Vu la requête, enregistrée le 8 mars 2004, présentée pour la SARL ALUAD, représentée par Me Cauzette-Rey, mandataire judiciaire, élisant domicile au cabinet de Me Claudo 18 avenue du Maréchal Foch 06000 Nice, par Me Claudo ;
La SARL ALUAD demande à la Cour :
1°) de réformer le jugement en date du 16 décembre 2003 en tant que le Tribunal administratif de Nice a rejeté partiellement ses conclusions tendant à la décharge des cotisations d'impôts sur les sociétés et des pénalités y afférentes auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en 1995 et 1996 ;
2°) de prononcer la décharge des cotisations d'impôt sur le revenu et les pénalités y afférentes, auxquelles elle a été assujettie au titre des années 1995 et 1996 restant en litige ;
3°) de condamner l'Etat à lui verser la somme de 5 000 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative ;
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Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu le code général des impôts ;
Vu le livre des procédures fiscales ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 10 avril 2007 :
- le rapport de Mme Fernandez, rapporteur ;
- et les conclusions de M. Marcovici, commissaire du gouvernement ;
Considérant qu'à la suite d'une vérification de comptabilité sur la période du 1er janvier 1995 au 31 décembre 1997, la SARL ALUAD, qui a pour objet les travaux de bâtiments, l'achat et la vente de terrains et d'immeubles notamment, a été assujettie à des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés au titre des exercices 1995 et 1996 relatives à des redressements afférents à des dettes non justifiées inscrites au passif, à des charges injustifiées et à des ventes d'appartement regardées par l'administration comme des actes anormaux de
gestion ;
Sur le non lieu partiel :
Considérant que devant la Cour, s'agissant des redressements à l'impôt sur les sociétés relatifs aux ventes d'appartements, la SARL ALUAD contestait ceux restant en litige, tenant à la vente de deux appartements à X réalisée au cours de l'exercice 1996 ; qu'en cours d'instance devant la Cour, l'administration a admis que la base d'imposition devait être réduite de la somme de 263 000 F (40 094,09 euros) et a prononcé le dégrèvement correspondant, en droits, pénalités et contribution de 10% pour un montant de 20 138,67 euros (132 101 F) au titre de l'exercice 1996 ; que les conclusions afférentes de la SARL ALUAD sont devenues sans objet ;
Sur la régularité du jugement :
Considérant que la SARL ALUAD soutient que lorsqu'ils ont statué sur la réalité d'un transfert de dettes sur le compte de Y, son associé et gérant, au titre de l'année 1995, les premiers juges ont méconnu leur pouvoir de direction de l'instruction en ne l'invitant pas à verser au dossier les pièces qui lui semblaient manquer pour former sa conviction ; que la SARL ALUAD invoque à l'appui de son moyen l'hypothèse où le moyen du requérant est tiré de l'insuffisance de motivation d'un document et dans laquelle, il appartient au juge d'inviter le requérant à verser l'original ou une photocopie de l'intégralité dudit document, si le requérant en a fait des citations dans ses mémoires, sans que l'administration ne les conteste et si malgré ces extraits, il s'estime imparfaitement éclairé pour statuer ;
Considérant que si en cas de preuve objective, le juge doit faire usage de son pouvoir de direction de l'instruction en invitant les parties et en particulier le requérant à produire des éléments complémentaires, avant de rejeter un moyen de celui-ci, et que les éléments qu'il a produits, non contestés par l'administration, constituent un début de preuve, il en va différemment lorsque le requérant qui conteste une imposition, a la charge de la preuve ; qu'il appartient alors à ce dernier de produire tous les justificatifs utiles pour fonder son moyen ; qu'ainsi, en l'espèce il appartenait à la SARL ALUAD d'établir la réalité d'un transfert de dettes sur le compte de Y, son associé, au titre de l'exercice 1995 ; que les premiers juges n'ont pas entaché d'irrégularité leur jugement, en jugeant que la SARL ALUAD n'établissait par aucun document comptable ou autre de cette réalité en se bornant à fournir une liste de dépenses mensuelles sans en justifier l'inscription au compte courant de l'associé, et ce, sans demander à la requérante de produire des documents justificatifs ;
Sur le bien fondé des impositions restant en litige :
Considérant que le litige ne porte plus que sur les cotisations supplémentaires d'impôts sur les sociétés relatives aux dettes non justifiées inscrites au passif et aux charges injustifiées ;
En ce qui concerne les dettes non justifiées inscrites au passif :
