Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour administrative d'appel de Marseille le 27 mai 2002, présentée par la SCP Ferran-Vinsonneau-Paliès-Noy, avocats, pour la COMMUNE DE MONTPELLIER, représentée par son maire en exercice ;
Elle demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 014256 du 27 mars 2002 par lequel le Tribunal administratif de Montpellier a prononcé l'annulation, à la demande de M. Georges X, de la délibération du conseil municipal de la commune du 25 juillet 2001 attribuant le marché public de collecte des ordures ménagères et de nettoiement de la ville à la Société Méditerranéenne de Nettoiement (SMN) et autorisant son maire à le signer ;
2°) de condamner M. X à verser à la commune la somme de 1.823,90 € au titre de l'article L761-1 du code de justice administrative ;
…………………..
Vu le jugement attaqué ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code civil ;
Vu le code des marchés publics ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 4 juillet 2005 :
- le rapport de M. Brossier, premier conseiller,
- les observations de Me Apollis substituant la SCP Ferran-Vinsonneau-Paliès-Noy pour la COMMUNE DE MONTPELLIER,
- et les conclusions de M. Firmin, commissaire du gouvernement ;
Considérant qu'aux termes du 7° de l'article 38 bis du code des marchés publics, applicable à la date à laquelle la commission d'appel d'offres a fait son choix : Les marchés passés sur adjudication ou sur appel d'offres font l'objet d'un règlement de la consultation qui mentionne au moins :(...) les conditions dans lesquelles les variantes sont admises ; qu'aux termes des 1er, 3e et 4e alinéas de l'article 297 bis dudit code : Dans le cas où plusieurs offres jugées les plus intéressantes sont tenues pour équivalentes, tous éléments considérés, la commission, pour départager les candidats, peut demander à ceux-ci de présenter de nouvelles offres. Hormis ce cas, la commission ne peut discuter avec les candidats que pour leur faire préciser ou compléter la teneur de leurs offres (...) La commission est tenue d'examiner une offre incluant une variante par rapport au mode de règlement qu'elle a défini, dès lors que le candidat a également remis une offre comprenant le mode de règlement prévu dans l'appel d'offres. Une offre comportant une variante par rapport à l'objet du marché, tel qu'il a été défini par l'administration, peut être prise en considération si une telle possibilité est expressément prévue dans l'appel d'offres. ; qu'aux termes de l'article 297- II du même code : La commission élimine les offres non conformes à l'objet du marché. Elle choisit librement l'offre qu'elle juge la plus intéressante, en tenant compte notamment du prix des prestations, de leur coût d'utilisation, de la valeur technique et du délai d'exécution (...) ; qu'aux termes de l'article 298 du même code : dès que la commission a fait son choix, l' autorité habilitée à passer le marché avise tous les autres candidats du rejet de leur offre (... ) La commission déclare l'appel d'offres infructueux si elle n'a pas obtenu de propositions qui lui paraissent acceptables. L'appel d'offres est alors déclaré infructueux et l'autorité mentionnée au premier alinéa en avise tous les candidats. Il est alors procédé soit à un nouvel appel d'offres, soit un marché négocié (...) ; qu'enfin, aux termes de l'article 312 ter du même code : tout avenant au marché fait l'objet d'un rapport du représentant légal de la collectivité (...) ;
Considérant qu'il résulte de ces dispositions que, si un candidat à un appel d'offres est autorisé par le règlement de la consultation à proposer une ou plusieurs variantes à son offre de base, y compris une variante déclarée libre, cette variante, d'une part, ne peut avoir d'autre objet que d'aménager les conditions techniques et financières d'exécution du marché sans en modifier substantiellement ou en bouleverser l'économie, d'autre part, ne saurait avoir pour effet de substituer au marché de base prévu, défini et imposé, un nouveau marché comportant de profondes modifications des prestations, des conditions d'exécution ou du coût du marché par rapport à son coût estimatif ; que s'il advient, lors de l'examen des offres, que la commission d'appel d'offres constate un important déphasage entre le cahier des charges soumis aux candidats et les propositions techniques faites par les différents concurrents, ainsi qu'entre le prix des offres proposées et le coût estimatif du projet du marché, il lui appartient de déclarer le marché infructueux ; qu'enfin, il n'appartient pas à la commission d'appel d'offres de demander aux candidats pressentis pour obtenir le marché d'autres renseignements que ceux permettant de préciser ou de compléter leur offre, sans la négocier, ni la mettre au point en retranchant ou en ajoutant des prestations ;
Considérant que par délibération du 28 juillet 2000, le conseil municipal de MONTPELLIER a décidé de lancer une procédure de mise en concurrence par appel d'offres en vue d'attribuer le marché de collecte des déchets ménagers et de nettoiement général de la ville ; qu'au vu des rapports de vérification des offres (secondes enveloppes) établis les 3 avril et 28 juin 2001 par les services techniques de la ville, et des choix effectués par la commission d'appel d'offres dans ses séances des 5 avril et 3 juillet 2001, le conseil municipal de MONTPELLIER a décidé le 25 juillet 2001 d'attribuer le marché à la Société Méditerranéenne de Nettoiement (SMN) et d'autoriser son maire à signer ce marché ; que par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Montpellier a annulé cette délibération du 25 juillet 2001, motif tiré de l'irrégularité de la décision de la commission d'appel d'offres du 3 juillet 2001 au regard des dispositions précitées du code des marchés publics ;
Sur la régularité du jugement attaqué :
