Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour administrative d'appel de Marseille le 26 novembre 2007, sous le n° 07MA04548, présentée par le PREFET DE LA HAUTE CORSE ;
Le PREFET DE LA HAUTE CORSE demande à la Cour :
- d'annuler le jugement en date du 19 novembre 2007 par lequel le Tribunal administratif de Bastia a annulé son arrêté du 15 novembre 2007 décidant la reconduite à la frontière de M. Mehmet X ;
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Vu le jugement attaqué ;
Vu, enregistré au greffe de la Cour les 7 et 9 janvier 2008, le mémoire en défense présenté pour M. Mehmet X, par Me Seatelli, avocat, qui conclut au rejet de la requête et à la confirmation du jugement attaqué ;
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Vu, enregistré au greffe de la Cour le 11 février 2008, le mémoire en réplique présenté par le PREFET DE LA HAUTE CORSE qui persiste dans ses précédentes conclusions ;
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Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
Vu le code pénal ;
Vu le code de justice administrative ;
Vu la décision du président de la Cour administrative d'appel de Marseille du 4 février 2008 donnant délégation à M. Jean-Louis Guerrive, président de la 6e chambre, pour exercer les compétences prévues par l'article R. 776-19 du code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 27 juin 2008 :
- le rapport de M. Guerrive, président,
- et les conclusions de Mme Buccafurri, commissaire du gouvernement.
Considérant qu'aux termes de l'article L. 130-1 du code pénal : « Lorsqu'elle est prévue par la loi, la peine d'interdiction du territoire français peut être prononcée à titre définitif ou pour une durée de dix ans au plus, à l'encontre de tout étranger coupable d'un crime ou d'un délit. L'interdiction du territoire entraîne, de plein droit, la reconduite du condamné à la frontière, le cas échéant à l'expiration de sa peine d'emprisonnement ou de réclusion. » ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. X, ressortissant turc, a été condamné, le 5 décembre 1989, notamment à une peine d'interdiction définitive du territoire français pour laquelle il a obtenu, le 4 février 1992, une mesure de grâce qui a été révoquée de plein droit dès lors que, le 4 avril 1996, l'intéressé a fait l'objet d'une nouvelle condamnation ; que, pour prononcer l'annulation de l'arrêté préfectoral du 15 novembre 2007, décidant la reconduite à la frontière de M. Mehmet X le Tribunal administratif de Bastia s'est fondé sur un document indiquant que la mesure d'interdiction dont il avait fait l'objet n'était plus en vigueur depuis le 18 janvier 2005 et en a déduit que l'arrêté critiqué était, dès lors, illégal comme contraire aux dispositions de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le protégeant, en sa qualité de conjoint de française, contre une mesure d'éloignement ; qu'en appel, cependant, le préfet de la Haute Corse a produit un courrier en date du 21 novembre 2007 émanant du parquet général près la Cour de Colmar, attestant que la peine d'interdiction définitive du territoire était encore en vigueur à la date d'intervention de l'arrêté litigieux ;
Considérant que si l'exécution d'une peine d'interdiction du territoire prononcée par le juge pénal à l'encontre d'un étranger ne nécessite l'intervention d'aucun arrêté préfectoral de reconduite, le prononcé d'une telle interdiction ne fait pas obstacle à ce que le préfet fasse usage de son pouvoir de prendre une mesure administrative de reconduite à la frontière à l'encontre du même étranger lorsque celui-ci, du fait de l'absence d'exécution de la sanction pénale, se trouve en situation irrégulière sur le territoire français ;
Considérant que, dans une telle hypothèse, la décision préfectorale ne revêt pas un caractère superfétatoire dès lors qu'elle peut être exécutée alors que l'intéressé ne serait plus sous le coup de l'interdiction judiciaire, soit que la durée de celle-ci soit expirée, soit que l'étranger en soit relevé par le juge pénal ; qu'il en résulte, d'une part, que l'intéressé justifie d'un intérêt qui le rend recevable à contester cette décision administrative, d'autre part, que le juge de l'excès de pouvoir, saisi du litige, doit statuer sur l'ensemble des moyens de légalité présentés par l'intéressé, qui ne sont pas inopérants dès lors que le préfet, auteur de la décision, n'est pas en situation de compétence liée pour la prendre sur le fondement des dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; qu'il appartient toutefois à ce juge de tenir compte de l'autorité absolue de la chose jugée qui s'attache aux constatations de fait mentionnées dans la décision du juge pénal et qui sont le support nécessaire de son dispositif ; qu'il doit également, au cas où il annule la décision préfectorale alors que l'étranger est toujours sous le coup de l'interdiction judiciaire, s'abstenir de prescrire toute mesure d'exécution de son jugement qui serait en contradiction avec cette interdiction judiciaire ;
Considérant que le préfet de la Haute Corse ne peut, ainsi qu'il vient d'être dit ci-dessus, invoquer la condamnation de M. X à une peine définitive d'interdiction du territoire pour soutenir que les moyens présentés par l'intéressé devant le tribunal administratif à l'encontre de l'arrêté préfectoral de reconduite à la frontière qu'il a pris à l'encontre de M. X étaient inopérants ; que notamment, et alors même que l'autorité judiciaire peut, à tout moment, requérir la reconduite à la frontière d'un étranger frappé d'une peine d'interdiction du territoire, l'autorité administrative reste soumise aux restrictions qu'apporte le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile à son pouvoir d'ordonner la reconduite à la frontière d'étrangers en situation irrégulière ; que, notamment, aucune disposition n'autorise, dans cette hypothèse, le préfet à ordonner la reconduite à la frontière d'un étranger se trouvant dans l'une des situations définies par l'article L.511-4 du même code, et ne pouvant, de ce fait, faire l'objet d'une telle mesure ;
Considérant qu'il n'est pas contesté que M. X, marié à une ressortissante française depuis plus de trois ans, est au nombre des étrangers définis par le 7° de l'article L.511-4 sus mentionné ; qu'en prononçant sa reconduite à la frontière, le préfet a ainsi méconnu cette disposition ; qu'il n'est, par suite, pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par l'article 1er du jugement attaqué, le tribunal administratif de Bastia a annulé l'arrêté litigieux
Considérant, en revanche, que la circonstance que M. X a été condamné à une peine d'interdiction du territoire fait obstacle, tant qu'il n'a pas obtenu le relèvement de cette peine, à ce qu'il soit enjoint au préfet de lui délivrer un titre de séjour ; que le préfet de Haute Corse est ainsi fondé à demander l'annulation du jugement attaqué en ce que, par son article 2, il lui a enjoint de délivrer à M. X une autorisation provisoire de séjour jusqu'à ce qu'il soit statué sur son droit au séjour
D E C I D E :
Article 1er : L'article 2 du jugement du tribunal administratif de Bastia n° 0701277 est annulé.
Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête du PREFET DE LA HAUTE CORSE est rejeté.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire et à M. Mehmet X.
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N° 07MA04548