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21/12/2007 | FRANCE | N°05MA00199

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 4ème chambre-formation à 3, 21 décembre 2007, 05MA00199


Vu la requête, enregistrée le 28 janvier 2005, présentée pour Mme Ingeborg X, demeurant ..., par Me Douvier du cabinet Francis Lefebvre ; Mme X demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 9502797 du 14 décembre 2004 par lequel le Tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande en décharge des cotisations supplémentaires à l'impôt sur le revenu et des pénalités y afférentes qui lui ont été réclamées au titre des années 1990 et 1991 ;

2°) de prononcer la décharge des impositions contestées et des pénalités y afférentes ;

3°)

de condamner l'Etat à lui verser une somme de 3 811 euros au titre de l'article L.761-1 du co...

Vu la requête, enregistrée le 28 janvier 2005, présentée pour Mme Ingeborg X, demeurant ..., par Me Douvier du cabinet Francis Lefebvre ; Mme X demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 9502797 du 14 décembre 2004 par lequel le Tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande en décharge des cotisations supplémentaires à l'impôt sur le revenu et des pénalités y afférentes qui lui ont été réclamées au titre des années 1990 et 1991 ;

2°) de prononcer la décharge des impositions contestées et des pénalités y afférentes ;

3°) de condamner l'Etat à lui verser une somme de 3 811 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative ;

…………………………………………………………………………………………..

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et son premier protocole additionnel ;

Vu le traité du 25 mars 1957 instituant la Communauté économique européenne devenue la Communauté Européenne ;

Vu la Convention fiscale franco-allemande du 21 juillet 1959 modifiée ;

Vu l'ordonnance n° 2005-1512 du 7 décembre 2005 relative à des mesures de simplification en matière fiscale et à l'harmonisation et à l'aménagement du régime des pénalités ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 4 décembre 2007,

- le rapport de Mme Mariller, rapporteur ;

- et les conclusions de M. Emmanuelli, commissaire du gouvernement ;

Sur le bien-fondé des impositions :

Considérant qu'aux termes du premier alinéa de l'article 164 C du code général des impôts : Les personnes qui n'ont pas leur domicile fiscal en France mais qui y disposent d'une ou plusieurs habitations, à quelque titre que ce soit, directement ou sous le couvert d'un tiers, sont assujetties à l'impôt sur le revenu sur une base égale à trois fois la valeur locative réelle de cette ou de ces habitations, à moins que les revenus de source française des intéressés ne soient supérieurs à cette base, auquel cas le montant de ces revenus sert de base à l'impôt. ; qu'aux termes de l'article 7 § 1 de la convention conclue le 18 mai 1963 entre la République Française et la Principauté de Monaco : « 1 - Les personnes physiques de nationalité française qui transportent à Monaco leur domicile ou leur résidence - ou qui ne peuvent pas justifier de cinq ans de résidence habituelle à Monaco à la date du 13 octobre 1962 - seront assujetties en France à l'impôt sur le revenu... dans les mêmes conditions que si elles avaient leur domicile ou leur résidence en France... » ; qu'il en résulte que les ressortissants français qui résident à Monaco et disposent d'une habitation en France, doivent être regardés comme ayant en France leur domicile fiscal au sens des dispositions de l'article 4A du code général des impôts, et sont assujettis en France à l'impôt sur le revenu en raison de leur domicile ou de leur résidence ; que les ressortissants français se trouvant dans cette situation sont, ainsi, imposés sur la base de leurs revenus réels, dans la mesure où ils disposent de revenus imposables, et non selon le revenu forfaitaire défini par les dispositions précitées de l'article 164 C du code général des impôts ;

Considérant que Mme Ingebord X, de nationalité allemande et domiciliée à Monaco, a été imposée à l'impôt sur le revenu en France au titre des années 1990 et 1991, en application de l'article 164 C du code général des impôts sur une base forfaitaire égale à trois fois la valeur locative réelle de l'habitation dont elle était propriétaire dans la commune de Saint Jean Cap Ferrat (Alpes Maritimes) ; qu'elle fait valoir que la différence entre le traitement qui lui a été appliqué et celui qui serait appliqué à un ressortissant français résidant à Monaco est constitutive d'une discrimination, contraire, d'une part, au principe d'égalité de traitement prévu par l'article 21 de la Convention franco-allemande du 21 juillet 1959, d'autre part, au traité instituant la Communauté Européenne (CE), enfin à la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ainsi qu'à son protocole additionnel ;

En ce qui concerne les moyens tirés de la méconnaissance de l'article 21 de la Convention fiscale franco-allemande du 21 juillet 1959 modifiée :
Considérant, d'une part, qu'aux termes de l'article 1er de la Convention fiscale franco-allemande du 21 juillet 1959 : « La présente convention a pour but de protéger les résidents de chacun des états contractants contre les doubles impositions qui pourraient résulter de la législation de ces états en matière d'impôts prélevés directement sur le revenu ou sur la fortune ou à titre de contribution des patentes ou de contribution foncière par les états contractants, les Länder, les départements, les communes ou les associations de communes (…) que l'article 21 de la même convention dispose : « Les nationaux d'un état contractant ne sont soumis dans l'autre état contractant à aucune imposition ou obligation y relative, qui est autre ou plus lourde que les impositions et les obligations y relatives auxquelles sont ou pourront être assujettis les nationaux de cet autre état se trouvant dans la même situation. » ;

