Vu 1° la requête, enregistrée au greffe de la Cour administrative d'appel de Marseille le 24 mai 2002, sous le 02MA00978, présentée pour la SOCIETE AUDE AMENAGEMENT (anciennement dénommée SEMEAA), dont le siège est ..., par la Scp Trias, Verine et Vidal, avocats ;
la SOCIETE AUDE AMENAGEMENT demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 943034 du 1er mars 2002 par lequel le tribunal administratif de Montpellier l'a condamnée à payer la somme de 1.039.015,80 euros à la commune de Fleury d'Aude en indemnisation du préjudice subi par la commune dans le cadre de l'opération de création d'un jardin aquatique ;
2°) de rejeter la demande de la commune de Fleury d'Aude ;
3°) de condamner la commune de Fleury d'Aude à lui verser une somme de 610 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu les mémoires, enregistrés les 5 juillet 2003 et 3 décembre 2003, présentés pour la SOCIETE AUDE AMENAGEMENT par la SCP Trias Verine et Vidal, avocats, qui conclut aux mêmes fins que la requête et à la condamnation de la commune à lui verser une somme de 16.018.068 F, ainsi qu'une somme de 3.212.533 F au titre des intérêts non présentés du préfinancement et 330.848 F relatif au solde non présenté de rémunérations ;
Vu la mise en demeure adressée le 14 décembre 2004 à la SCP Coulombie - Gras - Cretin - Becquevort, avocats, en application de l'article R. 612-2 du code de justice administrative, et l'avis de réception de cette mise en demeure ;
Vu le mémoire en défense, enregistré le 28 juillet 2005, présenté pour la commune de Fleury d'Aude par la SCP Charrel et associés, avocat ; elle conclut au rejet de la requête et à la condamnation de la SOCIETE AUDE AMENAGEMENT à lui verser une somme de 1.406.822,24 € en réparation des préjudices subis, assortie des intérêts au taux légal à compter du 9 septembre 1994, les intérêts échus les 6 octobre 1995, 5 décembre 1996 et 16 janvier 2002 devant être capitalisés à chacune de ces dates pour produire eux-mêmes intérêts, déduction faite des sommes en principal et des intérêts déjà payés en exécution du jugement attaqué ; elle demande également la condamnation de la SOCIETE AUDE AMENAGEMENT à lui verser une somme de 5.000 € au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Vu le mémoire, enregistré le 6 juillet 2005, présenté pour la SOCIETE AUDE AMENAGEMENT, par la SCP Trias, Verine et Vidal , avocat, qui conclut aux mêmes fins que la requête, par les mêmes moyens ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu 2°) la requête, enregistrée au greffe de la Cour administrative d'appel de Marseille le 4 juin 2002, sous le 02MA01044, présentée pour la COMMUNE DE FLEURY D'AUDE, par la SCP Coulombie Gras Cretin, avocats ;
La COMMUNE DE FLEURY D'AUDE demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 943034 du 1er mars 2002 par lequel le tribunal administratif de Montpellier n'a que partiellement fait droit à sa demande en condamnant la SOCIETE AUDE AMENAGEMENT à lui payer la somme de 1.039.015,80 euros, en indemnisation du préjudice subi par la commune dans le cadre de l'opération de création d'un jardin aquatique ;
2°) de condamner la société Aude X... à lui verser une somme de 5.365.119,11 €, assortie des intérêts au taux légal à compter du 1er septembre 1994 et capitalisation des intérêts échus les 6 octobre 1995, 5 décembre 1996 et 16 janvier 2002 ;
3°) de condamner la société Aude X... à lui verser une somme de 4.000 € au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu la mise en demeure adressée le 28 juin 2005 à la société Aude aménagement, en application de l'article R. 612-2 du code de justice administrative, et l'avis de réception de cette mise en demeure ;
Vu le mémoire, enregistré le 15 mars 2005, présenté pour l'association « Rassemblés pour agir » par Me Y..., avocat ;
L'association « Rassemblés pour agir » conclut à l'annulation du jugement en tant qu'il a condamné la COMMUNE DE FLEURY D'AUDE à verser une somme de 58.707.77 euros à la société Rougerie et qu'il a reconnu une part de responsabilité à la commune ; elle demande également la condamnation de la société Rougerie à lui verser une somme de 2.000 € au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Vu le mémoire, enregistré le 18 juillet 2005, présenté pour la société Aude X..., par la SCP Trias, Verine et Vidal, avocats, qui conclut au rejet de la requête et à la condamnation de l'association « Rassemblés pour Agir » à lui verser une somme de 10.000 € au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Vu le mémoire, enregistré le 8 février 2006, présenté pour l'association «Rassemblés pour agir» qui conclut aux mêmes fins que précédemment par les mêmes moyens ;
