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20/11/2006 | FRANCE | N°03MA01963

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 6ème chambre - formation à 3, 20 novembre 2006, 03MA01963


Vu 1°) La requête, enregistrée le 22 septembre 2003, sous le n°03-1963 présentée pour le département de Corse du sud, dont le siège est Palais Lantivy à Ajaccio (20000), représenté par son président, par Me Mariaggi, avocat ; Le département de Corse du sud demande à la Cour :

- d'annuler le jugement n° 0200140 du 10 juillet 2003 par lequel Tribunal administratif de Bastia l'a déclaré entièrement responsable des conséquences dommageables de l'accident de la circulation dont a été victime M. X le 23 décembre 1999, a ordonné une expertise afin de déterminer le monta

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Vu 1°) La requête, enregistrée le 22 septembre 2003, sous le n°03-1963 présentée pour le département de Corse du sud, dont le siège est Palais Lantivy à Ajaccio (20000), représenté par son président, par Me Mariaggi, avocat ; Le département de Corse du sud demande à la Cour :

- d'annuler le jugement n° 0200140 du 10 juillet 2003 par lequel Tribunal administratif de Bastia l'a déclaré entièrement responsable des conséquences dommageables de l'accident de la circulation dont a été victime M. X le 23 décembre 1999, a ordonné une expertise afin de déterminer le montant du préjudice corporel, et l'a condamné à verser à M. X une provision de 1.500 € ;

- de rejeter la demande présentée par M. X devant le tribunal administratif de Bastia ;

- de condamner M. X à lui verser 1 200 € au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative ;

………..

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 6 novembre 2003, présenté pour M. Charles X, par Me Don-Georges PINTREL, avocat à Ajaccio, qui conclut au rejet de la requête et à la condamnation du département de Corse du sud à verser 1 250 € à M. X en application de l'article L.761-1 du code de justice administrative ;

……………

Vu les observations, enregistrées le 24 novembre 2003, présentées par La Poste, en réponse à la communication de la requête ; la Poste ne formule aucune observation quant à la responsabilité du département de la Corse du sud et sollicite, en tant qu'employeur et organisme de sécurité sociale de M. X, le remboursement des émoluments versés pendant la période d'incapacité totale de l'intéressé, soit 77 392,87 € et de la pension versée consécutivement à cette période, soit 21 059,87 € ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu 2°) La requête, enregistrée le 23 juillet 2004 sous le n° 04-1591, présentée pour le département de Corse du sud, dont le siège est Palais Lantivy à Ajaccio (20000), représenté par son président, par Me Mariaggi, avocat ; Le département de Corse du sud demande à la Cour :

- d'annuler le jugement n° 0200140 du 10 juin 2004 par lequel Tribunal administratif de Bastia l'a condamné à verser une indemnité de 25 000 € à M. X et de 98 452,74 € à la Poste, a mis à sa charge 380 € de frais d'expertise et une somme de 1 000 € à M. X en application de l'article L.761-1 du code de justice administrative ;

- de rejeter la demande présentée par M. X devant le Tribunal administratif de Bastia ;

- subsidiairement, de réformer le jugement en réduisant l'indemnité versée à M. X à 4 000 €, correspondant au préjudice personnel non soumis à recours ;

- de condamner M. X et la Poste à verser chacun 1 500 € en application de l'article L.761-1 du code de justice administrative ;

…………..

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 15 septembre 2004, présenté pour M. X par Me Don-Georges Pintrel, avocat ; il conclut au rejet de la requête, et, par la voie du recours incident à ce que son préjudice soit réparé à hauteur de 28 800 € au titre de son IPP et de 20 000 € au titre des souffrances endurées, outre la condamnation du département à lui verser 1 500 € en application de l'article L.761-1 du code de justice administrative ;

