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06/02/2008 | FRANCE | N°05MA00684

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 6ème chambre - formation à 3, 06 février 2008, 05MA00684


Vu la requête, enregistrée le 22 mars 2005, présenté pour la SOCIETE TECHNI ARCHITECTURE, dont le siège est 265, avenue de Mazargues Marseille (13008), par Me Davin ; la SOCIETE TECHNI ARCHITECTURE demande à la Cour :

1°/ d'annuler le jugement n° 0006712 du 18 janvier 2005 par lequel le Tribunal administratif de Marseille l'a condamnée à payer à la Maison de retraite publique de Lambesc la somme de 162 598 € en réparation des préjudices subis par cette dernière ainsi que la somme de 13 032 € au titre des frais d'expertise ;

2°/ de rejeter les

conclusions de la Maison de retraite publique de Lambesc présentées contre ell...

Vu la requête, enregistrée le 22 mars 2005, présenté pour la SOCIETE TECHNI ARCHITECTURE, dont le siège est 265, avenue de Mazargues Marseille (13008), par Me Davin ; la SOCIETE TECHNI ARCHITECTURE demande à la Cour :

1°/ d'annuler le jugement n° 0006712 du 18 janvier 2005 par lequel le Tribunal administratif de Marseille l'a condamnée à payer à la Maison de retraite publique de Lambesc la somme de 162 598 € en réparation des préjudices subis par cette dernière ainsi que la somme de 13 032 € au titre des frais d'expertise ;

2°/ de rejeter les conclusions de la Maison de retraite publique de Lambesc présentées contre elle ;

3°/ de condamner le CETEN APAVE, l'Etat et l'entreprise Bruno Rostand à la relever et garantir des condamnations prononcées à son encontre ;

4°/ de réduire sa condamnation relative aux frais générés par la vacation d'un pompier de nuit ;




Vu le jugement attaqué ;

Vu les autres pièces du dossier et notamment le rapport de l'expert, désigné par ordonnance du 24 janvier 2001, déposé le 24 septembre 2003 au greffe du Tribunal administratif de Marseille ;
Vu le code des marchés publics ;
Vu le code de la construction et de l'habitation ;
Vu le code des assurances ;
Vu le code civil, notamment ses articles 1382, 1792 et 2270 ;
Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 15 octobre 2007 :

- le rapport de Mme E. Felmy, conseiller,

- les observations de Me Perrimond pour la SOCIETE TECHNI ARCHITECTURE, de Me Lazzarino pour la maison de retraite publique de Lambesc, de Me Pompei pour le Ceten Apave et de Me Petit pour la société Gagneraud construction,

- et les conclusions de Mme Buccafurri, commissaire du gouvernement ;

Considérant que la Maison de retraite publique de Lambesc, assistée de l'Etat comme conducteur d'opérations, a conclu un marché avec la société CETE APAVE DU SUD EST pour une mission de contrôle technique, un marché de maîtrise d'oeuvre avec la SOCIETE TECHNI ARCHITECTURE et un marché de travaux avec la société Bruno Rostand pour la construction de son établissement ; que le 29 juin 1994, le CETE APAVE DU SUD EST a établi un rapport constatant l'absence de non-conformités et la commission de sécurité d'arrondissement a émis un avis favorable sans réserve pour l'accueil du public ; que le 17 août 1994, la réception sans réserve a été prononcée avec effet au 20 mai 1994 ; que, toutefois, le 28 avril 1997, la commission de sécurité d'arrondissement a produit des observations liées à la non-conformité de l'établissement aux dispositions de sécurité puis, le 19 juin 2000, un avis défavorable à la poursuite de son exploitation; que le maître de l'ouvrage a alors recherché la responsabilité solidaire des constructeurs et que le Tribunal administratif de Marseille a, par le jugement attaqué, condamné la SOCIETE TECHNI ARCHITECTURE à lui payer la somme de 162 598 € en réparation de ses préjudices ; que la SOCIETE TECHNI ARCHITECTURE fait appel de ce jugement afin d'être déchargée de cette condamnation et d'en être garantie par les constructeurs ; que la Maison de retraite publique de Lambesc réclame par la voie de l'appel incident l'annulation de ce jugement en tant qu'il n'a pas intégralement fait droit à sa demande et, par la voie de l'appel provoqué, la condamnation solidaire de la SOCIETE TECHNI ARCHITECTURE et du CETEN APAVE ;


Sur la responsabilité :

En ce qui concerne l'appel principal de la SOCIETE TECHNI ARCHITECTURE :

