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13/10/2005 | FRANCE | N°03MA01653

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 3eme chambre - formation a 3, 13 octobre 2005, 03MA01653


Vu la requête sommaire et le mémoire ampliatif enregistrés le 14 août 2003 et le

16 décembre 2003, présentés pour le CENTRE HOSPITALIER UNIVERSITAIRE DE NICE, dont le siège est 4 avenue de la Reine Victoria BP 1179 à Nice (06003), représenté par son directeur en exercice habilité par délibération du 14 octobre 2003, par Me Le Prado ; le CENTRE HOSPITALIER demande à la Cour d'annuler le jugement n° 9902492 en date du 25 avril 2003 par lequel le Tribunal administratif de Nice, d'une part, l'a condamné à payer à Mme Véronique X la somme de 424 492,84 euros et, d'autre

part, a mis à sa charge les frais de l'expertise liquidés à la somme de 1...

Vu la requête sommaire et le mémoire ampliatif enregistrés le 14 août 2003 et le

16 décembre 2003, présentés pour le CENTRE HOSPITALIER UNIVERSITAIRE DE NICE, dont le siège est 4 avenue de la Reine Victoria BP 1179 à Nice (06003), représenté par son directeur en exercice habilité par délibération du 14 octobre 2003, par Me Le Prado ; le CENTRE HOSPITALIER demande à la Cour d'annuler le jugement n° 9902492 en date du 25 avril 2003 par lequel le Tribunal administratif de Nice, d'une part, l'a condamné à payer à Mme Véronique X la somme de 424 492,84 euros et, d'autre part, a mis à sa charge les frais de l'expertise liquidés à la somme de 1 829,39 euros ;

……………………………………………………………………………………………………..

Vu la loi n° 2002-303 du 4 mars 2002 ;

Vu le code de la santé publique ;

Vu le code de justice administrative ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 15 septembre 2005 :

- le rapport de M. Bourrachot, rapporteur ;

- les observations de Me Demailly substituant Me Le Prado pour le CENTRE HOSPITALIER UNIVERSITAIRE DE NICE ;

- et les conclusions de M. Trottier, commissaire du gouvernement ;

Sur la responsabilité :

Considérant qu'il ressort du rapport établi à la suite de l'expertise ordonnée par le juge des référés du Tribunal administratif de Nice du 11 avril 2000 sur les conditions dans lesquelles l'artériographie a été pratiquée sur Mme X le 23 juin 1997 que les troubles neurologiques sévères qui se sont manifestés immédiatement après cet examen trouvent leur origine dans une thrombose du tronc basiliaire dont il est tout à fait certain qu'elle s'est déroulée en cours d'examen ; que cette thrombose ne trouve certainement pas sa cause dans une dissection de l'artère vertébrale ; que, si le compte rendu de l'artériographie n'a pu être retrouvé pendant les opérations d'expertise, les constatations faites aussitôt après l'examen et une lettre adressée par l'expert au Tribunal administratif de Nice le 30 novembre 2001 après que celui-ci ait pu étudier les résultats de l'examen en litige permettent de conclure que l'indication de l'artériographie vertébrale était bien posée ; que l'expert retient comme cause vraisemblable de l'accident un embole iatrogène ; qu'il résulte de ces constatations et appréciations de l'expert, qui ne sont pas démenties par les autres pièces du dossier, qu'aucune faute ne peut être relevée dans l'exécution de l'artériographie subie par Mme X ;

Considérant, toutefois, que lorsqu'un acte médical nécessaire au diagnostic ou au traitement du malade présente un risque dont l'existence est connue mais dont la réalisation est exceptionnelle et dont aucune raison ne permet de penser que le patient y soit particulièrement exposé, la responsabilité du service public hospitalier est engagée si l'exécution de cet acte est la cause directe de dommages sans rapport avec l'état initial du patient comme avec l'évolution prévisible de cet état, et présentant un caractère d'extrême gravité ;

