Vu la requête enregistrée le 17 novembre 2006, présentée pour M. Goran X élisant domicile ..., par Me Pitollet ;
M. X demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 0605196 en date du 13 octobre 2006 par lequel le magistrat délégué par le président du Tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté en date du 10 octobre 2006 par lequel le préfet des Alpes-Maritimes a décidé sa reconduite à la frontière ;
2°) d'annuler ledit arrêté ;
3°) d'enjoindre audit préfet la délivrance d'un titre de séjour ;
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Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 ;
Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
Vu le code de justice administrative ;
Vu la décision en date du 1er décembre 2006 par laquelle le président de la Cour a notamment désigné M. Jean-Louis Bédier, président, pour statuer sur les appels formés contre les jugements statuant sur des recours en annulation d'arrêtés préfectoraux de reconduite à la frontière ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 15 mai 2007 :
- le rapport de M. Bédier, Président désigné ;
- les observations de Me Pitollet ;
- et les conclusions de M. Dubois, commissaire du gouvernement ;
Considérant que M. X demande à la Cour d'annuler le jugement en date du 13 octobre 2006 par lequel le magistrat délégué par le président du Tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté en date du 10 octobre 2006 par lequel le préfet des Alpes-Maritimes a décidé sa reconduite à la frontière ;
Sur la légalité externe de l'arrêté en date du 10 octobre 2006 :
Considérant que, si M. X soutient que l'arrêté du préfet des Alpes-Maritimes en date du 10 octobre 2006 décidant sa reconduite à sa frontière serait insuffisamment motivé, il résulte des pièces du dossier que l'arrêté du préfet, qui a procédé à l'examen particulier de la situation personnelle du requérant, vise, notamment, le code de l'entrée et de séjour des étrangers et du droit d'asile et la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950, mentionne que le requérant est entré en France sous couvert d'un passeport non revêtu du visa prévu par l'article L.211-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et qu'il ne remplit aucune des conditions requises pour prétendre à la régularisation de sa situation administrative et relève que la mesure envisagée n'est pas de nature à comporter pour la situation personnelle ou familiale de M. X des conséquences d'une exceptionnelle gravité ; qu'ainsi, l'arrêté du préfet des Alpes-Maritimes en date du 10 octobre 2006 est suffisamment motivé en droit et en fait ;
Sur la légalité interne de l'arrêté en date du 10 octobre 2006 :
Considérant, en premier lieu, qu'aux termes du II de l'article L.511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : L'autorité administrative compétente, peut, par arrêté motivé, décider qu'un étranger sera reconduit à la frontière dans les cas suivants : 1° Si l'étranger ne peut justifier être entré régulièrement sur le territoire français, à moins qu'il ne soit titulaire d'un titre de séjour en cours de validité (…) ; qu'il ressort des pièces du dossier que M. X, ressortissant de l'ex-Yougoslavie, n'est en mesure de justifier ni qu'il est entré régulièrement en France ni qu'il disposait, à la date de l'arrêté du préfet des Alpes-Maritimes en date du 10 octobre 2006, d'un titre de séjour régulièrement délivré ; qu'il était ainsi dans le cas où, en application des dispositions précitées, le préfet peut décider la reconduite d'un étranger à la frontière ;
Considérant, en deuxième lieu, qu'à l'appui de sa demande d'annulation de l'arrêté ordonnant sa reconduite à la frontière, M. X entend exciper de l'illégalité de la décision par laquelle le préfet des Alpes-Maritimes aurait opposé un refus implicite à la demande de titre de séjour qu'il avait formulée par lettre du 19 juin 2002 ; que, toutefois, l'intéressé n'est en mesure d'établir ni la réception par les services de la préfecture de la lettre en cause ni qu'il aurait contesté dans le délai de recours contentieux une décision implicite rejetant une telle demande ; qu'ainsi, l'exception d'illégalité formée par M. X ne peut qu'être écartée ;
Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes des dispositions de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction en vigueur à la date de l'arrêté en cause : Ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français ou d'une mesure de reconduite à la frontière en application du présent chapitre : (...) 4° L'étranger qui réside régulièrement en France depuis plus de dix ans, sauf s'il a été, pendant toute cette période, titulaire d'une carte de séjour temporaire portant la mention étudiant ; 5° L'étranger qui réside régulièrement en France depuis plus de vingt ans ; (...)10° L'étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve qu'il ne puisse effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans le pays de renvoi (...) ;
