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08/11/2007 | FRANCE | N°06MA00929

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 3ème chambre - formation à 3, 08 novembre 2007, 06MA00929


Vu la requête, enregistrée le 30 mars 2006, présentée pour Mme Raymonde X née , élisant domicile ..., par Me Szwarc ;

Mme X demande à la Cour :

11) d'annuler le jugement n° 0408517-02022060en date du 17 janvier 2006 par lequel le Tribunal administratif de Marseille a rejeté ses demandes tendant, d'une part, à ce que soit ordonnée une contre-expertise et, d'autre part, à la condamnation du centre hospitalier d'Avignon à lui verser une indemnité prévisionnelle de 15 250 euros en réparation des préjudices résultant du décès de son frère, M. ;
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3°) à titre subsidiaire, de condamn...

Vu la requête, enregistrée le 30 mars 2006, présentée pour Mme Raymonde X née , élisant domicile ..., par Me Szwarc ;

Mme X demande à la Cour :

11) d'annuler le jugement n° 0408517-02022060en date du 17 janvier 2006 par lequel le Tribunal administratif de Marseille a rejeté ses demandes tendant, d'une part, à ce que soit ordonnée une contre-expertise et, d'autre part, à la condamnation du centre hospitalier d'Avignon à lui verser une indemnité prévisionnelle de 15 250 euros en réparation des préjudices résultant du décès de son frère, M. ;

22) d'ordonner une contre-expertise ;

3°) à titre subsidiaire, de condamner le centre hospitalier à lui verser la somme de 20 000 euros en réparation de son préjudice ou une provision de 15 224 euros à valoir sur ce préjudice ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 4 000 euros en application de l'article L.761-1 du code de justice administrative ;
…………………………………………………………………………………………..

Vu le code de la santé publique ;

Vu le code de la sécurité sociale ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 4 octobre 2007 :

- le rapport de M. Bédier, président-assesseur ;

- les observations de Me Demailly, substituant Me Le Prado, pour le centre hospitalier d'Avignon et de Me Barral, substituant Me Szwarc, pour Mme X ;

- et les conclusions de M. , commissaire du gouvernement ;

Considérant que M. , alors âgé de 65 ans, a été hospitalisé au centre hospitalier d'Avignon du 19 février au 9 mars 1998, puis du 22 mars au 10 avril 1998 et enfin du 5 mai au 23 mai 1998, date de son décès survenu dans cet établissement ; que Mme X, soeur de M. , qui impute le décès de l'intéressé aux soins reçus au centre hospitalier, relève appel du jugement en date du 17 janvier 2006 par lequel le Tribunal administratif de Marseille a rejeté ses demandes tendant, d'une part, à ce qu'une contre-expertise soit ordonnée en plus de celle dont disposaient les premiers juges et, d'autre part, à la condamnation du centre hospitalier à lui verser une indemnité provisionnelle d'un montant de 15 250 euros ; que la caisse primaire d'assurance maladie de Vaucluse demande pour sa part à la Cour de condamner le centre hospitalier d'Avignon à lui payer la somme de 33 880,88 euros au titre de ses débours et la somme de 910 euros en application du 5ème alinéa de l'article L.376-1 du code de la sécurité sociale ;

Sur la régularité des opérations d'expertise :

Considérant, en premier lieu, que, si Mme X soutient qu'aucune pièce ne lui a été communiquée par les parties ou par l'expert au cours des opérations d'expertise, il ne résulte pas de l'instruction que l'expert aurait opposé un refus à une quelconque demande de la part de la requérante tendant à la communication de pièces utiles à son information ; que le rapport d'expertise mentionne en outre que Mme X a été convoquée le 30 mars 2000 au cabinet de l'expert où elle s'est rendue ainsi que le médecin représentant la compagnie d'assurances du centre hospitalier d'Avignon ; que la requérante a pu en cette occasion prendre connaissance de l'entier dossier médical de M. ; que, par suite, l'intéressée n'est pas fondée à soutenir que le principe du contradictoire n'aurait pas été respecté au cours des opérations d'expertise ;

Considérant, en deuxième lieu, que Mme X soutient que certaines pages des dossiers de soin tenus par le centre hospitalier faisaient apparaître la même écriture alors qu'elles étaient présentées comme rédigées par des intervenants différents et que la ponction pleurale réalisée sur son frère le 20 février 1998 n'avait pu mettre en évidence aucun germe et reproche à l'expert de n'avoir pas tenu compte de ses dires relatifs à ces deux éléments de fait ; que, toutefois, la requérante n'établit pas avoir saisi, oralement ou par écrit, l'expert d'une quelconque contestation sur le premier point, au sujet duquel, en toute hypothèse, compte tenu du caractère imprécis de celle-ci, l'expert n'aurait pas été tenu d'apporter une réponse ; que, par ailleurs, contrairement à ce que soutient la requérante, l'expert a expressément fait mention, en page deux de son rapport, de la contestation de Mme X relative à l'incidence de la ponction pleurale réalisée le 20 février 1998 quant au diagnostic à poser ; que, par suite, l'intéressée n'est pas fondée à soutenir que l'expert aurait fait preuve de partialité ou de négligence en ne tenant pas compte de ses dires ;

