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16/05/2006 | FRANCE | N°02MA01109

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 2eme chambre - formation a 3, 16 mai 2006, 02MA01109


Vu I, sous le n° 02MA01109, la requête, enregistrée le 13 juin 2002, présentée pour Mme Eliane Z... veuve et M. H... , élisant domicile ..., par Me B... ; Mme et M. demandent à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du 18 avril 2002 par lequel le Tribunal administratif de Nice a rejeté leur requête tendant à titre principal à la condamnation de la commune de Sillans la Cascade à les indemniser des préjudices subis par eux-mêmes, épouse et fils de

M. D... et par celui-ci du fait de l'accident qu'il a subi puis de son décès ainsi que des préjudices directement subi

s par M. D... et à titre subsidiaire à ce que le tribunal ordonne une expertis...

Vu I, sous le n° 02MA01109, la requête, enregistrée le 13 juin 2002, présentée pour Mme Eliane Z... veuve et M. H... , élisant domicile ..., par Me B... ; Mme et M. demandent à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du 18 avril 2002 par lequel le Tribunal administratif de Nice a rejeté leur requête tendant à titre principal à la condamnation de la commune de Sillans la Cascade à les indemniser des préjudices subis par eux-mêmes, épouse et fils de

M. D... et par celui-ci du fait de l'accident qu'il a subi puis de son décès ainsi que des préjudices directement subis par M. D... et à titre subsidiaire à ce que le tribunal ordonne une expertise relative aux causes du décès de M. D... ;

2°) de condamner la commune de Sillans la Cascade à leur verser en qualité d'ayants droit de M. D... la somme de 30.489,80 euros au titre du préjudice moral subi par celui-ci ;

3°) de condamner ladite commune à leur verser en qualité d'ayants droits de M. D... la somme de 11.843,03 euros au titre du préjudice économique subi par celui-ci ;

4°) de condamner la commune précitée à verser à F... Eliane la somme de 119.780,66 euros au titre de son préjudice économique propre ;

5°) à titre subsidiaire, d'ordonner une expertise relative au lien entre le décès de M. D... et l'accident qu'il avait subi ;

- l'assureur ne saurait être mis en cause devant la juridiction administrative ;

………………………

Vu le jugement attaqué ;

Vu II, sous le n° 02MA01195, la requête, enregistrée le 28 juin 2002, présentée pour la CAISSE DES DEPOTS ET CONSIGNATIONS, par Me Y... ; la CAISSE DES DEPOTS ET CONSIGNATIONS demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du 18 avril 2002 en tant que le Tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande tendant au remboursement par la commune de Sillans la Cascade des prestations versées à M. D... puis Mme C... à la suite de l'accident du 15 avril 1995 ;

2°) de condamner la commune de Sillans la Cascade à lui rembourser les prestations précitées et à lui verser l'entier préjudice subi avant la radiation de M. D... , augmenté des intérêts légaux à compter du 16 avril 1994, date d'effet de ladite radiation ;

3°) de condamner tout succombant à lui verser la somme de 3.000 euros au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;

Vu le jugement attaqué ;

………………………..

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code des pensions civiles et militaires de retraite ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 12 avril 2006,

- le rapport de M. Renouf, rapporteur ;

- les observations de Me G... substituant Me B... pour M. H... et Mme C... ;

- les observations de Me A... substituant Me Y... pour la CAISSE DES DEPOTS ET CONSIGNATIONS ;

- les observations de Me X... pour la commune de Sillans la Cascade ;

- et les conclusions de Mme Paix, commissaire du gouvernement ;

