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24/06/2008 | FRANCE | N°06MA00795

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 4ème chambre-formation à 3, 24 juin 2008, 06MA00795


Vu la requête, enregistrée le 15 mars 2006, présentée pour Mlle Patricia X, demeurant ..., par Me Calandra ; Mlle X demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0105220 du 12 janvier 2006 par lequel le Tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande en décharge des cotisations supplémentaires à la contribution sociale généralisée et à la contribution pour le remboursement de la dette sociale auxquelles elle a été assujettie au titre de l'année 1996 ;

2°) de prononcer la décharge des impositions contestées et des pénalités y afférentes ;

) de condamner l'Etat à lui verser une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1...

Vu la requête, enregistrée le 15 mars 2006, présentée pour Mlle Patricia X, demeurant ..., par Me Calandra ; Mlle X demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0105220 du 12 janvier 2006 par lequel le Tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande en décharge des cotisations supplémentaires à la contribution sociale généralisée et à la contribution pour le remboursement de la dette sociale auxquelles elle a été assujettie au titre de l'année 1996 ;

2°) de prononcer la décharge des impositions contestées et des pénalités y afférentes ;

3°) de condamner l'Etat à lui verser une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

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Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 10 juin 2008 :

- le rapport de Mme Mariller, rapporteur ;

- les observations de Me Calandra pour Mlle X ;

- et les conclusions de M. Emmanuelli, commissaire du gouvernement ;

Considérant qu'à la suite de la vérification de comptabilité de la société des Etablissements X, qui a pour principale activité la réparation et l'entretien des stations services, l'administration a constaté que la société avait acquis le 19 avril 1996, le fonds de commerce qu'elle exploitait depuis 1986 dans le cadre d'un contrat de location gérance auprès de M Serge X et de Mlle X, associés ; qu'elle a considéré, d'une part que cette acquisition s'était faite à un prix excédant la valeur vénale réelle et constituait un acte anormal de gestion, la part excédentaire du prix constituant une distribution au sens de l'article 109-1-2° du code général des impôts, d'autre part que la plus-value réalisée lors de cette vente ne pouvait bénéficier de l'exonération prévue à l'article 151 septies du même code ; que pour demander l'annulation du jugement en date du 12 janvier 2006 par lequel le Tribunal administratif de Nice a rejeté ses conclusions en décharge des contributions sociales mises à sa charge au titre de l'année 1996 en conséquence de ces redressements, Mlle X soutient que la procédure d'imposition est irrégulière, que l'administration ne pouvait l'imposer dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers et qu'elle est en droit de se prévaloir du bénéfice de l'exonération de l'article 151 septies précité ; qu'elle conteste également la régularité dudit jugement ;

Sur la régularité du jugement :

Considérant que Mlle X reproche aux premiers juges de ne pas avoir pris position sur l'avis d'imposition en date du 31 juillet 2000 qui était visé dans la demande présentée au tribunal administratif ; qu'il résulte des motifs du jugement attaqué, que le tribunal a, à juste titre, déclaré irrecevables les conclusions dirigées contre les impositions résultant de l'émission le 30 juin 1999 d'un avis d'imposition supplémentaire, dès lors que ces impositions avaient fait l'objet d'un dégrèvement avant l'introduction de la demande ; qu'il a ensuite jugé, en précisant à juste titre que la requérante ne contestait pas le bien fondé des impositions, qu'elle n'était pas dans une situation de double imposition, du fait de l'émission d'un nouvel avis d'imposition le 31 juillet 2000, après que les redressements afférents aux contributions sociales de l'année 1996 aient fait l'objet, par lettre recommandée avec accusé de réception, d'une nouvelle notification de redressement le 6 décembre 1999, non retirée par Mlle X ; que le tribunal n'a ainsi pas omis de statuer sur l'ensemble des conclusions de la demande, ni sur les moyens opérants qui lui étaient soumis ; que le jugement est en conséquence régulier ;

Sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non recevoir opposée par le ministre :

Sur la régularité de la procédure d'imposition :

En ce qui concerne l'application implicite de l'abus de droit :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 64 du livre des procédures fiscales, dans sa rédaction alors en vigueur : Ne peuvent être opposés à l'administration des impôts, les actes qui dissimulent la portée véritable d'un contrat ou d'une convention à l'aide de clauses : a. Qui donnent ouverture à des droits d'enregistrement ou à une taxe de publicité foncière moins élevés ; b. Ou qui déguisent soit une réalisation, soit un transfert de bénéfices ou de revenus ; c. Ou qui permettent d'éviter, en totalité ou en partie, le paiement des taxes sur le chiffre d'affaires correspondant aux opérations effectuées en exécution d'un contrat ou d'une convention ; l'administration est en droit de restituer son véritable caractère à l'opération litigieuse. Si elle s'est abstenue de prendre l'avis du comité consultatif pour la répression des abus de droit ou ne s'est pas rangée à l'avis de ce comité, il lui appartient d'apporter la preuve du bien-fondé du redressement ;

Considérant qu'il ne résulte pas de l'instruction que l'administration, pour retenir que le prix de cession du fonds artisanal de la société X était excessif et constituait pour partie un acte anormal de gestion, ait contesté la sincérité des actes juridiques ni soutenu, même implicitement, que l'acte de cession en cause aurait été fictif ou inspiré par le seul motif d'éluder ou d'atténuer la charge fiscale que la requérante aurait normalement supportée s'il n'avait pas été passé ; que par suite, Mlle X n'est pas fondée à soutenir qu'elle aurait été imposée en méconnaissance des dispositions contenues à l'article L. 64 du livre des procédures fiscales ;

En ce qui concerne le défaut de saisine de la commission départementale :

Considérant qu'il résulte des dispositions des articles L. 59 et L. 59 A du livre des procédures fiscales dans leur rédaction applicable à l'espèce, que la compétence de la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires est limitée aux situations limitativement prévues par la loi et que le défaut de consultation de cet organisme ne peut, alors même que le contribuable en aurait fait la demande, entacher d'irrégularité la procédure d'imposition, dès lors que le différend se rapportait à des matières ou à des questions ne relevant pas de la compétence de ladite commission ; qu'il résulte des pièces du dossier, que le différend qui opposait Mlle X à l'administration concernait un redressement de son revenu imposable opéré dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers ne relevant pas de la compétence de cet organisme ; que par suite, Mlle X n'est pas fondée à soutenir que l'absence de saisine de ladite commission porterait atteinte à la régularité de la procédure suivie à son encontre ;

Sur l'imposition des revenus distribués :

Considérant qu'il résulte de l'instruction que la société X a acquis, le 19 avril 1996 le fonds de commerce qu'elle exploitait depuis 1986 dans le cadre d'un contrat de gérance auprès de M. Serge X et de Mlle X, tous deux associés, au prix global de 5 500 000 francs ; que l'administration a considéré que le prix de vente excédait de 2 000 000 francs la valeur vénale réelle du fonds et que l'achat par la société X du fonds de commerce qu'elle exploitait depuis plus de 10 ans à un prix supérieur à sa valeur vénale constituait un acte anormal de gestion, dont la part excédant le prix estimé par l'administration constituait pour les associés une distribution au sens de l'article 109-1-2° du code général des impôts à hauteur de leur participation dans l'entreprise; que Mlle X qui a été imposée à ce titre dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers à hauteur de 600 000 francs, soutient d'une part, qu'elle ne pouvait être imposée à ce titre dans la catégorie des revenus distribués, d'autre part, que l'administration ne justifie pas de l'acte anormal de gestion qu'elle allègue ;

En ce qui concerne la valeur du fonds et l'acte anormal de gestion :

