la voie publique, qui a débuté au moins en 1990 et de la circonstance que les parcelles concernées ne comportent aucune maison à usage d'habitation, il sera fait une juste appréciation de ce préjudice en l'évaluant à la somme de 8 000 euros, y compris tous intérêts échus au jour de l'arrêt ; que les requérants sont dès lors fondés à demander, dans cette mesure, la réformation du jugement attaqué ;

Considérant que les requérants demandent dans leurs dernières écritures, que la commune soit condamnée à leur verser une somme de 2 975 800 euros correspondant à la diminution de la valeur vénale de leur propriété ; qu'il résulte du plan local d'urbanisme approuvé en 2006 que leur terrain est désormais classé en zone inconstructible ; que le préjudice lié à une diminution de la valeur vénale de ce terrain est par suite purement hypothétique ;

Sur les conclusions d'appel incident de la commune du Revest-les-eaux :

Considérant qu'ainsi qu'il a été dit ci-dessus, la commune du Revest-les-eaux a commis une faute de nature a engager sa responsabilité envers Mme - et M. ; que par voie de conséquence, les conclusions d'appel incident de la commune du Revest-les-eaux tendant à ce qu'elle soit déchargée du paiement de toute indemnité à Mme - et M. doivent être rejetées ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation ;

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la commune du Revest-les-eaux la somme de 2 500 euros au titre des frais exposés par Mme - et M. et non compris dans les dépens ;

D É C I D E :

Article 1er : L'indemnité que la commune du Revest-les-eaux est condamnée à verser à Mme - et M. est portée à 8 000 euros y compris tous intérêts échus au jour de l'arrêt.

Article 2 : Le jugement du Tribunal administratif de Nice du 6 mars 2007 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 3: La commune du Revest-les-eaux versera à Mme - et à M. une somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de Mme - et de M. est rejeté.

Article 5: Les conclusions de la commune du Revest-les-eaux sont rejetées.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à Mme Simone -, à M. Jean-Louis et à la commune du Revest-les-eaux.

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N° 07MA01574 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 7ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 07MA01574
Date de la décision : 18/12/2008
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. FERULLA
Rapporteur ?: Mme Anne-Laure CHENAL-PETER
Rapporteur public ?: M. DIEU
Avocat(s) : LLC et ASSOCIES - AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2008-12-18;07ma01574 ?
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