Considérant que M. D... , agent de la commune de Sillans la Cascade, a été victime le 15 avril 1992 d'un accident de service ; que Mme C... et M. H... , respectivement épouse et fils de M. D... , ont demandé au Tribunal administratif de Nice de condamner la commune de Sillans la Cascade à les indemniser des préjudices subis par M. D... et par Mme C... ; que la caisse des dépôts et consignations a demandé dans le cadre de cette instance le remboursement des frais qu'elle a supportés à la suite de l'accident précité ; que le Tribunal administratif de Nice a rejeté les conclusions de Mme C... et M. H... par l'article 1er du jugement en date du 18 avril 2002, et les conclusions de la caisse des dépôts et consignations relevant de la compétence de la juridiction administrative par l'article 3 dudit jugement ; que, sous les nos 02MA01109 et 02MA01195, Mme C... et M. H... d'une part, la CAISSE DES DEPOTS ET CONSIGNATIONS d'autre part, demandent respectivement l'annulation de l'article 1er et de l'article 3 dudit jugement ; que lesdites requêtes se rapportent à un même accident de service et présentent à juger des questions communes ; qu'il y a lieu de les joindre pour statuer par un seul arrêt ;

Considérant qu'en vertu des articles L.27 et L.28 du code des pensions civiles et militaires de retraite, les fonctionnaires civils de l'Etat qui se trouvent dans l'incapacité permanente de continuer leurs fonctions en raison d'infirmités résultant de blessures ou de maladies contractées ou aggravées en service peuvent être radiés des cadres par anticipation et ont droit au versement d'une rente viagère d'invalidité cumulable avec la pension rémunérant les services ; que les articles 30 et 31 du décret du 9 septembre 1965 relatif au régime de retraite des fonctionnaires affiliés à la caisse nationale de retraite des agents des collectivités locales prévoient, conformément aux prescriptions du II de l'article 119 de la loi du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale, des règles comparables au profit des agents tributaires de la caisse nationale de retraite des agents des collectivités locales ;

Considérant que ces dispositions déterminent forfaitairement la réparation à laquelle un fonctionnaire victime d'un accident de service ou atteint d'une maladie professionnelle peut prétendre, au titre de l'atteinte qu'il a subie dans son intégrité physique, dans le cadre de l'obligation qui incombe aux collectivités publiques de garantir leurs agents contre les risques qu'ils peuvent courir dans l'exercice de leurs fonctions ; qu'elles ne font cependant obstacle ni à ce que le fonctionnaire qui a enduré, du fait de l'accident ou de la maladie, des souffrances physiques ou morales et des préjudices esthétiques ou d'agrément, obtienne de la collectivité qui l'emploie, même en l'absence de faute de celle-ci, une indemnité complémentaire réparant ces chefs de préjudice, distincts de l'atteinte à l'intégrité physique, ni à ce qu'une action de droit commun pouvant aboutir à la réparation intégrale de l'ensemble du dommage soit engagée contre la collectivité, dans le cas notamment où l'accident ou la maladie serait imputable à une faute de nature à engager la responsabilité de cette collectivité ou à l'état d'un ouvrage public dont l'entretien incombait à celle-ci ;

Considérant que, pour rejeter les conclusions indemnitaires présentées par Mme C... et M. H... et les conclusions précitées de la CAISSE DES DEPOTS ET CONSIGNATIONS, le Tribunal administratif de Nice a opposé le caractère forfaitaire de l'indemnisation prévue par les textes précités et a ainsi commis une erreur de droit ; qu'il suit de là que Mme C... et M. H... et la CAISSE DES DEPOTS ET CONSIGNATIONS sont fondés à demander à l'annulation des articles 1 et 3 du jugement précité ;

Considérant qu'il y a lieu pour la Cour de statuer immédiatement sur les conclusions demeurées en litige présentées respectivement par Mme C... et M. H... et par la CAISSE DES DEPOTS ET CONSIGNATIONS par l'effet dévolutif de l'appel ;

Sur les conclusions de Mme C... et M. H... :

Considérant qu'en répondant au fond aux conclusions de la requête de Mme C... et M. H... dans son mémoire du 25 février 1998 sans opposer d'irrecevabilité, la commune de Sillans la Cascade a lié le contentieux pour chacun des préjudices dont les intéressés demandaient réparation ;

