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01/12/2005 | FRANCE | N°04MA02015

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 3eme chambre - formation a 3, 01 décembre 2005, 04MA02015


Vu le recours, enregistré le 9 septembre 2004, présenté par le MINISTRE DE LA SANTE ET DE LA PROTECTION SOCIALE ; le ministre demande à la Cour d'annuler le jugement n° 0107621 en date du 30 mars 2004, par lequel le Tribunal administratif de Marseille a déclaré l'Etat entièrement responsable des conséquences de la vaccination contre l'hépatite B prescrite à Mme Jeanine X ;

Il soutient que le tribunal s'est livré à une appréciation inexacte des faits, qu'il ne pouvait affirmer que Mme X était atteinte de la sclérose latérale amyotrophique depuis le début de l'année 19

93, que cette pathologie n'est pas répertoriée dans la liste des effets ...

Vu le recours, enregistré le 9 septembre 2004, présenté par le MINISTRE DE LA SANTE ET DE LA PROTECTION SOCIALE ; le ministre demande à la Cour d'annuler le jugement n° 0107621 en date du 30 mars 2004, par lequel le Tribunal administratif de Marseille a déclaré l'Etat entièrement responsable des conséquences de la vaccination contre l'hépatite B prescrite à Mme Jeanine X ;

Il soutient que le tribunal s'est livré à une appréciation inexacte des faits, qu'il ne pouvait affirmer que Mme X était atteinte de la sclérose latérale amyotrophique depuis le début de l'année 1993, que cette pathologie n'est pas répertoriée dans la liste des effets secondaires pouvant être occasionnés par le vaccin de l'hépatite B, que la victime n'a pas produit à l'appui de sa requête les documents médicaux sur lesquels elle fondait sa demande à fin d'indemnité, qu'il résulte d'un courrier daté de juin 1998 d'un médecin neurologue, que l'intéressée était atteinte de la sclérose latérale amyotrophique depuis près de trois ans ; qu'ainsi, la relation invoquée par Mme X entre sa pathologie et la vaccination contre l'hépatite B n'est pas établie ; qu'en outre, le terme «entièrement» utilisé dans le jugement en ce qui concerne la déclaration de responsabilité doit être supprimé, dès lors, que le régime de la responsabilité de la puissance publique en matière de vaccination est celui de la responsabilité sans faute ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire, enregistré le 23 novembre 2004, présenté pour la Caisse primaire d'assurance maladie de Haute-Savoie dont le siège est 2, rue Robert Schuman à Annecy (74984) par Me Depieds ;

La caisse demande à la Cour de confirmer le jugement entrepris et de condamner l'Etat à lui payer la somme de 31 693,36 euros au titre des prestations servies à Mme X ;

Elle soutient qu'elle a été amenée à prendre en charge Mme X au titre de l'assurance maladie et qu'elle lui a servi, à ce jour, la somme de 31 693,36 euros se décomposant en frais médicaux, pharmaceutiques et appareillages ;

Vu le mémoire enregistré le 8 décembre 2004, présenté pour M. et Mme X par Me Mor ;

M. et Mme X demandent à la Cour de confirmer le jugement critiqué en tant qu'il a déclaré l'Etat responsable des conséquences dommageables de la vaccination contre l'hépatite B administrée à Mme X et de l'infirmer en portant à 200 000 euros l'allocation provisionnelle à laquelle l'Etat a été condamné à lui verser dans l'attente du dépôt du rapport d'expertise ; ils sollicitent, en outre, une somme de 5 000 euros au titre des frais d'instance ;

Ils soutiennent que l'expert, à qui le MINISTRE DE LA SANTE ET DE LA PROTECTION SOCIALE a confié l'expertise dans le cadre de la procédure amiable, a eu connaissance du dossier médical de Mme X et que le ministre s'est abstenu de se faire représenter lors des opérations d'expertise ; que la victime a versé aux débats les éléments médicaux ayant conduit au diagnostic de la sclérose latérale amyotrophique ; que ce n'est qu'à la suite de multiples examens que le diagnostic a été porté pour la première fois le 28 novembre 1996 alors que les troubles sont apparus dès le début de l'année 1993 ; que cette pathologie neurologique suppose pour en établir le diagnostic des examens particuliers tels qu'IRM ou électromyogrammes ; que l'expert n'a trouvé aucun précédent particulier susceptible d'expliquer la survenue des symptômes et de la maladie par un autre événement que la vaccination contre l'hépatite B ; que la sclérose latérale amyotrophique est recensée par l'administration comme une pathologie post vaccinale comme en attestent les résultats de l'enquête épidémiologique entreprise à partir de 1994 sous l'égide de la commission nationale de pharmacovigilance et menée en 2002 ; que les pathologies à la suite d'une vaccination contre l'hépatite B évoluent de manière lente et le diagnostic est souvent difficile à poser ; que Mme X est atteinte de troubles majeurs, que son état s'aggrave de jour en jour et que, compte tenu des délais de procédure, une somme de 200 000 euros doit lui être accordée sans attendre le dépôt du rapport d'expertise ; que ce montant se justifie par son impossibilité de travailler, la nécessité du recours à une tierce personne de jour comme de nuit, les importantes souffrances tant physiques que morales ;

Vu le mémoire enregistré le 5 août 2005, présenté pour les consorts X par Me Mor informant la Cour du décès de Mme X le 4 juillet 2005 et la poursuite de la procédure par M. X et ses deux enfants majeurs en la qualité d'ayants-droit ;

Vu le mémoire enregistré le 2 novembre 2005 présenté pour les consorts par Me Mor ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code la santé publique ;

Vu le code de la sécurité sociale ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 3 novembre 2005 :

- le rapport de Mme Massé-Degois, rapporteur ;

- les observations de Me Mor pour les consorts ;

