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16/10/2008 | FRANCE | N°08MA01224

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 7ème chambre - formation à 3, 16 octobre 2008, 08MA01224


Vu, I, la requête, enregistrée, sous le numéro 08MA01224, au greffe de la Cour administrative d'appel de Marseille le 10 mars 2008, présentée pour M. , demeurant ..., par Me Campana, avocat ;

M. demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0701281 en date du 7 février 2008 par lequel le Tribunal administratif de Bastia a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté en date du 18 octobre 2007 par lequel le préfet de la Haute-Corse a refusé de lui délivrer un titre de séjour et a assorti sa décision d'une obligation de quitter le territoire ;
>2°) d'annuler l'arrêté précité du préfet de la Haute-Corse ;

3°) d'enjoindre au p...

Vu, I, la requête, enregistrée, sous le numéro 08MA01224, au greffe de la Cour administrative d'appel de Marseille le 10 mars 2008, présentée pour M. , demeurant ..., par Me Campana, avocat ;

M. demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0701281 en date du 7 février 2008 par lequel le Tribunal administratif de Bastia a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté en date du 18 octobre 2007 par lequel le préfet de la Haute-Corse a refusé de lui délivrer un titre de séjour et a assorti sa décision d'une obligation de quitter le territoire ;

2°) d'annuler l'arrêté précité du préfet de la Haute-Corse ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Haute-Corse de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dans un délai de quinze jours à compter de la décision à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

...................................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 18 septembre 2008 :

- le rapport de Mme Bader-Koza, rapporteur ;

- les conclusions de M. Dieu, commissaire du gouvernement ;

Considérant que les requêtes enregistrées sous les n°08MA01224, 08MA01268 et 08MA01374, présentées pour M. , sont dirigées contre le même jugement et ont fait l'objet d'une instruction commune ; qu'il y a lieu de les joindre pour y statuer par un même arrêt ;

Considérant que M. , né en 1972, de nationalité marocaine, relève appel du jugement en date du 7 février 2008 par lequel le Tribunal administratif de Bastia a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 18 octobre 2007 par lequel le préfet de la Haute-Corse a refusé de lui délivrer un titre de séjour et a assorti la dite décision, d'une obligation de quitter le territoire et demande que soit ordonné le sursis à l'exécution dudit jugement et de l'arrêté préfectoral litigieux ;

Sur la régularité du jugement attaqué :

Considérant, d'une part, qu'aux termes de l'article L. 9 du code de justice administrative : « Les jugements sont motivés », d'autre part que les stipulations de l'article 6-1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales qui garantissent à tout citoyen le droit à un procès équitable, imposent que tout jugement soit suffisamment motivé ;

Considérant qu'en se bornant à relever que l'intéressé « ne produit aucun document suffisamment probant, précis ou circonstancié pour attester d'une durée significative de résidence en France », sans lui donner les précisions nécessaires quant à la valeur et à l'intérêt des différentes pièces présentées, et ce alors que M. avait produit devant le tribunal de très nombreuses pièces et reprochait au préfet de la Haute-Corse d'avoir estimé qu'il ne justifiait pas d'une présence en France au cours des années 1995 et 1996, le tribunal a insuffisamment motivé son jugement ; que, dès lors, M. est fondé à en demander l'annulation ;

Considérant qu'il y a lieu pour la Cour, par la voie de l'évocation, de statuer sur la demande présentée par M. devant le Tribunal administratif de Bastia ;

Sur la légalité de l'arrêté en date du 18 octobre 2007 en tant qu'il porte refus de séjour :

S'agissant de la légalité externe :

Considérant, en premier lieu, qu'il ressort de l'instruction que l'auteur de la décision attaquée, M. Jean-Marc Magda, secrétaire général de la Préfecture de la Haute-Corse, a reçu délégation de signature du préfet de la Haute-Corse par un arrêté du 4 septembre 2004, dûment publié au recueil des actes administratifs de la préfecture, lui donnant compétence pour prendre les décisions relatives, notamment, à la police des étrangers ; que, dès lors, le moyen tiré de ce que l'arrêté du 18 octobre 2007 serait entaché d'incompétence ne peut qu'être écarté ;

Considérant, en deuxième lieu, que M. n'était pas au nombre des étrangers pouvant obtenir de plein droit un titre de séjour en application notamment du 7° précité de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que, par suite, le préfet n'était pas tenu de soumettre son cas à la commission du titre de séjour mentionnée à l'article L. 312-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile avant de rejeter sa demande ;

Considérant, en troisième lieu, qu'en vertu de l'article 3 de la loi du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs, les décisions individuelles défavorables doivent comporter l'énoncé des considérations de fait et de droit qui en constituent le fondement ; qu'il ressort de l'examen de la décision portant refus de délivrer à M. un titre de séjour, que le préfet a rappelé les considérations de droit et de fait qui en constitue le fondement ; que, dès lors, aucun manquement quant à l'obligation de motivation susrappelée n'entache la dite décision ;

Considérant, en quatrième lieu, que contrairement aux affirmations de M. , l'intervention d'une décision implicite de rejet à l'issue du silence gardé pendant quatre mois, sur la demande de titre de séjour qu'il a déposée le 12 mai 2005, avait seulement pour effet de lier le contentieux ; qu'elle n'a cependant pas eu pour effet de dessaisir l'administration qui restait compétente pour statuer sur la demande de l'intéressé et prendre la décision explicite de rejet en date du 18 octobre 2007, laquelle retire implicitement la décision tacite de refus précitée, laquelle n'était pas, contrairement aux allégations de M. , créatrice de droits ; qu'ainsi, les dispositions de l'article 24 de la loi du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec l'administration, qui fixent les règles générales de procédure applicables aux décisions devant être motivées en vertu de la loi du 11 juillet 1979, ne peuvent être utilement invoquées à l'encontre d'une décision de refus de titre de séjour, qui est prise en réponse à une demande formulée par l'intéressé ;

