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17/11/2005 | FRANCE | N°05MA01129

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, Juge des reconduites, 17 novembre 2005, 05MA01129


Vu la requête enregistrée le 12 mai 2005, présentée pour Mlle Leila X élisant domicile ...), par Me Rossler ;

Mlle X demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n°0501242 en date du 23 mars 2005 par lequel le magistrat délégué par le président du Tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté en date du 28 février 2005 par lequel le préfet du Var a décidé sa reconduite à la frontière ;

2°) d'annuler ledit arrêté ;

3°) de condamner l'Etat à lui verser la somme de 1000 euros au titre de l'article L.76

1-1 du code de justice administrative ;

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Vu la conventio...

Vu la requête enregistrée le 12 mai 2005, présentée pour Mlle Leila X élisant domicile ...), par Me Rossler ;

Mlle X demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n°0501242 en date du 23 mars 2005 par lequel le magistrat délégué par le président du Tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté en date du 28 février 2005 par lequel le préfet du Var a décidé sa reconduite à la frontière ;

2°) d'annuler ledit arrêté ;

3°) de condamner l'Etat à lui verser la somme de 1000 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative ;

……………………………………………………………………………………………………..

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 ;

Vu l'accord franco-tunisien du 17 mars 1988 modifié ;

Vu l'ordonnance n°45-2658 du 2 novembre 1945 modifiée relative aux conditions d'entrée et de séjour des étrangers en France ;

Vu le code de l'entrée et de séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu le code de justice administrative ;

Vu la décision en date du 27 décembre 2004 par laquelle le président de la Cour a notamment délégué M. François Bourrachot, président, pour statuer sur l'appel des jugements rendus en matière de reconduite à la frontière ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 13 octobre 2005 :

- le rapport de M. Bourrachot, Président rapporteur ;

- les observations de Me Rossler pour Mlle X ;

- et les conclusions de M.Trottier, commissaire du gouvernement ;

Considérant qu'aux termes des dispositions du I de l'article 22 de l'ordonnance du 2 novembre 1945 modifiée : Le représentant de l'Etat dans le département et, à Paris, le préfet de police peuvent, par arrêté motivé, décider qu'un étranger sera reconduit à la frontière dans les cas suivants : (...) 3° Si l'étranger, auquel la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour a été refusé ou dont le titre de séjour a été retiré, s'est maintenu sur le territoire français au-delà du

délai d'un mois à compter de la date de notification du refus ou du retrait … ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que Mlle X, de nationalité tunisienne, s'est maintenue sur le territoire français plus d'un mois après la notification, le 27 mai 2004, de la décision du 24 mai 2004 du préfet du Var lui refusant un titre de séjour et l'invitant à quitter le territoire ;

Considérant, d'une part, qu'aux termes des stipulations de l'article 7 ter de l'accord franco-tunisien dans sa rédaction issue du deuxième avenant du 8 septembre 2000 : Sans préjudice des dispositions du b) et du d) de l'article 7 ter les ressortissants tunisiens bénéficient, dans les conditions prévues par la législation française, de la carte de séjour temporaire portant la mention vie privées et familiale ;

Considérant que, contrairement à ce que soutient le préfet, la requérante, qui n'était pas dans les cas visés par les dispositions du b) et du d) de l'article 7 ter de l'accord précité était en droit de présenter une demande de titre de titre de séjour sur le fondement des dispositions du 7° de l'article 12 bis de l'ordonnance du 2 novembre 1945 modifiée ;

Considérant qu'aux termes des dispositions de l'article 12 bis de l'ordonnance du 2 novembre 1945 modifiée : Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention vie privée et familiale est délivrée de plein droit : (...) 7° A l'étranger, ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial dont les liens personnels et familiaux en France sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus ; qu'aux termes des dispositions du 3° de l' article 7 du décret du 30 juin 1946 modifié : L'étranger qui, n'étant pas déjà admis à résider en France, sollicite la délivrance d'une carte de séjour temporaire présente à l'appui de sa demande : (…) 3° Sauf stipulation contraire d'une convention internationale applicable en France, un visa de séjour d'une durée supérieure à trois mois (…). Ne sont pas soumis aux dispositions du 3° de l'alinéa premier du présent article : (…) les étrangers mentionnés à l'article 12 bis de l'ordonnance du 2 novembre 1945 précitée ;

Considérant qu'il résulte de la combinaison des stipulations et dispositions précitées que la délivrance d'une carte de séjour temporaire portant la mention vie privée et familiale n'étant pas subordonnée à la détention d'un visa d'une durée supérieure à trois mois, le préfet du Var, en opposant à Mlle CHEIDI une telle condition, a entaché d'erreur de droit sa décision du 24 mai 2004 lui refusant un titre de séjour et l'invitant à quitter le territoire ;

Considérant, d'autre part, qu'indépendamment de l'énumération donnée par les articles 25 et 26 de l'ordonnance du 2 novembre 1945 des catégories d'étrangers qui ne peuvent faire l'objet d'une mesure d'éloignement, qu'il s'agisse d'un arrêté d'expulsion pris selon la procédure normale ou d'un arrêté de reconduite à la frontière, l'autorité administrative ne saurait légalement prendre une mesure de reconduite à l'encontre d'un étranger que si ce dernier se trouve en situation irrégulière au regard des règles relatives à l'entrée et au séjour ; que lorsque la loi ou une convention internationale prescrit que l'intéressé doit se voir attribuer de plein droit un titre de séjour, cette circonstance fait obstacle à ce qu'il puisse légalement être l'objet d'une mesure de reconduite à la frontière ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction que le préfet du Var, en prenant un arrêté de reconduite à la frontière à l'encontre de Mlle X, eu égard au caractère des liens familiaux dont pouvait justifier la requérante, jeune majeure n'ayant pu bénéficier du regroupement familiale et dont les parents et les frères résident régulièrement en France et à l'intérêt de sa présence pour sa famille, a porté une atteinte au respect de sa vie privé et familiale disproportionnée aux motifs pour lesquels ce refus lui a été opposé, et a, par suite, méconnu les dispositions de l'article 12 bis 7° de l'ordonnance du 2 novembre 1945 modifiée ;

Considérant, au surplus, qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ;

Considérant que pour les raisons indiquées ci-dessus le préfet a également porté au respect de la vie privé et familiale de Mlle X une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels la mesure de reconduite à la frontière a été prise et a, par suite, également méconnu les stipulations précitées de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Mlle X est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat délégué par le président du Tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 28 février 2005 du préfet du Var ordonnant sa reconduite à la frontière ; qu'il y a lieu, dès lors, d'annuler ledit jugement et ledit arrêté ;

Sur les conclusions de Mlle X tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, de condamner l'Etat à payer à Mlle X une somme de 1000 euros au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement susvisé du Tribunal administratif de Nice en date du 23 mars 2005 et l'arrêté du préfet du Var du 28 février 2005 sont annulés.

Article 2 : L'Etat est condamné à verser à Mlle X la somme de 1000 euros au titre

des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mlle Leila X, au préfet du Var et au ministre de l'intérieur et de l'aménagement du territoire.

Copie en sera adressée à Me Rossler.

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : Juge des reconduites
Numéro d'arrêt : 05MA01129
Date de la décision : 17/11/2005
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. François BOURRACHOT
Rapporteur public ?: M. TROTTIER
Avocat(s) : ROSSLER

Origine de la décision
Date de l'import : 05/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2005-11-17;05ma01129 ?
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