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29/05/2008 | FRANCE | N°05MA00439

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 3ème chambre - formation à 3, 29 mai 2008, 05MA00439


Vu I°, sous le n° 05MA00439, le recours, enregistré le 21 février 2005, présenté pour le MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE ;

Le ministre demande à la Cour :

1°) d'annuler les articles 1 et 2 du jugement n° 0200740 du 18 octobre 2004 par lesquels le Tribunal administratif de Marseille a déchargé M. Serge X d'une fraction des cotisations de contribution sociale généralisée et de remboursement de la dette sociale auxquelles il a été assujetti au titre de l'année 1996 ;

2°) de remettre à la charge de M. X les cotisations litigieuses ; <

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Vu I°, sous le n° 05MA00439, le recours, enregistré le 21 février 2005, présenté pour le MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE ;

Le ministre demande à la Cour :

1°) d'annuler les articles 1 et 2 du jugement n° 0200740 du 18 octobre 2004 par lesquels le Tribunal administratif de Marseille a déchargé M. Serge X d'une fraction des cotisations de contribution sociale généralisée et de remboursement de la dette sociale auxquelles il a été assujetti au titre de l'année 1996 ;

2°) de remettre à la charge de M. X les cotisations litigieuses ;

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Vu II°, sous le n° 05MA00440 le recours, enregistré le 21 février 2005, présenté pour le MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE ;

Le ministre demande à la Cour :

1°) d'annuler les articles 1 et 2 du jugement n° 0001402 du 18 octobre 2004 par lesquels le Tribunal administratif de Marseille a déchargé M. X d'une fraction des cotisations supplémentaires à l'impôt sur le revenu auxquelles il a été assujetti au titre de l'année 1996 et des pénalités y afférentes ;

2°) de remettre à la charge de M. X les cotisations litigieuses ;

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Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 24 avril 2008 :

- le rapport de M. Iggert, conseiller ;

- les observations de Me Calandra pour M. ;

- et les conclusions de M. Dubois, commissaire du gouvernement ;

Considérant que les recours susvisés, présentés par le MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE concernent la situation d'un même contribuable, présentent à juger des questions semblables et ont fait l'objet d'une instruction commune ; qu'il y a lieu de les joindre pour statuer par un seul arrêt ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction qu'à la suite de la vérification de comptabilité de la SA des Etablissements X, qui a pour principale activité la réparation et l'entretien des stations services, l'administration a constaté que la société avait acquis le 19 avril 1996 le fonds de commerce qu'elle exploitait depuis 1986 dans le cadre d'un contrat de location gérance auprès de M. Serge X et de Mlle Patricia X, associés ; qu'elle a estimé d'une part que cette acquisition s'était faite à un prix excédant la valeur vénale réelle et constituait un acte anormal de gestion, la part excédentaire du prix constituant une distribution au sens de l'article 109-1-2° du code général des impôts, d'autre part que la plus-value réalisée lors de cette vente ne pouvait bénéficier de l'exonération prévue à l'article 151 septies du même code ; que le ministre fait appel du jugement en date du 1er juillet 2004 par lequel le Tribunal administratif de Marseille a déchargé la cotisation d'impôt sur le revenu à laquelle M. X a été assujetti au titre de l'année 1996 en conséquence de ce redressement ;

Considérant que le directeur général des impôts, qui bénéficie, en vertu du décret du

6 mars 1961, modifié par les décrets des 7 août 1981 et 21 décembre 1988, d'une délégation permanente pour l'introduction des recours contentieux, en matière fiscale, devant les cours administratives d'appel et le Conseil d'Etat a, par un arrêté du 18 août 2004, publié au Journal officiel de la République française le 8 septembre 2004, régulièrement consenti une délégation de signature au sous-directeur signataire du mémoire contenant le recours du ministre ; qu'ainsi, la fin de non-recevoir opposée par M. X ne saurait être accueillie ;

Considérant qu'il appartient à l'administration d'apporter la preuve que l'acquisition du fonds de commerce litigieux par la SA des Etablissements X s'est faite à un prix excédant la valeur vénale réelle et constituait, pour ce motif, un acte anormal de gestion ;

Considérant que pour évaluer la valeur du fonds de commerce, l'administration a fait application, sur les chiffres des exercices 1992 à 1995, de cinq méthodes d'évaluation, à savoir la méthode des barèmes à partir du chiffre d'affaires, la méthode dite « valeur de productivité », la méthode du « goodwill », la méthode à partir du bénéfice et la méthode d'estimation par le revenu, lesquelles l'ont conduite à retenir une moyenne arithmétique de valeur du fonds s'établissant à 3 329 000 francs, arrondie à 3 500 000 francs ; que le tribunal, pour admettre que l'administration n'établissait pas la surestimation du bien cédé pour une valeur de

