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07/07/2005 | FRANCE | N°05MA00365

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, Juge des reconduites, 07 juillet 2005, 05MA00365


Vu, enregistrée le 17 février 2005, l'ordonnance du 4 février 2005 par laquelle le président de la section du contentieux du Conseil d'Etat a attribué à la Cour administrative d'appel de Marseille le jugement du recours du PREFET DU GARD enregistré au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat le 25 janvier 2005, ensemble ledit recours ;

Le PREFET DU GARD demande au président de la cour administrative d'appel :

1°) d'annuler le jugement n°0406706 du 20 décembre 2004 par lequel le magistrat délégué par le président du Tribunal administratif de Montpellier a annul

é son arrêté du 1er décembre 2004 décidant la reconduite à la frontière de ...

Vu, enregistrée le 17 février 2005, l'ordonnance du 4 février 2005 par laquelle le président de la section du contentieux du Conseil d'Etat a attribué à la Cour administrative d'appel de Marseille le jugement du recours du PREFET DU GARD enregistré au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat le 25 janvier 2005, ensemble ledit recours ;

Le PREFET DU GARD demande au président de la cour administrative d'appel :

1°) d'annuler le jugement n°0406706 du 20 décembre 2004 par lequel le magistrat délégué par le président du Tribunal administratif de Montpellier a annulé son arrêté du 1er décembre 2004 décidant la reconduite à la frontière de Mme Goarik Y épouse X et la décision du même jour fixant le pays de destination de la reconduite ;

2°) de rejeter la demande présentée par Mme Y devant le Tribunal administratif de Montpellier ;

…………………………………………………………………………………………

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 modifiée ;

Vu le décret n° 95 ;304 portant publication de la convention d'application de l'accord de Schengen du 19 juin 1990 ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 22 juin 2005 :

- les conclusions de M. Louis, commissaire du gouvernement ;

Considérant qu'aux termes du I de l'article 22 de l'ordonnance du 2 novembre 1945 modifiée : « Le représentant de l'Etat dans le département et, à Paris, le préfet de police peuvent, par arrêté motivé, décider qu'un étranger sera reconduit à la frontière dans les cas suivants : (...) 3° Si l'étranger auquel la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour a été refusé ou dont le titre de séjour a été retiré, s'est maintenu sur le territoire au-delà du délai d'un mois à compter de la date de notification du refus ou du retrait (...) » ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que Mme Y épouse X, de nationalité arménienne, s'est maintenue sur le territoire français plus d'un mois après la notification, le 13 juillet 2004, de la décision du PREFET DU GARD lui refusant la délivrance d'un titre de séjour et l'invitant à quitter le territoire ; qu'elle entrait ainsi dans le champ d'application de la disposition précitée ;

Considérant que pour annuler la mesure de reconduite à la frontière, le magistrat délégué par le président du Tribunal administratif de Montpellier s'est fondé sur les risques qu'encourrait M. X en cas de retour dans son pays d'origine ; qu'à cet égard Mme X, qui est de nationalité arménienne et qui a des origines azéries, a soutenu devant le premier juge que son mari avait participé au conflit lié à la situation de la région du Haut Karabagh et qu'il avait été victime de mauvais traitements en Arménie ; que toutefois par une décision en date du 23 juin 2004, la Commission de Recours des Réfugiés a confirmé la décision du 28 novembre 2003 de l'Office Français de Protection des Réfugiés et Apatrides (O.F.P.R.A.) rejetant sa demande tendant à la reconnaissance du statut de réfugié ; que si Mme Y épouse X produit notamment la traduction d'un acte de poursuite dirigé contre son époux, les pièces qu'elle produit ne suffisent pas à établir qu'elle courrait des risques graves en cas de retour dans son pays d'origine ; que si elle allègue que le père de son époux a fait l'objet de mauvais traitements en liaison avec les faits reprochés à ce dernier par les autorités arméniennes, cette circonstance n'est pas davantage établie ; que par suite, le PREFET DU GARD est fondé à soutenir que c'est à tort que, pour annuler l'arrêté attaqué, le magistrat délégué par le président du Tribunal administratif de Montpellier a accueilli le moyen tiré de ce que ledit arrêté méconnaîtrait l'article 3 de la convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Considérant toutefois qu'il appartient à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par Mme Y épouse X devant le Tribunal administratif de Montpellier et devant la Cour ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. Z, directeur de la réglementation et des libertés publiques, a, par arrêté publié le 2 février 2004, reçu du préfet délégation de signature pour l'ensemble des attributions de son service, sauf pour certaines matières limitativement énumérées au nombre desquelles ne figurent pas les reconduites à la frontière ; que par suite le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de l'acte doit être écarté ;

