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06/03/2007 | FRANCE | N°03MA00746

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 2ème chambre - formation à 3, 06 mars 2007, 03MA00746


Vu le recours, enregistré le 18 avril 2003, présenté par le MINISTRE DE LA DEFENSE qui demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement rendu par le Tribunal administratif de Nice le 20 janvier 2003 en tant qu'il a annulé la décision du 6 avril 1999 infligeant à M. X la sanction de l'abaissement définitif de deux échelons ;

2°) de rejeter la demande de première instance de M. X ;

Il soutient que :

- la présomption d'innocence ne fait pas obstacle à ce que l'administration prononce une sanction administrative pour des faits qui font, par ailleurs, l'objet

de poursuites pénales et l'administration n'était pas davantage tenue d'attendre l'i...

Vu le recours, enregistré le 18 avril 2003, présenté par le MINISTRE DE LA DEFENSE qui demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement rendu par le Tribunal administratif de Nice le 20 janvier 2003 en tant qu'il a annulé la décision du 6 avril 1999 infligeant à M. X la sanction de l'abaissement définitif de deux échelons ;

2°) de rejeter la demande de première instance de M. X ;

Il soutient que :

- la présomption d'innocence ne fait pas obstacle à ce que l'administration prononce une sanction administrative pour des faits qui font, par ailleurs, l'objet de poursuites pénales et l'administration n'était pas davantage tenue d'attendre l'issue de la procédure pénale pour prononcer une sanction administrative ;

- l'arrêt rendu le 15 mai 2002 par la Cour d'appel d'Aix-en-Provence atteste que M. X a sollicité et accepté des avantages en contrepartie de son influence réelle ou supposée, lors de l'attribution de marchés publics par la direction des chantiers navals de Toulon ;

- les constatations de fait du juge pénal s'imposent même pour des faits pour lesquels l'intéressé aurait été relaxé ;

- le jugement est ainsi entaché d'erreur de droit et d'erreur sur les faits ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 17 octobre 2003, présenté pour M. X, par Me Suduca, avocat ; M. X conclut au rejet de la requête du MINISTRE DE LA DEFENSE et demande en outre à la Cour de condamner l'Etat à lui verser la somme de 2 000 euros au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;

Il soutient que :

- la baisse de la prime de rendement à compter du 1er janvier 1999 a constitué une première sanction qui rendait impossible que soit prononcée une seconde sanction pour les mêmes faits ;

- la sanction a été prise en méconnaissance du principe de la présomption d'innocence, sur la base d'informations recueillies en violation du secret de l'instruction ;

- les poursuites ont été engagées au-delà du délai prévu par l'article L.122-4 du code du travail ;

- aucun des huit faits soumis à l'appréciation du conseil de discipline ne s'avère établi à l'issue de la procédure pénale ;

- l'argumentation du ministre de la défense en appel est très imprécise ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 modifiée ;

Vu le code du travail ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 13 février 2007 :

- le rapport de M. Renouf, rapporteur,

- et les conclusions de Mme Paix, commissaire du gouvernement ;

Considérant que M. X a été agent administratif à la direction des constructions navales de Toulon ; que le MINISTRE DE LA DEFENSE lui a infligé le 6 avril 1999 la sanction de l'abaissement définitif de deux échelons au motif que l'intéressé «a, dans l'exercice de ses fonctions, reçu de certains industriels fournisseurs des cadeaux ou des avantages en nature ou en argent » ; que le Tribunal administratif de Nice a jugé ces faits matériellement inexacts et, par suite, a prononcé l'annulation de cette décision par jugement du 20 janvier 2003 dont le MINISTRE DE LA DEFENSE fait appel sur ce point ;

Considérant que pour condamner M. X le 15 mai 2002, par un arrêt devenu définitif pour l'intéressé, à la peine de huit mois d'emprisonnement avec sursis et à la peine complémentaire d'interdiction de droit de vote et d'éligibilité pendant cinq ans, la Cour d'appel d'Aix-en-Provence l'a déclaré, page 120 de son arrêt, coupable de plusieurs délits dont celui de trafic d'influence passif à l'égard notamment de la société Ortec/Buzziccheli, dont il n'est pas contesté qu'elle a passé divers contrats avec la direction des constructions navales de Toulon ; que s'agissant de ce seul délit envers cette seule société, la Cour d'appel, pour motiver le maintien de M. X dans les liens de la prévention en cause, tient pour acquis, pages 107 et 108 de son arrêt, que les faits d'embauche de l'épouse de M. X et de réalisation de la dalle de sa piscine sans demande d'un quelconque paiement avant que des procédures pénales relatives aux conditions dans lesquelles des marchés publics étaient conclus par la direction des constructions navales de Toulon soient engagées, ont constitué des avantages sollicités et acceptés par l'intéressé pour abuser de l'influence réelle ou supposée qui lui étaient prêtée par les dirigeants de sociétés, dont la société Ortec/Buzziccheli, dans l'attribution des commandes de la direction des constructions navales de Toulon relevant de ses compétences ; que ces constatations sont revêtues de l'autorité absolue de chose jugée ; que dès lors, la décision attaquée qui, ainsi qu'il ressort des pièces du dossier, reposerait notamment sur ces deux avantages, ne peut-être regardée comme reposant exclusivement sur des faits matériellement inexacts ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le MINISTRE DE LA DEFENSE est fondé à soutenir que c'est à tort que, par les articles 1 et 3 du jugement attaqué, le Tribunal administratif de Nice a annulé la décision du 6 avril 1999 au motif qu'elle reposerait sur des faits matériellement inexacts et a, sur ce fondement, enjoint au ministre de rectifier les bulletins de salaire de l'intéressé postérieurs à la décision annulée ;

