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13/12/2007 | FRANCE | N°06MA00279

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 7ème chambre - formation à 3, 13 décembre 2007, 06MA00279


Vu 1°) la requête enregistrée le 30 janvier 2006 au greffe de la Cour administrative d'appel de Marseille, sous le n° 06MA00279, présentée par la société DES AUTOROUTES DU SUD DE LA FRANCE (ASF), dont le siège social est situé 100 avenue Suffren - BP 533 à Paris (75725), par la SCP Joseph Aguera et associés, avocat ;

La société ASF demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0306015 en date du 1er décembre 2005 par lequel le Tribunal administratif de Montpellier a annulé la décision en date du 24 novembre 2003 par laquelle le ministre des affaires

sociales, du travail et de la solidarité a autorisé le licenciement de M. X ;
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Vu 1°) la requête enregistrée le 30 janvier 2006 au greffe de la Cour administrative d'appel de Marseille, sous le n° 06MA00279, présentée par la société DES AUTOROUTES DU SUD DE LA FRANCE (ASF), dont le siège social est situé 100 avenue Suffren - BP 533 à Paris (75725), par la SCP Joseph Aguera et associés, avocat ;

La société ASF demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0306015 en date du 1er décembre 2005 par lequel le Tribunal administratif de Montpellier a annulé la décision en date du 24 novembre 2003 par laquelle le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité a autorisé le licenciement de M. X ;


2°) de rejeter la demande présentée par M. X devant le Tribunal administratif de Montpellier ;


……………………………..


Vu 2°), le recours, enregistré le 31 janvier 2006 au greffe de la Cour administrative d'appel de Marseille sous le n° 06MA00319, présenté par le MINISTRE DE L'EMPLOI, DE LA COHESION SOCIALE ET DU LOGEMENT qui demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0306015 en date du 1er décembre 2005 par lequel le Tribunal administratif de Montpellier a annulé la décision en date du 24 novembre 2003 par laquelle le MINISTRE DES AFFAIRES SOCIALES, DU TRAVAIL ET DE LA SOLIDARITE a autorisé le licenciement de M. X ;

2°) de rejeter la demande présenté par M. X devant le Tribunal administratif de Montpellier ;
…………………………….

Vu le jugement attaqué,

Vu les autres pièces du dossier ;


Vu le code du travail ;


Vu le code de justice administrative ;


Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;


Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 15 novembre 2007 :


- le rapport de Mme Bader-Koza, rapporteur ;
- les observations de Me Chanal de la SCP Aguera, avocat, pour la Société ASF (AUTOROUTES DU SUD DE LA France) et de Me Bequain de Coninck de la SCP Blanquer, avocat, pour M. X ;
- et les conclusions de Mme Steck-Andrez, commissaire du gouvernement ;



Considérant que les requêtes enregistrées sous les n° 06MA00279 et 06MA00319 sont dirigées contre le même jugement ; qu'il y a lieu de les joindre pour qu'il y soit statué par un même arrêt ;


Considérant que, par une décision du ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité du 24 novembre 2003, la Société DES AUTOROUTES DU SUD DE LA FRANCE (ASF) a été autorisée à licencier pour faute M. Philippe X, délégué syndical, qui exerçait les fonctions de receveur au sein de la dite société ; que la société ASF d'une part, et le MINISTRE DE L'EMPLOI, DE LA COHESION SOCIALE ET DU LOGEMENT d'autre part, relèvent appel du jugement en date du 1er décembre 2005, par lequel le Tribunal administratif de Montpellier a, sur recours de M. X, annulé la décision précitée du ministre ;



Sur la légalité de la décision en date du 24 novembre 2003 et sans qu'il soit besoin de statuer sur la régularité du jugement :