Considérant que la réception est l'acte par lequel le maître de l'ouvrage déclare accepter l'ouvrage avec ou sans réserve, mettant ainsi fin aux rapports contractuels entre le maître de l'ouvrage et les constructeurs en ce qui concerne la réalisation de l'ouvrage ; qu'il résulte de l'instruction que la réception des travaux de construction de la Maison de retraite a été prononcée sans réserves le 17 août 1994 ; que si cette réception a eu pour effet de mettre fin à l'ensemble des rapports contractuels nés du marché entre le maître de l'ouvrage et les constructeurs mis en cause, la responsabilité contractuelle de l'architecte, et plus généralement du maître d'oeuvre, peut toutefois être invoquée, en ce qui concerne les désordres affectant l'ouvrage, en raison de son manquement à l'obligation de conseil lors des opérations de réception ;

Considérant, d'une part, qu'il n'est pas contesté qu'à la date de la réception définitive, l'ouvrage était affecté de malfaçons apparentes de nature à faite obstacle à ladite réception, notamment en ce qui concerne les détecteurs de fumée en nombre insuffisant, la distance trop importante entre les chambres et les escaliers, l'absence de protection de l'escalier donnant sur le hall d'entrée et les revêtements de divers plafonds ; qu'en vertu tant de ses devoirs professionnels que des stipulations de son contrat, la SOCIETE TECHNI ARCHITECTURE, en sa qualité de maître d'oeuvre, était tenue d'assister le maître de l'ouvrage lors de la réception définitive des travaux ; qu'elle n'a pas attiré l'attention de celui-ci sur les défectuosités de l'établissement de nature à faire obstacle à ce que la réception du bâtiment fût prononcée sans réserves et a signé le procès-verbal de réception définitive sans aucune réserve ; qu'au surplus, il ressort du rapport d'expertise que la SOCIETE TECHNI ARCHITECTURE avait dès la phase de conception de l'établissement une connaissance précise de certaines des non-conformités relevées ; que cette faute dans sa mission de conseil du maître de l'ouvrage au moment de la réception est de nature à engager sa responsabilité contractuelle vis-à-vis de celui-ci ;
Considérant, d'autre part, qu'il ne résulte pas de l'instruction qu'une part de responsabilité doive être imputée au maître de l'ouvrage, compte tenu des éléments dont il disposait et en particulier de l'absence de signalement des défectuosités dont la nature et l'ampleur étaient par ailleurs inconnues de lui, nonobstant leur caractère apparent ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la SOCIETE TECHNI ARCHITECTURE n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Marseille a décidé que sa responsabilité était engagée à l'égard du maître de l'ouvrage à raison des malfaçons constatées ;

En ce qui concerne l'appel provoqué de la Maison de retraite publique de Lambesc tendant à la condamnation solidaire de la SOCIETE TECHNI ARCHITECTURE et du CETEN APAVE à la réparation des dommages et au paiement des frais d'expertise :

Considérant que ces conclusions, en tant qu'elles sont dirigées contre un autre constructeur que l'appelant principal et présentées après l'expiration du délai d'appel courant à compter du 26 janvier 2005, date de notification du jugement attaqué à la Maison de retraite, constituent un appel provoqué ; que, toutefois, par le présent arrêt, l'appel principal formé par la SOCIETE TECHNI ARCHITECTURE a été rejeté ; que, par suite, la situation de la Maison de retraite publique de Lambesc n'est pas aggravée ; qu'ainsi, ses conclusions d'appel provoqué doivent être rejetées comme irrecevables ;

Sur les appels en garantie de la SOCIETE TECHNI ARCHITECTURE:

Considérant que la SOCIETE TECHNI ARCHITECTURE demande à être garantie des condamnations prononcées contre elle par le CETEN APAVE, l'Etat et l'entreprise Bruno Rostand ;

Considérant, en premier lieu, qu'en tout état de cause, la SOCIETE TECHNI ARCHITECTURE ne peut utilement appeler en garantie l'entreprise Bruno Rostand sur le fondement du contrat ; que, par ailleurs, il ne résulte pas de l'instruction que la faute de cet entrepreneur serait à l'origine des désordres constatés ;

Considérant, en deuxième lieu, qu'il ressort des pièces du dossier que l'Etat, direction départementale de l'équipement, est intervenu en qualité de conducteur d'opération pour le compte de la Maison de retraite ; que, toutefois, eu égard notamment à l'absence de précisions suffisantes concernant l'étendue de la mission de contrôle technique confiée à cette direction, la SOCIETE TECHNI ARCHITECTURE n'établit pas que le conducteur d'opération ait participé aux opérations de réception de cette construction publique et ait ainsi concouru à la faute qu'elle a elle-même commise lors de ces opérations ; que si la SOCIETE TECHNI ARCHITECTURE appelle également l'Etat en garantie en raison du fonctionnement de la commission de sécurité qu'elle estime défectueux, ces conclusions doivent être rejetées dès lors que seule la responsabilité de la commune est susceptible d'être engagée à ce titre dans le cadre des pouvoirs de police du maire ;

