La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

24/06/2008 | FRANCE | N°06MA00408

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 4ème chambre-formation à 3, 24 juin 2008, 06MA00408


Vu la requête, enregistrée le 8 février 2006, présentée pour la SCI HORIZON BLEU, dont le siège est 9 avenue Villarem à Roquebrune Cap Martin (06190), par Me Lahellec ;

La SCI HORIZON BLEU demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0200046 du 29 novembre 2005 par lequel le Tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande en décharge d'un rappel de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge au titre de la période comprise entre le 1er janvier et le 31 décembre 1995 ;

2°) de prononcer la décharge de la taxe contestée et des pénalités y afférent

es ;

3°) de condamner l'Etat à lui verser une somme de 1 500 euros au titre de l'arti...

Vu la requête, enregistrée le 8 février 2006, présentée pour la SCI HORIZON BLEU, dont le siège est 9 avenue Villarem à Roquebrune Cap Martin (06190), par Me Lahellec ;

La SCI HORIZON BLEU demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0200046 du 29 novembre 2005 par lequel le Tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande en décharge d'un rappel de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge au titre de la période comprise entre le 1er janvier et le 31 décembre 1995 ;

2°) de prononcer la décharge de la taxe contestée et des pénalités y afférentes ;

3°) de condamner l'Etat à lui verser une somme de 1 500 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative ;

La société requérante soutient que :

- en matière de taxe sur la valeur ajoutée immobilière, l'administration ne peut écarter le prix convenu par les parties, sauf à démontrer la fraude ou l'évasion fiscale ; c'est ce qui résulte de l'article 11 a de la 6ème directive, de l'instruction du 7 juin 2004 8, A-3-04, et de la jurisprudence ; les parties n'ont, en l'espèce, pas intentionnellement éludé l'impôt par des manoeuvres frauduleuses, même si les deux sociétés ont les mêmes associés ; le service a lui-même reconnu la bonne foi ;

- le prix convenu correspondait à la valeur vénale ; parmi les termes de comparaison retenus par l'administration, la vente réalisée le 19 décembre 1994 n'est pas révélatrice de l'état du marché onze mois plus tard ; le tribunal ne s'est pas prononcé sur cet argument ; l'acquisition par la SCI de cinq appartements à une époque où le marché était déprimé justifie une réduction du prix au m² ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 31 août 2006, présenté par le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie ; le ministre conclut au rejet de la requête ;

Le ministre soutient que :

- le service a constaté que les associés de la SCI HORIZON BLEU sont les mêmes que ceux de l'acquéreur ; le fait qu'ils se soient consentis une vente à un prix inférieur à celui du marché suffit à démontrer l'évasion fiscale ; la circonstance que l'administration n'a pas appliqué les pénalités de mauvaise foi est sans incidence ;

- les termes de comparaison retenus par l'administration représentaient l'état du marché à la date de l'opération litigieuse ; les termes de comparaison proposés par la société ont été retenus et toutes les mutations sont antérieures de moins d'un an ; la société ne justifie pas que le marché aurait subi une forte baisse entre décembre 1994 et novembre 1995 ; le terme de comparaison constitué par la vente du 19 décembre 1994 a donc pu être utilement retenu par l'administration ; à supposer que la vente en bloc entraîne une diminution du prix de vente au m², les circonstances de l'espèce ne permettent pas de justifier le prix de vente minoré dès lors que les appartements cédés en bloc bénéficiaient de prestations supplémentaires ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 10 juin 2008,

- le rapport de Mme Mariller, rapporteur ;

- et les conclusions de M. Emmanuelli, commissaire du gouvernement ;

Sur la régularité du jugement

Considérant que la SCI HORIZON BLEU reproche au tribunal administratif d'avoir omis de se prononcer sur sa contestation relative à la vente d'un bien immobilier intervenue le 19 décembre 1994 qu'elle estimait trop ancienne pour servir de terme de référence ; qu'il résulte cependant des termes même du jugement que les premiers juges ont expressément jugé qu'aucun des termes de comparaison n'était trop ancien pour être considéré comme pertinent ; que le tribunal, qui n'était pas tenu de répondre à l'ensemble des arguments de la société requérante, a ainsi suffisamment motivé son jugement et ne l'a pas entaché d'une omission à statuer ;

Sur le bien-fondé du redressement :

Considérant que la SCI HORIZON BLEU, qui exerce une activité de construction-vente, a cédé à la SCI Neptune Trois, le 10 novembre 1995, cinq des huit lots qu'elle a fait édifier sur le territoire de la commune de Roquebrune Cap Martin ; que le prix au m² résultant de cette cession s'élève à 19 097 francs ; que, suite à une vérification de comptabilité, l'administration, estimant que la vente consentie à la société Neptune Trois avait été conclue à un prix inférieur à la valeur vénale des biens, a procédé à sa réévaluation pour le fixer en définitive, après avis de la commission départementale des impôts et après intervention de l'interlocuteur départemental, à la somme de 23 386 francs ; que, par le jugement attaqué du 29 novembre 2005, le Tribunal administratif de Nice a rejeté la demande présentée par la SCI HORIZON BLEU tendant à la décharge des droits supplémentaires de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés du fait de cette réévaluation ;

Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article 266 du code général des impôts : « ... 2. En ce qui concerne les opérations entrant dans le champ d'application de l'article 257, 7°, la TVA est assise : ... b. Pour les mutations à titre onéreux ou les apports en société sur : - le prix de la cession, le montant de l'indemnité ou la valeur des droits sociaux rémunérant l'apport, augmenté des charges qui s'y ajoutent ; - La valeur vénale réelle des biens, établie dans les conditions prévues à l'article L.17 du livre des procédures fiscales , si cette valeur vénale est supérieure au prix, au montant de l'indemnité ou à la valeur des droits sociaux, augmenté des charges... » ;

