Vu la requête, enregistrée le 21 janvier 2005, présentée pour Mme Monique X, élisant domicile ..., par Me Binisti ;
Mme X demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 994854 en date du 5 novembre 2004 par lequel le Tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande en décharge du complément de taxe sur la valeur ajoutée qui lui a été réclamé au titre de la période correspondant aux années 1991, 1992 et 1993 et des intérêts de retard qui ont assorti cette imposition ;
2°) de prononcer la décharge demandée ;
3°) de condamner l'Etat au paiement des intérêts moratoires sur les sommes qu'elle a dû payer suite au jugement du tribunal administratif ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat, au titre des frais exposés en première instance et en appel, la somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
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Vu le jugement attaqué ;
Vu le mémoire, enregistré le 2 septembre 2005, présenté par le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie qui conclut au non-lieu à statuer à concurrence des dégrèvements qu'il prononce et au rejet du surplus des conclusions de la requête ;
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Vu le mémoire, enregistré le 7 août 2007, présenté pour Mme X, par Me Trincal ;
Mme X demande à la Cour de prononcer la décharge qu'elle demande à concurrence de 19 121 euros de droits ;
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Vu le mémoire, enregistré le 27 septembre 2007, présenté pour Mme X, tendant aux mêmes fins que la requête, par les mêmes moyens et, en outre, par le moyen qu'elle est en mesure de justifier les livraisons intracommunautaires à raison desquelles elle demande l'exonération ;
Vu le certificat de dégrèvement produit le 27 septembre 2007 par le ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique ;
Vu le mémoire, enregistré le 7 janvier 2008, présenté pour Mme X, tendant aux mêmes fins que la requête, par les mêmes moyens et, en outre, par le moyen qu'elle est en mesure de justifier le crédit de taxe sur la valeur ajoutée figurant sur sa déclaration CA 12 du 5 juin 1991 dont elle se prévaut à raison de 12 167,72 euros (79 815 francs) ;
Vu l'ordonnance en date du 4 décembre 2007 fixant la clôture d'instruction au 11 janvier 2008 à 12 heures, en application des articles R. 613-1 et R. 613-3 du code de justice administrative ;
Vu la lettre en date du 4 mars 2008 adressée aux parties par le greffe de la Cour aux fins de communication d'un moyen d'ordre public en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 24 avril 2008 :
- le rapport de M. Bédier, président-assesseur ;
- les observations de Me Trincal, pour Mme X ;
- et les conclusions de M. Dubois, commissaire du gouvernement ;
Considérant que l'administration fiscale a procédé en 1994 à la vérification de comptabilité de l'activité d'antiquaire exercée par Mme X ; qu'elle a estimé à l'issue de ce contrôle que Mme X ne produisait pas les justificatifs d'exportation de certains des biens vendus et a refusé la déduction d'un crédit de taxe sur la valeur ajoutée auquel la redevable estimait avoir droit à raison d'opérations effectuées en 1989 et 1990 ; que Mme X demande à la Cour d'annuler le jugement en date du 5 novembre 2004 par lequel le Tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande en décharge du complément de taxe sur la valeur ajoutée qui lui a été réclamé, en conséquence de ces redressements, au titre de la période correspondant aux années 1991, 1992 et 1993 et des intérêts de retard qui ont assorti cette imposition ;
Sur l'étendue du litige :
Considérant que, par décision en date du 11 avril 2006, postérieure à l'introduction de la requête, le directeur des services fiscaux de Marseille a prononcé le dégrèvement, à concurrence de la somme de 506 euros en droits et pénalités, du complément de taxe sur la valeur ajoutée réclamé à Mme X au titre de la période correspondant aux années 1991, 1992 et 1993 ; que la requête de l'intéressée est, dans cette mesure, devenue sans objet ;
Sur le bien-fondé des impositions :
En ce qui concerne les exportations :
S'agissant de l'application de la loi fiscale :