Considérant que le risque connu inhérent aux artériographies vertébrales, notamment celui d'embolie du tronc basiliaire et les conséquences de cet acte pratiqué sur Mme X, répondent à ces conditions ; qu'en dépit de l'état cardiologique et neurologique de

Mme X, lequel motivait précisément son hospitalisation, aucune des pièces du dossier ne révèlent qu'il existait une raison permettant de penser que Mme X fût particulièrement exposée au risque d'embolie qui s'est réalisé ; qu'en l'espèce, le dommage subi par

Mme X, venue consulter pour des vertiges et des sensations de tension dans les deux oreilles qui ne l'empêchaient pas de mener une vie normale, est sans rapport avec son état au moment de son hospitalisation ; que ni la découverte tardive des documents relatifs à l'artériographie du 23 juin 1997, ni les avis médicaux d'un préposé de l'établissement, ni les deux rapports rédigés dans des termes au demeurant hypothétiques par un médecin intervenant à la demande du médecin-conseil de l'assureur de l'établissement, ni l'avis médical produit le

5 septembre 2005 ne remettent en cause les conclusions de l'expert ; que les mêmes éléments ne sont pas davantage de nature à justifier que soit ordonnée une nouvelle expertise ; que les déclarations de la victime à la presse faisant état de modestes progrès ne suffisent pas à remettre en question la date de consolidation fixée par l'expert au 1er janvier 2000 et le caractère d'extrême gravité de son préjudice ; que les autres conditions d'engagement de la responsabilité sans faute de l'hôpital, qui ne sont d'ailleurs pas contestées, étant remplies, le CENTRE HOSPITALIER DE NICE n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que le Tribunal administratif de Nice a estimé que le dommage pouvait être réparé sur ce fondement ;

Sur le préjudice :

Considérant que la caisse primaire d'assurance maladie des Alpes-Maritimes justifie de débours pour un montant de 494 615,17 euros ; que la victime justifie avoir supporté une somme de 28 122,45 euros au titre des frais d'appareillage et d'aménagements divers inhérents à son état ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction et notamment du rapport d'expertise qu'à la suite de l'artériographie qu'elle a subie le 3 octobre 1978, Mme X née le 29 juillet 1962, est atteinte d'une tétraplégie sans nécessité d'assistance respiratoire mais sans mouvement possible entraînant une invalidité permanente partielle quantifiée par l'expert à 90 % ; que, compte tenu de l'âge de la victime, le préjudice subi a ce titre doit être évalué à la somme de 337 500 euros ; qu'il sera fait une juste appréciation des souffrances endurées, quantifiées à 2/7 en allouant à ce titre une somme de 1 000 euros ; qu'au titre du préjudice esthétique, évalué à 6/7, il sera alloué une somme de 27 441 euros ; qu'au titre du préjudice d'agrément il sera alloué une somme de 75 000 euros ;

Considérant que la nécessité dans laquelle elle se trouve d'avoir recours, pour subvenir à la plupart des gestes de la vie quotidienne, à une tierce personne 23 heures par jour, et à une assistance médicale d'une heure par jour à compter du 1er mars 1998 jusqu'au 16 janvier 2005, date du décès de Mme X, justifie une somme de 813 780 euros ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède qu'il y a lieu de fixer le préjudice subi à une somme de 1 777 458,62 euros, dont 1 674 017,62 euros au titre du préjudice correspondant à l'atteinte à l'intégrité physique et 103 441 euros au titre du préjudice de caractère personnel ;

Sur les conclusions de la caisse primaire d'assurance maladie :