S'agissant des préjudices personnels de M. D... :

Considérant, en premier lieu, que le droit à la réparation d'un dommage, quelle que soit sa nature, s'ouvre à la date à laquelle se produit le fait qui en est directement la cause ; que si la victime du dommage décède avant d'avoir elle-même introduit une action en réparation, son droit, entré dans son patrimoine avant son décès, est transmis à ses héritiers ; qu'ainsi, la commune de Sillans la Cascade n'est pas fondée à soutenir que Mme C... et M. H... , héritiers de M. D... , se seraient pas recevables à demander à être indemnisés des préjudices personnels subis par celui-ci ;

Considérant, en second lieu, qu'il résulte de l'instruction et notamment du rapport d'expertise du docteur E... que les souffrances physiques endurées par

M. D... à la suite de l'accident du 15 avril 1992 ont été d'une particulière gravité ; que par suite, dans les circonstances de l'espèce, M. D... étant par ailleurs décédé le 13 août 1996, il y a lieu de condamner la commune de Sillans la Cascade alors même qu'aucune faute ne serait imputable à la commune à verser aux héritiers de M. D... la somme de 15.000 euros tous intérêts compris à la date du présent arrêt au titre de ce préjudice ;

Considérant, en troisième lieu, qu'il résulte de l'instruction que le maire de la commune de Sillans la Cascade, en ne s'assurant pas suffisamment des conditions de sécurité dans lesquelles M. D... a été amené à travailler dans un bâtiment de la commune pour le compte de celle-ci a commis une faute qui ne saurait, contrairement à ce que soutient la commune de Sillans la Cascade, être regardée dans les circonstances de l'espèce comme détachable du service ; qu'ainsi ladite faute engage la responsabilité de la commune en ce qui concerne le préjudice économique que M. D... peut avoir subi ; que néanmoins, il résulte de l'instruction que, pour la période pour laquelle Mme C... et M. H... demandent à être indemnisés, M. D... percevait une pension de retraite et une rente d'invalidité dont le total excède le revenu d'activité dont les intéressés font état ; qu'ainsi, le préjudice allégué n'est pas établi ;

S'agissant du préjudice personnel de Mme C... :

Considérant qu'il résulte de l'instruction et notamment du rapport d'expertise du docteur E... dont les requérants se prévalent que M. D... , que l'accident du 15 avril 1992 avait provoqué une importante fracture de la première vertèbre lombaire et que les séquelles rattachables à cet accident portaient sur les membres inférieurs de l'intéressé ; que celui-ci avait subi une attaque cardiaque dès 1984, et que l'infarctus survenu le 24 février 1993 quelques mois après l'accident du 15 avril 1992 n'était pas imputable à cet accident ; qu'ainsi, sans qu'il soit besoin d'ordonner une expertise sur ce point, le décès de M. D... le 13 août 1996 à la suite d'un nouvel infarctus ne peut, dans les circonstances de l'espèce, être regardé comme imputable à l'accident au titre duquel la responsabilité de la commune de Sillans la Cascade est engagée ; que par suite,

Mme C... n'est pas fondée à demander à être indemnisée pour les préjudices qu'elle impute au décès de son mari ; qu'au surplus, si la différence entre la pension de réversion de retraite que Mme C... eut perçu si M. D... avait continué de travailler depuis la date de l'accident jusqu'à son décès survenu à l'age de 61 ans et les sommes qu'elle perçoit au titre d'une part de la pension de réversion de la pension de retraite et d'autre part la pension de réversion de la rente d'invalidité peut constituer un préjudice indemnisable, la réalité dudit préjudice n'est en l'espèce au regard notamment du montant des pensions de réversion perçues aucunement établie ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Mme C... et M. H... sont seulement fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Nice n'a pas condamné la commune de Sillans la Cascade à leur verser en leur qualité d'héritiers de M. D... la somme de 15 000 euros au titre des souffrances physiques endurées par celui-ci ;