Considérant qu'aux termes du I de l'article 262 du code général des impôts dans sa rédaction alors applicable : « Sont exonérées de la taxe sur la valeur ajoutée les exportations de biens meubles corporels (...) » ; et qu'aux termes de l'article 74 de l'annexe III au même code : « Les livraisons réalisées par les assujettis et portant sur des objets ou marchandises exportées sont exonérées de la taxe sur la valeur ajoutée à condition : a) que le fournisseur inscrive les envois sur le registre prévu à l'article 286-3° du code général des impôts, par ordre de date, avec l'indication de la date de l'inscription, du nombre des marques et numéros de colis, de l'espèce, de la valeur et de la destination des objets ou marchandises ; (...) c) que le fournisseur établisse pour chaque envoi une déclaration d'exportation, conforme au modèle donné par l'administration, qui doit, après visa par le service des douanes du point de sortie, être mis à l'appui du registre visé au a) (...) » ; que les dispositions alors en vigueur du même article 74 de l'annexe III au code général des impôts subordonnaient également l'exonération, lorsque l'exportation était réalisée par l'entremise d'un intermédiaire, à la condition que le fournisseur mette à l'appui du registre prévu au a) la copie de la facture qui lui est envoyée par le commissionnaire après visa par le service des douanes du point de sortie ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction et notamment des documents justificatifs présentés en appel par Mme X tels que les copies de la déclaration prévue à l'article 74 de l'annexe III au code général des impôts revêtues du visa des douanes françaises du point de sortie du territoire, que doivent être regardées comme ayant fait l'objet d'une exportation effective une colonne en marbre facturée à un client suisse pour 1 700 francs le 10 juillet 1991, une console facturée à un client américain le 9 septembre 1991 pour 45 000 francs et deux autres consoles facturées à un client espagnol le 18 octobre 1991 pour 32 000 francs ; que, si Mme X établit également avoir exporté au profit du même client américain un fauteuil, un étui et une paire de bougeoirs facturés le 9 septembre 1991 pour 9 000 francs, il résulte de l'instruction et notamment de l'examen de la notification de redressement datée du 1er décembre 1994 que l'exportation de ces objets n'a pas été remise en cause par le vérificateur ; qu'en outre, l'administration fiscale ne soutient pas que des conditions d'exonération autres que la preuve du transfert des objets hors du territoire français ne seraient pas remplies ; que Mme X justifie donc, par application de la loi fiscale, de l'exportation d'objets d'antiquité à hauteur de la somme de 78 700 francs ;
S'agissant du bénéfice de la doctrine administrative :
Considérant que, par une interprétation du texte fiscal, exprimée notamment dans la décision n° 84-234 du 21 décembre 1984 publiée au bulletin officiel des douanes, Mme X est fondée à invoquer en faisant référence aux dispositions de l'article L.80 A du livre des procédures fiscales, l'administration a admis qu'en accord avec le service de la législation fiscale, « les commissionnaires (...) qui s'entremettent avec des vendeurs français et des acheteurs étrangers pourront procéder au visa des factures dont le montant hors-taxe n'excède pas 250 000 francs par fournisseur » ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction et notamment de la production par Mme X de factures revêtues du visa d'un commissionnaire, que l'intéressée a exporté une paire de fauteuils facturés à un client suisse le 2 février 1991 pour 10 000 francs, une commode facturée à un client italien le 14 mai 1991 pour 7 000 francs, trois glaces facturées à un client italien le 25 septembre 1991 pour 5 000 francs, une commode et une table-bureau facturées à un client italien le 5 février 1992 pour un prix de 3 500 francs pour chaque objet, une paire de coupes en porcelaine facturée à un client italien le 11 février 1992 pour 3 500 francs, une paire de coupes en porcelaine facturée à un client américain le 11 février 1992 pour 2 500 francs, une table facturée à un client américain le 8 juillet 1992 pour 2 000 francs, deux fauteuils facturés à un client canadien le 21 avril 1993 pour 2 800 francs, un guéridon facturé à un client américain le 7 juillet 1993 pour 3 500 francs, un bureau facturé à un client australien le 7 juillet 1993 pour 24 000 francs, une table facturée à un client américain le 7 juillet 1993 pour 4 000 francs, un miroir facturé à un client brésilien le 15 septembre 1993 pour 800 francs et une table facturée à un client américain le 15 septembre 1993 pour 4 000 francs ; que l'administration fiscale ne soutient pas que des conditions d'exonération fixées par la doctrine autres que l'apposition du visa des commissionnaires, dont la qualité n'est également pas mise en doute, ne seraient pas remplies ; que Mme X justifie donc, par application des termes de la doctrine administrative, de l'exportation d'objets d'antiquité à hauteur de la somme de 76 100 francs ;
