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04/07/2006 | FRANCE | N°04MA00572

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 6eme chambre - formation a 3, 04 juillet 2006, 04MA00572


Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour administrative d'appel de Marseille le 16 mars 2004, sous le n° 04MA00572, présentée pour M. et Mme Bernard X, élisant domicile ..., par la SCP Dombre, avocats ;

M. et Mme X demandent à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 000768-000769 du 17 décembre 2003 par lequel le Tribunal administratif de Montpellier a rejeté leur requête tendant à obtenir l'indemnisation des préjudices subis du fait des travaux liés à l'implantation de la ligne nouvelle du TGV Méditerranée, ainsi que des préjudices liés aux nuisances r

ésultant de la présence de cet ouvrage public et des très nombreux passages quo...

Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour administrative d'appel de Marseille le 16 mars 2004, sous le n° 04MA00572, présentée pour M. et Mme Bernard X, élisant domicile ..., par la SCP Dombre, avocats ;

M. et Mme X demandent à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 000768-000769 du 17 décembre 2003 par lequel le Tribunal administratif de Montpellier a rejeté leur requête tendant à obtenir l'indemnisation des préjudices subis du fait des travaux liés à l'implantation de la ligne nouvelle du TGV Méditerranée, ainsi que des préjudices liés aux nuisances résultant de la présence de cet ouvrage public et des très nombreux passages quotidiens des TGV ;

2°) de condamner solidairement la SNCF et Réseau Ferré de France (RFF) à leur verser une somme de 442.693,90 € en réparation des préjudices ainsi subis et une somme de 1 525 € au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative ;

Vu le mémoire, enregistré le 6 octobre 2004, présenté pour la SNCF par la SCP Scalpel et associés, avocats, qui conclut au rejet de la requête et à la condamnation de M. et Mme X à lui verser une somme de 2.000 € au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu le mémoire, enregistré le 14 novembre 2005, présenté pour Réseau Ferré de France par Me Chetrit, avocat, qui conclut à titre principal au rejet de la requête et, à titre subsidiaire, à la condamnation de la SNCF à le garantir des condamnations qui pourront être prononcées à son encontre ; Il demande également la condamnation de M. et Mme X à lui verser une somme de 3.000 € au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu le mémoire, enregistré le 10 mars 2006, présenté pour la SNCF qui conclut aux mêmes fins que précédemment ;

Vu le mémoire, enregistré le 7 juin 2006, présenté pour M. et Mme Y par la SCP Dombre, avocats, qui concluent aux mêmes fins que la requête, par les mêmes moyens ;

Vu le mémoire, enregistré le 7 juin 2006 pour la SNCF, par la SCP Scapel-Grail, avocats, qui conclut aux mêmes fins que précédemment, par les mêmes moyens ;

Vu le mémoire, enregistré le 8 juin 2006, présenté pour RFF, par Me Chétrit, avocat, qui conclut aux mêmes fins que précédemment, par les mêmes moyens ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la loi n° 97-135 du 13 février 1997 et ses décrets d'application ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 12 juin 2006 :

- le rapport de Mlle Josset, premier conseiller ;

- les observations de Me Scapel de la SCP Scapel-Grail-Bonnaud pour la SNCF ;

- et les conclusions de M. Firmin, commissaire du gouvernement ;

Sur la personne responsable :

Sur les dommages liés à la construction de l'ouvrage ferroviaire :

Considérant que M. et Mme X soutiennent qu'ils ont subi des nuisances du fait de la construction de la voie ferrée à proximité de leur propriété ; que les premiers juges ont rejeté la demande d'indemnisation de ce chef de préjudice en estimant que les intéressés n'apportaient pas de précisions sur la durée exacte du chantier, ni aucun élément propre à caractériser le caractère anormal du préjudice qu'ils auraient subi du fait des nuisances qui en sont résultées, tant du point de vue de leur intensité, de leur fréquence, que de leur durée ; que la seule circonstance que l'organisme « Gîtes de France tourisme vert Gard » leur a retiré le label «Gîtes de France » le 9 février 1998, en raison des nuisances acoustiques provoquées par la future ligne TGV, ne suffit pas, à elle-seule, à établir le caractère anormal allégué du fait de la construction même de l'ouvrage en cause ; qu'en appel, M. et Mme X n'apportent pas en appel d'éléments nouveaux qui n'auraient pas été débattus en première instance ; qu'en conséquence, il y a lieu de rejeter la demande de M. et Mme X par adoption des motifs retenus par le tribunal administratif de Montpellier ;

Sur les dommages liés à l'existence et au fonctionnement de la voie ferrée :

