Vu la requête, enregistrée le 16 janvier 2003, présentée pour l'ASSOCIATION NATIONALE POUR LA PROTECTION DES EAUX ET RIVIERES, représentée par son président, par Me Tartary, avocate, dont le siège social est 67, rue de Seine à Alfortville (94140) ; l'ASSOCIATION NATIONALE POUR LA PROTECTION DES EAUX ET RIVIERES demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 98-1433 du 7 novembre 2002 par lequel le Tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté en date du 30 octobre 1996 par lequel le maire de la commune de Chanac a délivré à la SCEA Nojarède un permis de construire en vue de la rénovation de bâtiments à usage de porcherie ;
2°) d'annuler ledit arrêté;
3°) de condamner la commune de Chanac à lui verser la somme de 1.500 euros au titre de l'article L.761 ;1 du code de justice administrative ;
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Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de l'urbanisme ;
Vu le code rural ;
Vu le code de l'environnement ;
Vu la loi n° 76-629 du 10 juillet 1976 ;
Vu la loi n° 76-663 du 19 juillet 1976 ;
Vu le décret n° 77-1141 du 12 octobre 1977 ;
Vu le décret n° 78-1030 du 24 octobre 1978 ;
Vu le décret n° 93-1412 du 29 décembre 1993 ;
Vu l'arrêté ministériel du 15 décembre 1978 ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 8 février 2007 :
- le rapport de Mme Buccafurri, rapporteur ;
- et les conclusions de M. Cherrier, commissaire du gouvernement ;
Considérant que l'ASSOCIATION NATIONALE POUR LA PROTECTION DES EAUX ET RIVIERES relève appel du jugement susvisé en date du 7 novembre 2002 par lequel le Tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté en date du 30 octobre 1996 par lequel le maire de la commune de Chanac a délivré à la SCEA Nojarède un permis de construire en vue de la rénovation de bâtiments à usage de porcherie ;
Sur les fins de non-recevoir opposées à la demande de première instance par la commune de Chanac et la SCEA Nojarède :
Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article L. 252 ;1 du code rural dans sa rédaction issue de la loi du 2 février 1995, aujourd'hui devenu l'article L. 141 ;1 du code de l'environnement : « Lorsqu'elles exercent leurs activités depuis au moins trois ans, les associations régulièrement déclarées et exerçant leurs activités statutaires dans le domaine de la protection de la nature (…) et d'une manière générale, oeuvrant principalement pour la protection de l'environnement, peuvent faire l'objet d'un agrément motivé de l'autorité administrative. / (…) Les associations exerçant leurs activités dans les domaines mentionnés au premier alinéa ci ;dessus et agréées antérieurement au 3 février 1995 sont réputées agréées en application du présent article (…). » ; qu'aux termes du deuxième alinéa de l'article L. 252 ;4 du code rural, dans sa rédaction issue du 2 février 1995, aujourd'hui devenu l'article L. 142 ;1 du code de l'environnement : « Toute association de protection de l'environnement agréée au titre de l'article L. 141 ;1 justifie d'un intérêt pour agir contre toute décision administrative ayant un rapport direct avec son objet et ses activités statutaires et produisant des effets dommageables pour l'environnement sur tout ou partie du territoire pour lequel elle bénéficie de l'agrément. » ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier qu'en vertu d'un arrêté ministériel du 15 décembre 1978, l'ASSOCIATION NATIONALE POUR LA PROTECTION DES EAUX ET RIVIERES (Truite, Ombre et Saumon) a été agréée dans un cadre national, au titre de l'article L. 160-1 du code de l'urbanisme, lequel renvoie aux associations agréées de protection de l'environnement en application de l'article L. 252-1 du code rural ; que cet agrément lui confère la qualité d'association de protection de l'environnement agréée au sens de l'article L. 141-1 du code de l'environnement et les droits attachés à cet agrément ; que selon l'article 2 4) de ses statuts, l'association a pour objet « de concourir à la lutte contre la pollution physique, chimique et bactériologique, contre toutes autres sources de nuisances…cette action pourra conduire TOS (Truite, Ombre et Saumon) à requérir contre les permis de construire irréguliers concernant les ouvrages