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22/01/2008 | FRANCE | N°05MA00949

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 4ème chambre-formation à 3, 22 janvier 2008, 05MA00949


Vu la requête, enregistrée le 21 avril 2005, présentée pour l'ASSOCIATION SANITAS, dont le siège est 10 rue de l'Eglise à Corneilhan (34490), par Me Collard ; l'ASSOCIATION SANITAS demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 9902326 9903456 993457 9903458 0103030 0103031 0103033 du 10 mars 2005 par lequel le Tribunal administratif de Montpellier a, d'une part, partiellement rejeté ses demandes en décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée et des pénalités y a afférentes auxquels elle a été assujettie au titre de la période comprise entre le 1er janvier

1995 et le 31 décembre 1997, d'autre part, rejeté sa demande en déchar...

Vu la requête, enregistrée le 21 avril 2005, présentée pour l'ASSOCIATION SANITAS, dont le siège est 10 rue de l'Eglise à Corneilhan (34490), par Me Collard ; l'ASSOCIATION SANITAS demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 9902326 9903456 993457 9903458 0103030 0103031 0103033 du 10 mars 2005 par lequel le Tribunal administratif de Montpellier a, d'une part, partiellement rejeté ses demandes en décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée et des pénalités y a afférentes auxquels elle a été assujettie au titre de la période comprise entre le 1er janvier 1995 et le 31 décembre 1997, d'autre part, rejeté sa demande en décharge de la cotisation supplémentaire à l'impôt sur les sociétés et des pénalités y afférentes mises à son nom au titre de l'exercice 1996 ;

2°) de prononcer la décharge des impositions contestées et des pénalités y afférentes ;

3°) de condamner l'Etat à lui verser une somme de 2 500 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative ;

L'association requérante soutient que :

- le tribunal a omis de statuer sur le moyen tiré de l'irrégularité de la procédure de vérification de comptabilité ; il a dénaturé les pièces du dossier et violé l'étendue de ses pouvoirs ;




- la vérification de comptabilité a été engagée alors que le service ne disposait d'aucun indice lui permettant de penser que l'association pouvait être assujettie à la tenue d'une comptabilité ;

- la méthode de reconstitution des recettes est sommaire ; la reconstitution des recettes de l'organisation de la loterie est fondée sur l'hypothèse selon laquelle chaque personne présente prendrait un billet de loterie, ce qui est contestable ; la reconstitution des recettes boissons est basée sur l'hypothèse que chaque personne présente consomme au minimum un sandwich et une boisson, ce qui est également contestable ;

- elle peut prétendre à l'exonération de l'impôt sur les sociétés et de la taxe sur la valeur ajoutée, sur le fondement des dispositions de l'article 261-7-1° b d code général des impôts ; le tribunal a entaché son jugement d'une erreur de droit ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 15 décembre 2005, présenté par le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie ; le ministre conclut au rejet de la requête ;

Le ministre soutient que :

- la requête d'appel est irrecevable en la forme ; dans le silence des statuts, l'action ne peut être engagée que par l'assemblée générale ;

- le moyen tiré de l'irrégularité de la procédure n'a pas été soulevé que dans l'instance n° 0103031 ; dans le cadre d'un contrôle sur pièce, ce moyen est inopérant ; en tout état de cause, l'administration est en droit de vérifier la comptabilité d'une association dès lors qu'elle dispose d'indices sérieux selon lesquels l'activité exercée est susceptible d'entraîner l'assujettissement à la taxe sur la valeur ajoutée et à l'impôt sur les sociétés, ce qui est le cas en l'espèce ;

- les deux dirigeants de l'association ont été condamnés pour fraude fiscale à une peine d'emprisonnement de six mois avec sursis par un arrêt de la Cour d'appel de Montpellier du 30 octobre 2003 devenu définitif ; dans son arrêt, la Cour d'appel a jugé que le fonctionnement de l'ASSOCIATION SANITAS ne peut être considéré comme désintéressé et qu'il s'agit d'une entreprise commerciale soumise aux impôts commerciaux ;

