Vu l'arrêt en date du 3 mai 2005 de la Cour administrative d'appel de Marseille, par lequel il a été sursis à statuer sur la requête n° 03MA01249, présentée par la SOCIETE DU CREDIT DU NORD tendant à l'annulation du jugement n° 0002712 0004424 en date du 7 avril 2003 du Tribunal administratif de Nice en tant d'une part, qu'il a annulé la décision du 20 avril 2000 du ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité annulant, pour incompétence de son auteur, la décision de l'inspecteur du travail du 21 octobre 1999 autorisant la mise à la retraite de M. X, salarié protégé, et d'autre part, qu'il a annulé cette décision de l'inspecteur du travail, jusqu'à ce que l'autorité judiciaire compétente se soit prononcée sur la question de savoir si les accords de prorogation des mandats des membres des comités d'établissements et des délégués des personnels des 17 septembre 1998, 25 mars 1999, 23 avril 1999 et 5 mai 1999 sont valides et si, par suite, M. X était toujours bénéficiaire, à la date du 21 octobre 1999, du régime de protection légale accordée aux salariés protégés attaché à son statut de délégué du personnel et de membre du comité d'entreprise en vertu des dispositions du code du travail ;
Vu le jugement n° 05009036 du 16 mai 2006 rendu par le Tribunal de Grande Instance de Paris sur la question préjudicielle posée par l'arrêt susvisé de la Cour administrative d'appel de Marseille ;
Vu la note en délibéré enregistrée le 27 décembre 2006 présentée par la SCP Lafarge Associés ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code du travail ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 19 décembre 2006 ;
- le rapport de Mme Fernandez, rapporteur ;
- les observations de Me Sigaud-Gillot, substituant Me Sicard de la SCP Lafarge Flecheux Campanna Le Blevennec pour la Société Crédit du Nord ;
- les observations de M. X ;
- et les conclusions de M. Bonnet, commissaire du gouvernement ;
Sur le bien fondé du jugement :
En ce qui concerne la décision en date du 20 avril 2000 du ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité :
Considérant qu'en vertu des dispositions du code du travail, les salariés légalement investis des fonctions représentatives, notamment de délégué du personnel, et les anciens délégués du personnels pendant les six mois qui suivent l'expiration de leur mandat, bénéficient, dans l'intérêt de l'ensemble des travailleurs qu'ils représentent, d'une protection exceptionnelle ; que leur licenciement ne peut intervenir que sur autorisation de l'inspecteur du travail dont dépend leur établissement ou le cas échéant, du ministre saisi d'un recours hiérarchique en application des articles L.425-3, L.425-1 et R.436-1 du code du travail ; qu'aux termes de l'article L.426-1 du même code, les dispositions de l'article L.425-1 ne font pas obstacle aux clauses plus favorables résultant de conventions ou d'accords collectifs et relatives à la désignation et aux attributions des délégués du personnel ; qu'il résulte des dispositions combinées des articles L.425-1 et L.426-1 du code du travail que cette protection s'étend respectivement aux délégués du personnel dont les mandats ont été prorogés par des conventions ou accords valablement conclus et aux anciens salariés ayant exercé ces fonctions représentatives pendant les six mois qui suivent l'expiration de leur mandat prorogé valablement ;
Considérant que le ministre saisi sur recours hiérarchique contre la décision de l'inspecteur du travail relative à une demande de licenciement d'un salarié investi de fonctions représentatives est tenu d'examiner sa propre compétence comme celle de l'inspecteur du travail à connaître de cette demande ; que, pour ce faire, il doit notamment se prononcer sur la qualité de salarié investi de fonctions représentatives du salarié intéressé et, dans ce cadre, il doit, comme l'inspecteur du travail, si besoin est, statuer sur la validité d'accords collectifs ayant prorogé les mandats des salariés protégés ; que, par suite, le Tribunal administratif de Nice en estimant, pour annuler la décision en date du 20 avril 2000 par laquelle le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité, censurant pour incompétence de son auteur, la décision de l'inspecteur du travail ayant autorisé le licenciement de M. X, que l'autorité administrative du travail n'avait pas ce pouvoir, a commis une erreur de droit ;
Considérant toutefois qu'il résulte du jugement susvisé du 16 mai 2006 du Tribunal de Grande Instance de Paris, que le mandat de M. X en qualité de délégué du personnel de la SOCIETE DU CREDIT DU NORD a été valablement prorogé d'octobre 1998 au 4 juin 1999 par quatre accords collectifs conclus au sein de la SOCIETE DU CREDIT DU NORD le 17 septembre 1998, du 25 mars 1999, 23 avril 1999 et du 5 mai 1999 ; que, par suite, le 21 octobre 1999, soit moins de six mois après l'expiration de son mandat, il relevait encore de la protection exceptionnelle instituée par l'article L.425-1 du code du travail ; que, dès lors, le motif de la décision en date du 20 avril 2000 du ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité, tiré de l'incompétence de son auteur à connaître de la situation du salarié concerné dès lors que celui-ci n'aurait pas été un salarié investi de fonctions représentatives, annulant la décision de l'inspecteur du travail en date du 21 octobre 1999 autorisant la SOCIETE DU CREDIT DU NORD à mettre à la retraite M. X, est entachée d'illégalité ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la SOCIETE DU CREDIT DU NORD n'est pas fondée à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Nice a annulé la décision susmentionnée en date du 20 avril 2000 du ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité ;
