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11/12/2008 | FRANCE | N°05MA01827

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 1ère chambre - formation à 3, 11 décembre 2008, 05MA01827


Vu la requête, enregistrée au greffe de la cour le 21 juillet 2005, présentée pour la COMMUNE DE BRIANÇON, (05105) représentée par son maire en exercice, par Me Nicolas Courtier, avocat ; la commune demande à la cour :

1°) de réformer le jugement du tribunal administratif de Marseille n° 0302361 du 12 mai 2005 en tant qu'il a annulé l'arrêté en date du 4 mars 2003 par lequel le maire de la COMMUNE DE BRIANÇON a décidé d'exercer le droit de préemption de la commune sur la parcelle cadastrée AW 317 et AW 403 et qu'il l'a condamnée à verser à la société civile immo

bilière Lacha la somme de 1 500 euros au titre de l'article L.761-1 du code d...

Vu la requête, enregistrée au greffe de la cour le 21 juillet 2005, présentée pour la COMMUNE DE BRIANÇON, (05105) représentée par son maire en exercice, par Me Nicolas Courtier, avocat ; la commune demande à la cour :

1°) de réformer le jugement du tribunal administratif de Marseille n° 0302361 du 12 mai 2005 en tant qu'il a annulé l'arrêté en date du 4 mars 2003 par lequel le maire de la COMMUNE DE BRIANÇON a décidé d'exercer le droit de préemption de la commune sur la parcelle cadastrée AW 317 et AW 403 et qu'il l'a condamnée à verser à la société civile immobilière Lacha la somme de 1 500 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative ;

2°) de condamner la société civile immobilière Lacha au versement d'une somme de 2 000 euros au titre de l'article L.761-1du code de justice administrative ;

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Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire, enregistré au greffe de la Cour le 9 mars 2006, présenté pour la société civile immobilière (SCI) Lacha, dont le siège social est 19 rue des Couteliers, zone d'activité sud, à Briançon (05100), représentée par son gérant en exercice, par la SCP Bollet et associés, avocats ; La SCI Lacha conclut au rejet de la requête et à la condamnation de la COMMUNE DE BRIANÇON à lui verser la somme de 3 000 euros au titre de l'article L.761-1du code de justice administrative ;

.................................

Vu le mémoire, enregistré au greffe de la Cour le 5 octobre 2006, présenté pour la COMMUNE DE BRIANÇON, par Me Nicolas Courtier, avocat, qui conclut aux mêmes fins que sa requête et ramène sa demande présentée au titre de l'article L761-1 du code de justice administrative à 1 525 euros ;

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Vu le mémoire, enregistré au greffe de la Cour le 20 décembre 2006, présenté pour la société civile immobilière (SCI) Lacha, par la SCP Bollet et associés, avocats, qui conclut au rejet de la requête et porte sa demande au titre de l'article L.761-1du code de justice administrative à la somme de 5 000 euros

...................................

Vu le mémoire, enregistré au greffe de la Cour le 5 novembre 2007, présentée pour la COMMUNE DE BRIANÇON, par Me Nicolas Courtier, avocat ; elle conclut aux mêmes fins que sa requête et porte sa demande au titre de l'article L.761-1du code de justice administrative à la somme de 3 000 euros ;

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Vu le mémoire, enregistré au greffe de la Cour le 27 mars 2008, présenté pour la société civile immobilière (SCI) Lacha, par la SCP Bollet et associés, avocats qui conclut au rejet de la requête et limite sa demande au titre de l'article L.761-1du code de justice administrative à la somme de 4 500 euros ;

...................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de l'urbanisme ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 28 novembre 2008 :

- le rapport de M. d'Hervé, président-assesseur ;

- les observations de Me Courtier pour la commune de Briançon et de Me Blanc pour la SCI Lacha ;

- et les conclusions de M. Bachoffer, commissaire du gouvernement ;

Considérant que la COMMUNE DE BRIANÇON fait appel du jugement du tribunal administratif de Marseille en date du 12 mai 2005 en tant qu'il a annulé la décision en date du 4 mars 2003 par laquelle son maire a exercé le droit de préemption de la commune pour acquérir une parcelle de terrain dans le but de revendre ce terrain à la société Masse pour son activité industrielle alors que la SCI Lacha devait acquérir cette même parcelle de son propriétaire pour les besoins de son entreprise de transport par autocars ;

Considérant que l'article L.210-1 du code de l'urbanisme dans sa rédaction applicable aux faits de l'espèce dispose que « les droits de préemption institués par le présent titre sont exercés en vue de la réalisation, dans l'intérêt général, des actions ou opérations répondant aux objets définis à l'article L.300-1, à l'exception de ceux visant à sauvegarder ou à mettre en valeur les espaces naturels, ou pour constituer des réserves foncières en vue de permettre la réalisation desdites actions ou opérations d'aménagement (...) » ; qu'aux termes de l'article L.300-1 du même code alors applicable : « Les actions ou opérations d'aménagement ont pour objets de mettre en oeuvre un projet urbain, une politique locale de l'habitat, d'organiser le maintien, l'extension ou l'accueil des activités économiques, de favoriser le développement des loisirs et du tourisme, de réaliser des équipements collectifs, de lutter contre l'insalubrité, de permettre le renouvellement urbain, de sauvegarder ou de mettre en valeur le patrimoine bâti ou non bâti et les espaces naturels » ; qu'il résulte de la combinaison de ces dispositions qu'une décision de préemption est légalement justifiée dès lors que l'action ou l'opération qui la fonde est engagée dans l'intérêt général et répond à l'un des objets définis à l'article L.300-1, alors même que, eu égard à cet objet, elle ne s'accompagne d'aucune mesure d'urbanisation ni d'aucune réalisation d'équipement ; que c'est ainsi à tort que, pour annuler la décision du 4 mars 2003, le tribunal administratif s'est fondé sur la circonstance que cette décision, qui ne tendait qu'à permettre la revente du terrain ainsi acquis à une entreprise pour les besoins de son développement, avait par nature un objet étranger à ceux mentionnés par les dispositions précitées ;

