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11/01/2007 | FRANCE | N°03MA00320

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 1ère chambre - formation à 3, 11 janvier 2007, 03MA00320


Vu la requête, enregistrée le 18 février 2003, présentée par Me Michel Gougot, avocat au sein de la SCI Troegeler, Gougot, Bredeau, Troegeler pour la société civile immobilière LE RUBAN, dont le siège se trouve 1 place du marché à Monteux (84170), représentée par son gérant en exercice et la société anonyme MEFFRE, dont le siège est place du marché à Monteux (84170) représentée par son président en exercice ; la SOCIETE LE RUBAN et la SA MEFFRE demandent à la Cour :

1°/ d'annuler le jugement n° 981845 du 12 décembre 2002 en tant que, par ce jugement, le Tribuna

l administratif de Marseille a, d'une part, rejeté la demande d'indemnisation p...

Vu la requête, enregistrée le 18 février 2003, présentée par Me Michel Gougot, avocat au sein de la SCI Troegeler, Gougot, Bredeau, Troegeler pour la société civile immobilière LE RUBAN, dont le siège se trouve 1 place du marché à Monteux (84170), représentée par son gérant en exercice et la société anonyme MEFFRE, dont le siège est place du marché à Monteux (84170) représentée par son président en exercice ; la SOCIETE LE RUBAN et la SA MEFFRE demandent à la Cour :

1°/ d'annuler le jugement n° 981845 du 12 décembre 2002 en tant que, par ce jugement, le Tribunal administratif de Marseille a, d'une part, rejeté la demande d'indemnisation présentée par la SA MEFFRE en réparation du préjudice à elle causé par l'Etat, et, d'autre part, a limité à la somme de 22.038,36 euros l'indemnisation accordée à la SOCIETE LE RUBAN ;

2°/ de condamner l'Etat au paiement, à la SA MEFFRE de la somme de 168.248,22 euros, et à la SOCIETE LE RUBAN de la somme de 70.535,66 euros, lesdites sommes devant être majorées des intérêts de droit à compter du 5 septembre 1997, eux-mêmes capitalisés à compter du 2 août 1999 ;

3°/ de condamner l'Etat au paiement de la somme de 3.000 euros en application de l'article L.761-1 du code de justice administrative ;

Elles rappellent que la SCI LE RUBAN a obtenu le 16 juin 1988 un permis de construire un hangar d'expédition de fruits et légumes, lequel devait être donné en location à la SA MEFFRE ; que par un arrêté en date du 3 avril 1989, le maire de Monteux a, au nom de l'Etat, retiré ledit permis ; qu'à la suite du dépôt d'une nouvelle demande de permis de construire par la SCI LE RUBAN, le préfet de Vaucluse a refusé le permis sollicité, par un arrêté du 16 octobre 1989 ; que ce refus ayant été annulé par un jugement devenu définitif du tribunal en date du 18 octobre 1990, le préfet a délivré le permis sollicité le 25 janvier 1991 ; qu'elles ont demandé la condamnation de l'Etat à réparer les préjudices que ces décisions leur avaient causés ;

……………………………………………………

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de l'urbanisme ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 21 décembre 2006 :

- le rapport de Mme Busidan, rapporteur,

- les observations de Me Monchaucou de la SCP Troegeler-Gougot-Bredeau pour la SCI LE RUBAN et la SA MEFFRE,

- et les conclusions de M. Cherrier, commissaire du gouvernement ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que la SCI LE RUBAN a, par arrêté du 16 juin 1988, été autorisée à construire un hangar d'expédition de fruits et légumes, dont la location à la SA MEFFRE, convenue par bail signé le 9 décembre 1988, devait prendre effet à compter du 1er septembre 1989 ; que cependant, ce permis de construire, dont l'illégalité n'est pas contestée par les requérantes, a été retiré par un arrêté du 3 avril 1989 pris par le maire de Monteux agissant au nom de l'Etat ; que, par arrêté du 16 octobre 1989, le préfet de Vaucluse rejetait la deuxième demande de permis de construire déposée le 20 juillet 1989 par la SCI LE RUBAN ; qu'après l'annulation de ce refus de permis de construire par jugement du Tribunal administratif de Marseille en date du 18 octobre 1990, le préfet de Vaucluse délivrait le 25 janvier 1991 le permis de construire sollicité par la SCI LE RUBAN ; que, soutenant que les décisions prises par l'Etat leur avaient occasionné divers préjudices, la SCI LE RUBAN et la SA MEFFRE ont contesté la décision implicite par laquelle l'Etat leur refusait toute indemnisation ; que, par jugement en date du 12 décembre 2002, le Tribunal administratif de Marseille a rejeté la demande de la SA MEFFRE tendant à obtenir la condamnation de l'Etat à lui payer la somme de 168.248,22 euros (soit 1.103.636,02 francs), et a limité l'indemnisation réclamée par la SCI LE RUBAN à la somme de 22.038,36 euros ; que la SA MEFFRE et la SCI LE RUBAN relèvent appel de ce jugement ;