Considérant, en troisième lieu, que le fait, à le supposer établi, que la réunion du 30 mars 2000 se soit prolongée hors de la présence de Mme X entre l'expert et le médecin représentant la compagnie d'assurances du centre hospitalier, ne saurait non plus traduire une quelconque partialité de la part de l'expert dès lors qu'il n'est ni démontré ni même allégué par la requérante qu'elle aurait été empêchée par l'expert de participer à cette continuation de la discussion ;

Sur l'utilité de prononcer une nouvelle expertise :

Considérant que Mme X soutient que le rapport d'expertise s'est fondé sur des éléments de fait erronés et entend opposer aux conclusions de ce rapport, pour demander une nouvelle expertise, les conclusions d'une note établie le 7 mars 2006 par le docteur Prudent, médecin du service médical d'Avignon de la caisse nationale de l'assurance maladie des travailleurs salariés (CNAMTS) ;

Considérant, en premier lieu, que si l'expert a effectivement mal interprété une fiche établie par le médecin du service de réanimation du centre hospitalier faisant état d'une consommation moyenne quotidienne par M. de trois-quarts de litre de vin et non de trois à quatre litres par jour, cette erreur matérielle demeure sans incidence sur le diagnostic qu'il a posé et qui est confirmé par l'ensemble des autres avis médicaux figurant au dossier selon lesquels M. était atteint d'une cirrhose éthylique trouvant son origine notamment dans des excès commis au cours de séjours en Indochine entre 1951 et 1954 ; que les circonstances qu'une erreur figurerait dans le dossier médical de M. quant à l'identité de son médecin-traitant et qu'une radio du thorax aurait été perdue ne sont pas davantage de nature à ôter au rapport d'expertise sa valeur probante ; que, contrairement à ce que soutient la requérante, l'expert a pu se référer à bon droit pour établir ses conclusions à un prélèvement effectué sur le patient après le décès de celui-ci le 24 mai 1998 ; qu'en outre, si le dossier médical du patient fait apparaître qu'un autre prélèvement aurait été réalisé le 26 mai suivant, jour des obsèques de M. , l'expert n'a pas repris à son compte cet élément de fait ; que, de même les informations divergentes figurant dans le dossier personnel du patient quant à la date de son sevrage alcoolique demeurent sans incidence sur la valeur probante des conclusions de l'expert, qui les a relevées en page sept de son rapport ;

Considérant, en second lieu, que, dans sa note établie le 7 mars 2006, le docteur Prudent, après avoir relaté les différentes hospitalisations et les différents traitements subis par M. , indique que la ponction hépatique réalisée sur le patient pouvait être évitée, que le suivi au domicile de l'intéressé du 14 avril au 5 mai 1998 ne permet pas de juger de la qualité des soins reçus et que le dossier médical de M. conduit à penser que l'état de santé de celui-ci n'a cessé de se dégrader depuis son entrée le 19 février 1998 au centre hospitalier d'Avignon du fait d'une mauvaise prise en charge et d'une infection nosocomiale ; que, toutefois, il résulte de l'instruction que du 14 avril au 5 mai 1998, M. a été transféré au centre de rééducation cardiovasculaire de Rhône-Durance, établissement dont il n'est pas soutenu qu'il relèverait du centre hospitalier d'Avignon puis à son domicile et que les éventuelles défaillances dans les soins administrés à M. pendant cette période ne sauraient être imputées au défendeur ; qu'en outre, si le docteur Prudent indique que la ponction hépatique pouvait être évitée, sans d'ailleurs la regarder comme constitutive d'une faute médicale et que la dégradation de l'état de santé de M. peut être imputée au centre hospitalier d'Avignon, ces dernières remarques ne sont pas assorties de constatations suffisamment précises pour remettre en cause les conclusions circonstanciées du rapport d'expertise sur lequel le tribunal administratif a notamment fondé son appréciation ; que, dans ces conditions, il n'y a pas lieu d'ordonner une nouvelle expertise ;

Sur la responsabilité du centre hospitalier :

Considérant qu'il résulte de l'instruction et notamment du rapport d'expertise et des autres documents d'ordre médical versés aux débats que M. présentait, à la date de son admission le 19 février 1998 au centre hospitalier d'Avignon, de lourds antécédents de buveur excessif et qu'il était atteint d'une cirrhose avec première décompensation, celle-ci étant compliquée d'une septicémie à pneumocoque et épanchement pleural ; que cet épanchement pleural a justifié des ponctions visant à établir un diagnostic dont l'une a, vraisemblablement selon l'expert, déclenché un choc hémorragique, lequel toutefois n'a pas présenté de conséquences graves puisque le patient, dont les problèmes d'insuffisance rénale notamment avaient pu être résolus, a pu, à la suite de ce choc, être dirigé vers une maison de convalescence ; qu'un mois plus tard, le 22 mars 1998, M. a été atteint d'un malaise général avec dyspnée et fièvre, justifiant une nouvelle admission au service des urgences du centre hospitalier où les soins administrés ont conduit à une évolution favorable de son état permettant un transfert le 10 avril suivant au centre de rééducation cardiovasculaire de Rhône-Durance ; qu'en revanche, à l'occasion d'une troisième admission en urgence le 5 mai 1998 au centre hospitalier, M. a connu des difficultés respiratoires graves et un épuisement progressif avec chute progressive de la tension conduisant à un arrêt cardiaque irréversible ;