Vu le mémoire non communiqué, enregistré le 15 février 2006, présenté pour la COMMUNE DE FLEURY D'AUDE qui conclut aux mêmes fins que la requête, par les mêmes moyens ;
Vu le mémoire non communiqué enregistré le 16 février 2006, présenté pour la COMMUNE DE FLEURY D'AUDE qui conclut aux mêmes fins que la requête ;
Vu le mémoire non communiqué, enregistré le 15 février 2006, présenté pour la commune de Fleury d'Aude qui conclut aux mêmes fins que la requête par les mêmes moyens ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 27 février 2006 :
- le rapport de Mlle Josset, premier conseiller,
- les observations de Me A... de la SCP Charrel pour la commune de Fleury d'Aude et de Me Y... pour l'association « Rassemblés pour agir »,
- et les conclusions de M. Firmin, commissaire du gouvernement ;
Considérant que les requêtes susvisées n° 02MA00978 et n° 02MA01044, présentées pour la SOCIETE AUDE AMENAGEMENT (anciennement SEMEAA) et pour la COMMUNE DE FLEURY D'AUDE sont relatives à un même marché et ont fait l'objet d'une instruction commune ; qu'il y a lieu de les joindre pour statuer par un seul arrêt ;
Considérant que par une convention en date du 9 février 1988, reconduite le 13 mai 1988, la commune de Fleury d'Aude a confié au syndicat mixte d'aménagement et de développement de la Basse Vallée de l'Aude ( SMABVA) en vue de lui confier une mission de conseil pour la création d'un jardin aquatique à Saint-Pierre, près du rocher de la Batterie, destiné à favoriser l'animation de la commune ; que la commune a confié, par marché en date du 31 mars 1988, la maîtrise d'oeuvre de cet ouvrage à la société Rougerie puis, par convention en date du 25 mai 1988 en a délégué la maîtrise d'ouvrage à la société d'économie mixte d'équipement et d'aménagement de l'Aude devenue Aude X... ;
Considérant que la société Aude X... fait appel du jugement en tant qu'elle a été condamnée à verser une somme de 1.039.015,80 € à la commune de Fleury d'Aude, en réparation du dommage correspondant aux dépenses inutilement exposées par celle-ci pour la réalisation d'un ouvrage inexploitable en l'état ; que la commune de Fleury d'Aude fait appel de ce même jugement en tant que le jugement n'a fait que partiellement droit à sa demande d'indemnisation ;
Sur l'intervention de l'association « Rassemblés pour agir » :
Considérant que, dans les litiges de plein contentieux, sont seules recevables à former une intervention les personnes qui se prévalent d'un droit auquel la décision à rendre est susceptible de préjudicier ;
Considérant que la décision à rendre sur la requête de la commune de Fleury n'est pas susceptible de préjudicier aux droits de l'association «Rassemblés pour agir » ; que, dès lors, l'intervention de cette association «Rassemblés pour agir » n'est pas recevable ;
Sur la responsabilité :
Considérant qu'en vertu de la convention de mandat qu'elle avait signée le 13 mai 1988 avec la commune de Fleury d'Aude pour la réalisation d'un jardin aquatique à Saint Pierre-sur-Mer, la Société d'économie mixte et d'aménagement de l'Aude, aux droits et obligations de laquelle est venue la Société Aude aménagement, avait la double mission, d'une part, de faire procéder, au nom et pour le compte de la commune, aux études nécessaires à la réalisation de l'ouvrage au stade de l'avant-projet sommaire puis, après accord de la municipalité, de l'avant-projet détaillé, avec l'estimation prévisionnelle des dépenses réactualisées et la préparation matérielle des marchés, d'autre part, la réalisation de l'ouvrage après examen par la collectivité communale du dossier d'études et accord sur ces études, sur l'estimation prévisionnelle des dépenses et sur les modalités de financement donné par délibération du conseil municipal dûment notifiée au mandataire ; que durant cette phase de réalisation, la Société d'économie mixte et d'aménagement de l'Aude, qui avait en charge la mise au point et le suivi des marchés de travaux et le suivi permanent de la consommation des crédits prévus, dans l'optique du respect final de l'enveloppe financière estimée à titre prévisionnel à 16.000.000 F, avait l'obligation d'informer son mandant de l'évolution des travaux, des marchés qu'elle devait lui adresser avant toute exécution et des comptes de l'opération ;