Vu les observations, enregistrées le 2 novembre 2004, présentées par la Poste, en réponse à la communication de la requête ; La Poste demande le rejet de la requête d'appel et, par la voie du recours incident, sollicite, en tant qu'employeur et organisme de sécurité sociale, le remboursement des arrérages échus du 1er avril 2002 au 5 octobre 2004, soit 29 483,80 € au titre de la pension et 23 165,85 € au titre de la rente viagère d'invalidité, et des arrérages de pension à échoir du 5 octobre 2004 au 3 janvier 2006, soit 14 022,73 €, ainsi qu'une somme de 120 916,47 € correspondant au capital représentatif des arrérages à échoir pour la rente viagère d'invalidité ;

…………………

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la loi du 28 pluviôse an VIII ;

Vu la loi n° 90-568 du 2 juillet 1990 ;

Vu l'ordonnance 59-76 du 7 janvier 1959 ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 16 octobre 2006 :

- le rapport de Mme Favier,

- et les conclusions de Mlle Josset, commissaire du gouvernement ;

Considérant que M. X, agent fonctionnaire de la Poste, a été victime d'un accident de la route imputable au service le 23 décembre 1999 sur la route départementale n° 548 à Foce di Mela; que les deux requêtes présentées en appel par le département de Corse du sud à l'encontre des jugements du tribunal administratif de Bastia des 10 juillet 2003 et 10 juin 2004 le déclarant, d'une part, entièrement responsable de cet accident et le condamnant, d'autre part, à verser une indemnité de 25 000 € à M. X et de 98 452,74 € à la Poste, sont relatives aux conséquences dommageables du même accident ; qu'il y a lieu de les joindre pour statuer par un seul arrêt ;

Sur la recevabilité de la requête n° 03-1963

Considérant qu'aux termes de l'article R.811-6 du code de justice administrative : «Par dérogation aux dispositions du premier alinéa de l'article R. 811-2, le délai d'appel contre un jugement avant-dire-droit (…) court jusqu'à l'expiration du délai d'appel contre le jugement qui règle définitivement le fond du litige. » ; qu'en application de ces dispositions, la requête dirigée contre le jugement avant-dire droit du 10 juillet 2003 était recevable jusqu'à l'expiration du délai d'appel contre le jugement du 10 juin 2004 qui n'était donc pas expiré au 22 septembre 2003 ; que M. X n'est, dès lors, pas fondé à soutenir que la requête enregistrée le 22 septembre 2003 serait irrecevable ; que la fin de non-recevoir qu'il présente en ce sens doit donc être rejetée ;

Sur la responsabilité du département de Corse du sud

Considérant qu'il résulte de l'instruction que la plaque de verglas sur laquelle le véhicule de M. X a dérapé mesurait près de 20 mètres de long et 3 mètres de large, dans une courbe à gauche qui rendait impossible toute visibilité du danger qu'elle engendrait ; que le département de Corse du sud reconnaît qu'il n'avait pris aucune disposition pour prévenir les usagers du risque ou remédier à la situation ; que par suite, il n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif lui a imputé le défaut d'entretien de l'ouvrage et l'a reconnu entièrement responsable de l'accident dont M. X, dont il n'est pas établi qu'il ait conduit imprudemment, a été victime ;

Sur le préjudice indemnisable

Considérant qu'aux termes des articles 1er et 5 de l'ordonnance n°59-76 du 7 janvier 1959 relative aux actions en réparation civile de l'Etat et certaines autres personnes publiques, applicable à la Poste en vertu de l'article 43 de la loi n°90-568 du 2 juillet 1990 relative à l'organisation du service public de la Poste et des télécommunications : « Article 1er : I. - Lorsque le décès, l'infirmité ou la maladie d'un agent de l'Etat est imputable à un tiers, l'Etat dispose de plein droit contre ce tiers, par subrogation aux droits de la victime ou de ses ayants droit, d'une action en remboursement de toutes les prestations versées ou maintenues à la victime ou à ses ayants droit à la suite du décès, de l'infirmité ou de la maladie. II. - Cette action concerne notamment : le traitement ou la solde et les indemnités accessoires pendant la période d'interruption du service ; les frais médicaux et pharmaceutiques ; le capital-décès ; les arrérages des pensions et rentes viagères d'invalidité ainsi que les allocations et majorations accessoires ; les arrérages des pensions de retraite et de réversion prématurées, jusqu'à la date à laquelle la victime aurait pu normalement faire valoir ses droits à pension, ainsi que les allocations et majorations accessoires ; les arrérages des pensions d'orphelin.(…) » ; Article 5 : « Lorsque la responsabilité du dommage est partagée entre le tiers et la victime, l'Etat peut recourir contre le tiers pour la totalité des prestations auxquelles il est tenu, à la condition que leur montant n'excède pas celui de la réparation mise à la charge du tiers. Toutefois, ce recours ne peut s'exercer sur la part des dommages-intérêts correspondant à des préjudices qui, en raison de leur nature, ne se trouvent pas au moins partiellement couverts par les prestations visées à l'article 1er. » ;