- les premiers juges ont, à juste titre, estimé que l'activité réelle de l'association avait un caractère commercial ; la gestion n'était pas désintéressée et les dirigeants retiraient un profit personnel de leur gestion ; les lotos sont ouverts à tout le monde et la comptabilité ne faisait état d'aucune cotisation encaissée ; l'organisation des lotos était l'unique activité de l'association requérante ; chacune des associations clientes ne recevait qu'une somme forfaitaire de 150 € par soirée organisée à son nom ; l'association a mis en oeuvre des méthodes commerciales et aucune vie associative n'a été constatée ;

- l'association ayant été taxée d'office sur le fondement des dispositions de l'article L.66 du livre des procédures fiscales, elle supporte la charge de prouver l'exagération des impositions incriminées ;




- les recettes loto ont été reconstituées à partir des indications écrites fournies par Mme Sinopoli ; les recettes tombola de l'année 1995 ont été reconstituées en considérant que les deux tiers des personnes présentes achetaient un billet à 10 francs ; les recettes buvette ont été arrêtées par application aux achats commercialisés d'un coefficient multiplicateur moyen pondéré de 2,80 constaté en 1996 ; pour l'année 1997, les bases ont été taxées d'office par reconduction des bases de l'année 1996 ; l'association n'apporte pas la preuve de l'exagération des impositions ;


Vu les autres pièces du dossier ;


Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;


Vu le code de justice administrative ;


Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 18 décembre 2007,

- le rapport de Mme Mariller, rapporteur ;

- et les conclusions de M. Emmanuelli, commissaire du gouvernement ;


Sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non recevoir opposée par le ministre :


Sur la régularité du jugement :


Considérant, en premier lieu, qu'il résulte de l'examen de l'ensemble des requêtes et mémoires déposés par l'ASSOCIATION SANITAS devant le Tribunal administratif de Montpellier qu'elle n'a pas soulevé, devant les premiers juges, un moyen tiré de l'irrégularité de la vérification de comptabilité ; qu'aucune omission à statuer ne peut ainsi être reprochée au tribunal ;


Considérant, en deuxième lieu, qu'en relevant que la reconstitution des recettes a été réalisée à partir d'indications chiffrées produites par le Trésorier de l'association, le Tribunal n'a pas dénaturé les pièces du dossier dès lors que, pour procéder à la reconstitution du chiffre d'affaires de l'association, le vérificateur s'est au moins partiellement appuyé sur les données qui lui ont été communiquées par Mme Sinopoli dans sa lettre du 29 janvier 1998 en réponse à une demande de renseignement du vérificateur, notamment pour déterminer la fréquentation moyenne par soirée, le montant des recettes moyennes unitaire par personne, le nombre annuel de lotos organisés ;



Sur le principe de l'assujettissement de l'association :



Considérant qu'aux termes de l'article 256 du code général des impôts : « I. Sont soumises à la taxe sur la valeur ajoutée (...) les prestations de services effectuées à titre onéreux par un assujetti agissant en tant que tel (...) » ; qu'aux termes de l'article 256A, dans sa rédaction alors en vigueur : « Sont assujetties à la taxe sur la valeur ajoutée les personnes qui effectuent d'une manière indépendante, à titre habituel ou occasionnel, une ou plusieurs opérations soumises à la taxe sur la valeur ajoutée, quels que soient le statut juridique de ces personnes, leur situation au regard des autres impôts et la forme ou la nature de leur intervention. » ; et qu'aux termes de l'article 261-7-1° b, « Sont exonérées de la taxe sur la valeur ajoutée, les opérations faites au bénéfice de toutes personnes par des oeuvres sans but lucratif qui présentent un caractère social ou philanthropique et dont la gestion est désintéressée, lorsque les prix pratiqués ont été homologués par l'autorité publique ou que des opérations analogues ne sont pas couramment réalisées à des prix comparables par des entreprises commerciales, en raison notamment du concours désintéressé des membres de ces organismes ou des contributions publiques ou privées dont ils bénéficient (...) » ;



Considérant, par ailleurs, qu'en vertu des dispositions de l'article 206-I du code général des impôts, sont passibles de l'impôt sur les sociétés, les personnes morales se livrant à une exploitation ou à des opérations de caractère lucratif ; qu'aux termes des dispositions de l'article 207 du même code : « 1. Sont exonérés de l'impôt sur les sociétés : (...) 5) bis. Les organismes sans but lucratif mentionnés au 1 du 7 de l'article 261, pour les opérations à raison desquelles ils sont exonérés de la taxe sur la valeur ajoutée (...) » ;