Considérant, en revanche, que les autres pièces justificatives produites par la requérante correspondent soit à des objets dont l'exportation n'a pas été remise en cause par l'administration fiscale soit à des objets dont l'exportation ne résulte pas de l'instruction en l'absence de visa du service des douanes du point de sortie du territoire ou de visa du commissionnaire ; que, si la requérante est fondée à se prévaloir des termes de l'instruction administrative référencée 3 A-16-84 du 2 novembre 1984 qui autorisent les commissionnaires à souscrire une déclaration unique pour les envois expédiés par des exportateurs différents, l'application de cette doctrine ne permet pas, au vu des justificatifs fournis, d'identifier d'autres opérations d'exportation que celles précédemment admises ; qu'enfin, Mme X n'est pas fondée à se prévaloir des termes de la réponse ministérielle faite à M. Moyne-Bressand, député, publiée au Journal Officiel de l'Assemblée Nationale du 16 novembre 2004 ou de ceux de l'instruction administrative référencée 3 A-3-97 du 28 mars 1997 et de la documentation administrative de base référencée 3 A-3211 à jour au 20 octobre 1999, ces interprétations de la loi fiscale étant postérieures aux périodes d' imposition en cause ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le montant total des exportations justifiées en appel par Mme X s'élève à la somme de 154 800 francs ; que Mme X est par suite, fondée à demander que le rappel de taxe sur la valeur ajoutée, que l'administration fiscale a accepté dans sa décision d'admission partielle de la réclamation, de calculer à partir de prix regardés comme exprimés toutes taxes comprises, correspondant à ce chef de redressement soit diminué de la somme de 24 277,23 francs correspondant à la taxe sur la valeur ajoutée rappelée par l'administration fiscale sur la somme de 154 800 francs ;
En ce qui concerne les livraisons intracommunautaires :
Considérant qu'aux termes des dispositions, entrées en vigueur le 1er janvier 1993, du I de l'article 262 ter du code général des impôts, sont exonérées de la taxe sur la valeur ajoutée « les livraisons de biens expédiés ou transportés sur le territoire d'un autre Etat membre de la Communauté économique européenne à destination d'un autre assujetti ou d'une personne morale non assujettie » ; qu'aux termes de l'article 289 du même code : « I. Tout assujetti doit délivrer une facture ou un document en tenant lieu pour les biens livrés (...) à un autre assujetti ou à une personne morale non assujettie (...) Tout assujetti doit également délivrer une facture ou un document en tenant lieu pour les livraisons de biens dont le lieu n'est pas situé en France en application des dispositions de l'article 258 A et pour les livraisons de biens exonérées en application du I de l'article 262 ter (...) L'assujetti doit conserver un double de tous les documents émis. II. La facture ou le document en tenant lieu doit faire apparaître : 1° Par taux d'imposition, le total hors taxe et la taxe correspondante mentionnés distinctement ; 2° Les numéros d'identification à la taxe sur la valeur ajoutée du vendeur et de l'acquéreur pour les livraisons désignées au I de l'article 262 ter et la mention “ Exonération T.V.A., art. 262 ter I du code général des impôts “ ; 3° Le numéro d'identification à la taxe sur la valeur ajoutée du prestataire ainsi que celui fourni par le preneur pour les prestations mentionnées aux 3°, 5° et 6° de l'article 259 A ; 4° Les caractéristiques du moyen de transport neuf telles qu'elles sont définies au III de l'article 298 sexies pour les livraisons mentionnées au II de ce même article (...) ; que, pour l'application de ces dispositions, un assujetti à la taxe sur la valeur ajoutée disposant de justificatifs de l'expédition des biens à destination d'un autre Etat membre et du numéro d'identification à la taxe sur la valeur ajoutée de l'acquéreur doit être présumé avoir effectué une livraison intracommunautaire exonérée ;