Considérant qu'il résulte de la combinaison de l'article 1er et de l'article 21 de la Convention franco-allemande du 21 juillet 1959 que la clause de non-discrimination prévue à cet article 21 n'est applicable qu'aux nationaux des états contractants qui résidaient dans l'un des états contractants ; que la requérante n'est donc pas fondée à soutenir que le champ d'application de l'article 21 doit être apprécié de façon autonome, indépendamment des autres articles de la Convention, ni que seules les dispositions tendant à éviter les doubles impositions ne s'appliquent qu'aux résidents des états parties ; que la clause de non-discrimination n'est donc pas invocable par Mme X qui réside à Monaco et qui n'établit, ni même n'allègue, qu'elle serait résidente de l'un des deux états contractants au sens de la Convention ;

En ce qui concerne les moyens tirés de la méconnaissance du traité instituant la Communauté Européenne :

Considérant que si les impôts directs ne relèvent pas, en tant que tels, du domaine de compétence de la Communauté Européenne, les états membres doivent exercer leur compétence fiscale dans le respect du droit communautaire et notamment des libertés protégées par les stipulations de l'article 52 (devenu, après modification, article 43 CE) du traité CE ; que les stipulations de l'article 52 du traité CE, qui posent le principe de la liberté d'établissement des ressortissants d'un état membre dans un autre état membre, ne sont pas applicables aux faits de l'espèce dès lors que les impositions en cause ne relèvent pas de l'exercice d'une activité non salariée ou de la gestion d'une entreprise ; que si l'article 7 du traité CE (devenu, après modification, article 6 puis article 12 CE) interdit toute discrimination exercée en raison de la nationalité, cette prohibition ne vaut que dans le domaine d'application du présent traité, et sans préjudice des dispositions particulières qu'il prévoit ; que, s'agissant d'impôts directs ne relevant pas de la compétence de la Communauté Européenne, Mme X, dont la situation, ainsi qu'il a été dit, ne met pas en jeu une liberté de circulation protégée par le traité CE, ne peut utilement invoquer cet article ; qu'il résulte de ce qui précède, que Mme X n'est pas fondée à invoquer les stipulations des articles 7 et 52 du traité CE et ne peut, par suite, utilement soutenir que les dispositions de l'article 164 C du code général des impôts sont contraires au principe de non-discrimination qui découle de ces stipulations ;

En ce qui concerne les moyens tirés de la méconnaissance de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et du protocole additionnel :



Considérant qu'aux termes de l'article 14 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : « La jouissance des droits et libertés reconnus dans la convention doit être assurée sans distinction aucune, fondée notamment sur le sexe, la race, la couleur, la langue, l'origine nationale ou sociale ou toute autre situation. » ; qu'aux termes de l'article 1er du premier protocole à la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, lequel doit, en vertu de l'article 5 du même protocole, être regardé comme un article additionnel à cette convention: « Toute personne physique ou morale a droit au respect de ses biens. Nul ne peut être privé de sa propriété que pour cause d'utilité publique et dans les conditions prévues par la loi et les principes généraux du droit international. Les dispositions précédentes ne portent pas atteinte au droit que possèdent les états de mettre en vigueur les lois qu'ils jugent nécessaires pour réglementer l'usage des biens, conformément à l'intérêt général ou pour assurer le paiement des impôts ou d'autres contributions ou des amendes. » ;

Considérant, d'une part, que les impositions mises à la charge de Mme X résultent de l'application de l'article 164 C qui est applicable à toutes les personnes n'ayant pas leur domicile fiscal en France mais y disposant d'une ou plusieurs habitations, sous réserve de l'application éventuelle de conventions conclues entre la France et l'état de résidence des contribuables ; que la requérante n'est pas fondée à soutenir que lesdites impositions constitueraient une discrimination dans la jouissance de son droit de propriété en violation des stipulations précitées de l'article 14 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;


Considérant, d'autre part, que les impositions de Mme X, au titre des années 1990 et 1991, ont été établies sur la base de la valeur locative de ses biens immobiliers ; qu'eu égard au rapport existant entre les impositions ainsi établies et la valeur vénale desdits biens, la requérante n'est pas fondée à soutenir que ces impositions constitueraient une atteinte excessive à son droit de propriété en violation des stipulations susrappelées de l'article 1er du protocole additionnel à la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Sur les pénalités :

