Vu la requête, enregistrée le 12 juillet 2005, présentée pour M. Guy X et Mme Ellen X, élisant ensemble domicile ...), par Me Rialland, avocat ; M. et Mme X demandent à la Cour :
1°) d'annuler l'ordonnance n° 0302922 rendue le 2 juin 2005 par le président de la troisième chambre du Tribunal administratif de Montpellier, qui a rejeté leur requête tendant à la condamnation de l'Etat à réparer les préjudices qu'ils ont chacun subis en raison de l'illégalité de la décision du 9 septembre 1993 rejetant la demande de M. X tendant à la prolongation de son affectation en Corse ;
2°) de condamner l'Etat à verser à M. X la somme totale de 109.720 euros et à Mme X la somme totale de 14.000 euros, chacune augmentée des intérêts légaux et de leur capitalisation, ainsi que la somme de 3.000 euros au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;
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Vu l'ordonnance attaquée ;
Vu le mémoire en défense, enregistré le 20 juin 2006, présenté par le ministre de la défense qui conclut au rejet de la requête de M. et Mme X ;
Il soutient que :
- il résulte notamment de la décision du Conseil d'Etat n° 258142 que le militaire radié des cadres de l'armée continue de devoir procéder à un recours administratif préalable obligatoire quand le litige entre dans le champ d'application de la loi 2000-597 du 30 juin 2000 ;
- l'épouse de M. X, dès lors qu'elle fonde sa demande d'indemnisation personnelle sur l'illégalité d'une décision relative au déroulement de la carrière de M. X, est elle même tenue de présenter un recours administratif préalable à la saisine d'une juridiction ;
- le Conseil d'Etat retient le principe de cette interprétation de textes équivalents dans sa décision n° 266208 et 266210 ;
- l'obligation de recours administratif préalable porte tant sur les recours pour excès de pouvoir que sur les recours de plein contentieux, ainsi que l'a notamment jugé le Conseil d'Etat dans sa décision n° 248355 ;
- au surplus, la demande de M. et Mme X n'est pas fondée ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la loi n° 2000-597 du 30 juin 2000 ;
Vu la loi n° 72-662 du 13 juillet 1972 alors en vigueur ;
Vu le décret n° 2001-407 du 7 mai 2001 ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 25 septembre 2007 :
- le rapport de M. Renouf, rapporteur,
- les observations de M. Guy X,
- et les conclusions de M. Brossier, commissaire du gouvernement ;
Considérant qu'aux termes de l'article 1er du décret du 7 mai 2001 susvisé, dans sa rédaction alors en vigueur : «Il est institué auprès du ministre de la défense une commission chargée d'examiner les recours formés par les militaires à l'encontre d'actes relatifs à leur situation personnelle, à l'exception de ceux mentionnés à l'article 23 de la loi du 30 juin 2000 susvisée. La saisine de la commission est un préalable obligatoire à l'exercice d'un recours contentieux, à peine d'irrecevabilité de ce dernier.» ;
Sur les conclusions de M. X :
Considérant que M. X demande la condamnation de l'Etat à l'indemniser des préjudices qu'il a subis du fait des décisions illégales de 1993 et 1994 par lesquelles le ministre de la défense a refusé de prolonger son affectation en Corse et a décidé sa mutation à Nîmes, décisions annulées par jugement du 3 février 1999, devenu définitif, rendu par le Tribunal administratif de Montpellier ;
Considérant que le recours préalable obligatoire prévu par les dispositions réglementaires précitées s'impose à peine d'irrecevabilité pour les recours contentieux tendant à l'octroi d'indemnités à raison de l'illégalité d'actes intervenus dans le déroulement de carrière d'un militaire, alors même que l'intéressé a été admis à faire valoir ses droits à la retraite avant le dépôt de sa demande devant le Tribunal administratif ;