Considérant en premier lieu que le service a remis en cause les apports en espèces sur le compte courant d'associé de Y pour un montant de 2 745 695 F (418 578,50 euros) en 1995 et de 2 342 594 F (357 126,15 euros) en 1996 ; que par le jugement attaqué, les premiers juges ont prononcé, au titre de l'exercice 1996, la décharge des droits correspondant à la somme de 1 248 501 F (190 332,75 euros) ; que pour expliquer ces apports en espèces sur le compte courant d'associé de Y, la SARL ALUAD soutient qu'ayant été interdite bancaire, en raison de difficultés financières, Y a réglé lui-même les fournisseurs de la société et ce avec des fonds de la société ALUAD Italie dont il est également associé laquelle lui avait donné mandat par délibération de son assemblée générale des associés le 10 juillet 1994 et qu'en conséquence, le compte fournisseur a été débité et soldé par une écriture créditrice d'égal montant dans le compte courant d'associé de Y ; que toutefois, en se bornant, pour contester les impositions afférentes à l'exercice 1996 et celles restant en litige au titre de l'exercice 1995, à invoquer en en justifiant, la signification par huissier, par acte du 3 mars 2004, sur 9 pages, le grand livre des comptes courants d'associés pour l'année 1995, sur 25 pages le journal des opérations diverses pour 1995, sur 5 pages le grand livre des comptes courants d'associés pour l'année 1996 et sur 24 pages le journal des opérations diverses pour
l'année 1996, alors qu'elle ne produit aucune facture ou aucun document probant du paiement effectif des fournisseurs par Y, ni en son nom personnel ni au nom de la société ALUAD Italie, la société requérante ne justifie pas de la réalité de sa dette au bénéfice de Y ;
Considérant que le service a réintégré dans la base d'imposition, comme injustifiée, la somme de 4 549 666 F (693 592,11 euros) figurant au 31 décembre 1995 dans le compte « factures non parvenues », se décomposant en travaux réalisés par la société ALUAD Italie pour un montant de 2 603 546 F (396 908,02 euros antérieurement à 1995 et pour 1 756 500 F (267 776,69 euros) en 1995, soit 4 360 046 F (664 684,72 euros), en agios bancaires dus à la banque San Paolo pour un montant de 39 620 F(6 040,03 euros) et en travaux d'électricité réalisés par une société Selco d'un montant de 150 000 F (22 867,35 euros) à valoir sur une facture globale de 666 450 F (191 599,64 euros) ; que par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Nice a admis la réalité des travaux réalisés par la société ALUAD Italie et a prononcé la décharge y afférente ;
Considérant que s'agissant des agios bancaires, d'une part, la SARL ALUAD produit des relevés bancaires établis en janvier, avril, juillet et octobre 1995 faisant figurer des agios pour une somme globale s'élevant à 41 390,84 F (6 309,99 euros), différente de la somme comptabilisée à ce titre dans ses écritures, sans qu'elle établisse, ni même n'allègue, que ces relevés n'auraient pas été en sa possession lors de la clôture de l'exercice 1995 ; que d'autre part, alors que la société requérante ne pouvait se méprendre sur la nature de la charge, elle n'est pas fondée à invoquer l'erreur comptable rectifiable pour obtenir la déduction de cette somme du résultat de l'exercice au titre des frais financiers ;
Considérant que s'agissant des travaux qui auraient été réalisés par la société Selco, la seule production par la SARL ALUAD d'un devis global libellé en italien et sa traduction en français faisant apparaitre un montant de travaux de 194 300 300 lires et deux factures libellées en italien datées du 27 février 1996 pour des montants respectifs de 130 000 000 lires et 80 000 000 lires qui concernent la réalisation de l'immeuble Les jumeaux à Nice, ne permet pas d'établir une corrélation entre ces deux factures et la somme de 150 000 F inscrite en 1995 en comptabilité dans le compte « fournisseurs factures non parvenues » ;
Considérant que la SARL ALUAD soutient que les montants de 441 600 F ( 67 321,49 euros) et de 335 200 F (51 100,91 euros) figurant au crédit du compte courant de la société ALUAD Italie correspondent au rachat, par celle-ci, des créances en compte courant que détenaient Z et A, associés de la SARL ALUAD France, ALUAD Italie ayant vendu aux dits créanciers deux biens immobiliers détenus à Vintimille en contrepartie de ces rachats de créances ; que les deux actes notariés en date du 7 décembre 1994 et du 26 octobre 1995 produits mentionnent une vente de deux immeubles sis à Vintimille appartenant chacun à la société ALUAD Italie à hauteur de 96% à et non M. pour le premier et à M. A pour le second ; que toutefois ces deux actes notariés ne mentionnent ni les modalités de règlement du prix, ni l'existence d'une cession de créance à la société ALUAD Italie par les acheteurs ; que compte tenu du défaut de ces mentions, la seule production de l'acte du 3 mars 2004 par lequel un huissier de justice a signifié à la SARL ALUAD un certain nombre de documents, les deux actes de ventes, le journal des opérations diverses et le grand livre des comptes d'associés de M. , de M. A et de l'ALUAD Italie ne saurait établir la réalité de la dette alléguée par la requérante ;
En ce qui concerne les charges injustifiées :
Considérant qu'il résulte de l'instruction notamment du journal des opérations diverses à fin 1995 et de l'extrait du grand livre des comptes généraux à fin 1995 relatif au compte courant d'associé de Y, que l'écriture relative à la facture de 126 700 F (19 315,29 euros) figurant au compte 625 passée au titre des opérations diverses pour l'exercice 1995, libellée « carb » a été réintégrée comme non justifiée au titre des apports en compte courant de Y ; que la SARL ALUAD est donc fondée à demander la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés y afférentes, en droits et en pénalités ;
