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07/07/2005 | FRANCE | N°05MA00385

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, Juge des reconduites, 07 juillet 2005, 05MA00385


Vu, enregistrée le 18 février 2005, l'ordonnance du 4 février 2005 par laquelle le président de la section du contentieux du Conseil d'Etat a attribué à la Cour administrative d'appel de Marseille le jugement du recours du PREFET DU GARD enregistré au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat le 26 janvier 2005, ensemble ledit recours ;

Le PREFET DU GARD demande au président de la cour administrative d'appel :

1°) d'annuler le jugement n°0406704 du 20 décembre 2004 par lequel le magistrat délégué par le président du Tribunal administratif de Montpellier a annu

lé son arrêté du 1er décembre 2004 décidant la reconduite à la frontière de...

Vu, enregistrée le 18 février 2005, l'ordonnance du 4 février 2005 par laquelle le président de la section du contentieux du Conseil d'Etat a attribué à la Cour administrative d'appel de Marseille le jugement du recours du PREFET DU GARD enregistré au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat le 26 janvier 2005, ensemble ledit recours ;

Le PREFET DU GARD demande au président de la cour administrative d'appel :

1°) d'annuler le jugement n°0406704 du 20 décembre 2004 par lequel le magistrat délégué par le président du Tribunal administratif de Montpellier a annulé son arrêté du 1er décembre 2004 décidant la reconduite à la frontière de Mlle X... Y et la décision du même jour fixant le pays de destination de la reconduite ;

2°) de rejeter la demande présentée par Mlle X... Y devant le Tribunal administratif de Montpellier ;

…………………………………

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 modifiée ;

Vu le décret n° 95 ;304 portant publication de la convention d'application de l'accord de Schengen du 19 juin 1990 ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 22 juin 2005 :

- les conclusions de M. LOUIS, commissaire du gouvernement ;

Considérant qu'aux termes du I de l'article 22 de l'ordonnance du 2 novembre 1945 modifiée : « Le représentant de l'Etat dans le département et, à Paris, le préfet de police peuvent, par arrêté motivé, décider qu'un étranger sera reconduit à la frontière dans les cas suivants : (...) 3° Si l'étranger auquel la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour a été refusé ou dont le titre de séjour a été retiré, s'est maintenu sur le territoire au-delà du délai d'un mois à compter de la date de notification du refus ou du retrait (...) » ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que Mlle Y, de nationalité arménienne, s'est maintenue sur le territoire français plus d'un mois après la notification, le 6 août 2004, de la décision du PREFET DU GARD lui refusant la délivrance d'un titre de séjour et l'invitant à quitter le territoire ; qu'il entrait ainsi dans le champ d'application de la disposition précitée ;

Considérant que pour annuler la mesure de reconduite à la frontière, le magistrat délégué par le président du Tribunal administratif de Montpellier s'est fondé sur les risques qu'encourrait Mlle Y en cas de retour dans son pays d'origine ; qu'à cet égard Mlle Y, de nationalité arménienne, soutient que son père, en raison de ses origines azéries, a été inquiété, battu et emprisonné par les autorités arméniennes, qu'elle-même a été violée par des fonctionnaires de police, et que son père et son frère ont été emprisonnés en août 2000 ; que toutefois, à l'appui de ses allégations, elle ne produit que des attestations et témoignages qui ne présentent pas un caractère suffisamment probant pour établir les faits allégués ; que, d'ailleurs sa demande d'attribution du statut de réfugié a été rejeté par l'OFPRA puis par la commission de recours des réfugiés ; que par suite, le PREFET DU GARD est fondé à soutenir que c'est à tort que, pour annuler l'arrêté attaqué, le magistrat délégué par le président du Tribunal administratif de Montpellier a accueilli le moyen tiré de ce que ledit arrêté méconnaîtrait l'article 3 de la convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Considérant toutefois qu'il appartient à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par Mlle Y devant le Tribunal administratif de Montpellier et devant la Cour ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. Z, directeur de la réglementation et des libertés publiques, a, par arrêté publié le 2 février 2004, reçu délégation de signature pour l'ensemble des attributions de son service, sauf pour certaines matières limitativement énumérées ; que la reconduite à la frontière n'est pas au nombre de ces exceptions ; que par suite le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de l'acte doit être écarté ;

