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05/02/2007 | FRANCE | N°03MA01868

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 6ème chambre - formation à 3, 05 février 2007, 03MA01868


Vu la requête, enregistrée le 12 septembre 2003, présentée pour la Société de protection de la nature du Languedoc Roussillon, section Haute Vallée de l'Hérault, dont le siège est domaine de la Cardonille à Brissac 34190 Ganges, représentée par son président, par Me Dombre, avocat ;

La Société de protection de la nature du Languedoc Roussillon, section Haute Vallée de l'Hérault demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du 30 juin 2003 par lequel le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté en date du 1e

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Vu la requête, enregistrée le 12 septembre 2003, présentée pour la Société de protection de la nature du Languedoc Roussillon, section Haute Vallée de l'Hérault, dont le siège est domaine de la Cardonille à Brissac 34190 Ganges, représentée par son président, par Me Dombre, avocat ;

La Société de protection de la nature du Languedoc Roussillon, section Haute Vallée de l'Hérault demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du 30 juin 2003 par lequel le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté en date du 1er avril 1996 par lequel le préfet de l'Hérault a déclaré d'utilité publique les travaux d'aménagement de la route départementale 999 et de l'arrêté du 9 avril 1996 par lequel la même autorité a délivré une autorisation au titre de la loi sur l'eau au département de l'Hérault ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, lesdits arrêtés ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1.500 € au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative ;

…………………..

Vu le jugement attaqué ;

Vu l'ordonnance en date du 12 mai 2006 par laquelle le président de la 6ème chambre a fixé la clôture de l'instruction au 26 mai 2006 à 16 heures et les accusés de réception de ladite ordonnance ;

Vu le nouveau mémoire enregistré le 22 mai 2006 présenté pour la société de protection de la nature du Languedoc Roussillon, qui maintient ses précédentes écritures et fait en outre valoir que le projet litigieux a été pris en violation de l'article R.122-8 du code de l'environnement car il a été fractionné à tort dans le but d'éviter une étude d'impact, alors qu'il fait partie d'un projet beaucoup plus vaste d'aménagement de la route départementale 999 de Ganges à Le Vigan ;

Vu le mémoire enregistré le 30 juin 2006 présenté par la ministre de l'écologie et du développement durable, qui conclut au rejet de la requête ;

…………………………

Vu l'ordonnance en date du 5 septembre 2006 par laquelle le président de la 6ème chambre a décidé de la réouverture de l'instruction ;

Vu le mémoire enregistré le 26 septembre 2006 présenté par le ministre délégué aux collectivités territoriales, qui conclut au rejet de la requête et à la condamnation de l'association requérante à verser 1.500 € en application de l'article L.761-1 du code de justice administrative ;

………………………………

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la loi du 10 juillet 1976 sur la protection de l'environnement ;

Vu la loi n° 92-3 du 3 janvier 1992 sur l'eau ;

Vu le décret du 12 octobre 1977 ;

Vu le décret n° 93-742 du 29 mars 1993

Vu le code de l'urbanisme ;

Vu le code de l'expropriation ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 8 janvier 2007 ;

- le rapport de Mme Favier, président-assesseur ;

- et les conclusions de Mlle Josset, commissaire du gouvernement ;

Considérant que la société de protection de la nature du Languedoc Roussillon, section Haute Vallée de l'Hérault demande l'annulation du jugement du 30 juin 2003 par lequel le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande tendant à l'annulation de deux arrêtés du préfet de l'Hérault, le premier pris le 1er avril 1996 et déclarant d'utilité publique les travaux d'aménagement de la route départementale 999 entre le P.R. 8.840 et le P.R. 11.150 et mettant en compatibilité le plan d'occupation des sols de la commune de Ganges, le second, pris le 9 avril 1996 et délivrant au département de l'Hérault l'autorisation requise au titre de la loi sur l'eau pour le même aménagement ;

Sur la régularité du jugement du tribunal administratif de Montpellier :