Sur les pénalités de 40% :
Considérant que la SARL ALUAD conteste la majoration de 40% que lui a infligé l'administration fiscale sur le fondement de l'article 1728 3. du code général des impôts ;
Considérant qu'il résulte de l'article 8 de la déclaration des droits de l'homme et du citoyen, des principes fondamentaux reconnus par les lois de la République et des principes généraux du droit communautaire, qu'une peine ne peut être infligée qu'à la condition que soit garanti le principe du respect des droits de la défense et que cette exigence s'étend à toute sanction ayant le caractère d'une punition, même si les textes applicables laissent le soin de la prononcer à une autorité non juridictionnelle ; que tel est le cas pour les sanctions prononcés en matière fiscale ; qu'en l'espèce, la SARL ALUAD se borne de manière très générale à soutenir qu'elle n'aurait pu se défendre utilement avant le prononcé à son encontre par l'administration fiscale des majorations de 40%, sans autre précision et invoque, sans l'établir, le caractère systématique de la mise en oeuvre de cette sanction par l'administration ; que toutefois il résulte de l'instruction que d'une part, la notification de redressements qui a été adressée à la SARL ALUAD, indiquait clairement les griefs fondant les pénalités et tirés du défaut de dépôt de déclaration dans les trente jours d'une première mise en demeure et d'autre part, invitait cette dernière à formuler ses observations sur l'ensemble des redressements qui lui étaient notifiés, ainsi que sur les pénalités dont l'administration envisageait d'assortir les droits au principal qui seraient mis à sa charge ; que dans ces conditions, la SARL ALUAD n'est pas fondée à soutenir que les pénalités qui lui ont été effectivement appliquées l'ont été en méconnaissance du principe du respect des droits de la défense ;
Considérant que le principe d'individualisation des peines, instauré par le code pénal, n'est pas applicable aux sanctions fiscales prévues par le code général des impôts ;
Considérant que les dispositions de l'article 1728 du code général des impôts proportionnent la pénalité à la gravité des agissements du contribuable en prévoyant des taux de majoration différents selon le défaut de déclaration dans le délai et constater sans mise en demeure ou après mise en demeure infructueuse ; que le juge de l'impôt, après avoir exercé son plein contrôle sur les faits invoqués et la qualification retenue par l'administration, décide, dans chaque cas, selon le résultat de ce contrôle, soit de maintenir le taux auquel l'administration s'est arrêtée, soit de lui substituer un taux inférieur parmi ceux prévus par le texte s'il l'estime légalement justifié, soit de ne laisser à la charge du contribuable que les intérêts de retard, s'il estime que ce dernier ne s'est pas abstenu de souscrire une déclaration dans le délai légal ; qu'ainsi le juge dispose d'un pouvoir de pleine juridiction conforme aux stipulations de l'article 6 §1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, lesquelles n'impliquent pas que le juge puisse moduler l'application du barème résultant de l'article 1728 ; qu'il en serait également ainsi s'agissant du principe communautaire de proportionnalité à le supposer opérant; qu'enfin il n'appartient pas au juge administratif de contrôler la conformité des dispositions législatives de l'article 1728 du code général des impôts aux principes de valeur constitutionnelle, notamment le principe de proportionnalité des peines, résultant, notamment, de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la SARL ALUAD n'est pas fondée à demander la décharge des pénalités qui lui ont été infligées dès lors qu'elles sont afférentes à des droits qui ne sont pas déchargés par le présent arrêt ;
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L.761-1 du code de justice administrative :
Considérant que les dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que la partie perdante puisse obtenir, à la charge de son adversaire, le remboursement des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ; que les conclusions présentées à ce titre par la SARL ALUAD doivent dès lors être rejetées ;
D E C I D E :
Article 1er : A concurrence de la somme de 20 138,67 euros (132 101 F) en ce qui concerne le complément d'impôt sur les sociétés, les pénalités et la contribution de 10% y afférentes, auxquels la SARL ALUAD a été assujettie au titre de l'exercice 1996, il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la requête de la SARL ALUAD.
Article 2 : La base de l'impôt sur les sociétés assignée à la SARL ALUAD au titre de l'exercice 1995 est réduite de la somme de 19 315,29 euros (126 700 F).
Article 3 : La SARL ALUAD est déchargée des droits et pénalités correspondant à la réduction de la base d'imposition définie à l'article 1er.
Article 4 : Le jugement du Tribunal administratif de Nice en date du 18 décembre 2003 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête de la SARL ALUAD est rejeté.
Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à la SARL ALUAD et au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.
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N° 04MA00511