Considérant que pour l'application de ces dispositions, il appartient au juge, avant de statuer sur les droits dont l'Etat ou les autres personnes publiques concernées se prévalent au titre de l'action subrogatoire organisée par cette ordonnance, d'évaluer, selon les règles du droit commun, le montant de l'indemnité à mettre à la charge du tiers, en distinguant la part, revenant exclusivement à la victime, destinée à réparer les préjudices personnels non couverts par les prestations des tiers payeurs, de la part correspondant à la réparation de l'atteinte à son intégrité physique, seule soumise au recours de ces derniers ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction que le tribunal administratif, pour calculer le montant de l'indemnité à mettre à la charge du département, a pris en compte les émoluments versés par la Poste à M. X avant sa mise à la retraite, puis la pension et la rente viagère d'invalidité qu'elle lui a versées jusqu'au 1er mars 2003, qu'il a additionnés aux préjudices directs qu'il reconnaissait à l'intéressé au titre des troubles dans les conditions d'existence et du préjudice résultant de ses souffrances physiques ; que ce calcul procède d'une inexacte application des dispositions de l'ordonnance n°59-76 précitées, qui visent, non pas à déterminer l'étendue du préjudice à mettre à la charge du tiers responsable, mais seulement à déterminer, au sein de cette indemnité, l'étendue des droits dont les tiers payeurs pourront se prévaloir au titre de leurs créances subrogatoires ; que le tribunal administratif n'a, en outre, pas recherché si le préjudice invoqué par M. X, qu'il a fixé à 15.000 € au titre des troubles dans les conditions d'existence et à 10 000 € au titre des souffrances physiques, comportait une part personnelle et une part sur laquelle le recours de la Poste pouvait s'exercer ; que le département de Corse du sud est, en conséquence, fondé à soutenir que le mode de calcul retenu conduirait à une double indemnisation de l'atteinte à l'intégrité physique subie par M. X ; que le jugement du tribunal administratif de Bastia du 10 juin 2004 doit donc être réformé en tant qu'il a statué sur l'étendue du préjudice indemnisable et celle des droits respectifs de la Poste et de M. X ;

En ce qui concerne l'étendue du préjudice indemnisable :

Considérant qu'en application des règles de droit commun relatives à l'indemnisation du préjudice corporel, l'indemnité à mettre à la charge du département de Corse du sud comprend les émoluments versés à M. X pendant sa période d'incapacité temporaire, les troubles dans ses conditions d'existence et le préjudice résultant de ses souffrances physiques ;

Considérant que les sommes que la Poste a été amenée à verser à titre d'émoluments à M. X, jusqu'à ce que la commission de réforme se prononce favorablement sur sa mise à la retraite pour invalidité, décision qui doit être regardée comme la date de consolidation des blessures, s'élèvent à 77 392,87 € ; qu'en fixant à la somme de 10 000 € le préjudice résultant des souffrances physiques endurées par l'intéressé, qualifié de moyen à assez important par l'expert nommé par les premiers juges, le tribunal administratif n'en a pas fait une évaluation exagérée ; qu'enfin, en évaluant à 15 000 € l'indemnité due à ce titre, le tribunal, qui n'a pas statué au-delà des conclusions de l'intéressé, a justement apprécié les troubles dans les conditions d'existence subis par la victime ; qu'il sera fait une juste évaluation, au sein de ces troubles, de la part non physiologique, correspondant notamment au préjudice d'agrément de M. X, en fixant cette part à 50% de la somme accordée par le tribunal administratif de Bastia ; que, par suite, la condamnation prononcée à l'encontre du département de Corse du sud doit être ramenée de 123 452,74 € à 102 392,87 € ;

