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09/11/2006 | FRANCE | N°04MA00870

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 1ère chambre - formation à 3, 09 novembre 2006, 04MA00870


Vu, 1°/, sous le n° 04MA00870, la requête, enregistrée le 22 avril 2004, présentée pour M. Christophe X, élisant domicile ..., par Me Mairin, avocat ;

M. X demande à la Cour :

1°/ d'annuler le jugement n° 03-64 en date du 19 février 2004 par lequel le Tribunal administratif de Marseille a annulé, sur déféré du préfet des Bouches-du-Rhône, l'arrêté en date du 6 novembre 2002 par lequel le maire de la COMMUNE DE TARASCON lui a délivré un permis de construire pour l'édification d'un bâtiment à usage d'habitation ;

2°/ de condamner le préfet des Bou

ches-du-Rhône à lui verser une somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L.761-1 d...

Vu, 1°/, sous le n° 04MA00870, la requête, enregistrée le 22 avril 2004, présentée pour M. Christophe X, élisant domicile ..., par Me Mairin, avocat ;

M. X demande à la Cour :

1°/ d'annuler le jugement n° 03-64 en date du 19 février 2004 par lequel le Tribunal administratif de Marseille a annulé, sur déféré du préfet des Bouches-du-Rhône, l'arrêté en date du 6 novembre 2002 par lequel le maire de la COMMUNE DE TARASCON lui a délivré un permis de construire pour l'édification d'un bâtiment à usage d'habitation ;

2°/ de condamner le préfet des Bouches-du-Rhône à lui verser une somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L.761-1 du code de justice administrative ;

Vu, 2°/, sous le n° 04MA0891, la requête, enregistrée le 26 avril 2004, présentée pour la COMMUNE DE TARASCON, représentée par son maire en exercice à ce dûment autorisée par une délibération du conseil municipal du 11 juin 2002, par Me Clauzade, avocat ;

La COMMUNE DE TARASCON demande à la Cour :

1°/ d'annuler le jugement n° 03-64 en date du 19 février 2004 par lequel le Tribunal administratif de Marseille a annulé, sur déféré du préfet des Bouches-du-Rhône, l'arrêté en date du 6 novembre 2002 par lequel le maire de la COMMUNE DE TARASCON a délivré à M. X un permis de construire pour l'édification d'un bâtiment à usage d'habitation ;

2°/ de rejeter le déféré de première instance ;

3 / de condamner l'Etat à lui verser une somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L.761-1 du code de justice administrative ;

……………………………………………………………………………………………………...

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de l'urbanisme ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 19 octobre 2006,

- le rapport de Mme Buccafurri, rapporteur ;

- les observations de Me Clauzade pour la COMMUNE DE TARASCON et

- les observations de M. Bellebouche pour le préfet des Bouches-du-Rhône :

- et les conclusions de M. Cherrier, commissaire du gouvernement ;

Considérant que M. X et la COMMUNE DE TARASCON relèvent appel du jugement susvisé en date du 19 février 2004 par lequel le Tribunal administratif de Marseille a annulé, sur déféré du préfet des Bouches-du-Rhône, l'arrêté en date du 6 novembre 2002 par lequel le maire de la COMMUNE DE TARASCON a délivré un permis de construire à M. X pour l'édification d'une maison d'habitation sur un terrain, situé 10 Lotissement des Jardins de Juliette, avenue de Château Gaillard, sis sur le territoire de la commune ;

Sur la jonction des requêtes :

Considérant que les requêtes susvisées, enregistrées sous les n° 04MA00870 et 04MA00891, sont dirigées contre un même jugement et présentent à juger des questions semblables ; qu'il y a lieu de les joindre pour y statuer par un même arrêt ;

Sur la régularité du jugement :

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que la COMMUNE DE TARASCON avait invoqué, devant les premiers juges, une fin de non-recevoir tirée de ce que le déféré préfectoral était insuffisamment motivé au regard des prescriptions fixées par les dispositions de l'article R.411-1 du code de justice administrative ; qu'il ressort de l'examen du jugement attaqué que les premiers juges ont omis de statuer sur cette fin de non recevoir alors qu'ils ont fait droit au déféré du préfet ; que, par suite, la COMMUNE DE TARASCON est fondée à soutenir que le jugement attaqué est entaché d'irrégularité et, sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres moyens relatifs à la régularité du jugement attaqué, à demander son annulation ;

Considérant qu'il y a lieu pour la Cour d'évoquer et de statuer immédiatement sur le déféré présenté par le préfet des Bouches-du-Rhône devant le Tribunal administratif de Marseille ;