5 500 000 francs, se fonde sur une expertise du 8 janvier 1998 par laquelle un expert comptable, en retenant trois des méthodes également appliquées par l'administration, propose une valeur du fonds comprise entre 5 000 000 de francs et 5 700 000 francs et une étude du 4 avril 1995 par laquelle le conseil de M. X propose une valeur du fonds comprise entre 5 700 000 de francs et 6 300 000 francs ;

Considérant qu'il résulte toutefois de l'instruction que l'étude proposée par le conseil de M. X retenait cinq méthodes de calcul basées sur des hypothèses pour certaines aléatoires, comportait plusieurs erreurs, notamment concernant les années de référence et déterminait la valeur du fonds entre 2 447 000 francs et 14 853 500 francs ; que cette première étude n'était dès lors pas de nature à remettre sérieusement en cause l'évaluation effectuée par l'administration ; que les ratios retenus au soutien des calculs de la seconde étude font artificiellement abstraction du risque de la baisse de l'activité, qui s'est concrétisé, lié à la perte programmée d'un contrat d'entretien représentatif d'importantes recettes avec un client quasi-exclusif et que sont, au contraire, retenues les hypothèses les plus favorables sans justifications apportées en ce sens ; que, par ailleurs, contrairement à ce que soutient M. X, l'administration a pris en compte, dans le montant du bénéfice calculé, le montant de la charge de location-gérance qui a été ajouté à celui du résultat comptable de la société ; que si

M. X soutient encore que la valeur vénale du fonds aurait dû être déterminée principalement par comparaison avec des cessions en nombre suffisant de biens intrinsèquement similaires, il ne conteste pas la spécificité de son activité de construction et d'entretien de stations service empêchant toute comparaison pertinente ni ne fait d'ailleurs état d'éléments de comparaison qui auraient pu être pris en compte ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de faire droit aux conclusions subsidiaires de M. X tendant à la désignation d'un expert, que c'est à tort que le tribunal administratif s'est fondé sur le rapport d'expertise produit à l'instance par M. X pour retenir que l'administration n'apportait pas la preuve qui lui incombe de ce que la valeur du fonds de commerce de la SA des Etablissements X pouvait être estimée à 3 500 000 francs et par suite, retenir un acte anormal de gestion constitué pour la société par l'achat de ce fonds de commerce à hauteur d'une somme de 5 500 000 francs ;

Considérant, toutefois, qu'il appartient à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. X tant en première instance qu'en appel ;

Sur la régularité de la procédure d'imposition :

En ce qui concerne le défaut de motivation de la notification de redressements :

Considérant qu'aux termes de l'article L.57 du livre des procédures fiscales, dans sa rédaction applicable : « L'administration adresse au contribuable une notification de redressement qui doit être motivée de manière à lui permettre de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation » ; qu'il résulte de l'instruction que la notification de redressements adressée à M. X en date du 6 décembre 1999 indiquait le montant et les motifs des redressements opérés relatifs aux cotisations de contribution sociale généralisée et de remboursement de la dette sociale ainsi que les textes applicables ; qu'elle répondait ainsi à l'exigence de motivation résultant des dispositions précitées de l'article L.57 du livre des procédures fiscales ; qu'au surplus, par la notification en date du 30 avril 1998, dont la motivation n'est pas contestée, le vérificateur a informé M. X des redressements des revenus distribués imposables dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers au titre de l'année 1996 ; que la motivation d'une notification de redressements par référence à une autre notification est admise si le document auquel se référait l'administration était lui-même suffisamment motivé ; qu'ainsi, la notification litigieuse du 6 décembre 1999 concernant les cotisations de contribution sociale généralisée et de remboursement de la dette sociale, qui se réfère à celle délivrée le 30 avril 1998, est suffisamment motivée ;

En ce qui concerne l'abus de droit :

Considérant qu'aux termes de l'article L.64 du livre des procédures fiscales, dans sa rédaction alors en vigueur : « Ne peuvent être opposés à l'administration des impôts les actes qui dissimulent la portée véritable d'un contrat ou d'une convention à l'aide de clauses : a. Qui donnent ouverture à des droits d'enregistrement ou à une taxe de publicité foncière moins élevés ; b. Ou qui déguisent soit une réalisation, soit un transfert de bénéfices ou de revenus ; c. Ou qui permettent d'éviter, en totalité ou en partie, le paiement des taxes sur le chiffre d'affaires correspondant aux opérations effectuées en exécution d'un contrat ou d'une convention ; l'administration est en droit de restituer son véritable caractère à l'opération litigieuse. Si elle s'est abstenue de prendre l'avis du comité consultatif pour la répression des abus de droit ou ne s'est pas rangée à l'avis de ce comité, il lui appartient d'apporter la preuve du bien-fondé du redressement » ;