Considérant que, si Mme X est en mesure d'indiquer le numéro d'identification à la taxe sur la valeur ajoutée des personnes qu'elle désigne comme les acquéreurs de deux cadres et deux vases facturés le 20 décembre 1992 pour 15 000 francs, qui, selon elle, auraient été exportés sous le régime issu de l'article 262 ter du code général des impôts, de deux tabourets et deux tables facturés le 13 janvier 1993 pour 4 000 francs, d'une paire de bergères et d'un fauteuil facturés le 9 avril 1993 pour 6 400 francs et d'objets, non autrement identifiés, facturés le 10 avril 1993 pour un prix de 14 000 francs, il ne résulte pas de l'instruction que ces objets auraient été transférés sur le territoire d'un Etat membre de la Communauté économique européenne ; qu'en particulier, les déclarations simplifiées d'échange de biens présentées comme de « régularisation » par la requérante, qui ne sont revêtues d'aucun tampon ou visa attestant de leur réception par les services compétents, les documents bancaires retraçant uniquement des mouvements de fonds et les factures ou autres documents qui se bornent à indiquer l'identité des transporteurs supposés des objets sans permettre de vérifier l'exportation effective de ceux-ci ne présentent pas un caractère probant ; qu'il y a lieu, par suite, de rejeter la contestation de Mme X relative à ce chef de redressement ;
En ce qui concerne la taxe sur la valeur ajoutée déductible :
Considérant que Mme X produit pour la première fois en appel les factures qui permettent de déterminer le montant des travaux d'aménagement qu'elle a réalisés en 1990 et en 1991 sur les locaux affectés à l'usage de sa profession ; que l'authenticité de ces factures n'est pas mise en cause par l'administration qui ne fait état d'aucune circonstance qui s'opposerait à leur prise en compte ; que, par suite, Mme X est fondée à demander que le rappel de taxe sur la valeur ajoutée restant à sa charge soit diminué de la somme de 79 815 francs qui figurait sur sa déclaration CA 12 du 5 juin 1991 et qui est confirmé par les pièces produites en appel ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que Mme X est seulement fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à la réduction, à concurrence des sommes de 24 277,23 francs et 79 815 francs soit un total de 104 092,23 francs (15 868,76 euros) de droits du complément de taxe sur la valeur ajoutée qui lui a été réclamé au titre de la période correspondant aux années 1991, 1992 et 1993 ainsi que des intérêts de retard qui ont assorti ces droits ;
Sur les conclusions de Mme X tendant au versement par l'Etat d'intérêts moratoires :
Considérant qu'il n'existe, en l'espèce, aucun litige né et actuel entre le comptable et la requérante concernant le versement de tels intérêts ; que, dès lors, les conclusions de Mme X tendant au versement par l'Etat d'intérêts moratoires ne sont pas recevables ;
Sur les frais exposés et non compris dans les dépens :
Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1500 euros au titre des frais exposés par Mme X et non compris dans les dépens ;
DÉCIDE :
Article 1er : A concurrence de la somme de 506 euros, il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de Mme X tendant à la décharge du complément de taxe sur la valeur ajoutée qui lui a été réclamé au titre de la période correspondant aux années 1991, 1992 et 1993.
Article 2 : Le complément de taxe sur la valeur ajoutée réclamé à Mme X au titre de la période correspondant aux années 1991, 1992 et 1993 est réduit de la somme de 15 868,76 euros en droits ainsi que des intérêts de retard qui ont assorti ces droits.
Article 3 : Le jugement du Tribunal administratif de Marseille en date du 5 novembre 2004 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 4 : L'Etat versera à Mme X la somme de 1 500 euros en application de l'article L.761-1 du code de justice administrative.
Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête de Mme X est rejeté.
Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à Mme Monique X et au ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique.
N° 05MA00129