Sur les conclusions tendant à l'annulation du jugement attaqué :

Sur les demandes présentées par la SA MEFFRE :

Considérant que la SA MEFFRE fait d'abord valoir que les décisions prises par l'Etat lui auraient causé un préjudice matériel tenant au surcoût engendré par le retard avec lequel elle a pu équiper le hangar construit par la SCI LE RUBAN ;

Considérant en premier lieu que le préjudice allégué ne peut cependant être directement rattaché à l'octroi du permis de construire illégalement accordé le 16 juin 1988, dès lors que le bail ne devait prendre effet que le 1er septembre 1989 et que le permis a été retiré le 3 avril 1989 ;

Considérant en second lieu que ce préjudice ne peut pas non plus être directement rattachable au refus illégal de permis de construire auquel a été confronté du 16 octobre 1989 au 25 janvier 1991 la société bailleresse de la SA MEFFRE ; qu'en effet, il ressort des pièces du dossier que le retrait du permis de construire illégal a pu être opéré le 3 avril 1989 en raison de l'accomplissement tardif des mesures de publicité dudit permis sur le terrain ; que, par suite, la conclusion du bail entre la SA MEFFRE et la SCI LE RUBAN, qui ne comprend par ailleurs aucune stipulation relative à un éventuel retard ou abandon dans la construction du hangar, révèle une certaine imprudence de la part des deux co-contractantes ; que, dans ces conditions, le surcoût en cause ne peut résulter, comme l'ont à juste titre estimé les premiers juges, que des stipulations du bail sus-évoqué, qui rompt le lien de causalité entre le préjudice allégué par la SA MEFFRE et le refus illégal du permis de construire ; que, par suite, les conclusions de la SA MEFFRE tendant à l'indemnisation du chef de préjudice précité doivent être rejetées ;

Considérant, au surplus, qu'il ressort des pièces du dossier, et notamment du rapport de l'expert commis par les requérantes elles-mêmes, que le prix de vente hors taxes du kilogramme de fruits et légumes commercialisés par la SA MEFFRE est passé de 10,90 francs pour la période 1989/90 à 12,22 francs pour 1991 ; qu'ainsi, la SA MEFFRE ne justifie pas suffisamment que le surcoût de construction auquel elle a été exposé n'aurait pas été compensé par la hausse des tarifs qu'elle a pratiqués ; que, par suite, la réalité du dommage n'étant pas établie, les conclusions tendant à l'indemnisation du chef de préjudice précité devraient en tout état de cause être rejetées ;

Considérant que la SA MEFFRE soutient ensuite avoir subi un préjudice économique du fait de la perte des clients nouveaux avec lesquels elle avait noué des relations commerciales durant les mois de mai à octobre 1989 ; que, cependant, il ressort des pièces du dossier que l'ensemble de ces liens commerciaux ont été établis durant une période allant du retrait le 3 avril 1989 du permis illégal au refus illégal le 16 octobre 1989 d'un permis de construire, pendant laquelle la requérante ne pouvait fonder son action sur aucun permis de construire légal en vigueur ; qu'ainsi, l'opération projetée n'étant pas légalement possible pendant ladite période, les bénéfices qui en étaient escomptés ne peuvent être indemnisés ; que, par conséquent, la responsabilité de l'Etat ne pouvant être engagée de ce chef de préjudice, les conclusions de la SA MEFFRE relatives à l'indemnisation dudit préjudice ne peuvent qu'être rejetées ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la SA MEFFRE n'est pas fondée à se plaindre de ce que le Tribunal administratif de Marseille a rejeté, par le jugement susvisé, ses demandes indemnitaires ;

Sur les demandes de la SCI LE RUBAN :