Considérant qu'il ne résulte pas de l'instruction que la Société d'économie mixte et d'aménagement de l'Aude ait veillé à ce que toutes les études nécessaires sur la faisabilité physique du projet et le respect des normes de sécurité aient été réalisées ; qu'elle n'a pas non plus fait rechercher et réuni, pour assurer une entière information de son mandant, tous les éléments et études de programmation devant permettre une définition précise de l'ensemble des ouvrages et travaux à réaliser et des financements afférents ; qu'il est constant que la Société d'économie mixte et d'aménagement de l'Aude a commencé, sans obtenir l'accord exprès par une délibération du conseil municipal de la commune délégante, la mise en oeuvre de sa mission de réalisation de l'ouvrage ; que durant la phase de l'exécution dudit ouvrage, le mandataire n'a pas informé régulièrement la collectivité communale de l'obligation de réaliser des travaux non prévus initialement et de signer des avenants aux marchés initiaux ou des marchés de régularisation pour couvrir ces travaux, conventions nouvelles qui n'ont pas été transmis pour accord à la commune avant toute exécution ; qu'alors que la convention de mandat prévoyait la possibilité d'un préfinancement par la Société d'économie mixte et d'aménagement de l'Aude à hauteur de 8.000.000 F, celle-ci a engagé sans autorisation préalable de son mandant un préfinancement des opérations de réalisation de l'ouvrage dont s'agit à hauteur de 15.000.000 F ;
Considérant que l'ensemble des manquements susmentionnés de la Société d'économie mixte et d'aménagement de l'Aude à ses obligations de mandataire de la commune de Fleury d'Aude, qui n'ont pas permis à cette dernière, d'une part, d'être pleinement informée sur la réalité du projet dont la réalisation a été mise en oeuvre, de son coût et des problèmes tenant à la sécurité de l'accueil des groupes de cinquante personnes comme prévu par le seul projet dont elle avait connaissance et, d'autre part, de prendre la mesure réelle de la dérive financière à laquelle ledit projet a donné lieu, constitue, alors même que la commune avait déjà signé les contrats avec la société Rougerie et la société SFCN, une faute de nature à engager sa responsabilité contractuelle à l'égard de son mandant ;
Considérant, toutefois, qu'il résulte également de l'instruction et notamment des énonciations du jugement correctionnel rendu par le Tribunal de grande instance de Montpellier le 14 mars 2002, et devenu définitif, que, d'une part, l'objectif du maire, qui tenait à ce que l'inauguration de l'ouvrage ait lieu le 30 novembre 1988, a entraîné une précipitation dans la conception du projet et une imprécision plus grande encore en ce qui concerne le financement de l'opération, d'autre part, que bien qu'informé de l'évolution catastrophique et non maîtrisée du projet, le maire n'en a pas tenu informé le conseil municipal, lequel n'a donc pu réagir à temps ; que ces fautes, qui sont opposables à la commune, nonobstant la circonstance qu'elles ont fait l'objet de poursuites pénales à l'encontre du maire de la commune, sont de nature à rendre la commune partiellement responsable du préjudice qu'elle invoque ; que compte tenu des agissements fautifs respectifs de la commune et de la société Aude X..., et compte tenu de la responsabilité imputable aux autres parties dont la condamnation n'est pas demandée solidairement, il y a lieu de fixer les parts de responsabilité encourues par la commune et ladite société dans la survenance des dommages à 25% chacune ; qu'en retenant pour elles des parts respectives de 8% et 33,33%, les premiers juges ont fait une inexacte appréciation des circonstances de l'espèce ; qu'ainsi le jugement attaqué doit être réformé sur ce point ;
Sur le préjudice :