Considérant que, pour l'application de ces dispositions, les associations poursuivant un objet social ou philanthropique sont exonérées de la taxe sur la valeur ajoutée et ne sont pas passibles de l'impôt sur les sociétés, dès lors, d'une part, que leur gestion présente un caractère désintéressé et, d'autre part, que les services qu'elles rendent ne sont pas offerts en concurrence dans la même zone géographique d'attraction avec ceux proposés au même public par des entreprises commerciales exerçant une activité identique ; que, toutefois, même dans le cas où l'association intervient dans un domaine d'activité et dans un secteur géographique où existent des entreprises commerciales, l'exonération de taxe sur la valeur ajoutée lui est acquise et elle n'est pas passible de l'impôt sur les sociétés et de la taxe professionnelle si elle exerce son activité dans des conditions différentes de celles des entreprises commerciales, soit en répondant à certains besoins insuffisamment satisfaits par le marché, soit en s'adressant à un public qui ne peut normalement accéder aux services offerts par les entreprises commerciales, notamment en pratiquant des prix inférieurs à ceux du secteur concurrentiel et, à tout le moins, des tarifs modulés en fonction de la situation des bénéficiaires, sous réserve de ne pas recourir à des méthodes commerciales excédant les besoins de l'information du public sur les services qu'elle offre ;





Considérant que l'ASSOCIATION SANITAS a pour objet social, aux termes de ses statuts l'organisation de soirées familiales d'animations ludiques, artistiques et culturelles ; que ses statuts prévoient également que les bénéfices de ces soirées seront reversés aux associations de lutte contre le SIDA, l'ARC et toute autre association pour la recherche médicale ; que son activité a en fait consisté à organiser dans une salle prise à bail et pouvant contenir cinq cents personnes entre 150 et 222 soirées lotos selon les années ; que chaque soirée était parrainée par une association cliente avec laquelle la requérante signait un contrat par lequel la cliente s'engageait à lui laisser en caution la totalité des recettes tandis qu'elle-même s'engageait à restituer la totalité des bénéfices réalisés ; qu'il résulte de l'instruction, notamment des réponses des associations clientes, qu'indépendamment du bénéfice réalisé, chaque association ne recevait qu'une somme forfaitaire de mille francs par soirée organisée à son nom ; que la Cour d'appel de Montpellier, statuant définitivement sur le délit de fraude fiscale reproché à M. et Mme Sinopoli, dirigeants de l'association, a estimé que son activité rapportaient entre 12 000 et 17 000 euros par mois, dont une partie était prélevée par les dirigeants, lesquels, en cumulant les fonctions de président, secrétaire et trésorier étaient de fait les seuls gestionnaires de ces fonds ; que, dès lors, la gestion de l'ASSOCIATION SANITAS ne peut être regardée comme désintéressée ; que, quelle que soit la place de l'association sur le secteur concurrentiel, ce seul motif suffit à justifier son assujettissement à la taxe sur la valeur ajoutée et à l'impôt sur les sociétés ;

Sur la régularité de la procédure d'imposition :

Considérant qu'aux termes de l'article L.13 du livre des procédures fiscales : « Les agents de l'administration des impôts vérifient sur place, en suivant les règles prévues par le présent livre, la comptabilité des contribuables astreints à tenir et à présenter des documents comptables » ; qu'en vertu des articles 1er et 8 du code du commerce, dans sa rédaction alors en vigueur, les personnes physiques et morales « qui exercent des actes de commerce et en font leur profession habituelle » et ont ainsi la qualité de commerçant, sont astreintes à la tenue d'une comptabilité ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction que l'association faisait paraître depuis le mois de février 1995, dans un journal local de grande diffusion, une publicité annonçant la tenue de loto trois fois par semaine dans une salle aménagée avec mise à disposition de bus gratuit et donnant un aperçu des gains possibles ; que tant la régularité des soirées organisées que le nombre de participants et la publicité faite constituaient des indices sérieux permettant à l'administration d'estimer que l'association requérante se livrait à l'exercice d'activités susceptibles d'entraîner son assujettissement à la taxe sur la valeur ajoutée et à l'impôt sur les sociétés et d'exiger de sa part la tenue d'une comptabilité ; que, par suite, l'administration était en droit de mettre en oeuvre, le 9 novembre 1995, une première vérification de comptabilité ;