Considérant qu'aux termes des deuxième et troisième alinéas de l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale, « Les caisses de sécurité sociale sont tenues de servir à l'assuré ou à ses ayants droit les prestations prévues par le présent livre, sauf recours de leur part contre l'auteur responsable de l'accident dans les conditions ci-après. Si la responsabilité du tiers est entière ou si elle est partagée avec la victime, la caisse est admise à poursuivre le remboursement des prestations mises à sa charge à due concurrence de la part d'indemnité mise à la charge du tiers qui répare l'atteinte à l'intégrité physique de la victime, à l'exclusion de la part d'indemnité, de caractère personnel, correspondant aux souffrances physiques ou morales par elle endurées et au préjudice esthétique et d'agrément … » ; qu'en vertu de ces dispositions, il appartient au juge administratif, qui dirige l'instruction, de mettre en cause la caisse de sécurité sociale qui a servi des prestations à un assuré social, victime d'un accident dont il impute la responsabilité à un tiers ; qu'à la suite de cette mise en cause, la caisse devient partie à l'instance engagée par son assuré ; qu'il lui appartient, le cas échéant, de relever appel dans les conditions de droit commun ;

Considérant que régulièrement mise en cause en première instance la caisse primaire d'assurance maladie des Alpes-Maritimes n'a pas formé de conclusions devant le Tribunal administratif de Nice ; que ses conclusions tendant à ce que le CENTRE HOSPITALIER DE NICE soit condamné à lui verser la somme de 494 615,17 euros au titre de ses débours exposés antérieurement à la date de consolidation de la victime et la somme de 762,25 euros en application de l'ordonnance du 24 janvier 1996 sont nouvelles en appel ; qu'il suit de là que ces conclusions ne peuvent qu'être rejetées comme irrecevables ;

Sur les droits de Mme X :

Considérant qu'en dépit de l'irrecevabilité des conclusions de la caisse primaire d'assurance maladie des Alpes-Maritimes tendant au remboursement des sommes exposées par elle, il y a lieu, en application de l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale, pour fixer le montant de l'indemnité due à Mme X, de défalquer de la condamnation mise à la charge du CENTRE HOSPITALIER DE NICE représentative de la réparation des atteintes à l'intégrité physique de la victime qui s'élève à 1 674 017,62 euros, le montant des sommes exposées par la caisse qui s'élève à 494 615,17 euros ; que l'indemnité à laquelle peut prétendre Mme X peut être en conséquence fixée à 1 179 402,45 euros ; que, toutefois, dans le dernier état de leur écritures, les ayants droit de Mme X bornent leurs prétentions à la somme de

584 259,53 euros ; qu'ils sont ainsi seulement fondés à demander la réformation du jugement attaqué dans cette mesure ;

DÉCIDE :

Article 1er : La somme de 424 492,84 euros que le CENTRE HOSPITALIER DE NICE a été condamné à verser à Mme X par le jugement du Tribunal administratif de Nice du 25 avril 2003 est portée à 584 259,53 euros sous déduction éventuelle de la provision de 60 979,61 euros qui aurait été versée en exécution de l'ordonnance du 14 février 2002.

Article 2 : Le jugement du Tribunal administratif de Nice du 25 avril 2003 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 3 : Le surplus des conclusions du CENTRE HOSPITALIER DE NICE et de

Mme X est rejeté.

Article 4 : Les conclusions de la caisse primaire d'assurance maladie des Alpes-Maritimes sont rejetées.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié au CENTRE HOSPITALIER UNIVERSITAIRE DE NICE, à Mme Véronique X, à la caisse primaire d'assurance maladie des Alpes-Maritimes et au ministre de la santé et des solidarités.

Copie sera adressée à Me Darmon, Me Le Prado, Me Borra et au préfet des Alpes-Maritimes.

N° 03MA01653 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 3eme chambre - formation a 3
Numéro d'arrêt : 03MA01653
Date de la décision : 13/10/2005
Sens de l'arrêt : Satisfaction partielle
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. DARRIEUTORT
Rapporteur ?: M. François BOURRACHOT
Rapporteur public ?: M. TROTTIER
Avocat(s) : LE PRADO

Origine de la décision
Date de l'import : 05/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2005-10-13;03ma01653 ?
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