En ce qui concerne les droits de la Poste :

Considérant qu'en application des dispositions précitées, la Poste peut prétendre au remboursement des traitements et accessoires du traitement qu'elle a acquittés pendant la période d'interruption du service, aux arrérages des pensions et rentes viagères d'invalidité et aux arrérages des pensions de retraite prématurée, jusqu'à la date à laquelle la victime aurait pu normalement faire valoir ses droits à pension, ainsi que les allocations et majorations accessoires ; que les sommes qu'elle a réclamés à ce titre en première instance, soit 98.392,87€ excèdent, compte tenu de la part personnelle de 17 500 € restant acquise à M. X sur laquelle son recours ne peut s'exercer, le montant total de l'indemnité totale de 102 392,87 €, susceptible d'être mise à la charge du département de Corse du sud ; qu'ainsi, l'indemnité que le département de Corse du sud doit être condamné à verser à la Poste doit être ramené à 84 892,87 € ;

En ce qui concerne les droits de M. X

Considérant que les droits de M. X doivent être limités à 17 500 €, correspondant au préjudice résultant de ses souffrances physiques et de la part non physiologique de ses troubles dans les conditions d'existence ; que l'indemnité mise à la charge du département à ce titre doit être ramenée de 25 000 à 17 500 € ;

Sur les recours incidents de M. X et de la Poste

Considérant qu'il résulte de ce qui a été dit ci-dessus que M. X et la Poste ont obtenu réparation de la totalité des préjudices pouvant être mis à la charge du département de Corse du sud ; que les conclusions incidentes qu'ils formulent en appel aux fins d'augmenter cette indemnisation ne peuvent, par suite, qu'être rejetées ;

Sur l'application de l'article L.761-1 du code de justice administrative

Considérant qu'aux termes de l'article L.761-1 du code de justice administrative : « Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation. » ; que ces dispositions font obstacle à ce que le département de Corse du sud, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, soit condamné à verser à M. X les sommes qu'il demande à ce titre ; qu'il n'y a toutefois pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de condamner M. X à indemniser le département de Corse du sud des frais qu'il a exposés pour faire appel ; que l'ensemble des conclusions présentées en application de cet article doit donc être rejeté ;

DÉCIDE :

Article 1er : L'indemnité que le département de Corse du sud est condamné à verser à M. X est ramenée à 17 500 €, déduction faite, le cas échéant, des sommes versées à titre de provision.

Article 2 :L'indemnité que le département de Corse du sud est condamné à verser à la Poste est ramenée à 84 892,87 €.

Article 3 : Le jugement du Tribunal administratif de Bastia du 10 juin 2004 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 4 : Le surplus des conclusions des deux requêtes susvisées du département de Corse du sud est rejeté ;

Article 5 : Les conclusions aux fins de recours incident de M. X et de la Poste sont rejetées.

Article 6 : L'ensemble des conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative est rejeté.

Article 7 : Le présent arrêt sera notifié au département de Corse du sud, à M. Charles X et à la Poste et au ministre des transports, de l'équipement, du tourisme et de la mer.

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N° 03MA1963, 04MA1591


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 6ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 03MA01963
Date de la décision : 20/11/2006
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. GUERRIVE
Rapporteur ?: Mme Sylvie FAVIER
Rapporteur public ?: Melle JOSSET
Avocat(s) : MARIAGGI

Origine de la décision
Date de l'import : 04/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2006-11-20;03ma01963 ?
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