En ce qui concerne la décision en date du 21 octobre 1999 de l'inspecteur du travail :
Considérant qu'aux termes de l'article L.122-14-13 du code du travail, dans sa rédaction applicable à l'espèce : « La mise à la retraite s'entend par la possibilité donnée à l'entreprise de rompre le contrat de travail d'un salarié qui peut bénéficier d'une pension de vieillesse à taux plein, au sens du chapitre Ier du titre V du livre III du code de la sécurité sociale, et qui remplit les conditions d'ouverture à la pension de vieillesse, où, si elles existent, les conditions d'âge prévues par la convention ou l'accord collectif, ou le contrat de travail. Si les conditions de la mise à la retraite ne sont pas remplies, la rupture du contrat de travail par l'employeur constitue un licenciement. » ; que, toutefois, la protection exceptionnelle et exorbitante du droit commun instituée par le législateur au profit des salariés investis de fonctions représentatives interdit à l'employeur de poursuivre par d'autres moyens la rupture du contrat de travail ; qu'il en est ainsi lorsque le salarié, investi de fonctions représentatives, est mis à la retraite d'office, même si les conditions posées par l'article L.122-14-13 du code du travail sont remplies ; que, par suite, la SOCIETE DU CREDIT DU NORD ne pouvait mettre à la retraite d'office M. X qu'après que l'ensemble des garanties prévues pour le licenciement d'un salarié investi de fonctions représentatives ont été respectées ;
Considérant qu'aux termes de l'article L.122-14 du code du travail : « L'employeur, ou son représentant, qui envisage de licencier un salarié doit, avant toute décision, convoquer l'intéressé par lettre recommandée ou lettre remise en main propre contre décharge en lui indiquant l'objet de la convocation. (…) Au cours de l'entretien, l'employeur est tenu d'indiquer le ou les motifs de la décision envisagée et de recueillir les explications du salarié … » ; qu'aux termes de l'article R.436-1 du même code : « L'entretien prévu à l'article L.122-14 précède la consultation du comité d'entreprise effectuée en application soit de l'article L.425-1, soit de l'article L.436-1, ou, à défaut de comité d'entreprise, la présentation à l'inspecteur du travail de la demande d'autorisation de licenciement. » ; que, si, par principe, les conditions dans lesquelles la législation protectrice commune à l'ensemble des salariés a pu, dans le cadre des rapports de droit privé qui unissent l'employeur au salarié, être appliquée à un salarié investi de fonctions représentatives n'affecte pas la régularité de la décision prise par l'inspecteur du travail ou, le cas échéant, le ministre saisi sur recours hiérarchique, sur une demande d'autorisation de licenciement d'un tel salarié protégé, il en va différemment lorsque la disposition protectrice commune à l'ensemble des salariés est également, en vertu d'une disposition législative ou réglementaire, une obligation mise à la charge de l'employeur dans le cadre de la procédure de licenciement d'un tel salarié ; qu'il en est ainsi, en vertu des dispositions de l'article R.436-1 précité du code du travail, pour la tenue de l'entretien préalable au licenciement prévu par l'article L.122-4 du même code ; qu'en l'espèce, il est constant que la demande d'autorisation de licenciement de M. X pour mise à la retraite d'office n'a pas été précédée de ce entretien préalable ; que, par suite, l'inspecteur du travail ne pouvait légalement autoriser la SOCIETE DU CREDIT DU NORD à licencier M. X ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la SOCIETE DU CREDIT DU NORD n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Nice a annulé la décision susmentionnée en date du 21 octobre 1999 de l'inspecteur du travail ;
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L.761-1 du code de justice administrative :
Considérant que les dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que la partie perdante puisse obtenir, à la charge de son adversaire, le remboursement des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ; que les conclusions présentées à ce titre par la SOCIETE DU CREDIT DU NORD doivent, dès lors, être rejetées ;
Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de condamner la SOCIETE DU CREDIT DU NORD à payer à M. X la somme de 1 500 euros au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;
DECIDE :
Article 1er : La requête de la SOCIETE DU CREDIT DU NORD est rejetée.
Article 2 : La SOCIETE DU CREDIT DU NORD versera à M. X la somme de 1 500 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la SOCIETE DU CREDIT DU NORD, à M. X et au ministre de l'emploi, de la cohésion sociale et du logement.
N° 03MA01249 2