Considérant que l'arrêté en litige énonce les considérations de droit et de fait sur lesquelles il est fondé ; qu'il suit de là qu'il est suffisamment motivé ; qu'il ne ressort pas davantage des pièces du dossier que le PREFET DU GARD ne se serait pas livré à un examen particulier des pièces du dossier de Mme Y épouse X pour prendre sa décision ;

Considérant que Mme Y épouse X est entrée en France en 2002 selon ses déclarations, avec son époux et ses deux enfants désormais âgés respectivement de 10 et 12 ans, scolarisés en France ; que, compte tenu des circonstances de l'espèce, et notamment de la durée et des conditions de séjour en France de Mme Y épouse X, la mesure de reconduite à la frontière attaquée n'a pas porté au droit au respect de sa vie familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise ;

Considérant que la circonstance selon laquelle la mesure d'éloignement en litige aurait pour effet de mettre un terme à la scolarité en France de ses deux enfants n'est pas de nature à faire regarder ladite mesure comme ayant méconnu les stipulations de l'article 3-1 de la convention des droits de l'enfant du 26 janvier 1990 ;

Considérant que Mme Y épouse X, lorsqu'elle a demandé le réexamen de sa demande d'asile en date du 4 octobre 2004, s'était vu précédemment notifier, le 13 juillet 2004, une invitation à quitter le territoire qui faisait suite au rejet de sa demande d'admission au statut de réfugié par décision de l'O.F.P.R.A. en date du 28 novembre 2003, ultérieurement confirmée par la Commission des Recours des Réfugiés ; qu'après le rejet de sa demande de réexamen de sa demande d'asile par décision de l'O.F.P.R.A. du 7 octobre 2004, et alors même que Mme X avait formé contre cette décision un recours non suspensif devant la commission de recours des réfugiés, le préfet pouvait légalement prendre l'arrêté en litige sans méconnaître les dispositions de la loi du 25 juillet 1952 et notamment son article 8 ;

Considérant qu'eu égard aux circonstances de l'espèce, le PREFET DU GARD n'a pas commis d'erreur manifeste d'appréciation en prononçant la reconduite à la frontière de Mme Y épouse X ;

Sur la légalité de la mesure fixant le pays de destination :

Considérant que comme il a été dit précédemment Mme Y épouse X n'établit pas qu'elle courrait des risques graves en cas de retour dans son pays d'origine ; qu'il suit de là que le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 27 bis de l'ordonnance du 2 novembre 1945 modifiée ne peut qu'être écarté ;

Considérant que Mme Y épouse X soutient qu'avant de prendre la mesure fixant le pays de destination, le PREFET DU GARD avait l'obligation d'organiser un débat contradictoire sur ce point ; que toutefois, il résulte de l'ensemble des dispositions de l'ordonnance du 2 novembre 1945 modifiée, relatives à la reconduite à la frontière des étrangers en situation irrégulière, notamment de ses articles 22, 22 bis et 27 ter, qui ouvrent un recours suspensif devant le juge administratif et organisent les garanties dont bénéficie l'étranger, que le législateur a entendu déterminer l'ensemble des règles de procédure administrative et contentieuse auxquelles sont soumises l'intervention et l'exécution des arrêtés de reconduite à la frontière et des décisions fixant le pays de destination ; que, par suite, Mme X ne peut utilement se prévaloir des dispositions de l'article 24 de la loi du 12 avril 2000 aux termes desquelles les décisions individuelles qui doivent être motivées n'interviennent qu'après une procédure contradictoire préalable ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le PREFET DU GARD est fondé à demander l'annulation du jugement du 20 décembre 2004 par lequel le magistrat délégué par le président du Tribunal administratif de Montpellier a annulé son arrêté du 1er décembre 2004 décidant la reconduite à la frontière de Mme Y épouse X ;

D E C I D E

Article 1er : Le jugement n°0406706 du 20 décembre 2004 du magistrat délégué par le président du Tribunal administratif de Montpellier est annulé.

Article 2 : La demande présentée devant le Tribunal administratif de Montpellier par Mme Y épouse X est rejetée.

Article 3 : La présente décision sera notifiée au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur et de l'aménagement du territoire et à Mme Goarik Y.

Copie en sera adressée au préfet du Gard.

4

N° 05MA00365

mp


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : Juge des reconduites
Numéro d'arrêt : 05MA00365
Date de la décision : 07/07/2005
Sens de l'arrêt : Satisfaction totale
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Richard MOUSSARON
Rapporteur public ?: M. LOUIS

Origine de la décision
Date de l'import : 05/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2005-07-07;05ma00365 ?
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