Considérant, toutefois, qu'il appartient à la Cour administrative d'appel, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par

M. X en première instance ;

Considérant, en premier lieu, qu'à supposer que tout ou partie des autres avantages que le MINISTRE DE LA DEFENSE a pris en compte pour infliger à M. X la sanction en litige ne soient pas regardés comme établis, il résulte de l'instruction que cette autorité aurait pris la même décision si elle n'avait retenu que le grief tiré de l'avantage en lien avec l'exercice de ses fonctions constitué par la réalisation de la dalle en béton de la piscine de l'intéressé ;

Considérant, en deuxième lieu, qu'en prononçant la sanction en litige avant que l'instance pénale alors en cours n'ait abouti, le MINISTRE DE LA DEFENSE n'a méconnu aucun obligation procédurale, ni porté atteinte à la présomption d'innocence de l'intéressé ;

Considérant, en troisième lieu, que les modalités selon lesquelles l'administration a pris connaissance des faits sur lesquels repose la sanction contestée sont sans incidence sur la légalité de celle-ci ;

Considérant, en quatrième lieu, qu'il ressort des pièces du dossier que la diminution de la prime de rendement de M. X dès avant la sanction en litige prononcée le 6 avril 1999 reposait, contrairement à ce que soutient le MINISTRE DE LA DEFENSE, sur un motif d'ordre disciplinaire, ainsi qu'il ressort notamment des termes du courrier du directeur des ressources humaines de la direction des constructions navales de Toulon du 6 mai 1999 ; que cependant, la décision de diminuer le taux d'une prime ne fait pas partie de la liste limitative des sanctions disciplinaires dont les agents de la fonction publique d'Etat peuvent faire l'objet en application de l'article 66 de la loi susvisée du 11 janvier 1984 ; qu'ainsi cette décision, au demeurant annulée pour ce motif par l'article 2 du jugement du Tribunal administratif de Nice, ne pouvait, contrairement à ce que soutient M. X, faire obstacle par elle-même à ce que le MINISTRE DE LA DEFENSE inflige à l'intéressé, à l'issue de la procédure prévue à cet effet, l'une des sanctions prévues par les dispositions législatives susmentionnées, quand bien même les deux décisions concerneraient les mêmes faits ;

Considérant, enfin, qu'alors que M. X ne saurait se prévaloir des dispositions de l'article L.122-14 du code du travail, qui ne sont pas applicables aux agents publics, il ne ressort aucunement des pièces du dossier, que le MINISTRE DE LA DEFENSE aurait engagé les poursuites disciplinaires dirigées contre lui dans un délai excessif après avoir pris connaissance des fautes à l'origine de la procédure disciplinaire en cause, puis de la sanction prononcée le 6 avril 1999 ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la demande présentée par

M. X, devant le tribunal administratif, et tendant à l'annulation de la décision du

6 avril 1999 par laquelle le MINISTRE DE LA DEFENSE lui a infligé la sanction de l'abaissement définitif de deux échelons, doit être rejetée ainsi que, par voie de conséquence, la demande d'injonction relative à la rectification des bulletins de paye présentée sur le fondement de l'annulation demandée ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative :

Considérant que les dispositions de l'article susmentionné font obstacle à ce que l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, soit condamné à payer à M. X la somme qu'il demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;

DECIDE :

Article 1er : Les articles 1 et 3 du jugement du 20 janvier 2003 sont annulés.

Article 2 : Les conclusions de M. X tendant, d'une part, à l'annulation de la décision du

6 avril 1999 par laquelle le MINISTRE DE LA DEFENSE lui a infligé la sanction de l'abaissement définitif de deux échelons, d'autre part, à ce que soit prononcée une injonction relative à la rectification de ses bulletins de paye, enfin, à ce que l'Etat soit condamné à lui verser une somme au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au MINISTRE DE LA DEFENSE et à M. Lucien X.

Délibéré après l'audience du 13 février 2007, où siégeaient :

- M. Gandreau, président de chambre,

- M. Gonzales, président assesseur,

- M. Renouf, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 6 mars 2007.

Le rapporteur,

signé

P. RENOUF

Le président,

signé

D. GANDREAU

Le greffier,

signé

C. LAUDIGEOIS

La République mande et ordonne au ministre de la défense en ce qui le concerne et à tous les huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

Le greffier,

N° 03MA00746 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 2ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 03MA00746
Date de la décision : 06/03/2007
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. GANDREAU
Rapporteur ?: M. Philippe RENOUF
Rapporteur public ?: Mme PAIX
Avocat(s) : SUDUCA

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2007-03-06;03ma00746 ?
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