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15/05/2008 | FRANCE | N°06MA01788

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 3ème chambre - formation à 3, 15 mai 2008, 06MA01788


Vu la requête, enregistrée le 22 juin 2006, présentée par Me Lambot pour Mmes Blanche, Yasmina, Dalila, Salima et Anifa X élisant domicile ... ; Mmes X demandent à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0308259 en date du 28 mars 2006 en tant que le Tribunal administratif de Marseille a limité l'indemnisation de leur préjudice consécutif au décès de leur fils et frère en leur allouant respectivement les sommes de 15 000 euros et 5 000 euros ;

2°) de condamner l'Assistance Publique de Marseille à leur verser les sommes de

30 000 euros et 12 000 euros ; >
3°) de mettre à la charge de l'Assistance Publique de Marseille la somme de 1 500 ...

Vu la requête, enregistrée le 22 juin 2006, présentée par Me Lambot pour Mmes Blanche, Yasmina, Dalila, Salima et Anifa X élisant domicile ... ; Mmes X demandent à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0308259 en date du 28 mars 2006 en tant que le Tribunal administratif de Marseille a limité l'indemnisation de leur préjudice consécutif au décès de leur fils et frère en leur allouant respectivement les sommes de 15 000 euros et 5 000 euros ;

2°) de condamner l'Assistance Publique de Marseille à leur verser les sommes de

30 000 euros et 12 000 euros ;

3°) de mettre à la charge de l'Assistance Publique de Marseille la somme de 1 500 euros au titre des frais d'instance ;

.........................................................................................................

Vu la Constitution ;

Vu le code de la santé publique et de la sécurité sociale ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 3 avril 2008 :

- le rapport de Mme Massé-Degois, rapporteur ;

- les observations de Me Lambot pour Mmes X ;

- et les conclusions de M. Dubois, commissaire du gouvernement ;

Considérant que Mmes Blanche, Yasmina, Dalila, Salima et Anifa X relèvent appel du jugement du 28 mars 2006 en tant que le Tribunal administratif de Marseille a limité l'indemnisation de leur préjudice moral consécutif au décès de leur fils et frère en leur allouant respectivement les sommes de 15 000 euros et 5 000 euros ; qu'elles sollicitent devant la Cour la condamnation de l'Assistance Publique de Marseille à leur payer les sommes de 30 000 euros et 12 000 euros en réparation du préjudice moral consécutif au décès de leur fils et frère ; que, par la voie incidente, la caisse primaire d'assurance maladie des Bouches-du-Rhône demande à la Cour de réformer le jugement et de condamner l'Assistance Publique de Marseille à lui verser la somme de 3 558,53 euros au titre des débours exposés ainsi qu'au paiement de toutes notes ultérieures qu'elle pourrait être amenée à régler ainsi qu'une somme de 910 euros au titre de l'article L.376-1 du code de la sécurité sociale ;

Sur la régularité du jugement :

Considérant qu'aux termes de l'article L.376-1 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction applicable à la date du jugement : « Lorsque, sans entrer dans les cas régis par les dispositions législatives applicables aux accidents du travail, la lésion dont l'assuré social ou son ayant droit est atteint est imputable à un tiers, l'assuré ou ses ayants droit conserve contre l'auteur de l'accident le droit de demander la réparation du préjudice causé, conformément aux règles du droit commun, dans la mesure où ce préjudice n'est pas réparé par application du présent livre. Les caisses de sécurité sociale sont tenues de servir à l'assuré ou à ses ayants droit les prestations prévues par le présent livre, sauf recours de leur part contre l'auteur responsable de l'accident dans les conditions ci-après. Si la responsabilité du tiers est entière ou si elle est partagée avec la victime, la caisse est admise à poursuivre le remboursement des prestations mises à sa charge à due concurrence de la part d'indemnité mise à la charge du tiers qui répare l'atteinte à l'intégrité physique de la victime, à l'exclusion de la part d'indemnité, de caractère personnel, correspondant aux souffrances physiques ou morales par elle endurées et au préjudice esthétique et d'agrément. De même, en cas d'accident suivi de mort, la part d'indemnité correspondant au préjudice moral des ayants droit leur demeure acquise (...) L'intéressé ou ses ayants droit doivent indiquer, en tout état de la procédure, la qualité d'assuré social de la victime de l'accident ainsi que les caisses de sécurité sociale auxquelles celle-ci est ou était affiliée pour les divers risques. Ils doivent appeler ces caisses en déclaration de jugement commun. A défaut du respect de l'une de ces obligations, la nullité du jugement sur le fond pourra être demandée pendant deux ans, à compter de la date à partir de laquelle ledit jugement est devenu définitif, soit à la requête du ministère public, soit à la demande des caisses de sécurité sociale intéressées ou du tiers responsable, lorsque ces derniers y auront intérêt (...) »;