Considérant, enfin, qu'il résulte de l'instruction, et notamment du rapport d'expertise, que la société CETEN APAVE aurait dû, en raison de ses missions de contrôleur technique relatives à la sécurité des personnes auxquelles elle était tenue en vertu des stipulations de son contrat, vérifier la conformité de l'ouvrage à la réglementation tant au niveau de l'élaboration des projets que lors des opérations de réalisation ; que cette société, qui connaissait les vices relevés et a négligé d'en avertir le maître d'oeuvre ainsi que le maître de l'ouvrage au moment de la réception définitive des travaux a, par suite, commis une faute dont la SOCIETE TECHNI ARCHITECTURE est fondée à se prévaloir pour être relevée de ses condamnations par le CETEN APAVE ; qu'il sera fait une juste appréciation de la responsabilité de la société CETEN APAVE en la condamnant à garantir la SOCIETE TECHNI ARCHITECTURE à hauteur de la moitié du montant de la réparation des conséquences préjudiciables de la réception définitive des travaux de la Maison de retraite publique de Lambesc en l'absence de réserve sur les défectuosités litigieuses ;

Sur le préjudice :
Considérant, d'une part, que la SOCIETE TECHNI ARCHITECTURE réclame la réduction de la somme allouée au titre des frais de vacation d'un pompier de nuit pendant une année dès lors que le maître de l'ouvrage a refusé son intervention visant à remettre une partie de l'établissement aux normes ; que, toutefois, dans la mesure où ces dépenses ont été nécessitées par l'état de la construction jusqu'à l'issue de l'expertise, ces conclusions doivent être rejetées ;
Considérant, d'autre part, que la Maison de retraite publique de Lambesc demande incidemment, sur le fondement d'un rapport d'audit privé, le paiement des sommes de 407 293 euros au titre de son préjudice matériel et financier et de 10 000 euros au titre de son préjudice moral ; que, compte tenu des éléments précédemment retenus, du rapport de l'expert désigné par les premiers juges et des critiques utilement émises par la Maison de retraite à l'encontre de l'estimation du coût des travaux arrêtée par l'expert judiciaire, l'état de l'instruction ne permet pas à la cour d'évaluer l'étendue du préjudice subi par la Maison de retraite ; que, par suite, il y a lieu, avant de statuer sur la demande d'indemnité, d'ordonner une expertise aux fins d'estimation du coût réel et actuel des travaux de mise en conformité et du préjudice d'exploitation lié à la réalisation des travaux ;

DÉCIDE :

Article 1er : La société CETEN APAVE est condamnée à garantir la SOCIETE TECHNI ARCHITECTURE à hauteur de la moitié du montant de ses condamnations.
Article 2 : Le jugement du Tribunal administratif de Marseille du 18 janvier 2005 est réformé en ce qu'il a de contraire à l'article 1er ci-dessus.

Article 3 : Les conclusions d'appel provoqué présentées par la Maison de retraite publique de Lambesc sont rejetées.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de la SOCIETE TECHNI ARCHITECTURE est rejeté.

Article 5 : Il sera, avant de statuer sur le montant du préjudice subi par la Maison de retraite, procédé à une expertise. L'expert, économiste de la construction, sera désigné par le président de la Cour. L'expertise sera conduite et suivie selon les dispositions prévues par les articles R. 621-2 à R. 621-14 du code de justice administrative. Il aura pour mission d'indiquer la nature et le coût des travaux nécessaires pour remédier à la situation actuelle, compte tenu de l'état d'entretien des lieux, ainsi que le préjudice d'exploitation lié à la réalisation des travaux et, s'il y a lieu, de faire toutes autres constatations nécessaires, d'enregistrer les observations de tout intéressé et d'annexer à son rapport tous documents utiles.
Article 6 : Tous droits et moyens des parties, sur lesquels il n'est pas expressément statué par le présent arrêt, sont réservés jusqu'en fin d'instance.
Article 7 : Le présent arrêt sera notifié à la SOCIETE TECHNI ARCHITECTURE, à la Maison de retraite publique de Lambesc, à la commune de Lambesc, au ministre de l'écologie, du développement et de l'aménagement durables, au CETEN APAVE venant aux droits du CETEN APAVE DU SUD EST et à la société Gagneraud construction anciennement Société Bruno Rostand.

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N° 05MAOO684


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 6ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 05MA00684
Date de la décision : 06/02/2008
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. GUERRIVE
Rapporteur ?: Mme Emilie FELMY
Rapporteur public ?: Mme BUCCAFURRI
Avocat(s) : DAVIN

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2008-02-06;05ma00684 ?
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