Sur les conclusions de la CAISSE DES DEPOTS ET CONSIGNATIONS :

Considérant que si les articles 1er et 7 de l'ordonnance du 7 janvier 1959 relative aux actions en réparation civile de l'Etat et de certaines autres personnes publiques ainsi que l'article 26 du décret du 9 septembre 1965 ouvrent à la caisse des dépôts et consignations agissant comme gérante de la caisse nationale des retraites des agents des collectivités locales, à l'encontre du tiers responsable d'un accident de service ou d'une maladie professionnelle, une action en remboursement des prestations versées à la victime, la collectivité publique employeur de l'agent n'a pas, pour l'application de ces dispositions, la qualité de tiers vis à vis de l'agent et de la caisse débitrice des prestations ; que Mme C... et M. H... imputant à la collectivité publique qui employait M. D... la responsabilité des dommages qu'il a subis, la caisse des dépôts et consignations ne peut, contrairement à ce qu'elle soutient, se prévaloir des dispositions précitées pour obtenir le remboursement des prestations versées à M. D... puis à ses ayants droit ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède et sans qu'il soit besoin de statuer sur la recevabilité de la requête de la CAISSE DES DEPOTS ET CONSIGNATIONS que celle-ci n'est pas fondée à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Nice a rejeté les conclusions indemnitaires qu'elle avait présentées ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, en application des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative, de condamner la CAISSE DES DEPOTS ET CONSIGNATIONS à payer à Mme C... et M. H... une somme de 1.500 euros au titre des frais exposés et non compris dans les dépens exposés dans le cadre de l'instance 02MA01195 ;

Considérant que, dans l'instance 02MA01195, la CAISSE DES DEPOTS ET CONSIGNATIONS est partie perdante ; que les dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative font par suite obstacle à ce qu'une partie soit condamnée à lui payer une somme quelconque au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;

Considérant enfin qu'il y a lieu, dans les circonstances des deux espèces, en application des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative, de condamner, d'une part, la commune de Sillans la Cascade à payer à M. une somme de 1.500 euros au titre des frais exposés dans le cadre de l'instance 02MA01109 et non compris dans les dépens exposés et de condamner, d'autre part, la CAISSE DES DEPOTS ET CONSIGNATIONS à payer à M. une somme de 1.000 euros au titre des frais exposés dans le cadre de l'instance 02MA01195et non compris dans les dépens exposés ;

DECIDE :

Article 1er : Les articles 1 et 3 du jugement du Tribunal administratif de Nice en date du 18 avril 2002 sont annulés.

Article 2 : La commune de Sillans la Cascade est condamnée à verser à Mme C... et M. H... , héritiers de M. D... la somme de 15.000 euros (quinze mille euros).

Article 3 : Le surplus des conclusions présentées par Mme C... et M. H... dans leur requête est rejeté.

Article 4 : Les conclusions présentées par la CAISSE DES DEPOTS ET CONSIGNATIONS sont rejetées.

Article 5 : La CAISSE DES DEPOTS ET CONSIGNATIONS versera à Mme C... et M. H... la somme de 1.500 euros (mille cinq cents euros) au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

Article 6 : La CAISSE DES DEPOTS ET CONSIGNATIONS versera à M. la somme de 1.000 euros (mille euros) au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

Article 7 : La commune de Sillans la Cascade versera à M. la somme de 1.500 euros (mille cinq cents euros) au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

02MA01109…

4


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 2eme chambre - formation a 3
Numéro d'arrêt : 02MA01109
Date de la décision : 16/05/2006
Sens de l'arrêt : Satisfaction partielle
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. GOTHIER
Rapporteur ?: M. Philippe RENOUF
Rapporteur public ?: Mme PAIX
Avocat(s) : COLLARD

Origine de la décision
Date de l'import : 04/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2006-05-16;02ma01109 ?
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