Vu la requête, enregistrée le 16 mai 2003 sous le n° 03MA00973 au greffe de la Cour administrative d'appel de Marseille, présentée par Me Z..., avocat, pour la COMMUNE DE ROGNAC représentée par son maire en exercice élisant domicile ès qualité à l'Hôtel de Ville, ... ;
La commune demande à la Cour :
1°/ de réformer partiellement le jugement du Tribunal administratif de Marseille n° 98 ;3359 en date du 4 décembre 2002, en ce qu'il ne retient pas la force majeure comme cause exonératoire de responsabilité pour les inondations de 1994, qu'il limite l'effet exonératoire à 50 % pour des inondations de 1993, qu'il retient la responsabilité de la commune et met hors de cause le département ;
2°/ de dire que l'Etat est responsable des désordres affectant la société Daher, ainsi que le département des Bouches-du-Rhône ;
3°/ de rejeter l'ensemble des prétentions des intimés ;
4°/ de condamner la société Axa Courtage, les AGF et la société Daher à payer 7.600 € au titre des frais de procédure ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu le mémoire présenté le 7 octobre 2003 par Me C..., avocat, pour M. Y, architecte ;
Il demande à la Cour :
1°/ de constater qu'aucune partie ne formule de conclusions à son encontre ;
2°/ de le mettre hors de cause ;
3°/ de condamner tout succombant à lui verser 2.000 € au titre des frais de procédure, dès lors qu'il a été attrait vainement en la cause ;
Vu le mémoire présenté le 24 octobre 2003 pour le département des Bouches-du-Rhône par Me X..., avocat ;
Il demande à la Cour :
1°/ de confirmer le jugement du tribunal administratif en ce qu'il met le département hors de cause ;
2°/ de rejeter les conclusions de la COMMUNE DE ROGNAC dirigées contre lui ;
3°/ de condamner celle-ci à lui verser 1.500 € au titre des frais de procédure ;
Vu enregistré le 5 septembre 2005, le mémoire présenté par le ministre des transports, de l'équipement, du tourisme et de la mer qui demande à la Cour :
1°/ de réformer le jugement du tribunal administratif en tant qu'il a écarté la force majeure pour les inondations de 1994 et en tant qu'il a retenu la responsabilité de l'Etat,
2°/ de rejeter la requête de la COMMUNE DE ROGNAC en tant qu'elle sollicite la condamnation exclusive de l'Etat et de rejeter toutes conclusions qui auraient le même objet ;
Vu le mémoire récapitulatif en défense, produit le 15 décembre 2005 pour la compagnie d'assurance Axa France IARD, par Me E..., avocat, la société demande à la Cour :
1°/ de confirmer l'ensemble des jugements attaqués ;
2°/ de condamner l'Etat, la Commune de Rognac et LE DEPARTEMENT DES BOUCHES-DU-RHONE à lui verser, chacun, 2000 € au titre des frais de procédure ;
Vu le mémoire présenté le 19 décembre 2005 pour la société GAN assurances IARD, par Me A..., avocate ;
Elle demande à la Cour :
1°/ à titre principal de confirmer le jugement ;
2°/ à titre subsidiaire, de constater que le contrat souscrit par la COMMUNE DE ROGNAC ne couvre pas les évènements dont s'agit ;
3°/ à titre infiniment subsidiaire de constater la force majeure et, dans le cas où la responsabilité de la COMMUNE DE ROGNAC serait retenue, de donner acte à la compagnie GAN de la limitation de garantie qu'elle oppose, soit 1.524.490,18 € ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de l'urbanisme ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 27 mars 2006 :
- le rapport de M. Chavant, rapporteur,
- les observations de Me Y... de la SCP Z... pour la COMMUNE DE ROGNAC, de Me F... Abeille et Associés pour la société Axa Courtage et pour la société Daher, de Me X... pour le département des Bouches-du-Rhône, de Me A... pour la société Gan Assurances et de Me B... de la SCP Karouby-Minguet pour M. Y,
- et les conclusions de M. Firmin, commissaire du gouvernement ;
Sur la responsabilité :
Considérant qu'il est constant que des pluies torrentielles se sont abattues sur la région de Rognac, Bouches-du-Rhône, le 22 septembre 1993 et du 19 au 21 octobre 1994, provoquant des inondations notamment dans la zone industrielle de Rognac-nord ; que l'expert D... a estimé, d'une part, que ces précipitations présentaient un caractère centennal et que, d'autre part, les inondations avaient été aggravées par l'insuffisance du réseau communal d'évacuation des eaux de pluie dans la ZAC d'aménagement concerté de Rognac Nord, ainsi que par l'insuffisance des buses et ouvrages départementaux du secteur de «l'échangeur de la Tête noire», situé à la sortie de la ZAC en amont, à proximité immédiate du pont des Matelots ; qu'il résulte de l'instruction que le bassin de rétention des «Barjaquets» construit à cet endroit, n'a été réalisé qu'en 1999 ; qu'au surplus, l'expert relève que «le volume éventuel de rétention de ce bassin est manifestement insuffisant pour résorber les effets des pluies qui ont causé les inondations, notamment celle de septembre 1993» ; qu'il indique enfin que «la limitation du débit d'évacuation des eaux pluviales du Vallat Neuf à la sortie de la ZAC à 10 m³/s est imputable à la direction départementale de l'équipement. La cause technique des inondations est ce débit incapable de répondre aux 44 m³/s et 39 m³/s dus aux pluies de septembre 1993 et d'octobre 1994» ;
Considérant que si les premiers juges ont estimé que les pluies de septembre 1993 présentaient un caractère imprévisible et irrésistible de nature à leur conférer la qualification d'événement de force majeure, ils ont écarté celle-ci de façon pertinente pour 1994, dès lors que les pluies exceptionnelles du mois d'octobre n'étaient plus imprévisibles compte tenu de l'épisode pluvieux de l'année précédente ; qu'il résulte en outre de l'instruction que les pluies de 1994 n'ont pas eu la même importance et les mêmes effets que ce dernier ;