S'agissant de la légalité interne :

Considérant que si M. a sollicité, le 12 mai 2005, l'admission au séjour en application des dispositions du 3e de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ces dispositions n'étaient plus en vigueur à la date où le préfet a statué sur la demande de l'intéressé ; que ce dernier fait toutefois valoir qu'il entre dans les prévisions des 7e et 11e du même article L. 313-11 et que la décision portant refus de titre méconnaît les dispositions des articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : « 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui » ; qu'aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : « Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention « vie privée et familiale » est délivrée de plein droit : (...) 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée » ; qu'aux termes de l'article R. 313-21 dudit code : « Pour l'application du 7º de l'article L. 313-11, l'étranger qui invoque la protection due à son droit au respect de la vie privée et familiale en France doit apporter toute justification permettant d'apprécier la réalité et la stabilité de ses liens personnels et familiaux effectifs en France au regard de ceux qu'il a conservés dans son pays d'origine » ;

Considérant que, compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce, et notamment de ce que l'intéressé est célibataire et sans enfant, de ce qu'il n'établit pas l'absence d'attaches familiales dans son pays d'origine, de ce qu'il ne justifie pas que l'état de santé de son père, qui réside régulièrement en France, nécessiterait la présence d'une tierce personne et qu'il serait le seul à pouvoir s'occuper de celui-ci, ainsi que des conditions de son séjour irrégulier en France depuis 1995 selon ses propres dires, et eu égard aux effets d'une mesure de refus de titre de séjour, la décision du préfet de la Haute-Corse n'a pas porté au droit de l'intéressé au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels a été prise ladite décision ; qu'elle n'a donc pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction alors en vigueur : « Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention « vie privée et familiale » est délivrée de plein droit : (...) / 11° A l'étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve qu'il ne puisse effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans le pays dont il est originaire (...) » ; qu'en tout état de cause, il ne ressort pas des pièces du dossier que l'état de santé de M. nécessite une prise en charge médicale ; que, dans ces conditions, la décision par laquelle le préfet de la Haute-Corse a refusé de lui délivrer un titre de séjour temporaire n'a pas méconnu les dispositions précitées du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Considérant, en troisième lieu, qu'en se bornant à se prévaloir des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, sans justifier d'aucune considération humanitaire ou motif exceptionnel, M. n'établit pas que la décision contestée serait entachée d'erreur manifeste d'appréciation en tant qu'elle fixe un pays de destination alors qu'en tout état de cause, un tel moyen est inopérant vis-à-vis du refus de titre de séjour et de l'obligation de quitter le territoire ;

Sur la légalité de l'arrêté en date du 18 octobre 2007 en tant qu'il porte obligation de quitter le territoire français :

Considérant, en premier lieu, que si l'obligation de quitter le territoire français doit, en tant que mesure de police, être motivée en application des règles de forme édictées par l'article 1er de la loi du 11 juillet 1979, la motivation de cette mesure se confond avec celle du refus ou du retrait de titre de séjour dont elle découle nécessairement et n'implique pas, par conséquent, de mention spécifique pour respecter les exigences de l'article 1er de la loi du 11 juillet 1979, dès lors que ce refus ou ce retrait est lui-même motivé et que les dispositions législatives qui permettent d'assortir le refus de séjour d'une obligation de quitter le territoire français ont été rappelées ; qu'ainsi, contrairement à ce que soutient M. , la décision qui précise l'ensemble des éléments qui fondent le refus de renouvellement du titre de séjour sollicité et se qui vise les dispositions de l'article L. 511-1° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile est suffisamment motivée en droit et en fait ;

Considérant, en second lieu, que le détournement de procédure allégué, n'est pas établi ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Bastia a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 18 octobre 2007 ;

Sur les conclusions aux fins d'injonction, sous astreinte :

Considérant que le présent arrêt, qui rejette la requête de M. n'appelle aucune mesure d'exécution ; que par suite, les conclusions de l'intéressé tendant à ce qu'il soit enjoint, sous astreinte, au préfet de la Haute-Corse de lui délivrer une carte de séjour temporaire ou, à défaut, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dans l'attente du réexamen de sa situation, doivent être rejetées ;

Sur les conclusions de la requête n° 08MA01374 à fin de sursis à exécution du jugement et de l'arrêté du 18 octobre 2007 :

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que les conclusions de M. tendant au sursis à exécution du jugement et de l'arrêté attaqués sont devenues sans objet ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, soit condamné à payer à M. la somme que celui-ci demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;

D É C I D E :

Article 1er : Les requêtes n° 08MA01224 et 08MA01268 de M. sont rejetées.

Article 2 : n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la requête n° 08MA01374.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. et au ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire.

Copie en sera transmise au préfet de la Haute-Corse.

N°08MA01224, 08MA01268, 08MA1374 2

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 7ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 08MA01224
Date de la décision : 16/10/2008
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. FERULLA
Rapporteur ?: Mme Sylvie BADER-KOZA
Rapporteur public ?: M. DIEU
Avocat(s) : CAMPANA

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2008-10-16;08ma01224 ?
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