riverains susceptibles d'affecter le régime ou la qualité des cours d'eaux » ; que, par suite, l'ASSOCIATION NATIONALE POUR LA PROTECTION DES EAUX ET RIVIERES justifie, en application des dispositions de l'article L. 142-1 du code de l'environnement, d'un intérêt pour demander l'annulation de l'arrêté en date du 30 octobre 1996 par lequel le maire de la commune de Chanac a délivré à la SCEA Nojarède un permis de construire en vue de la rénovation de bâtiments à usage de porcherie, situés sur le Cause de Sauvettere, constitué, selon les déclarations de première instance de l'association requérante non ultérieurement démenties, d'une roche Karstique, favorisant des infiltrations des eaux de pluie dans le sous-sol et le risque de pollutions des eaux notamment souterraines ; que, dès lors, cette fin de non-recevoir doit être écartée ;
Considérant, en deuxième lieu, qu'il ressort des pièces du dossier de première instance que, conformément aux statuts de ladite association, le signataire de la demande de première instance a été habilité, par un mandat spécial du président de l'association, à ester devant le tribunal administratif, au nom de l'association, en vue de l'annulation du permis de construire contesté ; que, par suite, cette fin de non-recevoir doit être écartée ;
Considérant, en troisième lieu, que la société bénéficiaire n'a pas rapporté la preuve qui lui incombe d'un affichage régulier du permis de construire sur le terrain ; que l'affichage en mairie de cette décision n'est, en outre, pas établi ; que, par suite, la fin de non-recevoir tirée de la tardiveté de la demande de première instance doit être écartée ;
Sur la légalité du permis de construire en date du 30 octobre 1996 :
Considérant, d'une part, qu'aux termes de l'article R. 421-2 du code de l'urbanisme : « A. - Le dossier joint à la demande de permis de construire comporte :….8° L'étude d'impact, lorsqu'elle est exigée.. » ; qu'aux termes de l'article 3 du décret du 12 octobre 1977 pris pour l'application de l'article 2 de la loi du 10 juillet 1976 relative à la protection de la nature, codifié à l'article L. 122 ;1 du code de l'environnement : « a) Ne sont pas soumis à la procédure de l'étude d'impact les travaux d'entretien et de grosses réparations quels que soient les ouvrages et aménagements auxquels ils se rapportent. b) Ne sont pas soumis à la procédure d'impact, sous réserves des dispositions de l'article 4 ci-dessous, les aménagements, ouvrages et travaux définis aux annexes I et II jointes au présent décret, dans les limites et les conditions précisées par les dites annexes./ Les dispenses d'étude d'impact résultant des dispositions de l'annexe II ne sont pas applicables aux catégories d'aménagements d'ouvrages ou de travaux visés à l'annexe I » ; que le 1°) de l'annexe II de ce décret dispense d'étude d'impact « toutes constructions soumises à permis de construire dans les communes ou parties de communes dotées, à la date de la demande d'un plan d'occupation des sols ou d'un document en tenant lieu ayant fait l'objet d'une enquête publique (…) à l'exception de celles visées au 7° et au 9°, b, c, d, de l'annexe au présent décret » ; que les travaux autorisés par l'arrêté contesté n'entrent dans aucune des exceptions ci-dessus énumérées ; que l'annexe I du décret du 12 octobre 1977 cite parmi les opérations qu'elle énumère les installations classées pour la protection de l'environnement sous réserve qu'il s'agisse de travaux soumis à déclaration ; qu'il résulte des dispositions susrappelées du b) et des annexes au décret précité que les travaux de construction portant sur une installation classée relevant du régime de l'autorisation sont soumis à la procédure de l'étude d'impact ;
Considérant, d'autre part, qu'aux termes de l'article de l'article R. 612-6 du code de justice administrative : « Si, malgré une mise en demeure, la partie défenderesse n'a produit aucun mémoire, elle est réputée avoir acquiescé aux faits exposés dans les mémoires du requérant. » ;