Considérant que la valeur vénale des immeubles cédés par la SCI HORIZON BLEU a été fixée par l'administration à la somme de 23386 francs correspondant à la moyenne de quatre cessions intervenues en décembre 1994, novembre 1995, janvier 1995, mars 1995, ces deux dernières cessions correspondant aux termes de référence proposés par la société requérante elle-même ; que si elle reproche, d'une part, à l'administration d'avoir retenu comme terme de comparaison la vente intervenue en décembre 1994 pour un prix moyen au m² de 28 571 francs au motif qu'elle serait trop ancienne, elle n'établit pas, par les considérations générales qu'elle développe relatives à la dévaluation de la lire italienne, que le marché immobilier aurait subi une forte baisse entre décembre 1994 et novembre 1995 ; que, dès lors, la vente intervenue moins d'un an avant la cession litigieuse doit être regardée comme un terme de comparaison pertinent ; qu'il résulte, d'autre part, de l'instruction, que la SCI HORIZON BLEU a elle-même cédé le 10 novembre 1995 à un tiers le lot n° 21 de la résidence situé au rez-de-chaussée au prix de 24 153 francs le m² ; que si la vente en bloc de cinq appartements justifie un prix de cession inférieur, la société requérante ne conteste pas les affirmations de l'administration selon lesquelles les appartements cédés en bloc disposaient de prestations supplémentaires telles qu'une cuisine équipée et qu'ils bénéficiaient d'une situation plus favorable dans les étages supérieurs ; qu'ainsi, l'administration établit que la base d'imposition retenue correspond à la valeur vénale réelle des biens ;

Considérant, en second lieu, qu'aux termes de l'article 11 de la 6e directive n° 77-388-CEE du Conseil des communautés européennes en matière d'harmonisation des législations des Etats membres relatives aux taxes sur le chiffre d'affaires : « A. A l'intérieur du pays. 1. La base d'imposition est constituée : a. pour les livraisons de biens et les prestations de services autres que celles visées sous b, c et d, par tout ce qui constitue la contrepartie obtenue ou à obtenir par le fournisseur ou le prestataire pour ces opérations de la part de l'acheteur, du preneur ou d'un tiers... » ; qu'aux termes de l'article 27 de la même directive : « 1. Le Conseil... peut autoriser tout Etat membre à introduire des mesures particulières dérogatoires à la présente directive, afin de simplifier la perception de la taxe ou d'éviter certaines fraudes ou évasions fiscales... 5. Les Etats membres qui appliquent, au 1er janvier 1977, des mesures particulières du type de celles visées au paragraphe 1, peuvent les maintenir, à la condition de les notifier à la Commission avant le 1er janvier 1978... » ;

Considérant que l'administration fait valoir que la SCI HORIZON BLEU et la SCI Neptune Trois ont les mêmes associés ; que compte tenu de la convergence de leurs intérêts et dès lors que l'insuffisance du prix correspondant à une minoration de 22 % est significative, la volonté d'évasion fiscale est de ce fait présumée ; qu'il appartient dès lors à la société requérante d'établir que telle n'était pas sa volonté ; qu'elle soutient à cette fin qu'elle était fortement déficitaire et que ses associés, lesquels, pour ce motif, n'étaient pas soumis à un impôt direct sur la vente, n'avaient pas intérêt à minorer le prix, ce qui présentait également le risque d'augmenter la plus-value taxable lors de la revente des appartements ; que, cependant, la SCI requérante ne justifie que des déficits reportables au 31 décembre 1997, 1998 et 1999, postérieurs à la vente ; que le risque lié à la minoration du prix de vente sur le calcul de la plus-value demeure hypothétique et incertain ; que la société n'apporte pas la preuve qui lui incombe de sa volonté de ne pas éluder le paiement d'une partie de la taxe sur la valeur ajoutée afférente à la vente ; qu'enfin, la circonstance que l'administration n'a pas fait application des pénalités de mauvaise foi demeure sans incidence ; que, dès lors, contrairement à ce que soutient la SCI HORIZON BLEU, la réévaluation faite par l'administration, en application des dispositions citées plus haut du 2e alinéa du b du 2 de l'article 266 du code général des impôts, entre dans le champ d'application de la dérogation notifiée le 23 décembre 1977 à la Commission, sur le fondement du 5 de l'article 27 de la directive précitée ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la SCI HORIZON BLEU n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande ;

Sur les conclusions de la SCI HORIZON BLEU tendant à l'application des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative :

Considérant que les dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'Etat qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, soit condamné à payer à la SCI HORIZON BLEU la somme qu'elle demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la SCI HORIZON BLEU est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la SCI HORIZON BLEU et au ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique.

Délibéré après l'audience du 10 juin 2008, où siégeaient :

- Mme Felmy, président de chambre,

- M. Malardier et Mme Mariller, premiers conseillers,

Lu en audience publique, le 24 juin 2008.

Le rapporteur,

Signé

C. MARILLER

Le président,

Signé

J. FELMY

Le greffier,

Signé

D. GIORDANO

La République mande et ordonne au ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique en ce qui le concerne et à tous les huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

Le greffier,

2

N° 06MA00408


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 4ème chambre-formation à 3
Numéro d'arrêt : 06MA00408
Date de la décision : 24/06/2008
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Autres

Composition du Tribunal
Président : Mme FELMY
Rapporteur ?: Mme Cécile MARILLER
Rapporteur public ?: M. EMMANUELLI
Avocat(s) : LAHELLEC

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2008-06-24;06ma00408 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award