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10/04/2008 | FRANCE | N°06MA00423

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 1ère chambre - formation à 3, 10 avril 2008, 06MA00423


Vu la requête, enregistrée le 9 février 2006, présentée pour Mme Yvonne X, demeurant ..., par la société d'avocats Barles - Giovannangeli - Escoffier ; Mme X demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0003015 du 20 décembre 2005 par lequel le Tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande tendant à la condamnation de l'Etat à lui payer, d'une part, la somme de 339 496,18 francs, avec intérêts à compter du 9 janvier 1984 et, d'autre part, la somme de 3 000 francs par mois à compter du 1er août 1984, en remboursement des conséquences dommageables résultant p

our elle du fait de fautes commises par l'Etat ;

2°) de condamner l'Etat ...

Vu la requête, enregistrée le 9 février 2006, présentée pour Mme Yvonne X, demeurant ..., par la société d'avocats Barles - Giovannangeli - Escoffier ; Mme X demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0003015 du 20 décembre 2005 par lequel le Tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande tendant à la condamnation de l'Etat à lui payer, d'une part, la somme de 339 496,18 francs, avec intérêts à compter du 9 janvier 1984 et, d'autre part, la somme de 3 000 francs par mois à compter du 1er août 1984, en remboursement des conséquences dommageables résultant pour elle du fait de fautes commises par l'Etat ;

2°) de condamner l'Etat à lui payer la somme de 30 292,79 euros avec intérêts de droit à compter du 9 janvier 1984 en remboursement du prix de la vente et des frais et droits y afférents, la somme de 10 181,92 euros avec intérêts de droit à compter du 19 mars 1984 en remboursement du prix des travaux de construction, la somme de 11 281,23 euros en réparation du préjudice financier et la somme de 457,35 euros par mois à compter du 1er août 1984 jusqu'au jour de l'arrêt à intervenir au titre du préjudice financier, le tout devant être attribué à elle-même et au directeur des services fiscaux pris en sa qualité de curateur à la succession vacante de M. Florenson au titre de l'indivision post-communautaire ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 048,98 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative ;

............................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de l'urbanisme ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 27 mars 2008 :

- le rapport de Mme Ségura, rapporteur ;

- les observations de M. Chrestian, de la Direction Départementale de l'Equipement du Var, pour le Ministre de l'écologie,

- et les conclusions de M. Cherrier, commissaire du gouvernement ;

Considérant que, par le jugement attaqué susvisé, le Tribunal administratif de Nice a rejeté la demande de Mme X tendant à la condamnation de l'Etat à lui payer, d'une part, la somme de 339 496,18 francs, avec intérêts à compter du 9 janvier 1984 et, d'autre part, la somme de 3000 francs par mois à compter du 1er août 1984, en remboursement des conséquences dommageables résultant pour elle du fait de fautes commises par l'Etat ; que Mme X relève appel de ce jugement ;

Sur la responsabilité :

Considérant, en premier lieu, que Mme X soutient que c'est à tort que le premiers juges ont estimé que le préfet du Var n'avait commis aucune faute de nature à engager la responsabilité de l'Etat à son égard alors que la faute est incontestablement caractérisée, d'une part, par le classement du terrain en cause en zone constructible dans le plan d'occupation des sols de la commune, établi au nom de l'Etat par le préfet et publié le 5 janvier 1981, et, d'autre part, par l'autorisation de lotir, délivrée le 26 mars 1981, laquelle n'est assortie d'aucune réserve ou recommandation ; qu'il résulte de l'instruction, notamment du rapport de l'expert désigné par voie de référé par le président du Tribunal de grande instance de Draguignan, établi le 30 avril 1986, que, si aucun risque déclaré n'avait été signalé avant la demande d'autorisation de lotir, la présence d'une faille et de cavités naturelles sur l'un des rebords du plateau sur lequel devait être implanté le lotissement en cause, rendant le terrain de Mme X impropre à la construction, ne pouvait être ignorée des services de l'Etat auxquels il incombait, le cas échéant, d'imposer les investigations géologiques nécessaires et des prescriptions spéciales propres à prévenir tout glissement de terrains ou d'éboulements ; que, dans ces conditions, en classant ledit terrain en zone constructible et en accordant l'autorisation de lotir sollicitée à la S.N.C. Valente et La Selva, le préfet du Var a commis une faute de nature à engager la responsabilité de l'Etat, lequel, au demeurant, admet, dans ses écritures devant la Cour, le principe de sa responsabilité ;

Considérant, en second lieu, qu'il ne résulte pas de l'instruction, et notamment du rapport susmentionné, que la société Maison Chapel aurait pu découvrir avant le début des travaux l'inconstructibilité du terrain ni qu'une faute d'imprudence puisse, compte tenu de la nature des problèmes rencontrés, être reprochée à Mme X au motif que cette dernière s'en est remis à l'avis, d'une part, des services de l'Etat et, d'autre part, à ceux des sociétés spécialisées auxquelles elle a fait appel ; qu'en revanche, il résulte de l'instruction que la société Valente et La Selva, à laquelle le classement du terrain en zone constructible et l'autorisation de lotir n'ont pu avoir pour effet de donner une garantie sur la résistance du sol, ne pouvait ignorer les risques entraînés par l'existence des cavités naturelles susmentionnées ; que, par suite, ladite société a commis une grave imprudence en entreprenant, sans avoir procédé à des investigations géologiques et des vérifications approfondies, l'aménagement du terrain et la commercialisation des lots ; que la faute ainsi commise est de nature à atténuer, à hauteur des deux tiers, la responsabilité de l'Etat sus-évoquée ;