Considérant que, si M. X soutient résider habituellement en France depuis plus de dix ans, il ne justifie pas d'une résidence régulière qui lui permettrait de se prévaloir des dispositions du 4° ou du 5° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; qu'en outre, même si le requérant est lourdement handicapé, puisque sourd-muet, il ne saurait se prévaloir des dispositions du 7° du même article dès lors que son état de santé ne nécessite pas une prise en charge médicale en France dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité ;
Considérant, en quatrième lieu, qu'indépendamment de l'énumération donnée par l'article L.511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile des catégories d'étrangers qui ne peuvent faire l'objet d'un arrêté de reconduite à la frontière, l'autorité administrative ne saurait légalement prendre une mesure de reconduite à l'encontre d'un étranger que si ce dernier se trouve en situation irrégulière au regard des règles relatives à l'entrée et au séjour ; que lorsque la loi ou une convention internationale prescrit que l'intéressé doit se voir attribuer de plein droit un titre de séjour, cette circonstance fait obstacle à ce qu'il puisse légalement être l'objet d'une mesure de reconduite à la frontière ; et, qu'aux termes des dispositions de l'article L.313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L.313-11 peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L.311-7. La Commission nationale de l'admission exceptionnelle au séjour exprime un avis sur les critères d'admission exceptionnelle au séjour mentionnés au premier alinéa. Cette commission présente chaque année un rapport évaluant les conditions d'application en France de l'admission exceptionnelle au séjour. Ce rapport est annexé au rapport mentionné à l'article L.111-10. L'autorité administrative est tenue de soumettre pour avis à la commission mentionnée à l'article L.312-1 la demande d'admission exceptionnelle au séjour formée par l'étranger qui justifie par tout moyen résider en France habituellement depuis plus de dix ans. Un décret en Conseil d'Etat définit les modalités d'application du présent article et en particulier la composition de la commission, ses modalités de fonctionnement ainsi que les conditions dans lesquelles le ministre de l'intérieur, saisi d'un recours hiérarchique contre un refus d'admission exceptionnelle au séjour, peut prendre l'avis de la commission ;
Considérant que M. X soutient qu'étant, comme il a été dit, lourdement handicapé, il peut prétendre à un titre de séjour sur le fondement du premier alinéa de l'article L.313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que, toutefois, le handicap dont souffre l'intéressé ne peut être considéré comme justifiant à lui seul, en l'absence d'autres circonstances particulières, une admission exceptionnelle au séjour sur le fondement des dispositions invoquées ; que, notamment, le requérant n'est pas en mesure de justifier, comme l'a relevé le premier juge, qu'il bénéficierait en France d'une prise en charge par des associations d'aide aux sourds-muets et d'une aide qu'il ne pourrait retrouver dans son pays d'origine ; qu'en outre, dès lors que la situation du requérant ne peut être regardée comme justifiant une admission au séjour pour des considérations humanitaires ou des motifs exceptionnels, l'intéressé ne peut, en toute hypothèse, soutenir utilement que la circonstance que la commission nationale de l'admission exceptionnelle au séjour n'a pas été saisie pour donner un avis au sujet de sa demande l'aurait privé d'une garantie prévue par les textes ;
Considérant, en cinquième lieu, qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 : 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui ;
Considérant que, si M. X soutient que la décision de reconduite prise à son encontre méconnaît les stipulations de l'article 8 précité, il résulte des pièces du dossier que l'arrêté du préfet des Alpes-Maritimes n'a pas porté au droit de l'intéressé, célibataire et sans enfant et qui ne possède pas en France de famille, au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels il a été pris ; que le préfet n'a donc pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales précitée ; qu'il n'a pas non plus commis d'erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de sa décision sur la situation personnelle de l'intéressé ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. X n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat délégué par le président du Tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté décidant sa reconduite à la frontière pris le 10 octobre 2006 par le préfet des Alpes-Maritimes; qu'il y a lieu, par voie de conséquence, de rejeter ses conclusions à fin d'injonction ;
D E C I D E :
Article 1er : La requête de M. X est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. Goran X, au préfet des Alpes-Maritimes et au ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du codéveloppement.
Copie en sera adressée à Me Pitollet.
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N° 06MA03215