- et les conclusions de M. Trottier, commissaire du gouvernement ;

Considérant que le MINISTRE DE LA SANTE ET DE LA PROTECTION SOCIALE fait appel du jugement avant-dire-droit du 30 mars 2004 par lequel le Tribunal administratif de Marseille a déclaré l'Etat responsable des conséquences de la vaccination contre l'hépatite B prescrite à Mme Jeannine X ;

Sur la responsabilité sans faute :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 3111-9 du code de la santé publique : «Sans préjudice des actions qui pourraient être exercées conformément au droit commun, la réparation d'un dommage imputable directement à une vaccination obligatoire pratiquée dans les conditions mentionnées au présent chapitre est supportée par l'Etat» ; que l'article L. 3111-4 du même code a rendu la vaccination contre l'hépatite B obligatoire pour les professionnels de santé ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction que Mme X, aujourd'hui décédée et dont l'action est reprise par son époux et ses deux enfants majeurs, qui exerçait la profession d'infirmière, a été vaccinée contre l'hépatite B les 8 octobre et 12 novembre 1992 ainsi que le 6 janvier 1993 et a subi un rappel le 6 janvier 1994 ; qu'au cours de l'année 1993, l'intéressée a ressenti des troubles moteurs qui se sont aggravés progressivement ; qu'il résulte également de l'instruction, qu'à la suite d'examens pratiqués tels électromyogrammes et bilan radiologique en 1995 et 1996, elle a été hospitalisée à l'Hôpital neurologique de Lyon où a été porté et confirmé le diagnostic d'une sclérose latérale amyotrophique en décembre 1996 ; que compte tenu de sa profession et estimant qu'elle était en droit de bénéficier des dispositions du code de la santé publique qui prévoient un régime de responsabilité sans faute de l'Etat en raison des dommages directement imputables à une vaccination obligatoire, elle a demandé la soumission de son cas à l'appréciation de la commission de règlement amiable des accidents vaccinaux ; qu'après le dépôt du rapport d'expertise du médecin neurologue désigné par la direction générale de la santé et choisi conjointement avec l'intéressée, la commission de règlement amiable des accidents vaccinaux a émis un avis le 26 avril 2001, par lequel elle considérait que les troubles dont elle souffrait n'étaient pas imputables à la vaccination contre l'hépatite B, alors que l'expert estimait que lesdits troubles correspondaient avec une haute probabilité, aux conséquences de la vaccination contre l'hépatite B qu'elle avait reçue et que le type de sclérose à évolution lente dont elle était atteinte était décrite dans les suites de la vaccination contre l'hépatite B ; qu'en revanche, il ne résulte pas de l'instruction que Mme X présentait des troubles similaires avant lesdites injections contre l'hépatite B ;

Considérant que si le MINISTRE DE LA SANTE ET DE LA PROTECTION SOCIALE soutient en appel que le tribunal administratif a commis une erreur d'appréciation en estimant que Mme X était atteinte de la sclérose latérale amyotrophique depuis le début de l'année 1993 et que cette pathologie était répertoriée dans la liste des effets secondaires pouvant être occasionnés par le vaccin de l'hépatite B, il s'abstient toutefois d'apporter à l'appui de ses allégations le moindre document médical ou de littérature médicale de nature à remettre en cause sérieusement les conclusions de l'expertise ; que, par suite, dans les circonstances de l'espèce et notamment au vu du rapport d'expertise du médecin neurologue désigné par la direction générale de la santé, comme les premiers juges l'ont estimé, le lien de causalité entre la vaccination contre l'hépatite B et la sclérose latérale amyotrophique dont souffrait Mme X doit être tenu pour établi ; que, par suite, l'Etat doit être déclaré responsable des conséquences dommageables de cette affection ; que par ailleurs, l'utilisation du terme «entièrement» par le dispositif du jugement lors de la déclaration de responsabilité de l'Etat n'est pas de nature à en vicier la régularité ;

Sur la demande incidente de Mme X reprise par ses ayants-droit :

Considérant que, si par la voie de l'appel incident, les ayants-droit de Mme X sollicitent la réformation du jugement critiqué en demandant que l'allocation provisionnelle de 30 000 euros accordée par le tribunal administratif soit portée à la somme de 200 000 euros, ils n'apportent cependant pas à l'appui de leurs conclusions d'éléments suffisamment précis et chiffrés permettant d'accéder à leur demande ; que, par suite, celle-ci doit être rejetée ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : «Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation.» ;

Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu en application des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative, de condamner l'Etat à verser à M.M Gaston, Jean-Christophe et Pascal X, ayants-droits de Mme X, la somme de 1 500 euros, au titre des frais irrépétibles non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

Article 1er : Le recours du MINISTRE DE LA SANTE ET DE LA PROTECTION SOCIALE est rejeté.

Article 2 : L'Etat (ministre de la santé et des solidarités) versera à M.M Gaston, Jean-Christophe et Pascal X la somme globale de 1 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le surplus des conclusions de M.M Gaston, Jean-Christophe et Pascal X est rejeté.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au MINISTRE DE LA SANTE ET DES SOLIDARITES, à la caisse primaire d'assurance maladie de Haute-Savoie, à M.M Gaston, Jean-Christophe et Pascal X.

Copie en sera adressée à Me Mor et à Me Depieds et au préfet de Haute-Savoie.

N°0402015 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 3eme chambre - formation a 3
Numéro d'arrêt : 04MA02015
Date de la décision : 01/12/2005
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. DARRIEUTORT
Rapporteur ?: Mme Christine MASSE-DEGOIS
Rapporteur public ?: M. TROTTIER
Avocat(s) : DEPIEDS

Origine de la décision
Date de l'import : 05/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2005-12-01;04ma02015 ?
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