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07/12/2006 | FRANCE | N°06MA00981

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, Juge des reconduites, 07 décembre 2006, 06MA00981


Vu la requête, enregistrée le 3 avril 2006 au greffe de la Cour administrative d'appel de Marseille, présentée par le PREFET DES ALPES-MARITIMES qui demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 06-00609 du 13 février 2006 par lequel le magistrat délégué par le président du Tribunal administratif de Nice a annulé son arrêté du 9 février 2006 décidant la reconduite à la frontière de M. Bulent X, de nationalité turque ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. X devant le Tribunal administratif de Nice ;

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Vu le jugement attaqué ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la décision du président de la cour administra...

Vu la requête, enregistrée le 3 avril 2006 au greffe de la Cour administrative d'appel de Marseille, présentée par le PREFET DES ALPES-MARITIMES qui demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 06-00609 du 13 février 2006 par lequel le magistrat délégué par le président du Tribunal administratif de Nice a annulé son arrêté du 9 février 2006 décidant la reconduite à la frontière de M. Bulent X, de nationalité turque ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. X devant le Tribunal administratif de Nice ;

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Vu le jugement attaqué ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la décision du président de la cour administrative d'appel du 1er septembre 2006 donnant délégation à M. Daniel Gandreau, président, pour exercer les compétences prévues par l'article R.776-19 du code de justice administrative ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 modifiée ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 22 novembre 2006 :

- le rapport de M. Gandreau, président délégué,

- les observations de Me Lavie Koliousis, pour M. X,

- et les conclusions de Mme Paix, commissaire du gouvernement ;

Considérant qu'aux termes de l'article L.511-1-1° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans sa rédaction en vigueur à la date de l'arrêté attaqué : « L'autorité administrative compétente peut, par arrêté motivé, décider qu'un étranger sera reconduit à la frontière dans les cas suivants : 1° Si l'étranger ne peut justifier être entré régulièrement en France, à moins qu'il ne soit titulaire d'un titre de séjour en cours de validité ; »

Considérant que M. Bulent X, de nationalité turque, n'a pu justifier être entré régulièrement en France et n'était, à la date de la décision de reconduite à la frontière attaquée, titulaire d'aucun titre de séjour ; que, par suite, il entrait dans le cas prévu par les dispositions précitées où le préfet peut ordonner la reconduite à la frontière d'un étranger ;

Considérant que pour annuler l'arrêté ordonnant la reconduite à la frontière de M. X, le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Nice s'est fondé sur la violation des dispositions de l'article, 8 et accessoirement 3, de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Considérant qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; / 2° Il ne peut y avoir d'ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sécurité publique, au bien être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ;

Considérant que si M. X, qui est entré en France irrégulièrement en avril 1999 à l'âge de 19 ans, fait valoir qu'il est bien intégré dans la société française et que son oncle et ses deux cousins ont obtenu un titre de séjour en France, il ressort des pièces du dossier qu'il est célibataire sans enfant à charge et n'est pas dépourvu d'attaches familiales dans son pays d'origine, où résident ses parents ainsi que ses frères et soeur ; que compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce et eu égard aux effets d'une mesure de reconduite à la frontière, l'arrêté du 9 février 2006 n'a pas porté au droit de M. X au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels il a été pris ; que, par suite, il n'a pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Considérant qu'aux termes de l'article 3 de la même convention : Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ;

Considérant que si l'intéressé soutient qu'il risquerait sa vie en cas de retour en Turquie, en raison de son appartenance à la minorité kurde et de ses liens avec l'organisation PKK, le mandat d'arrêt en date du 15 septembre 1999 qu'il produit à l'appui de ses allégations, dont l'authenticité a été mise en doute par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, ne saurait suffire à lui seul pour attester de la réalité des menaces qu'il affirme encourir ; que, par ailleurs, les demandes d'admission au statut de réfugié de M. X ont été rejetées à deux reprises par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, puis par la commission des recours des réfugiés ; que, dès lors, le moyen tiré de ce que la décision fixant le pays de renvoi méconnaîtrait l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le PREFET DES ALPES ;MARITIMES est fondé à demander l'annulation du jugement du 13 février 2006 par lequel le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Nice a annulé son arrêté du 9 février 2006 décidant la reconduite à la frontière de M. X ;

Considérant, toutefois, qu'il appartient à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. X devant le Tribunal administratif de Nice ;

Considérant que si M. X allègue, sans l'établir, avoir déposé une demande de titre de séjour, cette circonstance est sans influence sur la légalité de l'arrêté susmentionné ; qu'il en va de même du fait que M. X, qui se dit bien intégré dans la société française, serait associé dans l'entreprise dont son cousin est propriétaire, et qu'en cas de régularisation de sa situation il exercerait l'activité d'entrepreneur en bâtiment ;

Considérant, enfin, que M. X ne saurait utilement soutenir que l'arrêté de reconduite à la frontière aurait été pris en méconnaissance de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, les litiges concernant les reconduites à la frontière n'entrant pas, en tout état de cause, dans le champ d'application de cet article ;

DECIDE :

Article 1er : Le jugement du magistrat délégué par le président du Tribunal administratif de Nice en date du 13 février 2006 est annulé.

Article 2 : La demande présentée par M. X devant le Tribunal administratif de Nice est rejetée.

N° 06MA00981 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : Juge des reconduites
Numéro d'arrêt : 06MA00981
Date de la décision : 07/12/2006
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Daniel GANDREAU
Rapporteur public ?: Mme PAIX
Avocat(s) : LAVIE KOLIOUSIS

Origine de la décision
Date de l'import : 04/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2006-12-07;06ma00981 ?
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