Considérant que, contrairement aux allégations de l'association requérante, le tribunal administratif de Montpellier a statué sur la prise en compte des réserves émises par le commissaire enquêteur, tant s'agissant de l'acte déclaratif d'utilité publique, pour lequel il a indiqué qu'elles avaient été levées par le département de l'Hérault, que s'agissant de l'autorisation délivrée au titre de la loi sur l'eau ; que la société de protection de la nature du Languedoc Roussillon n'est donc pas fondée à soutenir que le jugement serait irrégulier faute d'avoir répondu à ce moyen ;

Sur la légalité des décisions attaquées :

En ce qui concerne l'arrêté déclaratif d'utilité publique :

Considérant, d'une part, qu'aux termes de l'article L.123-8 du code de l'urbanisme dans sa rédaction applicable à l'espèce : “La déclaration d'utilité publique d'une opération qui n'est pas compatible avec les dispositions d'un plan d'occupation des sols rendu public ou approuvé ne peut intervenir que si : - l'enquête publique concernant cette opération ouverte par le représentant de l'État dans le département, a porté à la fois sur l'utilité publique de l'opération et sur la mise en compatibilité du plan qui en est la conséquence (…) ; qu'aux termes de l'article R. 123-35-3 du même code : (…). Le dossier de mise en compatibilité du plan d'occupation des sols, le rapport et les conclusions du commissaire enquêteur ou de la commission d'enquête (...) sont soumis pour avis par le préfet au conseil municipal ( ...) qui doit se prononcer dans un délai de deux mois. S'il n'est pas intervenu dans ce délai l'avis est réputé donné ;

Considérant, d'autre part, qu'aux termes de l'article L.2121-11 du code général des collectivités territoriales : «Dans les communes de moins de 3 500 habitants, la convocation est adressée trois jours francs au moins avant celui de la réunion. En cas d'urgence, le délai peut être abrégé par le maire, sans pouvoir être toutefois inférieur à un jour franc. Le maire en rend compte dès l'ouverture de la séance au conseil municipal qui se prononce sur l'urgence et peut décider le renvoi de la discussion, pour tout ou partie, à l'ordre du jour d'une séance ultérieure.» ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que le conseil municipal de Ganges, saisi pour avis par le préfet de l'Hérault, a donné le 23 février 1996 un avis favorable à la mise en compatibilité de son plan d'occupation des sols ; que toutefois, la convocation à la séance au cours de laquelle cette délibération a été adoptée n'a été adressée aux membres du conseil que le 20 février 1996, soit moins de trois jours francs avant la réunion, en violation des dispositions précitées de l'article L.2121-11 du code général des collectivités territoriales ; que l'arrêté du préfet de l'Hérault portant déclaration d'utilité publique et mise en compatibilité du plan d'occupation des sols a donc été pris à l'issue d'une procédure irrégulière ; que l'association requérante est par suite fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Montpellier a refusé de faire droit à ses conclusions tendant à l'annulation de cet arrêté ;

En ce qui concerne l'autorisation délivrée au titre de la loi sur l'eau :

Considérant qu'à l'appui de ses conclusions dirigées contre l'arrêté préfectoral du 9 avril 1996, la société de protection de la nature Languedoc Roussillon se borne à affirmer que les moyens de légalité externe concernant la déclaration d'utilité publique s'appliquent à l'arrêté préfectoral d'autorisation au titre de la loi sur l'eau compte tenu du caractère conjoint de l'enquête, et que certaines des mesures prévues ne le sont que pour prévenir les dangers et pollutions chroniques résultant de l'existence de la carrière voisine ;

Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article 2 du décret n° 93-742 du 29 mars 1993 pris pour l'application de la loi sur l'eau : «Toute personne souhaitant réaliser une installation, un ouvrage, des travaux ou une activité soumise à autorisation adresse une demande au préfet du département ou des départements où ils doivent être réalisés ; cette demande, remise en sept exemplaires, comprend :1° Le nom et l'adresse du demandeur ; 2° L'emplacement sur lequel l'installation, l'ouvrage, les travaux ou l'activité doivent être réalisés; 3° La nature, la consistance, le volume et l'objet de l'ouvrage, de l'installation, des travaux ou de l'activité envisagés, ainsi que la ou les rubriques de la nomenclature dans lesquelles ils doivent être rangés ; 4° Un document indiquant, compte tenu des variations saisonnières et climatiques, les incidences de l'opération sur la ressource en eau, le milieu aquatique, l'écoulement, le niveau et la qualité des eaux, y compris de ruissellement, ainsi que sur chacun des éléments mentionnés à l'article 2 de la loi du 3 janvier 1992 susvisée, en fonction des procédés mis en oeuvre, des modalités d'exécution des travaux ou de l'activité, du fonctionnement des ouvrages ou installations, de la nature, de l'origine et du volume des eaux utilisées ou concernées. Ce document précise, s'il y a lieu, les mesures compensatoires ou correctives envisagées et la compatibilité du projet avec le schéma directeur ou le schéma d'aménagement et de gestion des eaux et avec les objectifs de qualité des eaux prévus par le décret du 19 décembre 1991 susvisé. Si ces informations sont données dans une étude d'impact ou une notice d'impact, celle-ci remplace le document exigé à l'alinéa précédent ; 5° Les moyens de surveillance prévus et, si l'opération présente un danger, les moyens d'intervention en cas d'incident ou d'accident ; 6° Les éléments graphiques, plans ou cartes utiles à la compréhension des pièces du dossier, notamment de celles mentionnées aux 3° et 4°. Les études et documents prévus au présent article porteront sur l'ensemble des installations ou équipements exploités ou projetés par le demandeur qui, par leur proximité ou leur connexité avec l'installation soumise à autorisation, sont de nature à participer aux incidences sur les eaux ou le milieu aquatique» ;

Considérant qu'il ressort des pièces versées au dossier, et notamment du rapport du commissaire enquêteur, que le dossier d'enquête mis à disposition du public contenait, s'agissant de l'enquête préalable à l'autorisation au titre de la loi sur l'eau, une étude hydraulique, des pièces administratives, un document d'incidence, une description des moyens de surveillance et d'intervention, comprenant tous les points mentionnés aux dispositions précitées ; qu'il n'est pas établi que la modélisation des écoulements actuels ou futurs figurant aux pages 10 et suivantes de l'étude hydraulique ait omis de prendre en compte l'existence d'un torrent passant sous la chaussée dans le virage de la carrière lors des épisodes pluvieux importants ; que par suite, le moyen tiré d'une telle omission, doit être rejeté ;

Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article 4 du même décret du 29 mars 1993 : « Le dossier de demande d'autorisation est, dès qu'il est jugé régulier et complet, soumis à enquête publique. Celle-ci est effectuée selon le cas, dans les conditions prévues par les articles soit R. 11-4 à R. 11-14, soit R. 11-14-1 à R. 11-14-15 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique. L'arrêté préfectoral ou interpréfectoral pris en application de l'article R. 11-4 ou R. 11-14-5 désigne les communes où un dossier et un registre d'enquête doivent être tenus à la disposition du public ; celles-ci sont les communes sur le territoire desquelles l'opération est projetée ainsi que les autres communes où l'opération paraît de nature à faire sentir ses effets de façon notable sur la vie aquatique, notamment des espèces migratrices, ou sur la qualité, le régime, le niveau ou le mode d'écoulement des eaux. » ;

Considérant qu'il résulte de l'étude hydraulique figurant au dossier que l'aménagement projeté n'avait pas d'incidence significative sur l'écoulement des eaux ; qu'en décidant, conformément à l'article R.11-7 du code de l'expropriation, d'ouvrir l'enquête en seule mairie de Ganges sur le territoire de laquelle les travaux étaient prévus, le préfet n'a pas méconnu l'article 4 précité ; que si l'association requérante se prévaut des mentions selon lesquelles le commissaire enquêteur aurait indiqué qu'il aurait été judicieux que l'enquête se déroulât également dans trois communes du Gard situées sur la rive opposée de l'Hérault, il ressort des pièces du dossier, d'une part que cette mention, qui constituait une réponse à une observation formulée par plusieurs associations dans le cadre de l'enquête préalable à la déclaration d'utilité publique, se poursuivait par l'indication selon laquelle « cette lacune a été compensée par le fait que ces trois communes ont été averties du déroulement de l'enquête et toutes les personnes intéressées par celle-ci sont venues consigner leurs observations sur le registre d'enquête » ; que le même rapport ajoute que le commissaire enquêteur s'est déplacé sur le terrain à la demande de résidents de ces communes pour se rendre compte des conséquences du projet dans le Gard ; que dans ces conditions, la société de protection de la nature du Languedoc Roussillon n'est pas fondée à soutenir que le périmètre de l'enquête n'était pas adapté ;