Considérant que la SCI LE RUBAN soutient d'abord que, pour l'indemnisation du préjudice résultant des surcoûts dus au fait que les travaux entrepris à la suite de la délivrance illégale de permis du 16 juin 1988 ont dû être interrompus au lendemain du retrait de ce permis et repris après l'octroi du permis du 25 janvier 1991, toute la période écoulée entre la délivrance du permis de construire illégal et la délivrance de celui du 25 janvier 1991 doit être prise en compte ; que cependant, et comme l'ont relevé à juste titre les premiers juges, il ne ressort pas des pièces du dossier que les dépenses engagées du 16 juin 1988 au 3 avril 1989 auraient été effectuées inutilement ; que le tribunal administratif a exclu, à juste titre, de la période d'indemnisation celle qui s'était écoulée du retrait du permis illégal (3 avril 1989) à la décision de refus illégale du préfet (16 octobre 1989) durant laquelle aucune illégalité fautive ne peut être reprochée à l'Etat ; que par suite, c'est à bon droit que le tribunal a fixé l'indemnisation du chef de préjudice sus-évoqué au regard de la seule période de quinze mois séparant le refus illégal de permis de construire de l'autorisation accordée le 25 janvier 1991 ; que, si, pour l'évaluation du surcoût en cause, la requérante, en se bornant à renvoyer au rapport d'expertise qu'elle avait fait établir, ne conteste pas utilement l'appréciation qui en a été faite par les premiers juges, le ministre fait valoir à juste titre que la méthode de calcul doit se fonder sur la seule période débutant après le refus illégal du permis de construire ; que, par suite, après minoration de la variation retenue du coût de la construction, il sera fait une juste appréciation du surcoût en le ramenant à la somme de 20.000 euros ;

Considérant qu'il ressort de la lecture du rapport d'expertise précité que la SCI LE RUBAN a entendu obtenir réparation du préjudice économique résultant d'une perte partielle de loyers entre le 1er septembre 1989 et le 28 février 1991, loyers grâce auxquels elle escomptait rembourser les échéances d'un emprunt qu'elle démontre, en appel, avoir souscrit en décembre 1998 pour financer la construction en litige ; que ce manque à gagner doit être regardé comme la conséquence directe du refus illégal de permis pour la seule période de quinze mois sus-évoquée ; que, par suite, la SCI LE RUBAN est fondée, au titre de la période sus-définie, à obtenir le versement d'une somme de 19.056, 13 euros (125.000 francs) en réparation de la perte de loyers directement imputable à la faute de l'Etat ; que, par contre, si elle soutient que la perte des loyers escomptés devrait être majorée d'un taux d'intérêt similaire à celui appliqué par l'organisme prêteur puisqu'ils étaient destinés au remboursement de l'emprunt contracté, le lien entre cette décision de gestion propre à l'entreprise et la faute de l'Etat n'est pas établi et la SCI LE RUBAN n'est donc pas fondée à obtenir le versement d'une quelconque somme de ce chef ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la SCI LE RUBAN est fondée à obtenir la réparation des préjudices résultant du comportement fautif de l'Etat à hauteur de 39.056,13 euros et à obtenir dans cette mesure la réformation du jugement susvisé ;

Sur les intérêts et la capitalisation des intérêts:

Considérant qu'il résulte de l'instruction que la SCI LE RUBAN a droit aux intérêts au taux légal sur la somme ci-dessus mentionnée à compter du 5 septembre 1997, date de réception de sa demande par l'administration ; qu'il y a également lieu de prescrire, en application des dispositions de l'article 1154 du code civil, et conformément à la demande de la requérante, que les intérêts échus au 2 août 1999 seront capitalisés à cette date pour produire eux-mêmes intérêts, ainsi qu'à chaque échéance annuelle à compter de cette date ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L.761-1 du code de justice administrative:

Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de mettre à la charge de l'Etat la somme que les sociétés requérantes demandent sur le fondement de l'article L.761-1 du code de justice administrative ;

DÉCIDE :

Article 1er : La somme de 22.038,36 euros (vingt-deux mille trente-huit euros trente-six centimes) que l'Etat a été condamné à verser à la SCI LE RUBAN par le jugement du Tribunal administratif de Marseille du 12 décembre 2002 est portée à 39.056,13 euros (trente-neuf mille cinquante-six euros treize centimes). Cette somme portera intérêt au taux légal à compter du 5 septembre 1997. Les intérêts échus à la date du 2 août 1999, puis à chaque échéance annuelle à compter de cette date, seront capitalisés à chacune de ces dates pour produire eux-mêmes intérêts.

Article 2 : Le jugement du Tribunal administratif de Marseille du 12 décembre 2002 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête présentée par la SA MEFFRE et la SCI LE RUBAN est rejeté.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la SA MEFFRE, à la SCI LE RUBAN et au ministre des transports, de l'équipement, du tourisme et de la mer.

N° 03MA00320

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 1ère chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 03MA00320
Date de la décision : 11/01/2007
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. ROUSTAN
Rapporteur ?: Mme Hélène BUSIDAN
Rapporteur public ?: M. CHERRIER
Avocat(s) : SCP TROEGELER GOUGOT BREDEAU-TROEGELER

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2007-01-11;03ma00320 ?
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