Considérant qu'il appartient au juge administratif, qui dirige l'instruction, d'ordonner la mise en cause des parties intéressées au litige ; qu'en ayant omis de mettre en cause d'office la caisse primaire d'assurance maladie des Bouches-du-Rhône en vue de l'exercice par celle-ci de l'action susmentionnée, le Tribunal administratif de Marseille a méconnu la portée des dispositions précitées ; que, par suite, il y a lieu d'annuler le jugement ;

Considérant qu'il y a lieu, après avoir mis en cause la caisse primaire d'assurance maladie des Bouches-du-Rhône, d'évoquer et de statuer immédiatement sur les demandes présentées par les consorts X tant devant le Tribunal administratif de Marseille que devant la Cour, relatives à l'indemnisation du préjudice que leur a occasionné le décès de leur fils et frère ;

Sur la responsabilité de l'Assistance Publique des Hôpitaux de Marseille :

Considérant qu'il résulte de l'instruction, et notamment du rapport de l'expertise diligentée devant le Tribunal administratif de Marseille que le 25 mars 2001 à 12 heures 15,

M. Karim X alors âgé de 38 ans, se plaignant d'une douleur thoracique de plus en plus violente, a appelé le centre 15 ; qu'en dépit du type de douleur décrit par les marins-pompiers arrivés au domicile de l'intéressé, ce centre qui ne dépend pas de l'Assistance publique des hôpitaux de Marseille a adressé M. X à l'hôpital de La Conception où il est arrivé aux environ de 12 heures 35 alors que ledit hôpital est notoirement connu pour ne pas posséder de structure de cardiologie ; qu'un infarctus du myocarde ayant été rapidement confirmé par les urgentistes de cet établissement, le SAMU, relevant de l'Assistance publique des hôpitaux de Marseille et chargé à partir de 13 heures environ du transfert de M. X auprès d'un établissement susceptible de le prendre en charge, ne l'a cependant acheminé qu'à partir de

15 heures vers l'hôpital Nord ; que M. X est décédé à 17 heures 15 à l'hôpital Nord après y avoir été admis à 15 heures 25 ; que, durant les deux heures et demie où M. X a attendu d'être amené auprès d'un établissement équipé pour le prendre en charge, son état s'est considérablement aggravé puisqu'il a plongé dans un coma profond aux alentours de 14 heures après avoir été victime d'un premier arrêt cardiaque brutal compliqué d'une crise d'épilepsie et ensuite sept autres arrêts cardiaques nécessitant à chaque fois un choc électrique externe ;

Considérant qu'il résulte par ailleurs de l'instruction, d'une part, que le centre hospitalier de La Timone dépendant de l'Assistance publique des hôpitaux de Marseille et géographiquement proche de l'hôpital de La Conception a refusé d'admettre le malade dans son service de réanimation alors qu'il disposait d'une place vacante et, d'autre part, que s'il s'avère que deux établissements d'hospitalisation privés plus proches de La Conception que l'hôpital Nord étaient en mesure d'accueillir M. X ce jour-là, le SAMU s'est abstenu de rechercher ces informations en se bornant à solliciter des établissements relevant de l'Assistance publique des hôpitaux de Marseille ;

