Vu la requête, enregistrée le 28 avril 2004, présentée pour la SOCIETE ENVIRONNEMENT SERVICES, dont le siège est Zone industrielle de Baléone à Mezzavia (20167), représentée par son gérant en exercice, par Me Thomas-Porri ; la SOCIETE ENVIRONNEMENT SERVICES demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 0200078 du 27 février 2004 par lequel le Tribunal administratif de Bastia a rejeté sa demande tendant à ce que la chambre de commerce et d'industrie d'Ajaccio et de la Corse du Sud soit condamnée à lui verser une somme de 190.560,28 euros en réparation du préjudice que lui a causé l'attribution irrégulière à la société Corse Eurodéchets des lots n° 1 et 3 du marché de collecte et traitement des déchets dans les concessions et établissements gérés par la CCI ;
2°) de mettre à la charge de la chambre de commerce et d'industrie d'Ajaccio et de la Corse du Sud ladite somme ;
3°) de la condamner en outre à lui verser une somme de 15.244,90 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative ;
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Vu le jugement attaqué ;
Vu la mise en demeure adressée le 18 janvier 2007 à Me Muscatelli, en application de l'article R. 612-3 du code de justice administrative, et l'avis de réception de cette mise en demeure ;
Vu le mémoire enregistré le 23 avril 2007 présenté pour la chambre de commerce et d'industrie d'Ajaccio par Me Muscatelli ; la chambre de commerce et d'industrie demande le rejet de la requête et la condamnation de la SOCIETE A RESPONSABILITE LIMITEE ENVIRONNEMENT SERVICES à verser 1.500 euros en application de l'article L.761-1 du code de justice administrative ;
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Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code des marchés publics ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 30 avril 2007 :
- le rapport de Mme Favier, président-assesseur,
- et les conclusions de Mlle Josset, commissaire du gouvernement ;
Considérant que la SOCIETE A RESPONSABILITE LIMITEE ENVIRONNEMENT SERVICES demande l'annulation du jugement du 27 février 2004 par lequel le Tribunal administratif de Bastia a rejeté la requête qu'elle avait présentée en vue d'obtenir la condamnation de la chambre de commerce et d'industrie d'Ajaccio et de la Corse du sud à l'indemniser du préjudice causé par son éviction irrégulière du marché de collecte et de traitement des déchets des concessions gérées par cet établissement ;
- Sur la responsabilité de la chambre de commerce et d'industrie d'Ajaccio et de la Corse du sud :
Considérant qu'il résulte de l'instruction que le règlement de consultation adressé aux entreprises dans le cadre de l'appel d'offres européen ouvert que lançait la chambre de commerce et d'industrie d'Ajaccio et de la Corse du Sud pour passer un marché de collecte et traitement des déchets en provenance de ses concessions mentionnait en son article 2-2 que le délai de validité des offres était fixé à quatre vingt dix jours à compter de la date limite de réception des offres, soit le 26 juillet 2000 ;
Considérant que le délai de validité des offres, au-delà duquel les candidats sont déliés de leurs propositions, ne peut être prorogé sans porter atteinte à l'égalité de traitement entre les candidats et aux règles de procédure que la personne publique s'est elle-même fixées, que si l'ensemble des candidats a donné son accord sur cette prorogation ; que cet accord ne saurait résulter de façon implicite de la seule absence de retrait de leurs offres par les candidats, mais nécessite que la personne publique ait formulé une demande expresse en ce sens auprès de l'ensemble des soumissionnaires ; qu'en l'espèce, la chambre de commerce et d'industrie ne se réfère dans ses écritures de première instance comme d'appel à aucune décision d'attribution du marché à la société Corse Eurodéchets qui aurait été prise antérieurement à l'expiration du délai de validité des offres ; qu'elle n'invoque pas non plus l'existence d'une éventuelle prorogation de ce délai par une demande qu'elle aurait adressée aux trois entreprises candidates en vue d'obtenir leur accord sur le maintien de leur offre, et que celles-ci auraient acceptée ; que dans ces conditions, la SOCIETE A RESPONSABILITE LIMITEE ENVIRONNEMENT SERVICES est fondée à soutenir que c'est à tort que les premiers juges ont estimé que l'expiration du délai de validité des offres n'affectait pas la régularité de la procédure qui avait conduit à son éviction des lots n° 1 et 3 du marché litigieux et à leur attribution à la société Corse Eurodéchets ;