Sur la légalité du permis de construire du 6 novembre 2002 :

Considérant qu'aux termes de l'article R.111-2 du code de l'urbanisme : «Le permis de construire peut être refusé ou n'être accordé que sous réserve de l'observation de prescriptions spéciales si les constructions, par leur situation ou leurs dimensions, sont de nature à porter atteinte à la salubrité ou à la sécurité publique. Il en est de même si les constructions projetées, par leur implantation à proximité d'autres installations, leurs caractéristiques ou leur situation, sont de nature à porter atteinte à la salubrité ou à la sécurité publique» ;

Considérant que, par l'arrêté contesté en date du 6 novembre 2002, le maire de la COMMUNE DE TARASCON a délivré à M. X un permis de construire en vue de l'édification d'une maison à usage d'habitation sur un terrain situé avenue de Château Gaillard ; que l'article 2 dudit arrêté précisait que «Toutes les eaux de ruissellement des parties imperméabilisées du projet (construction, accès…) devront être stockées dans le bassin de rétention privé. Aucun rejet ne sera toléré sur la voirie» ; que l'article 3 de ce même arrêté indiquait que «L'attention du pétitionnaire est attirée sur le fait que la construction projetée est située en zone submersible réglementée du Rhône et qu'une crue de ce fleuve peut endommager ses biens. Le niveau des plus hautes eaux de la dernière crue s'est élevé à cet endroit à la cote de 12,07 m NGF. La construction devra disposer d'un niveau refuge accessible situé au-dessus de l'altitude précitée» ;

Considérant, en premier lieu, que, s'il résulte des visas de l'arrêté du 6 novembre 2002, et s'il est constant, que le terrain d'assiette du projet est compris dans une zone submersible telle que répertoriée par le décret du 3 septembre 1911 relatif aux zones submersibles du Rhône, il n'est pas contesté par le préfet que cette zone submersible a été déterminée, à la date dudit décret, à la suite de la crue du Rhône qui s'est produite en 1856, crue de référence pour le niveau des plus hautes eaux, et sans que soient pris en compte des ouvrages de protection et notamment des digues réalisées postérieurement au décret en cause ; que le préfet ne conteste pas davantage les affirmations de la commune selon lesquelles le secteur d'implantation du terrain d'assiette est inclus dans une zone dorénavant protégée par des digues et des remblais, qualifiés de fiables par l'Atlas Départemental des zones inondables, déclaré projet d'intérêt général en vertu d'un arrêté préfectoral du 23 août 1996, renouvelé en août 1999 ; qu'à cet égard, si le préfet a fait valoir devant les premiers juges que ce document n'a pas été renouvelé en 2002, la COMMUNE DE TARASCON a soutenu, sans être ultérieurement contredite, que le renouvellement de ce document n'était pas nécessaire en raison de sa prise en compte par la révision du plan d'occupation des sols de la commune approuvée en 2001 ; que la COMMUNE DE TARASCON soutient, sans être démentie, que, lors des crues les plus récentes du Rhône, le secteur considéré n'a subi aucune submersion, y compris lors de la crue survenue en 2003 et d'une amplitude supérieure à la crue de 1856 ; que, dans ces conditions, il ne ressort pas des pièces du dossier, et le préfet n'établit pas, qu'eu égard aux ouvrages de protection existants, le terrain d'assiette serait soumis à un risque d'inondation de nature à interdire toute construction ;