Considérant toutefois qu'il appartient à la cour saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel d'examiner les autres moyens présentés par la SCI LACHA devant le tribunal administratif et en appel ;

Considérant en premier lieu qu'il ressort des pièces du dossier que la volonté de la commune d'assurer le développement de la société Masse en permettant que l'extension de ses installations se fasse sur le territoire communal dans la zone dédiée aux activités industrielles l'avait conduite, avant d'exercer son droit de préemption à cette fin, à mener des initiatives, notamment la création d'un atelier relais, poursuivant le même but ; qu'ainsi la réalité du projet pour lequel elle a préempté le bien en litige est établie ; qu'en se donnant comme but de permettre à une entreprise, implantée depuis plusieurs années dans la commune, dont l'effectif salarié est en progression et dont l'augmentation d'activité dépend notamment de la possibilité, d'étendre ses installations, la commune poursuit en l'espèce un motif d'intérêt général au sens des dispositions précitées, alors même que l'extension de l'entreprise ainsi aidée n'est pas nécessaire au maintien du niveau de l'activité salariée dans la commune ;

Considérant en deuxième lieu, que le droit de préemption urbain, introduit par le législateur dans l'intérêt général pour permettre certaines interventions jugées nécessaires de la puissance publique dans les relations entre particuliers, et notamment la possibilité de disposer, dans certaines zones, d'un droit d'acquisition prioritaire d'un bien librement mis en vente par son propriétaire, comporte nécessairement des restrictions à la possibilité pour le propriétaire de vendre son bien à la personne de son choix et pour l'acquéreur évincé d'y exercer son activité professionnelle ; qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que, compte tenu de ce qui vient d'être rappelé, l'exercice par la commune de cette prérogative exorbitante du droit commun aurait porté en l'espèce au droit de propriété, à la liberté du commerce et de l'industrie ou aux règles du droit de la concurrence des atteintes excédant ce qui a été envisagé par le législateur ;

Considérant en troisième lieu que, dans le cas ou comme en l'espèce le droit de préemption est mis en oeuvre pour organiser l'extension d'une activité économique déterminée, l'acquéreur évincé s'il exerce également une activité économique ne peut utilement faire valoir, pour soutenir que la décision est illégale, que l'extension de sa propre activité répondrait également ou même dans de meilleures conditions aux objectifs recherchés par la commune en exerçant son droit de préemption ; qu'ainsi la circonstance que l'activité prévue dans les locaux que la SCI Lacha se proposait d'acquérir serait plus importante, au regard du volume d'emploi salarié et de recettes fiscales qu'elle génèrerait est sans incidence sur la légalité de la décision en litige ;

Considérant enfin que la circonstance que le compromis de vente initialement conclu entre la commune et le propriétaire pour la réalisation par la collectivité d' un « atelier relais » devant accueillir l'entreprise Masse serait caduc est sans incidence sur la légalité de la procédure de préemption ensuite mise en oeuvre ; que si la SCI Lacha soutient que la rétrocession à la société Masse ne s'est pas réalisée et que le terrain ainsi acquis aurait ensuite été affecté à un autre usage, ces circonstances, postérieures à son intervention, sont sans incidence sur la légalité de la décision de préemption en litige ;

Considérant enfin que le détournement de pouvoir allégué n'est pas établi dès lors qu'ainsi qu'il vient d'être dit le droit de préemption n'a pas été exercé dans le but exclusif de favoriser financièrement une entreprise ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la COMMUNE DE BRIANÇON est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a annulé la décision du 4 mars 2003 ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que la COMMUNE DE BRIANÇON qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante soit condamnée à verser une quelconque somme à la SCI Lacha ; que dans les circonstances de l'espèce il y a lieu de mettre à la charge de cette dernière sur le fondement des mêmes dispositions le paiement d'une somme de 1 500 euros à la COMMUNE DE BRIANÇON ;

DECIDE :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Marseille en date du 12 mai 2005 est annulé en tant qu'il a annulé la décision du maire de la COMMUNE DE BRIANÇON en date du 4 mars 2003.

Article 2 : Les conclusions présentées par la SCI Lacha devant le tribunal administratif contre cette même décision sont rejetées.

Article 3 : La SCI Lacha versera la somme de 1 500 (mille cinq cents) euros à la COMMUNE DE BRIANÇON.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la COMMUNE DE BRIANCON, à la SCI Lacha et au ministre d'Etat, ministre de l'écologie, de l'énergie, du développement durable et l'aménagement du territoire.

N°05MA01827 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 1ère chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 05MA01827
Date de la décision : 11/12/2008
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. COUSIN
Rapporteur ?: M. Jean-Louis D'HERVE
Rapporteur public ?: M. BACHOFFER
Avocat(s) : SCP CARLINI et ASSOCIÉS

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2008-12-11;05ma01827 ?
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