Sur le bien-fondé de l'imposition :

Considérant qu'en l'absence de dépôt de ses déclarations dans le délai requis, l'association requérante a fait l'objet d'une taxation d'office tant en matière de taxe sur la valeur ajoutée qu'en matière d'impôt sur les sociétés, sur le fondement des dispositions de l'article L.66 du livre des procédures fiscales dont elle ne conteste pas l'application ; qu'en vertu de l'article L.193 du même livre, il lui appartient d'établir l'exagération des rappels et redressements en litige ;





Considérant qu'en l'absence de comptabilité régulière et probante, le vérificateur a procédé à la reconstitution du chiffre d'affaires réalisé par l'ASSOCIATION SANITAS ; qu'il résulte de l'instruction que pour les années 1995 et 1996, le service a procédé à une reconstitution des recettes lotos, des recettes tombola et des recettes bar ; que les recettes loto ont été reconstituées à partir des données communiquées par l'association dans un courrier du 29 janvier 1998 relatant le nombre annuel de séances, la fréquentation par soirée et le prix moyen des cartons ; que les recettes de l'activité tombola, qui a été abandonnée en 1996, ont été déterminées pour l'année 1995 en partant de l'hypothèse que deux tiers des personnes présentes achetaient un ticket de 10 francs ; que pour les recettes bar, le vérificateur a procédé à un dépouillement exhaustif des factures et a déterminé un coefficient multiplicateur achat hors taxe et prix de vente hors taxe sur l'année 1996 de 2,8 qu'il a appliqué aux achats revendus, en tenant compte de la variation des stocks ; qu'enfin, pour la période comprise entre le 1er janvier et le 30 septembre 1997, à défaut de tout élément communiqué par l'association requérante, le vérificateur a reconduit le chiffre d'affaires réalisé en 1996 au prorata du nombre de mois écoulés ; que cette méthode de reconstitution, basée sur les données propres à l'association, ne présente pas un caractère sommaire ; que si l'association conteste l'hypothèse du vérificateur selon laquelle chaque personne présente prenait un billet de loterie au motif que le public est essentiellement familial, elle ne propose aucune alternative à cette reconstitution ; que la reconstitution des recettes bar étant basée sur les achats revendus et non sur la fréquentation des lotos, la contestation tirée de ce que le vérificateur aurait considéré, à tort, que chaque personne accueillie consommait au minimum un sandwich et une boisson est inopérante ; qu'ainsi, l'ASSOCIATION SANITAS n'apporte pas la preuve qui lui incombe de l'exagération des bases retenues ;


Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que l'ASSOCIATION SANITAS n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande ;


Sur les conclusions de l'ASSOCIATION SANITAS tendant à l'application des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative :


Considérant que les dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'Etat, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, soit condamné à payer à l'ASSOCIATION SANITAS la somme qu'elle demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;













DÉCIDE :


Article 1er : La requête de l'ASSOCIATION SANITAS est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à l'ASSOCIATION SANITAS et au ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique.

Délibéré après l'audience du 18 décembre 2007, où siégeaient :

- Mme Felmy, président de chambre,
- M. Fedou, président assesseur,
- Mme Mariller, premier conseiller,

Lu en audience publique, le 22 janvier 2008.
Le rapporteur,

Signé

C. MARILLER
Le président,

Signé

J. FELMY
Le greffier,

Signé

P. AGRY
La République mande et ordonne au ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique en ce qui le concerne et à tous les huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
Le greffier,

2
N° 05MA00949


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 4ème chambre-formation à 3
Numéro d'arrêt : 05MA00949
Date de la décision : 22/01/2008
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme FELMY
Rapporteur ?: Mme Cécile MARILLER
Rapporteur public ?: M. EMMANUELLI
Avocat(s) : SELARL COLLARD et ASSOCIÉS

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2008-01-22;05ma00949 ?
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