Considérant, en troisième lieu, que le moyen tiré de ce que le projet d'aménagement routier aurait été fractionné en vue d'éviter l'élaboration d'une étude d'impact, que l'association requérante soulève sans indiquer s'il se rapporte à l'acte déclaratif d'utilité publique ou à l'autorisation délivrée au titre de la loi sur l'eau, est, en tout état de cause, non fondé puisque le dossier de l'enquête conjointe aux deux procédures comprenait une étude d'impact conforme aux prescriptions de la loi du 10 juillet 1976 relative à la protection de la nature et de son décret d'application du 12 octobre 1977 ;

Considérant, en quatrième lieu, que les moyens tirés de l'absence de levée des réserves émises par le commissaire enquêteur et du caractère défavorable de l'avis en découlant, lequel entraînerait une prétendue incompétence du préfet de l'Hérault, sont propres à l'acte déclaratif d'utilité publique et ne peuvent donc être utilement invoqués à l'appui de conclusions dirigées contre l'autorisation délivrée au titre de la loi sur l'eau ;

Considérant, enfin, que le détournement de pouvoir allégué, et qui résulterait, selon la requérante, de ce que le projet viserait exclusivement à prévenir la pollution venant de la carrière voisine, n'est pas établi ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la société de protection de la nature du Languedoc Roussillon n'est pas fondée à demander l'annulation de l'arrêté du 9 avril 1996 portant autorisation au titre de la loi sur l'eau ; qu'elle est seulement fondée à demander l'annulation de l'arrêté portant déclaration d'utilité publique et mise en compatibilité du plan d'occupation des sols de la commune de Ganges ,

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la Société de protection de la nature du Languedoc Roussillon n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif a rejeté sa demande en tant qu'elle tendait à l'annulation de l'arrêté du 9 avril 1996 portant autorisation au titre de la loi sur l'eau ;

Sur l'application de l'article L.761-1 du code de justice administrative :

Considérant que les dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative s'opposent à ce que l'association requérante, qui n'est pas dans la présente instance, la partie perdante, rembourse l'Etat les frais exposés par lui et non compris dans les dépens ; qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de condamner l'Etat à verser à la société de protection de la nature du Languedoc Roussillon la somme qu'elle demande en application des mêmes dispositions ;

DÉCIDE :

Article 1er : L'arrêté du préfet de l'Hérault du 1er avril 1996 et déclarant d'utilité publique les travaux d'aménagement de la route départementale 999 entre le P.R. 8.840 et le P.R. 11.150 et mettant en compatibilité le plan d'occupation des sols de la commune de Ganges est annulé.

Article 2 : Le jugement du tribunal administratif de Montpellier est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt

Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de la société de protection de la nature du Languedoc Roussillon est rejeté.

Article 4 : les conclusions de l'Etat tendant à la condamnation de la société de protection de la nature du Languedoc Roussillon en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la société de protection de la nature du Languedoc Roussillon, au ministre de l'écologie et du développement durable et au ministre de l'intérieur et de l'aménagement du territoire.

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N° 03MA1868


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 6ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 03MA01868
Date de la décision : 05/02/2007
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. GUERRIVE
Rapporteur ?: Mme Sylvie FAVIER
Rapporteur public ?: Melle JOSSET
Avocat(s) : SCP DOMBRE

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2007-02-05;03ma01868 ?
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