Considérant qu'il ne résulte pas de l'instruction que l'administration, pour retenir que le prix de cession du fonds artisanal de la SA des Etablissements X était excessif et constituait pour partie un acte anormal de gestion, ait contesté la sincérité des actes juridiques ni soutenu, même implicitement, que l'acte de cession en cause aurait été fictif ou inspiré par le seul motif d'éluder ou d'atténuer la charge fiscale que le requérant aurait normalement supportée s'il n'avait pas été passé ; que, par suite, M. X n'est pas fondé à soutenir qu'il aurait été imposé en méconnaissance des garanties prévues aux articles L.64 et R.64-1 du livre des procédures fiscales ;

En ce qui concerne le défaut de saisine de la commission départementale des impôts :

Considérant qu'il résulte des dispositions des articles L.59 et L.59 A du livre des procédures fiscales dans leur rédaction applicable à l'espèce, que la compétence de la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires est limitée aux seules situations prévues par la loi et que le défaut de consultation de cet organisme ne peut, alors même que le contribuable en aurait fait la demande, entacher d'irrégularité la procédure d'imposition, dès lors que le différend se rapportait à des matières ou à des questions ne relevant pas de la compétence de ladite commission ; qu'il résulte de l'instruction que le différend qui opposait M. X à l'administration concernait un redressement de son revenu imposable opéré dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers ne relevant pas de la compétence de cet organisme ; que, par suite, M. X n'est pas fondé à soutenir que l'absence de saisine de ladite commission porterait atteinte à la régularité de la procédure suivie à son encontre ;

Sur le bien-fondé de l'imposition :

Considérant qu'il résulte de l'instruction que la SA des Etablissements X a acquis le 19 avril 1996 le fonds de commerce qu'elle exploitait depuis 1986 dans le cadre d'un contrat de gérance auprès de M. et Mlle X, tous deux associés, au prix global de 5 500 000 francs ; que l'administration a considéré que le prix de vente excédait de 2 000 000 de francs la valeur vénale réelle du fonds et que l'achat par la SA des Etablissements X du fonds de commerce qu'elle exploitait depuis plus de dix ans à un prix supérieur à sa valeur vénale constituait un acte anormal de gestion, dont la part excédant le prix estimé par l'administration constituait pour les associés une distribution au sens de l'article 109-1-2° du code général des impôts à hauteur de leur participation dans l'entreprise ; que M. X a été imposé à ce titre dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers à hauteur de 1 400 000 francs ;

Considérant qu'aux termes de l'article 109 du code général des impôts : « 1. Sont considérés comme revenus distribués : (...) 2° Toutes les sommes ou valeurs mises à la disposition des associés, actionnaires ou porteurs de parts et non prélevées sur les bénéfices (...) » ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction que M. et Mlle X détiennent respectivement 243 et 130 actions de la SA des Etablissements X qui a versé le prix de cession en litige et ont été désignés dans l'acte de cession du fonds artisanal en date du

19 avril 1996 comme vendeurs du fonds ; que, par suite, l'administration était fondée à considérer que la part excédentaire du prix de cession versée par la SA des Etablissements X à ses associés constituait à leur égard une distribution au sens de l'article 109-1-2° du code général des impôts à hauteur de leur participation dans l'entreprise et imposable, entre leurs mains, dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers ; qu'ainsi, l'argumentation de M. X concernant sa prétendue qualité de propriétaire indivis de la société, et non d'associé, doit être rejetée ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le ministre est fondé à soutenir que c'est à tort que, par les articles 1er et 2 des jugements attaqués, le Tribunal administratif de Marseille a déchargé M. X d'une fraction des cotisations supplémentaires à l'impôt sur le revenu et de contribution sociale généralisée et de remboursement de la dette sociale auxquelles il a été assujetti au titre de l'année 1996 et des pénalités y afférentes ;

D É C I D E :

Article 1er : Les articles 1er et 2 des jugements 0200740 et 0001402 du Tribunal administratif de Marseille en date du 18 octobre 2004 sont annulés en tant qu'ils ont déchargé M. X d'une fraction des cotisations supplémentaires à l'impôt sur le revenu et de contribution sociale généralisée et de remboursement de la dette sociale auxquelles il a été assujetti au titre de

l'année 1996 et des pénalités y afférentes.

Article 2 : Les cotisations supplémentaires d'impôt sur les revenus et de contribution sociale généralisée et de remboursement de la dette sociale assignées M. X au titre de l'année 1996 à raison de ses revenus de capitaux mobiliers sont remises à sa charge.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. Serge X, et au ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique.

Copie en sera adressée à Me Calandra et au directeur de contrôle fiscal sud-est.

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Nos 05MA00439,05MA00440


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 3ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 05MA00439
Date de la décision : 29/05/2008
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Autres

Composition du Tribunal
Président : M. DARRIEUTORT
Rapporteur ?: M. Julien IGGERT
Rapporteur public ?: M. DUBOIS
Avocat(s) : CALANDRA

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2008-05-29;05ma00439 ?
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