Considérant qu'il résulte également de l'instruction et notamment des conclusions du rapport d'expertise que les soins apportés à M. au cours de ses trois hospitalisations successives au centre hospitalier d'Avignon de février à mai 1998 ont été cohérents et complets, l'intéressé ayant bénéficié de tous les examens qu'il était possible de réaliser et qu'il n'y a pas eu d'erreur de diagnostic ; que le décès de M. est uniquement imputable à la décompensation oedémato-ascitique et hémorragique de la cirrhose éthylique dont il souffrait et non à un manquement aux règles de l'art ou à une défaillance dans l'organisation ou le fonctionnement du centre hospitalier en matière de surveillance du malade ou de coordination entre les différents services de l'établissement ; que le décès du patient n'est pas davantage imputable à un choc septique, le pneumocoque responsable de la pneumopathie étant présent dès la première admission de l'intéressé au centre hospitalier et aucun prélèvement bactériologique et microbiologique n'ayant permis de déceler la présence de germes qui auraient été contractés dans l'établissement ; qu'en outre, contrairement à ce que soutient la requérante, le déficit nutritionnel dont souffrait M. a bien été pris en compte par le centre hospitalier, puisque, alors que le patient s'était présenté lors de sa première admission après avoir perdu six kilos en deux mois, une surveillance poids-diurèse a permis de stabiliser son poids à 72 kgs ;

Considérant, par suite, que Mme X n'est pas fondée à imputer le décès ou les troubles subis par M. au cours de ses trois hospitalisations à une faute dans l'organisation et le fonctionnement du centre hospitalier ou à une faute médicale ;

Considérant, en outre, que lorsque l'acte médical envisagé, même accompli conformément aux règles de l'art, comporte des risques connus de décès ou d'invalidité, le patient doit en être informé dans des conditions qui permettent de recueillir son consentement éclairé ; que, si cette information n'est pas requise en cas d'urgence, d'impossibilité, de refus du patient d'être informé, la seule circonstance que les risques ne se réalisent qu'exceptionnellement ne dispense pas les praticiens de leur obligation ;

Considérant que, si Mme X soutient que M. n'a pas reçu de la part des praticiens du centre hospitalier une information complète au sujet des risques présentés par la réalisation au mois de février 1998 de deux ponctions pleurales, et si le centre hospitalier n'établit pas en effet avoir dispensé au patient une telle information, circonstance qui constitue une faute susceptible d'engager sa responsabilité, il résulte de l'instruction, que, compte tenu de la gravité de l'état du patient et de l'intérêt qui s'attachait à déterminer rapidement les causes des troubles dont il souffrait, il n'existait pas d'alternative aux actes médicaux pratiqués et que M. n'a pas perdu de chance de se soustraire au risque présenté par les ponctions qui ont été réalisées, alors qu'au surplus, la première de ces ponctions est restée sans conséquence sur son état et que, si la seconde ponction réalisée le 27 février 1998 se trouve vraisemblablement, comme il a été dit, à l'origine d'un choc hémorragique, ce choc est sans rapport avec le décès du patient survenu trois mois plus tard ; que M. ne pouvant être, par suite, regardé comme ayant subi un préjudice personnel du fait de la réalisation de ces ponctions, aucune indemnité n'est due à Mme X de ce chef ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que Mme X n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à ce que soit ordonnée une contre-expertise et à la réparation des différents préjudices subis par M. ou occasionnés par son décès ; que doivent être rejetées par voie de conséquence ses conclusions tendant au bénéfice des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative ; que, pour les mêmes motifs, et sans qu'il soit besoin de statuer sur leur recevabilité, il y a lieu de rejeter les conclusions de la caisse primaire d'assurance maladie de Vaucluse tendant à l'indemnisation de ses débours et au versement de la somme de 910 euros en application du 5ème alinéa de l'article L.376-1 du code de la sécurité sociale ;
DÉCIDE :
Article 1 : La requête de Mme X est rejetée.
Article 2 : Les conclusions de la caisse primaire d'assurance maladie de Vaucluse sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme Raymonde X, à la caisse primaire d'assurance maladie de Vaucluse, au centre hospitalier d'Avignon et au ministre de la santé, de la jeunesse et des sports.

Copie du présent arrêt sera adressée à Me Szwarc, à Me Le Prado, à Me Depieds et au préfet du département de Vaucluse.
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N° 06MA00929


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 3ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 06MA00929
Date de la décision : 08/11/2007
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. DARRIEUTORT
Rapporteur ?: M. Jean-Louis BEDIER
Rapporteur public ?: M. DUBOIS
Avocat(s) : SZWARC

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2007-11-08;06ma00929 ?
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