Sur l'évaluation des préjudices :

Considérant, en premier lieu, qu'il résulte de l'instruction, notamment du rapport susmentionné, que le préjudice résultant du prix d'achat du terrain et des frais et droits s'y rapportant doit être évalué à la somme globale de 30 292,79 euros ;

Considérant, en deuxième lieu, qu'il résulte de l'instruction que Mme X a versé au constructeur, le 13 septembre 1983, 10 760 F à titre d'acompte sur le prix de la construction ainsi que 56 029 F de « situations » , soit une somme globale de 10 181,92 euros ; qu'il y a lieu, dès lors, d'évaluer à ladite somme le préjudice résultant du paiement par l'intéressée du prix des travaux de construction entrepris sur le terrain ;

Considérant, en troisième lieu, que Mme X demande le paiement d'une indemnité de 11 281,23 euros, soit 74 000 F, en réparation du préjudice financier subi en raison des emprunts contractés ; que l'expert a indiqué dans le rapport susmentionné que les sommes remboursées par Mme X au C.D.E., organisme prêteur qui a débloqué les sommes du crédit au fur et à mesure de l'avancement de la construction, étaient, au 31 octobre 1985, de 60 406,90 F, soit 9208,97 euros ; que, s'il a prévu qu'au 30 avril 1986, date de son rapport, les sommes en cause ne devaient pas dépasser la somme globale de 74 000 F, soit 11 281,23 euros, Mme X n'apporte toutefois aucun élément susceptible d'établir qu'elle a effectivement remboursé cette somme aux organisme prêteurs ; que, par ailleurs, il y a lieu de déduire de la somme de 9208,97 euros, déterminée par l'expert, les 10 181,92 euros que l'intéressée a reçus de la part de l'organisme C.D.E. pour payer le constructeur et dont la dépense est indemnisée, ainsi qu'il vient d'être dit, au titre du paiement du prix des travaux de construction entrepris ; que, dans ces conditions, Mme X n'est pas fondée à demander le paiement de 11 281,23 euros en réparation du préjudice résultant des emprunts qu'elle a contractés ;

Considérant, enfin, que Mme X demande la somme de 457,35 euros par mois à compter du 1er août 1984, date prévue pour l'achèvement de la construction par le contrat de construction, jusqu'au jour de l'arrêt à intervenir en réparation du trouble de jouissance qu'elle a subi ; que, toutefois, d'une part, Mme X se borne, comme elle l'avait fait devant les premiers juges, à se référer au rapport de l'expert ; que, d'autre part, et en tout état de cause, le préjudice invoqué résultant du défaut de jouissance du terrain et de la construction ne saurait être évalué comme le fait l'expert, à hauteur de la valeur locative moyenne d'une villa du même type que celle dont la construction était projetée ; que ledit préjudice ne peut, par suite, être retenu ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède qu'il sera fait une exacte appréciation du préjudice subi par Mme X en l'évaluant à 40 474,71 euros ; que, compte tenu du partage de responsabilité sus-évoqué, il y a lieu de condamner l'Etat à payer à Mme X et, selon les règles successorales applicables à la succession vacante de M. Florenson, au curateur de cette succession, une indemnité d'un montant de 13 491,57 euros ;

Sur les intérêts :

Considérant que Mme X a droit aux intérêts au taux légal de la somme de 13 491,57 euros à compter du 7 janvier 2000, date de réception par le préfet du Var de sa demande préalable d'indemnisation ;

Sur les appels en garantie :

Considérant que les conclusions du ministre de l'écologie, du développement et de l'aménagement durables, tendant à ce que la société Valente et La Selva et la société Maison Chapel le garantissent des condamnations prononcées contre lui, n'ont pas été présentées devant les premiers juges et ne sont, dès lors et en tout état de cause, pas recevables ;

Sur les conclusions présentées sur le fondement de l'article L.761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'il résulte de ce qui précède qu'il y a lieu, en application des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative, de condamner l'Etat à payer à Mme X la somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;

DECIDE :

Article 1er : Le jugement du Tribunal administratif de Nice n° 0003015 du 20 décembre 2005 est annulé.

Article 2 : L'Etat versera à Mme Yvonne X et au curateur à la succession vacante de M. Florenson, la somme de 13 491,57 euros. Cette somme portera intérêts de droit à compter du 7 janvier 2000.

Article 3 : L'Etat versera à Mme Yvonne X la somme de 1 500 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Les conclusions du ministre de l'écologie, du développement et de l'aménagement durables sont rejetées.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme Yvonne X, à la société Valente et La Selva, à la société Maison Chapel, au curateur de la succession vacante de M. Florenson et au ministre d'Etat, ministre de l'écologie, de l'énergie, du développement durable et de l'aménagement du territoire.

N° 06MA00423

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RP


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 1ère chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 06MA00423
Date de la décision : 10/04/2008
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. COUSIN
Rapporteur ?: Mme Françoise SEGURA-JEAN
Rapporteur public ?: M. CHERRIER
Avocat(s) : BARLES - GIOVANNANGELI - ESCOFFIER

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2008-04-10;06ma00423 ?
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