Considérant que, dans ces conditions, nonobstant l'erreur initiale commise par le bataillon des marins-pompiers dont la responsabilité n'est au demeurant pas recherchée par les requérantes et consistant à avoir acheminé M. X auprès d'un hôpital connu pour n'être pas doté d'un service de cardiologie, le refus opposé par l'hôpital de La Timone et la carence du SAMU dans la recherche d'établissements susceptibles de prendre en charge le patient qui ont conduit à un retard important dans ladite prise en charge sont constitutifs de fautes dans l'organisation du service ; que ces fautes doivent être regardées comme ayant compromis les chances de survie de l'intéressé et de nature à entraîner la responsabilité de l'Assistance publique des hôpitaux de Marseille ; que, dans ces conditions, Mmes Blanche, Yasmina, Dalila, Salima et Anifa X sont fondées à obtenir réparation du préjudice qu'elles ont subi du fait du décès de leur fils et frère ;

Sur les droits de la caisse primaire d'assurance maladie :

Considérant qu'au vu du décompte produit en appel, il y a lieu de faire droit aux conclusions de la caisse primaire d'assurance maladie des Bouches-du-Rhône et de condamner l'Assistance Publique des Hôpitaux Marseille à lui rembourser la somme de 23 342,40 francs soit 3 558,53 euros correspondant au montant du capital versé consécutivement au décès du fils et frère des requérantes du fait de la faute commise par celle-ci augmentée de la somme demandée de 910 euros au titre des dispositions de l'article L.376-1 du code de la sécurité sociale ;

Sur les préjudices de Mmes X :

Considérant qu'il sera fait une juste appréciation du préjudice moral éprouvé par les requérantes du fait du décès de leur fils et frère alors âgé de 38 ans en allouant à

Mme Blanche X, sa mère, une somme de 15 000 euros et à Mmes Yasmina, Dalila, Salima et Anifa, ses soeurs, une somme de 5 000 euros chacune ; que la circonstance que le défunt était « le seul homme de la famille » ne saurait constituer un élément aggravant à prendre en compte dans l'indemnisation du préjudice moral des requérantes dès lors que la prise en considération d'un tel élément serait contraire aux principes constitutionnels ;

Sur les frais d'expertise :

Considérant qu'en vertu des dispositions de l'article R.761-1 du code de justice administrative, les frais de l'expertise diligentée le tribunal administratif taxés et liquidés à la somme de 1 355 euros doivent être mis à la charge définitive de l'Assistance Publique des Hôpitaux de Marseille, partie perdante dans la présente instance ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Assistance Publique des Hôpitaux de Marseille le versement à Mmes X de la somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par elles et non compris dans les dépens ;

D É C I D E :

Article 1er : Le jugement n° 0308259 du 28 mars 2006 du Tribunal administratif de Marseille est annulé.

Article 2 : L'Assistance Publique des Hôpitaux de Marseille versera la somme de 15 000 euros à Mme Blanche X, la somme de 5 000 euros chacune à Mmes Yasmina, Dalila, Salima et Anifa X ainsi que la somme de 4 468,53 euros à la caisse primaire d'assurance maladie des Bouches-du-Rhône.

Article 3 : Les frais d'expertise taxés et liquidés à la somme de 1 355 euros sont mis à la charge définitive de l'Assistance Publique des Hôpitaux de Marseille.

Article 4 : L'Assistance Publique des Hôpitaux de Marseille versera à Mmes X la somme globale de 1 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mmes Blanche, Yasmina, Dalila, Salima et Anifa X, à l'Assistance Publique des Hôpitaux de Marseille, à la caisse primaire d'assurance maladie des Bouches-du-Rhône et au ministre de la santé, de la jeunesse, des sports et de la vie associative.

Copie en sera adressée à Me Lambot, à Me Le Prado, à Me Depieds et au préfet des Bouches-du-Rhône.

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 3ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 06MA01788
Date de la décision : 15/05/2008
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. DARRIEUTORT
Rapporteur ?: Mme Christine MASSE-DEGOIS
Rapporteur public ?: M. DUBOIS
Avocat(s) : LAMBOT

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2008-05-15;06ma01788 ?
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