Considérant qu'aux termes de l'article 5 de la loi du 13 février 1997portant création de l'établissement public « Réseau Ferré de France » : Les biens constitutifs de l'infrastructure et les immeubles non affectés à l'exploitation des services de transport appartenant à l'Etat et gérés par la Société Nationale des Chemins de Fer français sont, à la date du 1er janvier 1997, apportés en pleine propriété à Réseau Ferré de France. Les biens constitutifs de l'infrastructure comprennent les voies (…) ; qu'aux termes de l'article 6 de la même loi : Réseau Ferré de France est substitué à la Société Nationale des Chemins de Fer français pour les droits et obligations liés aux biens qui lui sont apportés, à l'exception de ceux afférents à des dommages constatés avant le 1er janvier 1997 (…) ; qu'aux termes des troisième et quatrième alinéas de l'article 1er de ladite loi : Compte tenu des impératifs de sécurité et de continuité du service public, la gestion du trafic et des circulations sur le réseau ferré national ainsi que le fonctionnement et l'entretien des installations techniques et de sécurité de ce réseau sont assurés par la Société Nationale des Chemins de Fer français pour le compte et selon les objectifs et principes de gestion définis par Réseau ferré de France. Il la rémunère à cet effet./ Un décret en Conseil d'Etat précise les modalités d'exercice des missions de Réseau Ferré de France. Sur la base de ce décret, une convention entre Réseau Ferré de France et la Société Nationale des Chemins de Fer français fixe, notamment, les conditions d'exécution et de rémunération des missions mentionnées au précédent alinéa ; qu'il résulte de ces dispositions que si la responsabilité de Réseau Ferré de France, maître de l'ouvrage, est susceptible d'être engagée sans faute pour tous les dommages permanents imputables à celui-ci, qu'ils résultent de son implantation, de son fonctionnement ou de son entretien, celle de la Société Nationale des Chemins de Fer français, chargée de l'entretien des voies comme prestataire de services de Réseau Ferré de France, ne peut être engagée vis-à-vis des tiers que si des dommages sont directement imputables aux modalités d'entretien de l'ouvrage, qui inclut la voie ferrée et ses dépendances ;

Considérant que Mme X demande réparation des dommages liés à la présence et au fonctionnement de l'ouvrage ; que, toutefois, le préjudice causé par cette présence et par ce fonctionnement ne pouvait être connu dans toute son étendue antérieurement au 1er janvier 1997 ; que, dès lors, les conclusions présentées contre la SNCF sont mal dirigées et ne peuvent être que rejetées ;

Sur le préjudice tenant à la moins-value immobilière :

Considérant qu'il résulte de l'instruction, notamment des documents produits par les requérants et non utilement contestés par RFF, que la propriété des intéressés pouvait être estimée en 1999 à 2 304 898 € ( deux millions de francs) ; qu'il résulte également de l'instruction et notamment des constatations effectuées sur place par les premiers juges, que l'ouvrage, malgré la végétation, est visible de la terrasse du mas et que le bruit du passage des convois, bien que supportable, est parfaitement audible à l'extérieur et occasionne une gêne certaine, à l'intérieur fenêtre ouverte la nuit en saison chaude ; que, par suite, c'est à tort que le tribunal, qui avait également constaté que le mas des intéressés était enchassé dans des rideaux d'arbres et entouré de prairies bocagères lui conférant une situation très agréable, a estimé que les requérants n'apportaient pas la preuve du préjudice anormal tenant à la perte de valeur vénale de leur bien ; que dans les circonstances de l'espèce, il sera fait une juste appréciation de la moins-value apportée à la propriété des requérants en l'estimant à 25% de la valeur vénale susmentionnée, soit à la somme de 76 224,51 € ; qu'en conséquence, il y a lieu de réformer le jugement sur ce point et de condamner RFF à verser cette somme à M. et Mme X ;

Sur les préjudices tenant à la cessation d'activité de tourisme rural et à la perte d'emploi de Mme X :

Considérant que s'il peut être admis que compte tenu du retrait de l'agrément Gîtes de France, dont il n'est pas sérieusement contesté qu'il est intervenu en raison de la présence du chantier, puis de la voie ferrée et de son fonctionnement, Mme X a dû cesser son activité à compter de 1998, il apparaît qu'en se bornant à produire, comme en première instance, des journaux de recettes pour les années 1995,1996 et 1997, des journaux de dépenses pour les années 1995 et 1996, la déclaration de revenus du foyer fiscal pour la seule année 1998, ainsi qu'une expertise qui a procédé à une évaluation théorique du fonds de commerce de l'intéressée, Mme X ne peut être regardée comme justifiant de l'étendue de son préjudice ; qu'en se bornant également à solliciter une indemnité de 15.244,90€ (100.000 F) au titre du préjudice résultant de la perte de son emploi, Mme X ne justifie pas davantage du préjudice allégué ; que, par suite, M. et Mme X ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que les premiers juges ont rejeté leur demande d'indemnisation sur ce point ;