Considérant qu'il appartient à l'administration d'apporter la preuve que l'acquisition du fonds de commerce litigieux par la société des établissements X s'est faite à un prix excédant la valeur vénale réelle et constituait, pour ce motif, un acte anormal de gestion ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction que, pour évaluer la valeur du fonds de commerce, l'administration a fait application, sur les chiffres des exercices 1992 à 1995, de cinq méthodes d'évaluation, à savoir la méthode des barèmes à partir du chiffre d'affaires, la méthode dite «valeur de productivité», la méthode du «goodwill», la méthode à partir du bénéfice et la méthode d'estimation par le revenu, lesquelles l'ont conduit à retenir une moyenne arithmétique de valeur du fonds s'établissant à 3 329 000 francs, arrondie à 3 500 000 francs ;

Considérant, en premier lieu, que si la requérante soutient que la valeur vénale du fonds aurait dû être déterminée principalement par comparaison avec des cessions en nombre suffisant de biens intrinsèquement similaires, elle ne conteste pas la spécificité de son activité de construction et d'entretien de stations services, empêchant toute comparaison pertinente, ni ne fait d'ailleurs état d'éléments de comparaison qui auraient pu être pris en compte ;

Considérant, en deuxième lieu, que si la société critique les méthodes d'évaluation retenues, elle n'est pas fondée à faire valoir, au motif tiré, de ce qu'une promesse de vente aurait été signée cette année-là, que les résultats de l'exercice 1995 n'auraient pas dû être pris en compte, dès lors que la cession n'est intervenue qu'au cours de l'exercice 1996 ; que si elle critique, dans l'application de la méthode du barème, le fait pour l'administration d'avoir retenu un pourcentage bas de 20 % du chiffre d'affaires pour tenir compte d'une baisse d'activités prévisible au moment de la vente, du fait de la perte d'un contrat d'entretien représentatif d'importantes recettes, elle ne conteste pas la baisse effective de chiffres d'affaires qui en a suivi ; que si elle critique le taux de capitalisation de 12 % retenu par l'administration dans la méthode de «productivité», elle ne conteste pas l'importance du risque économique lié à la dépendance de l'entreprise à un client quasi-exclusif qui a conduit l'administration à retenir ce taux ; que, par ailleurs, contrairement à ce que soutient la requérante, l'administration a pris en compte dans le montant du bénéfice calculé, tant par la méthode dite du goodwill que par celle dite du bénéfice, le montant de la charge de location gérance qui a été ajouté à celui du résultat comptable de la société ;

Considérant enfin, que le rapport d'expertise présenté par la société X retenait cinq méthodes de calcul basées sur des hypothèses particulièrement aléatoires et comporte plusieurs erreurs de méthode; qu'en effet, en ce qui concerne la méthode dite de capitalisation simple, il assimile le capital placé à la valeur du fonds de commerce qui ressortirait ainsi à une somme variant de 8 875 000 francs et 14 835 000 francs ; qu'en ce qui concerne la méthode dite fiscale, l'évaluation du fonds de commerce basée sur le montant du chiffre d'affaires comporte une marge d'incertitude particulièrement importante, puisque la valeur du fonds se situe alors entre 2 447 000 francs et 5 710 000 francs; qu'au surplus, cette expertise a volontairement refusé de tenir compte de la baisse prévisible du chiffre d'affaires de la société, liée à la perte d'un important marché d'entretien avec les stations Total ; que, compte tenu des hypothèses formulées, les méthodes retenues par l'expert aboutissent à une évaluation du fonds de commerce, en retenant les chiffres des années 1991 à 1994 et non pas 1992 à 1995, qui se situent entre 2 447 000 francs et 14 853 500 francs; que, compte tenu de ce qui précède, ces diverses méthodes ne sont pas de nature à remettre sérieusement en cause l'évaluation effectuée par l'administration ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la requérante ne critique pas utilement la méthode retenue par l'administration qui doit ainsi être regardée comme apportant la preuve qui lui incombe de ce que la valeur du fonds de commerce de la SA X pouvait être estimée à 3 500 000 francs et par suite de l'acte anormal de gestion que constitue pour la société, l'achat de ce fonds de commerce pour la somme de 5 500 000 francs ;