Considérant que, malgré les mises en demeure qui leur ont été adressées par les services du greffe de la Cour, la commune de Chanac et la SCEA Nojarède, se sont abstenues de produire des observations en défense dans la présente instance ; que, par suite, la commune de Chanac et la SCEA Nojarède doivent être réputées avoir acquiescé aux faits exposés dans la requête d'appel de l'ASSOCIATION NATIONALE POUR LA PROTECTION DES EAUX ET RIVIERES ;
Considérant, qu'il est constant, ainsi que l'a exposé l'association appelante dans sa requête et qu'il ressort également des pièces du dossier, et notamment des déclarations mêmes de la SCEA Nojarède en première instance, que l'établissement exploité sur le terrain d'assiette du permis en litige consistait dans l'élevage de 946 porcs de plus de 30 Kg ; que si cette exploitation a fait l'objet d'un arrêté d'autorisation délivré le 1er mars 1974, sur le fondement de la législation antérieure à la loi du 19 juillet 1976 relative aux installations classées pour la protection de l'environnement, l'exploitation de 946 porcs de plus de 30 Kg, comme en l'espèce, restait soumise à autorisation , sous le régime de la loi susvisée, dès lors que tant le décret n° 78-1030 du 24 octobre 1978 pris pour l'application de l'article 2 de la loi du 19 juillet 1976 que le décret n° 93-1412 du 29 décembre 1993, applicable à la date du permis de contesté, modifiant, sur le fondement de cette législation la nomenclature des installations classées, prévoit à la rubrique 2102 que les établissements d'élevage de porcs de plus de 30 Kg comportant plus de 450 animaux sont soumis à autorisation ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que les travaux autorisés par le permis de construire en litige ont pour objet tant la rénovation des bâtiments abritant la porcherie que la construction d'une fosse à lisier, d'une capacité de 2 300 m3 et d'une hauteur de 4,15 m ; que ces derniers travaux, qui se rattachent directement à l'installation classée soumise à autorisation et qui ne peuvent être regardés comme constituant de simples travaux d'entretien ou de grosses réparations au sens du a) de l'article 3 du décret du 12 octobre 1977, étaient, dès lors, soumis à l'étude d'impact prévue par lesdites dispositions ; qu'il est constant que ladite étude d'impact n'a pas été réalisée et ne figurait donc pas dans la demande de permis de construire sollicitée par la SCEA Nojarède ; qu'ainsi, l'absence de l'étude d'impact dans le dossier de la demande de permis de construire, en violation des dispositions susrappelées de l'article R. 421-2 8° du code de l'urbanisme est de nature à entraîner l'annulation du permis de construire en litige ;
Considérant que, pour l'application de l'article L. 600-4-1 du code de l'urbanisme, aucun des autres moyens invoqués par l'ASSOCIATION NATIONALE POUR LA PROTECTION DES EAUX ET RIVIERES n'est de nature, en l'état de l'instruction, à entraîner également l'annulation dudit permis de construire ;
Considérant qu'il résulte de ce qui vient d'être dit que l'ASSOCIATION NATIONALE POUR LA PROTECTION DES EAUX ET RIVIERES est fondée à soutenir que c'est à tort que, par son jugement du 7 novembre 2002, le Tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande tendant à l'annulation du permis de construire susvisé du 30 octobre 1996 ; qu'elle est, dès lors, fondée à demander tant l'annulation de ce jugement que du permis de construire en cause ;
Sur l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de faire application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de condamner la commune de Chanac à verser à l'ASSOCIATION NATIONALE POUR LA PROTECTION DES EAUX ET RIVIERES la somme de 1.500 euros au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement susvisé du Tribunal administratif de Montpellier en date du 7 novembre 2002 est annulé, ensemble l'arrêté du maire de la commune de Chanac en date du 30 octobre 1996 délivrant un permis de construire à la SCEA Nojarède.
Article 2 : La commune de Chanac versera à l'ASSOCIATION NATIONALE POUR LA PROTECTION DES EAUX ET RIVIERES une somme de 1.500 euros (mille cinq cents euros) sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à l'ASSOCIATION NATIONALE POUR LA PROTECTION DES EAUX ET RIVIERES, à la commune de Chanac, à la SCEA Nojarède et au ministre des transports, de l'équipement, du tourisme et de la mer.
N° 03MA00068
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