Considérant que l'arrêté en litige énonce les considérations de droit et de fait sur lesquelles il est fondé ; qu'il suit de là qu'il est suffisamment motivé ; qu'il ne ressort pas davantage des pièces du dossier que le PREFET DU GARD ne se serait pas livré à un examen particulier des pièces du dossier de Mlle Y pour fonder sa décision ;

Considérant que Mlle Y déclare être entrée en France en octobre 2000 avec sa famille ; qu'à la date de la décision attaquée, elle est mère d'un enfant né en France le 22 août 2002, dont le père, son concubin, fait également l'objet d'une mesure d'éloignement ; que, compte tenu des circonstances de l'espèce, et notamment de la durée du séjour en France de Mlle Y, la mesure de reconduite à la frontière attaquée n'a pas, eu égard aux effets d'une mesure de reconduite à la frontière, porté au droit au respect de sa vie familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels a été prise ladite mesure ;

Considérant que Mlle Y, lorsqu'elle a demandé le réexamen de sa demande d'asile en date du 4 octobre 2004, s'était vu précédemment notifier, le 6 août 2004, une invitation à quitter le territoire qui faisait suite au rejet de sa demande d'asile territorial en date du 23 juillet 2004 par le ministère de l'intérieur ; qu'ainsi, le PREFET DU GARD a pu légalement prononcer un arrêté de reconduite à la frontière à l'encontre de Mlle Y après que sa demande de réexamen d'asile politique a été refusée par l'O.F.P.R.A en date du 7 octobre 2004 selon la procédure prioritaire, et ce alors même que la commission des recours des réfugiés, saisie d'un recours non suspensif contre la décision de rejet précitée du directeur de l'OFPRA, n'aurait pas encore statué sur ce recours ;

Considérant qu'eu égard aux circonstances de l'espèce, le PREFET DU GARD n'a pas commis d'erreur manifeste d'appréciation en prononçant la reconduite à la frontière de Mlle Y ;

Sur la légalité de la mesure fixant le pays de destination

Considérant que comme il a été dit précédemment Mlle Y n'établit pas qu'elle courrait des risques graves en cas de retour dans son pays d'origine ; qu'il suit de là que le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 27 bis de l'ordonnance du 2 novembre 1945 modifiée doit ne peut qu'être écarté ;

Considérant que Mlle Y soutient qu'avant de prendre la mesure fixant le pays de destination, le PREFET DU GARD avait l'obligation d'organiser un débat contradictoire sur ce point ; que toutefois, il résulte de l'ensemble des dispositions de l'ordonnance du 2 novembre 1945 modifiée, relatives à la reconduite à la frontière des étrangers en situation irrégulière, notamment de ses articles 22, 22 bis et 27 ter, qui ouvrent un recours suspensif devant le juge administratif et organisent les garanties dont bénéficie l'étranger, que le législateur a entendu déterminer l'ensemble des règles de procédure administrative et contentieuse auxquelles sont soumises l'intervention et l'exécution des arrêtés de reconduite à la frontière et des décisions fixant le pays de destination ; que, par suite, Mlle Y ne peut utilement se prévaloir des dispositions de l'article 24 de la loi du 12 avril 2000 aux termes desquelles les décisions individuelles qui doivent être motivées n'interviennent qu'après une procédure contradictoire préalable ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le PREFET DU GARD est fondé à demander l'annulation du jugement du 20 décembre 2004 par lequel le magistrat délégué par le président du Tribunal administratif de Montpellier a annulé son arrêté du 1er décembre 2004 décidant la reconduite à la frontière de Mlle X... Y ;

D E C I D E

Article 1er : Le jugement n°0406704 du 20 décembre 2004 du magistrat délégué par le président du Tribunal administratif de Montpellier est annulé.

Article 2 : La demande présentée devant le Tribunal administratif de Montpellier par Mlle Y est rejetée.

Article 3 : La présente décision sera notifiée au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur et de l'aménagement du territoire et à Mlle X... Y.

Copie en sera adressée au PREFET DU GARD.

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N° 05MA000385

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : Juge des reconduites
Numéro d'arrêt : 05MA00385
Date de la décision : 07/07/2005
Sens de l'arrêt : Satisfaction totale
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Richard MOUSSARON
Rapporteur public ?: M. LOUIS

Origine de la décision
Date de l'import : 05/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2005-07-07;05ma00385 ?
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