Considérant que s'agissant des inondations de 1993, les premiers juges ont à bon droit retenu le caractère aggravant de l'insuffisance des ouvrages publics pour limiter le rôle exonératoire de la force majeure à 50 % des conséquences dommageables du phénomène ;
Considérant, ainsi qu'il a été rappelé ci-dessus, que les ouvrages du département des Bouches-du-Rhône, notamment l'absence d'entretien des buses d'évacuation de «l'échangeur de la Tête noire», ont contribué directement à l'aggravation des désordres, tout particulièrement pour les entreprises situées à proximité immédiate dans la ZAC ; qu'en l'espèce, toutefois, la société Daher ayant ses locaux loin de l'échangeur incriminé, la responsabilité du département n'a pas été retenue à juste titre ;
Considérant que la COMMUNE DE ROGNAC est propriétaire de la ZAC qui a été réalisée entre 1975 et 1978 par la SCI de Rognac Nord ; que la convention de ZAC conclue entre la commune et la SCI stipule, au titre des équipements publics, que l'aménageur, en coordination avec les services de la direction départementale de l'équipement, prend en charge la réalisation et le financement du recalibrage du Vallat Neuf ainsi que «l'élargissement de la RN 113 comprenant : … (les) réseaux d'eaux pluviales…» ; que le procès-verbal de réception sans réserve du 9 mai 1978 fait également apparaître la présence de l'ingénieur des travaux publics de l'Etat, «représentant la direction départementale de l'équipement, ingénieur conseil de la commune» ; qu'enfin, les dispositions réglementaires relatives à la création des ZAC, notamment l'article R.311-11 du code de l'urbanisme, prévoyaient l'approbation expresse du préfet sur le programme et l'échéancier des ouvrages publics à réaliser ; que, par suite, ni la commune maître d'ouvrage, ni l'Etat en tant que concepteur ne peuvent s'exonérer de leur responsabilité ; qu'en particulier, l'approbation préfectorale du 15 septembre 1976 dont il est fait état n'est pas un simple visa sur des plans annexés, comme le soutient le ministre de l'équipement, mais concernait bien, à l'époque, le programme des équipements publics tel qu'élaboré par la direction départementale de l'équipement et réalisé par la SCI de Rognac Nord pour le compte de la commune ; qu'aucune faute dans l'exécution et la réalisation de la ZAC n'étant reprochée à l'architecte Y, au BET X et à la SC de Rognac Nord dont le gérant était la SERDI, aux droits de laquelle viennent successivement la société San Paolo Gestion Immobilière et le Centre français du patrimoine, les premiers juges ont à bon droit écarté les conclusions dirigées contre ces personnes et retenu la responsabilité solidaire de la commune et de l'Etat ; que c'est à tort que ce dernier soutient que le tribunal n'aurait pas mis en cause l'architecte Y, le BET X et la SCI Rognac Nord, lesquels ont d'ailleurs produit tant en première instance qu'en appel ;
Sur le préjudice :
Considérant que la société Daher a la qualité de tiers par rapport aux ouvrages publics incriminés ; qu'il lui appartient à ce titre d'établir, d'une part, qu'il existe un lien de causalité direct entre l'ouvrage et le dommage qu'elle subit, d'autre part, de justifier du préjudice qu'elle allègue ; qu'en l'espèce, il résulte de l'instruction que la société Daher est implantée dans le périmètre de la ZAC ; que le lien de causalité entre les inondations de 1993 et 1994 et le préjudice qu'elle a subi est direct ; que les sommes correspondant au préjudice à réparer, fixées après expertise, ne sont pas contestées ; que si l'Etat allègue que les compagnies d'assurance subrogées dans les droits de la société ne produisent pas leurs quittances subrogatoires, le moyen manque en fait dès lors qu'elles figurent au dossier de première instance ; que si l'Etat allègue en outre que les franchises des contrats d'assurances seraient inopposables aux personnes publiques du fait qu'elles résultent d'un contrat de droit privé, ce moyen doit être rejeté dans la mesure où la société victime du dommage a droit à la réparation de l'intégralité de son préjudice, y compris la part de celui-ci laissé à sa charge par l'existence d'une franchise ; qu'il résulte de tout ce qui précède qu'il y a lieu de confirmer le jugement du tribunal administratif dans toutes ses dispositions et de rejeter les appels formés contre lui ;
Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de condamner solidairement l'Etat et la COMMUNE DE ROGNAC à verser à M. Y, à la société San Paolo Gestion Immobilière et à la société Daher une somme de 500 € chacun au titre des frais de procédure de l'article L.761-1 du code de justice administrative ;
D E C I D E :
Article 1er : La requête présentée par la COMMUNE DE ROGNAC est rejetée.
Article 2 : L'appel incident formé par l'Etat est rejeté.
Article 3 : La COMMUNE DE ROGNAC est condamnée à verser à M. Y, à la société San Paolo Gestion Immobilière et à la société Daher une somme de 500 € (cinq cents euros) chacun au titre des frais de procédure.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la société Daher, à la COMMUNE DE ROGNAC, au département des Bouches-du-Rhône, au ministre des transports, de l'équipement, du tourisme et de la mer, à M. Y, à la société San Paolo Gestion Immobilière, à la société Axa courtage et à la société GAN IARD.
Copie en sera adressée à M. Z expert.
N° 03MA00973 2