Considérant qu'il est constant que M. X, en retraite à compter du 5 juillet 2002, n'a pas formé de recours préalable devant la commission instituée auprès du ministre de la défense avant de déférer au Tribunal administratif de Montpellier la décision en date du 5 mai 2003 par laquelle le ministre de la défense a rejeté sa demande indemnitaire présentée le 13 mars 2003 ; que M. X n'est par suite pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par l'ordonnance attaquée, le président de la 3ème chambre du Tribunal administratif de Montpellier a rejeté ses conclusions ;
Sur les conclusions de Mme X :
Considérant qu'il résulte des termes même des dispositions précitées du décret du 7 mai 2001 que le recours administratif préalable obligatoire qu'elles instaurent s'impose aux seuls militaires ; que Mme X n'ayant pas la qualité de militaire, les recours qu'elle peut présenter à titre personnel n'entrent pas dans le champ d'application des dispositions réglementaires en cause, alors même qu'ils se rattachent à des décisions relatives au déroulement de la carrière militaire de son époux ; que, par suite, Mme X est fondée à soutenir que c'est à tort que le président de la 3ème chambre du Tribunal administratif de Montpellier a rejeté ses conclusions ;
Considérant que le ministre de la défense n'allègue, ni à plus forte raison n'établit que la mutation en 1994 de M. X aurait été en l'espèce justifiée par l'intérêt du service et, notamment, par la manière de servir de l'intéressé ; qu'ainsi la faute commise par le ministre de la défense en prenant les décisions illégales susmentionnées, est de nature à engager la responsabilité de l'Etat ; que Mme X est dès lors en droit d'obtenir réparation du préjudice direct et certain qui a pu résulter pour elle de l'application de ces décisions illégales ;
S'agissant du préjudice moral :
Considérant que Mme X, en invoquant notamment l'altération de ses conditions de vie et d'existence, n'établit pas avoir subi un préjudice moral indemnisable ;
S'agissant du préjudice matériel :
Considérant qu'il n'est pas contesté que Mme X a abandonné l'emploi qu'elle occupait en Corse pour suivre son époux et n'a retrouvé un nouvel emploi que
dix-huit mois plus tard ; que l'intéressée est fondée à demander à l'Etat de l'indemniser pour le préjudice direct résultant de l'impossibilité dans laquelle elle s'est trouvée, pendant la période qui a suivi la mutation de son époux, de continuer à vivre auprès de celui-ci tout en conservant son activité professionnelle ; que cependant, l'état du dossier ne permet pas de connaître le montant des revenus de l'intéressée, allocations de chômage incluses, au cours de la période des
dix-huit mois pour laquelle elle demande à être indemnisée ; que, dès lors, il y a lieu d'ordonner, avant-dire-droit, un supplément d'instruction aux fins, pour Mme X, de justifier dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt le montant des revenus qu'elle aurait dû percevoir au cours de cette période et le montant des revenus, y compris de remplacement des revenus du travail, qu'elle a effectivement perçus au cours de la même période ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative :
Considérant qu'aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : «Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation.» ;
Considérant en premier lieu que les dispositions de l'article précité font obstacle à ce que l'Etat, qui n'est pas, s'agissant du litige soulevé par M. X, la partie perdante dans la présente instance, soit condamné à payer à l'intéressé la somme qu'il demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;
Considérant en revanche que les conclusions présentées par Mme X au titre de l'article précité doivent être réservées pour qu'il y soit statué en fin d'instance ;
DECIDE :
Article 1er : Les conclusions de M. X sont rejetées.
Article 2 : Il est ordonné, avant-dire-droit, un supplément d'instruction aux fins indiquées dans les motifs du présent arrêt.
Article 3 : Les conclusions présentées par Mme X tendant à l'application de l'article L.761-1 du code de justice administrative sont réservées pour y être statué en fin d'instance.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. Guy X, à Mme Ellen X et au ministre de la défense.
N° 05MA01759
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