Considérant qu'aux termes de l'article 1728 du code général des impôts dans sa rédaction alors en vigueur : “1. Lorsqu'une personne physique ou morale, ou une association tenue de souscrire une déclaration ou de présenter un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'un des impôts, droits, taxes, redevances ou sommes établis ou recouvrés par la direction générale des impôts s'abstient de souscrire cette déclaration ou de présenter un acte dans les délais, le montant des droits mis à la charge du contribuable ou résultant de la déclaration ou de l'acte déposé tardivement est assorti de l'intérêt de retard visé à l'article 1727 et d'une majoration de 10 %. (…) 3. La majoration visée au 1. est portée à : / 40 % lorsque le document n'a pas été déposé dans les trente jours suivant la réception d'une mise en demeure notifiée par pli recommandé d'avoir à le produire dans ce délai ; / 80 % lorsque le document n'a pas été déposé dans les trente jours suivant la réception d'une deuxième mise en demeure notifiée dans les mêmes formes que la première (…)” ; que l'ordonnance 2005-1512 du 7 décembre 2005 relative à des mesures de simplification en matière fiscale et à l'harmonisation et l'aménagement du régime des pénalités a, par son article 13, modifié l'article 1728 qui prévoit désormais : « 1. Le défaut de production dans les délais prescrits d'une déclaration ou d'un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt entraîne l'application, sur le montant des droits mis à la charge du contribuable ou résultant de la déclaration ou de l'acte déposé tardivement, d'une majoration de : a. 10 % en l'absence de mise en demeure ou en cas de dépôt de la déclaration ou de l'acte dans les trente jours suivant la réception d'une mise en demeure, notifiée par pli recommandé, d'avoir à le produire dans ce délai ; b. 40 % lorsque la déclaration ou l'acte n'a pas été déposé dans les trente jours suivant la réception d'une mise en demeure, notifiée par pli recommandé, d'avoir à le produire dans ce délai ; c. 80 % en cas de découverte d'une activité occulte. » ; qu'il résulte de ces dispositions que le taux de 80 % pour défaut de déclaration après une deuxième mise en demeure a été supprimé ;


Considérant, d'une part, que par une décision en date du 26 novembre 2007, postérieure à l'introduction de l'instance, le directeur des services fiscaux des Alpes Maritimes a accordé à Mme X le dégrèvement correspondant à la substitution de la majoration de 40 % résultant des dispositions de l'article 1728 du code général des impôts, dans sa rédaction issue de l'article 13 de l'ordonnance précitée, à la majoration de 80 % dont il a été fait application ; que la requête est, dans cette mesure, devenue sans objet ;


Considérant, d'autre part, qu'aux termes de l'article 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : « 1. Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable, par un tribunal indépendant et impartial, établi par la loi, qui décidera, soit des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil, soit du bien-fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre elle... 3. Tout accusé a droit notamment à : a) être informé, dans le plus court délai, ... de la nature et de la cause de l'accusation portée contre lui ; b) de disposer du temps et des facilités nécessaires à la préparation de sa défense. » ; que ces stipulations sont applicables à la contestation des majorations d'imposition infligées à la société requérante en vertu des dispositions de l'article 1728 du code général des impôts ; que les dispositions de l'article 1728 proportionnent la pénalité à la gravité des agissements du contribuable en prévoyant des taux de majoration différents selon que le défaut de déclaration dans le délai est constaté sans mise en demeure de l'intéressé ou après une mise en demeure infructueuse, ou lorsqu'une activité occulte est découverte ; que le juge de l'impôt, après avoir exercé son plein contrôle sur les faits invoqués et la qualification retenue par l'administration, décide, dans chaque cas, selon les résultats de ce contrôle, soit de maintenir le taux auquel l'administration s'est arrêtée, soit de lui substituer un taux inférieur parmi ceux prévus par le texte s'il l'estime légalement justifié, soit de ne laisser à la charge du contribuable que les intérêts de retard, s'il estime que ce dernier ne s'est pas abstenu de souscrire une déclaration ou de déposer un acte dans le délai légal ; que ce pouvoir de pleine juridiction est conforme aux stipulations du § 1 de l'article 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, lesquelles n'impliquent pas que le juge puisse moduler l'application du barème résultant de l'article 1728 ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que Mme X n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort, que par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Nice a rejeté sa requête ;


Sur les conclusions de Mme X tendant à l'application des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative :

Considérant que les dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'Etat, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante pour l'essentiel, soit condamné à payer à Mme X la somme qu'elle demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;


DÉCIDE :

Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la requête, à hauteur de la somme de 4 852 euros en ce qui concerne les pénalités mises à la charge de Mme X au titre de l'année 1990 et de la somme de 4 790 euros s'agissant des pénalités afférentes à l'année 1991.

Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête de Mme X est rejeté.
.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme Ingeborg X et au ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique.

2
N° 05MA00199


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 4ème chambre-formation à 3
Numéro d'arrêt : 05MA00199
Date de la décision : 21/12/2007
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Autres

Composition du Tribunal
Président : Mme FELMY
Rapporteur ?: Mme Cécile MARILLER
Rapporteur public ?: M. EMMANUELLI
Avocat(s) : CABINET FRANCIS LEFEBVRE

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2007-12-21;05ma00199 ?
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