Considérant qu'en passant un marché dans des conditions contraires au principe d'égalité de traitement entre les candidats, la chambre de commerce et d'industrie d'Ajaccio et de la Corse du sud a commis une faute susceptible d'engager sa responsabilité à l'égard des candidats évincés ; qu'il appartient donc à la Cour, saisie par l'effet dévolutif de l'appel, de se prononcer sur la demande indemnitaire formulée par la SOCIETE ENVIRONNEMENT SERVICES ;
- Sur le préjudice subi par la SOCIETE ENVIRONNEMENT SERVICES :
Considérant que lorsqu'une entreprise candidate à l'attribution d'un marché public demande la réparation du préjudice né de son éviction irrégulière de ce dernier, il appartient au juge de vérifier d'abord si l'entreprise était ou non dépourvue de toute chance de remporter le marché ; que, dans l'affirmative, l'entreprise n'a droit à aucune indemnité ; que, dans la négative, elle a droit en principe au remboursement des frais qu'elle a engagés pour présenter son offre ; qu'il convient ensuite de rechercher si l'entreprise avait des chances sérieuses d'emporter le marché ; que, dans un tel cas, l'entreprise a droit à être indemnisée de son manque à gagner, incluant nécessairement, puisqu'ils ont été intégrés dans ses charges, les frais de présentation de l'offre qui n'ont donc pas à faire l'objet, sauf stipulation contraire du contrat, d'une indemnisation spécifique ;
Considérant, en premier lieu, que la SOCIETE ENVIRONNEMENT SERVICES n'établit pas que la société retenue, qui, bien que créée au mois de mars 1998, avait présenté des références et disposait de bennes servant au transport des déchets, n'avait pas les compétences nécessaires pour assurer les prestations requises et n'avait pas satisfait aux exigences du règlement de consultation en matière de sous-traitance ; qu'en effet, le transport des déchets collectés à destination du centre de tri exploité par la requérante ne conférait pas obligatoirement à cette dernière la qualité de sous-traitant que le soumissionnaire aurait dû mentionner dans sa réponse à l'appel d'offres ; que par ailleurs, les offres présentées par la société retenue Corse Eurodéchets pour les lots 1 et 3 en cause étaient moins onéreuses que celles de la SOCIETE ENVIRONNEMENT SERVICES ; que dans ces conditions, et eu égard aux deux critères d'appréciation des offres qui étaient leur valeur technique et leur prix, la SOCIETE ENVIRONNEMENT SERVICES ne peut être regardée comme ayant eu des chances sérieuses d'emporter les marchés ;
Considérant, toutefois, et en second lieu, qu'il résulte de l'instruction que la SOCIETE ENVIRONNEMENT SERVICES qui était spécialisée dans le secteur des déchets et exploitait sur le territoire de la commune d'Afa un centre de tri des déchets ménagers et assimilés, disposait des qualifications et du matériel nécessaire, et avait fait acte de candidature dans des conditions conformes aux règles posées par le règlement de consultation, n'était pas dépourvue de toute chance d'emporter le marché litigieux ; qu'en vertu des principes énoncés ci-dessus, elle est donc fondée à demander à être indemnisée des frais qu'elle a engagés pour répondre à l'appel d'offres portant sur les deux lots litigieux ; qu'il sera fait une juste appréciation en fixant à 2.500 euros par lot l'indemnité correspondante ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la chambre de commerce et d'industrie d'Ajaccio et de la Corse du sud doit être condamnée à verser 5.000 euros à la SOCIETE ENVIRONNEMENT SERVICES ;
- sur l'application de l'article L.761-1 du code de justice administrative :
Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, d'accorder à la SOCIETE ENVIRONNEMENT SERVICES une somme de 2.000 euros en remboursement des frais qu'elle a exposés pour présenter sa demande ; que les dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative s'opposent, en revanche, à ce que cette société, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, verse à la chambre de commerce et d'industrie d'Ajaccio la somme qu'elle demande à ce titre ;
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement du Tribunal administratif de Bastia 27 février 2004 est annulé.
Article 2 : La chambre de commerce et d'industrie d'Ajaccio et de la Corse du Sud est condamnée à verser à la SOCIETE ENVIRONNEMENT SERVICES une somme de 5.000 euros.
Article 3 : La chambre de commerce et d'industrie d'Ajaccio et de la Corse du Sud versera à la SOCIETE ENVIRONNEMENT SERVICES une somme de 2.000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de la SOCIETE ENVIRONNEMENT SERVICES et les conclusions présentées par la chambre de commerce et d'industrie d'Ajaccio sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetés.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la SOCIETE ENVIRONNEMENT SERVICES et à la chambre de commerce et d'industrie d'Ajaccio et de la Corse du sud et au ministre de l'intérieur et de l'aménagement du territoire.
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N° 04MA916