En ce qui concerne l'existence de revenus distribués :

Considérant qu'aux termes de l'article 109 du code général des impôts : 1. Sont considérés comme revenus distribués : 2° Toutes les sommes ou valeurs mises à la disposition des associés, actionnaires ou porteurs de parts et non prélevées sur les bénéfices (...) ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction que M. Serge X et Mlle X détiennent respectivement 243 et 130 actions de la SA des Etablissements X qui a versé le prix de cession en litige et ont été désignés dans l'acte de cession du fonds artisanal en date du 19 avril 1996 comme vendeurs du fonds ; que par suite, l'administration était fondée à considérer que la part excédentaire du prix de cession versée par la société des Etablissements X à ses associés constituait à leur égard une distribution au sens de l'article 109-1-2° du code général des impôts, à hauteur de leur participation dans l'entreprise et imposable, entre leurs mains, dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers ; que l'argumentation sur ce point de Mlle X doit être rejetée ;

Sur la taxation de la plus-value de cession :

En ce qui concerne la loi fiscale :

Considérant qu'aux termes de l'article 151 septies du code général des impôts, dans sa rédaction applicable en 1996 : Les plus-values réalisées dans le cadre d'une activité agricole, artisanale, commerciale ou libérale par des contribuables dont les recettes n'excèdent pas le double de la limite du forfait ou de l'évaluation administrative sont exonérées, à condition que l'activité ait été exercée pendant au moins cinq ans, et que le bien n'entre pas dans le champ d'application de l'article 1594-OG (...). Le délai prévu au premier alinéa est décompté à partir du début d'activité. Par exception à cette règle, si cette activité fait l'objet d'un contrat de location-gérance ou d'un contrat comparable, ce délai est décompté à partir de la date de mise en location.(...) ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction et n'est pas contesté que si le fonds de commerce est propriété indivise de M. Serge X et de Mlle X, cette dernière n'est détentrice que d'un droit de nu-propriétaire de 3/8ème de l'entreprise ; qu'elle ne participait pas à la gestion du fonds et ne percevait aucun revenu de celui-ci ; que, par suite, Mlle X n'est pas fondée à soutenir qu'elle doit être regardée comme co-exploitante du fonds litigieux au sens des dispositions précitées de l'article 151 septies et qu'elle est en droit de se prévaloir, à ce titre, de l'exonération qu'elles organisent ;

En ce qui concerne la doctrine administrative :

Considérant que si la requérante entend se prévaloir de la doctrine administrative 4 F 1225 aux termes de laquelle les membres d'une indivision successorale dont dépend une entreprise ont, du seul fait de leur qualité de co-indivisaire, celle de co-exploitant, il résulte de la lecture de cette dernière qu'elle ne vise pas la situation particulière des indivisaires ne possédant que la nue-propriété du bien ; que par suite, son argumentation sur ce point doit être rejetée ;

Considérant qu'il résulte de l'ensemble de ce qu'il précède que Mlle X n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort, que par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation. ; que ces dispositions font obstacle à ce que l'administration, qui n'est ni la partie perdante ni la partie tenue aux dépens, soit condamnée à verser à Mlle X la somme qu'elle réclame au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;

D É C I D E :

Article 1er : La requête de Mlle Patricia X est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mlle X et au ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique.

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N° 06MA00795


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 4ème chambre-formation à 3
Numéro d'arrêt : 06MA00795
Date de la décision : 24/06/2008
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Autres

Composition du Tribunal
Président : Mme FELMY
Rapporteur ?: Mme Cécile MARILLER
Rapporteur public ?: M. EMMANUELLI
Avocat(s) : CALANDRA

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2008-06-24;06ma00795 ?
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