Considérant qu'en vertu des dispositions des articles L. 412-18, L. 425-1 et L. 436-1 du code du travail, les salariés légalement investis de fonctions représentatives bénéficient, dans l'intérêt de l'ensemble des travailleurs qu'ils représentent, d'une protection exceptionnelle ; que, lorsque le licenciement d'un de ces salariés est envisagé, ce licenciement ne doit pas être en rapport avec les fonctions représentatives normalement exercées ou l'appartenance syndicale de l'intéressé ; que, dans le cas où la demande de licenciement est motivée par un comportement fautif, il appartient à l'inspecteur du travail saisi, et, le cas échéant, au ministre compétent, de rechercher, sous le contrôle du juge de l 'excès de pouvoir, si les faits reprochés au salarié sont d'une gravité suffisante pour justifier son licenciement, compte tenu de l'ensemble des règles applicables au contrat de travail de l'intéressé et des exigences propres à l'exécution normale du mandat dont il est investi ; qu'en outre, pour refuser l'autorisation sollicitée, l'autorité administrative a la faculté de retenir des motifs d'intérêt général relevant de son pouvoir d'appréciation de l'opportunité, sous réserve qu'une atteinte excessive ne soit pas portée à l'un ou l'autre des intérêts en présence ;

Considérant qu'il résulte des pièces du dossier, et notamment des constats d'huissiers versés au dossier, que le 22 mai 2003, M.X, alors qu'il n'était pas en service, a participé, dans le cadre d'une journée d'actions nationale, à une manifestation organisée par diverses organisations syndicales, laquelle s'est traduite par l'occupation du domaine public autoroutier au niveau de la barrière de péage de Rivesaltes ; que la direction régionale de la société ASF ayant envisagé des sanctions disciplinaires à l'encontre de quatre de ses agents présents sur le tracé autoroutier le 22 mai, M.X a, le 3 juin suivant, à la tête d'une manifestation, investi les locaux de la direction régionale à Narbonne où des dégradations importantes ont été commises et la direction a été séquestrée pendant plusieurs heures jusqu'à l'intervention d'importantes forces de l'ordre ; que, loin d'avoir joué un rôle modérateur dans ces circonstances, M.X, qui avait forcé l'entrée des locaux, a proféré des menaces et insultes à l'encontre du directeur régional alors qu'il avait été appelé à rejoindre son bureau occupé par un groupe de manifestants ; qu'un tel comportement, en dépit des sanctions disciplinaires envisagées par la direction à la suite des évènements du 22 mai 2003, ne saurait relever de l'exercice normal des mandats exercés par M.X ; que l'intéressé a ainsi commis une faute d'une gravité suffisante pour justifier un licenciement, faute qui ne saurait trouver atténuation dans le fait que de nombreuses autres personnes ont participé aux incidents ainsi relatés ;


Considérant qu'il résulte de ce qui précède, et en tout état de cause sans qu'il soit nécessaire d'auditionner les agents des renseignements généraux, que c'est à tort que le Tribunal administratif de Montpellier s'est fondé sur l'absence de caractère de gravité suffisant de ces faits pour annuler la décision du MINISTRE DES AFFAIRES SOCIALES, DU TRAVAIL ET DE LA SOLIDARITE autorisant le licenciement de M. X;


Considérant, toutefois, qu'il appartient à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. X tant devant le Tribunal administratif de Montpellier que devant la cour ;

Sur le lien avec le mandat :
Considérant que la circonstance que seuls les agents syndiqués auprès de la CGT auraient été sanctionnés n'est pas à elle seule de nature à établir, en l'espèce, que la mesure de licenciement serait discriminatoire et aurait un lien avec le mandat exercé par M. X ; que le document de travail interne à la direction, au demeurant non daté et dérobé lors des évènements du 3 juin 2003, produit par M. X ne comporte aucun élément permettant d'établir un tel lien ;


Sur la légalité externe :
Considérant, en premier lieu, que la décision attaquée a été signée par le directeur des relations du travail qui avait, en vertu de la délégation permanente reçue par décret du 21 mai 2002, régulièrement publié au Journal Officiel le 30 mai 2002, qualité pour signer, au nom du ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité, tous actes, arrêtés, décisions ou conventions, à l'exclusion des décrets ; que cette délégation de signature n'était pas une délégation de compétence ; qu'ainsi, le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de la décision attaquée manque en fait ;


Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article 4 de la loi du 12 avril 2000, Dans ses relations avec l'une des autorités administratives mentionnées à l'article 1er, toute personne a le droit de connaître le prénom, le nom, la qualité et l'adresse de l'agent chargé d'instruire sa demande ou de traiter l'affaire qui la concerne ; ces éléments figurent sur les correspondances qui lui sont adressées. Si des motifs intéressant la sécurité publique ou la sécurité des personnes le justifient, l'anonymat de l'agent est respecté. Toute décision prise par l'une des autorités administratives mentionnées à l'article 1er comporte outre la signature de son auteur, la mention, en caractères lisibles, du prénom, du nom et de la qualité de celui-ci ;


Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que la décision attaquée porte le prénom, le nom, la signature et la qualité de l'auteur de cette décision lequel avait régulièrement reçu, ainsi qu'il vient d'être dit, délégation pour signer l'acte en lieu et place du ministre ; qu'ainsi M.X n'est pas fondé à soutenir que la décision attaquée méconnaîtrait les dispositions précitées de la loi du 12 avril 2000 ;


Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes de l'article L. 611-4 du code du travail : Dans les établissements soumis au contrôle technique des ministères chargés, des transports et du tourisme, les attributions des inspecteurs du travail et de la main-d'oeuvre sont confiées aux fonctionnaires relevant de ce département, lesquels sont placés à cet effet sous l'autorité du ministre chargé du travail, sauf en ce qui concerne les entreprises de chemin de fer d'intérêt général, de voies ferrées d'intérêt local, les entreprises de transports publics par véhicules routiers motorisés, les entreprises de transports et de travail aériens et les entreprises autres que les entreprises de construction aéronautique exerçant leur activité sur les aérodromes ouverts à la circulation publique ;



Considérant que contrairement aux affirmations de M. X, l'inspecteur du travail des transport est demeuré légalement placé sous l'autorité du ministre chargé du travail dès lors que l'activité de l'entreprise ne relevait d'aucun des cas mentionnés à la fin de l'article L. 611-4 précité ; qu'ainsi, le MINISTRE DES AFFAIRES SOCIALES, DU TRAVAIL ET DE LA SOLIDARITE était compétent pour prendre l'acte attaqué ;


Considérant en quatrième et dernier lieu, qu'en vertu de l'article R. 436-6 du code du travail, le ministre compétent peut annuler ou réformer la décision de l'inspecteur du travail sur le recours, notamment, de l'employeur ou du salarié ; que le silence gardé pendant quatre mois sur ce recours vaut décision de rejet ; que le recours hiérarchique formé par la société ASF contre la décision de l'inspecteur du travail en date du 4 juillet 2003 refusant le licenciement a été notifié au ministre des transports le 24 juillet 2003 ; que le MINISTRE DES AFFAIRES SOCIALES, DU TRAVAIL ET DE LA SOLIDARITE, auquel le dossier a été transmis, a prononcé l'annulation de la décision de l'inspecteur du travail et a autorisé le licenciement de M. X par la décision attaquée en date du 24 novembre 2003 ; que, par suite, le moyen tiré de la naissance d'une décision implicite de rejet du recours hiérarchique formé par la société ASF doit être écarté ;


Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la Société DES AUTOROUTES DU SUD DE LA FRANCE (ASF) d'une part, et le MINISTRE DE L'EMPLOI, DE LA COHESION SOCIALE ET DU LOGEMENT d'autre part, sont fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Montpellier a annulé la décision en date du 24 novembre 2003 par laquelle le MINISTRE DES AFFAIRES SOCIALES, DU TRAVAIL ET DE LA SOLIDARITE a autorisé le licenciement de M. X;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative :

Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, la somme demandée par M. X au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;




D E C I D E :

Article 1er : Le jugement n° 0306015 en date du 1er décembre 2005 du Tribunal administratif de Montpellier est annulé.

Article 2 : La demande présentée par M. X devant le Tribunal administratif de Montpellier est rejetée ainsi que ses conclusions présentées devant la Cour sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. X, à la Société DES AUTOROUTES DU SUD DE LA FRANCE (ASF) et au MINISTRE DU TRAVAIL, DES RELATIONS SOCIALES ET DE LA SOLIDARITE.
N°06MA00279 - 06MA00319 2
cl


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 7ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 06MA00279
Date de la décision : 13/12/2007
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. FERULLA
Rapporteur ?: Mme Sylvie BADER-KOZA
Rapporteur public ?: Mme STECK-ANDREZ
Avocat(s) : SCP AGUERA ET ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2007-12-13;06ma00279 ?
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