Considérant qu'il résulte de l'instruction et notamment des rapports d'expertise déposés, que le jardin aquatique de Fleury d'Aude est inexploitable dans l'état où il a été achevé dès lors que certaines des règles d'accessibilité et de sécurité qui s'imposent à tout établissement recevant du public ont été méconnues, que l'observation de la vie sous marine n'est pas satisfaisante en l'absence de solution complète au problème de la turbidité de l'eau et que les charges financières excessives, imputables à la dérive du montant de l'investissement initial et à l'insuffisance des recettes de fonctionnement envisageables, compte tenu d'une capacité d'accueil inférieure aux prévisions, entraîneraient un déficit qui n'est pas supportable par les finances communales ; que la commune de Fleury d'Aude justifie en conséquence un dommage correspondant aux dépenses qu'elle a inutilement exposées, dès lors que le coût de remise en état de l'ouvrage serait supérieur au coût d'une construction nouvelle ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction et notamment du rapport du 16 avril 1998 établi par M. Z..., désigné par le président de la chambre d'accusation de la Cour d'appel de Montpellier, et soumis au débat contradictoir, que le montant total des dépenses justifiées par la commune s'élève à la somme de 3.578.767,26 €, les intérêts des divers emprunts à la somme de 1.224.292 €, les dépenses de fonctionnement du site à la somme de 682.657 € ( 4.477.936,4 F ), les études complémentaires qui se sont révélées utiles à l'expert à la somme de 79.554 € ; qu'en revanche, la commune de Fleury d'Aude n'apporte aucun élément de nature à établir qu'elle aurait suivi les préconisations de l'expert pour remettre les lieux en état ; que si la commune demande la somme de 69.025,91€ au titre des honoraires et frais annexes et la somme de 14.717.49 € au titre des honoraires relatifs à un audit financier, il ne résulte pas de l'instruction que cette seconde somme serait relative à une dépense qui aurait été utile à la solution du litige ; que s'agissant de la première somme, d'une part, le montant correspondant à des honoraires d'avocat concernant la présente procédure entrent dans le champ d'application de l'article L.761-1 du code de justice administrative, d'autre part, en l'absence de tout élément sur l'objet de ces honoraires, la commune n'établit pas qu'ils seraient relatifs au présent litige ; qu'il s'ensuit que ces conclusions ne peuvent être accueillies ; que pour évaluer le préjudice total de la commune, il y a lieu de déduire, ainsi que l'admet la commune, la subvention du conseil général de l'Aude pour un montant de 762.245,01 € et le remboursement de TVA par l'Etat sur les travaux exécutés pour un montant de 443.729,54 €, dès lors qu'il n'est ni établi, ni même allégué que ces sommes auraient été restituées par la commune ; qu'en conséquence, le préjudice subi par la commune doit être évalué à la somme de 4.359.295,71 € ; que compte tenu du partage de responsabilité décidé ci-dessus, la société Aude X... doit être condamnée à verser à la commune de Fleury d'Aude une somme de 1.089.823,93 € ; qu'il y a donc lieu de réformer le jugement du tribunal administratif de Montpellier en tant qu'il a condamné la société Aude X... à ne verser qu'une somme de 1.039.015,80 € à la commune de Fleury d'Aude ;
Sur les intérêts et les intérêts des intérêts :
Considérant que les premiers juges ont fait droit à la demande de la commune de Fleury d'Aude sur ce point ; que sa demande est par suite sans objet ;
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative
Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de rejeter les conclusions présentées à ce titre par la commune de Fleury d'Aude, la société Aude X... et l'association « Rassemblés pour Agir » ;
DECIDE
Article 1er : L'intervention de l'association « Rassemblés pour agir » n'est pas admise.
Article 2 : La société Aude X... est condamnée à verser à la commune de Fleury d'Aude une somme de 1.089.823,93 € (un million quatre-vingt neuf mille huit cent vingt-trois euros et quatre-vingt-treize centimes d'euros).
Article 3 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.
Article 4 : Le jugement susvisé du tribunal administratif de Montpellier en date du 1er mars 2002 est réformé en ce qu'il a de contraire à la présente décision.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à l'association « Rassemblés pour agir », à la commune de Fleury d'Aude, à la société Aude aménagement et au ministre des transports, de l'équipement, du tourisme et de la mer.
N° 02MA00978 et 02MA01044 2