Considérant, il est vrai, que le préfet soutient que le terrain d'assiette du projet contesté, situé en aval de la Digue de la Montagnette, serait, nonobstant l'existence de cet ouvrage de protection, soumis à un risque d'inondation du fait de l'absence de fiabilité de la digue en question révélée par des études menées après l'établissement de l'Atlas Départemental des zones inondables ; qu'il résulte des extraits, produits par le préfet, de l'étude menée par le cabinet Hydratec à la demande de l'établissement public «Territoire-Rhône» en novembre 2002 que la COMMUNE DE TARASCON ne figure pas au nombre des communes pour lesquelles l'étude relève la nécessité de la mise en oeuvre de nouvelles protections localisées pour prévenir le risque d'inondation ; que si l'étude en cause a relevé la fragilité de certaines digues syndicales et communales, les extraits versés au dossier par le préfet ne relèvent à aucun moment l'absence de fiabilité des digues dans le secteur ici concerné ou même plus généralement de la COMMUNE DE TARASCON ; que cette dernière a, pour sa part, soutenu, sans être ultérieurement contredite par le préfet sur ces différents points, que l'étude du Cabinet Hydratec avait relevé d'une part que les digues protégeant la commune des crues du Rhône n'étaient pas considérées comme étant soumises à un risque de rupture fort ou moyen et, d'autre part, que, dans l'hypothèse d'une crue d'un débit égal à la crue millénale, jamais enregistrée et qualifiée de crue très forte, les hauteurs de submersion seraient limitées à une hauteur d'eau de 10 à 50 centimètres pour le territoire de la COMMUNE DE TARASCON ; que si le préfet se prévaut d'une étude relative aux descriptions de ruptures de digues consécutives aux crues de décembre 2003 établie par le CEMAGREF, cette étude a été établie en mars 2004 et est relative à un phénomène survenu postérieurement à la date à laquelle le permis de construire en litige a été délivré ; qu'il en est de même de l'étude de diagnostic de la digue de la Montagnette et du Centre Ville menée par le bureau d'études ISF effectué à la demande de la COMMUNE DE TARASCON, établie en mai 2005 ; qu'au demeurant, les extraits de l'étude du CEMAGREF, versés au dossier par le préfet n'évoquent pas la fragilité des digues ici concernées ; que l'étude du bureau d'études ISL relève que «La digue du centre Ville est séparée du Rhône par un ségonal qui joue un rôle stabilisateur et protecteur pour la digue en la séparant du Rhône et des courants susceptibles de créer des affouillements, que les digues de la Montagnette et du centre ville sont peu exposées au risque d'érosion externe et des affouillements en raison de leur éloignement du lit mineur» et que, dans l'hypothèse d'une crue très forte du Rhône, hypothèse d'une crue d'occurrence millénale, soit 14 395 m3/s contre 11 900 m3/s pour la crue de 1856, les digues en question offrent une vulnérabilité faible au risque d'érosion interne sous réserve d'aménagements mineurs ; que, par suite, le préfet n'établit pas l'absence de fiabilité des ouvrages de protection ;

Considérant, en second lieu, que, pour contester la légalité du permis en litige, le préfet fait également valoir que la prescription, fixée par l'article 3 de l'arrêté contesté, assortissant le permis de construire en litige, serait irréalisable ; que, toutefois, il résulte de ce qui vient d'être dit que la parcelle d'assiette du projet contesté n'est pas soumise à un risque d'inondation du fait de l'existence des ouvrages de protection existants ; qu'ainsi, et en toute hypothèse, la circonstance que la prescription en cause serait irréalisable est sans effet sur la légalité du permis de construire contesté ; qu'en tout état de cause, le préfet n'établit pas le caractère irréalisable de ladite prescription alors qu'il ressort des pièces du dossier que des aménagements mineurs permettraient la réalisation d'un accès au toit à partir du bâtiment ;

Considérant qu'il résulte de l'ensemble de ces éléments que le préfet n'établit pas qu'en délivrant le permis de construire contesté du 6 novembre 2002, le maire de la COMMUNE DE TARASCON aurait commis, au regard des dispositions précitées de l'article R.111-2 du code de l'urbanisme, une erreur manifeste dans l'appréciation du risque d'inondation auquel le terrain d'assiette aurait été exposé, à la date à laquelle ledit permis de construire a été délivré ; que, dès lors, et sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir opposée par la COMMUNE DE TARASCON au déféré de première instance, ledit déféré, fondé sur cet unique moyen, doit être rejeté ;

Sur l'application de l'article L.761-1 du code de justice administrative :

Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de faire application des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative et de condamner l'Etat à verser d'une part à la COMMUNE DE TARASCON et d'autre part à M. X une somme de 750 euros, pour chacun d'entre eux, au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement susvisé n° 03-64 du 19 février 2004 du Tribunal administratif de Marseille est annulé.

Article 2 : Le déféré du préfet des Bouches-du-Rhône présenté devant le Tribunal administratif de Marseille et dirigé contre le permis de construire du 6 novembre 2002 délivré à M. X est rejeté.

Article 3 : L'Etat (préfet des Bouches-du-Rhône) versera d'une part à M. X et d'autre part à la COMMUNE DE TARASCON une somme de 750 euros (sept cent cinquante euros) au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. X, à la COMMUNE DE TARASCON, au préfet des Bouches-du-Rhône et au ministre des transports, de l'équipement, du tourisme et de la mer.

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N° 04MA00870-04MA00891


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 1ère chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 04MA00870
Date de la décision : 09/11/2006
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. ROUSTAN
Rapporteur ?: Mme Isabelle BUCCAFURRI
Rapporteur public ?: M. CHERRIER
Avocat(s) : SCP MAIRIN

Origine de la décision
Date de l'import : 04/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2006-11-09;04ma00870 ?
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