Sur le préjudice tenant à la nécessité de réaliser des aménagements paysagers pour l'intégration de la ligne nouvelle :

Considérant que les requérants demandent que leur soit allouée une somme de 115.860 € afin de réaliser des plantations de nature à supprimer l'impact paysager de la nouvelle ligne ferroviaire depuis leur propriété ; que, toutefois, en se bornant à solliciter l'allocation de cette somme sans critiquer le jugement, les requérants ne mettent pas la Cour à même d'apprécier l'erreur qu'aurait commis les premiers juges en rejetant cette demande ;

Sur le préjudice tenant à la réparation de la perte d'un puits :

Considérant que pour rejeter la demande des requérants tendant à ce que leur soit allouée la somme de 12.085 € en raison de la perte de puits, qu'ils imputaient à la réalisation de l'ouvrage public en cause, les premiers juges ont estimé que les intéressés n'établissaient pas le lien de causalité direct et certain entre ledit ouvrage et le fait que les puits dont ils sont propriétaires ne seraient plus normalement alimentés ; qu'il y a lieu de rejeter la demande de M. et Mme X par adoption de ce même motif ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. et Mme X sont seulement fondés à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Montpellier a rejeté leur demande d'indemnisation de la moins-value immobilière qu'ils ont subie ;

Sur l'appel en garantie de RFF :

Considérant qu'en application de l'article 1er de la loi n° 97-135 du 13 février 1997 qui définit la mission de RFF : « … Compte tenu des impératifs de sécurité et de continuité du service public, la gestion du trafic et des circulations su le réseau ferré national ainsi que le fonctionnement et l'entretien des installations techniques et de sécurité de ce réseau sont assurées par la SNCF pour le compte et selon les objectifs et principes de gestion définis par RFF… » ; qu'en vertu de l'article 11 du décret n° 97-444 du 5 mai 1997 : « les missions confiées à la SNCF comportent en particulier : « .. la gestion opérationnelle de ces circulations… la surveillance, l'entretien régulier, les réparations, dépannages et mesures nécessaires au fonctionnement du réseau et à la sécurité de l'ensembles des plates-formes, ouvrages d'art, voies, quais, réseau, installations et bâtiments techniques s'y rattachant.. » ; que selon l'article 14 de la convention n° 98-007 du 26 octobre 1998 entre RFF et la SNCF, « La SNCF supporte seule, vis-à-vis de RFF, les conséquences pécuniaires des dommages causés à des tiers du fait ou à l'occasion de l'exécution des missions qui lui sont confiées par la présente convention… que ces incidents ou accidents résultent de l'entretien, de la gestion, de l'usage du RFF ou de l'utilisation des installations techniques correspondantes.. » ;

Considérant que la dépréciation de la valeur vénale de la propriété des intéressés trouve sa cause, pour partie, dans le choix de l'implantation de la voie et pour partie dans les conditions de fonctionnement de celle-ci qui, selon les dispositions susvisées, relèvent de la mission confiée à la SNCF ; qu'il sera fait une juste appréciation des circonstances de l'affaire en condamnant la SNCF, chargée du fonctionnement de l'ouvrage, à garantir RFF de la moitié du montant des condamnations prononcées contre lui ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de RFF une somme de 1500 euros au titre des frais exposés par M. et Mme X et non compris dans les dépens ;

Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions susmentionnées de RFF et de la SNCF ;

DECIDE

Article 1er : Réseau Ferré de France est condamné à verser une somme de 76 224,51 € à M. et Mme X.

Article 2 : La SNCF est condamnée à garantir Réseau Ferré de France des condamnations prononcées à son encontre à hauteur de la somme de 38 112,25 €.

Article 3 : Le jugement du Tribunal administratif de Montpellier est réformé en ce qu'il a de contraire à la présente décision.

Article 4 : Réseau Ferré de France versera à M. et Mme X une somme de 1 500 € au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme X, à Réseau Ferré de France, à la SNCF et au ministre des transports, de l'équipement, du tourisme et de la mer.

N° 04MA00572 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 6eme chambre - formation a 3
Numéro d'arrêt : 04MA00572
Date de la décision : 04/07/2006
Sens de l'arrêt : Satisfaction partielle
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. GANDREAU
Rapporteur ?: Melle Muriel JOSSET
Rapporteur public ?: M. FIRMIN
Avocat(s) : SCP DOMBRE

Origine de la décision
Date de l'import : 04/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2006-07-04;04ma00572 ?
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