Considérant qu'il résulte de l'instruction, et notamment de la minute du jugement attaqué, que le moyen de la commune appelante tiré de ce que les premiers juges auraient omis d'analyser les conclusions de la requête introductive d'instance et de son mémoire en défense manque en fait ; qu'elle n'est, par suite, pas fondée à invoquer l'irrégularité du jugement attaqué ;
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
Considérant qu'aux termes de l'article 6-2 du règlement de consultation : «Les critères de jugement des offres telles que contenues dans la seconde enveloppe qui seront pris en compte par ordre décroissant sont : 1°) la valeur technique de l'offre en tenant compte des sous-critères suivants, classés eux- mêmes par ordre décroissant : mode d'organisation du service, adéquation de l'offre technique en regard de l'objectif de résultat demandé par la ville et des contraintes exprimées (fréquences, niveaux de service, propreté...), modalités de contrôle interne, modalités de transmission des informations à la ville, sécurité du travail 2°) le prix global de la prestation appréciée à travers la qualité des décompositions » ; qu'aux termes de l'article 4 - 2 du même règlement : «les candidats auront la possibilité de proposer des variantes techniques libres pour lesquelles ils détailleront, dans un document distinct, l'intérêt technique, logistique, environnemental et économique (....) Dans tous les cas, les entreprises candidates devront répondre à la totalité des offres de base, tranches conditionnelles et options sous peine de rejet de leur offre. » ;
Considérant, en premier lieu, qu'il est constant que seulement deux propositions d'entreprises candidates ont été analysées à la suite de l'ouverture de la seconde enveloppe, l'offre de la Société Méditerranéenne de Nettoiement (SMN) et l'offre de la société Polyurbaine ; qu'il résulte de l'instruction, et notamment du premier rapport de vérification des offres établi par les services techniques de la ville le 3 avril 2001, en sa page 11, que la Société Méditerranéenne de Nettoiement (SMN) proposait une offre de base détaillée pour un prix global annuel de 18.501.410 € HT, alors que la société Polyurbaine proposait un prix global annuel de 19.640.567 € HT, pour une offre de base moins précise dans son contenu technique et sa décomposition financière ; que dans ces conditions, et compte tenu des dispositions de l'article 6-2 du règlement de consultation précité, la commission d'appel d'offres a pu, sans commettre d'erreur manifeste d'appréciation, rejeter l'offre de la société Polyurbaine ;
Considérant, en deuxième lieu, que si l'offre de base de la Société Méditerranéenne de Nettoiement (SMN) atteignait le montant annuel de 18.501.410 € HT, pour un budget annuel prévisionnel de 15,6 millions de francs HT, il résulte de l'instruction, et notamment du rapport de vérification des offres du 3 avril 2001, en sa page 6, que cette hausse de 19 % était due, d'une part, à l'impact de la mise en place de la législation portant la durée de travail hebdomadaire à 35 heures, entraînant en l'espèce une hausse non contestée de 12% de la masse salariale, d'autre part à l'augmentation des exigences de qualité de la commune de MONTPELLIER, notamment en ce qui concerne le lavage des espaces publics et l'enlèvement des feuilles mortes ; que, par l'article 6-2 susmentionné de son règlement de consultation, la ville avait indiqué aux candidats qu'elle privilégiait un objectif de résultat en termes de qualité par rapport au prix global de la prestation ; que, dans ces conditions, l'offre de base proposée par la Société Méditerranéenne de Nettoiement (SMN) de 18.501.410 € HT ne modifiait pas substantiellement ni ne bouleversait l'économie du marché envisagé ; qu'ainsi l'offre de la Société Méditerranéenne de Nettoiement (SMN) devait être regardée comme acceptable au sens des dispositions de l'article 298 du même code ; que, par suite, la commission appel d'offres n'a commis ni erreur manifeste d'appréciation ni erreur de droit en ne déclarant pas l'appel d'offres infructueux ;
Considérant, en troisième lieu, que le rapport de vérification des offres établi par les services techniques de la ville le 3 avril 2001 doit être regardé comme suffisamment précis et détaillé pour avoir mis la commission d'appel d'offres à même, le 5 avril 2001, de décider le rejet de l'offre de la société Polyurbaine, de ne pas déclarer l'appel d'offres infructueux et de pressentir ainsi le choix de la seule autre entreprise candidate à ce stade de la procédure, la Société Méditerranéenne de Nettoiement (SMN) ; que si, avant de fixer définitivement son choix le 3 juillet 2001 sur la variante libre de cette dernière société, la commission d'appel d'offres lui a écrit le 11 avril 2001 en vue d'obtenir certaines précisions relatives à l'efficacité de la prévision des épisodes pluvieux, à certaines modalités techniques de collecte sélective et aux modes de propulsions de bennes et laveuses, une telle demande ne peut être regardée comme méconnaissant les dispositions de l'article 297 bis précité du code des marchés publics, dès lors que n'a pas été négocié le prix des prestations offertes lors de l'ouverture des plis ou que n'a pas été exigée la gratuité de prestations nouvelles ;
Considérant, en quatrième lieu, que l'offre finalement retenue de la Société Méditerranéenne de Nettoiement (SMN) a été celle proposée en variante libre n°1 pour un montant total de 18.436.002 € HT par an ; qu'il résulte de l'instruction, notamment du second rapport d'analyse du 28 juin 2001, que cette variante libre, autorisée par l'article 4-2 précité du règlement de consultation pour tout intérêt technique, logistique, environnemental et économique, ne modifiait pas de façon substantielle les exigences de base imposées aux candidats par le cahier des charge, dès lors qu'elle se contentait de proposer une économie de 159.466 € HT par an (environ 1%) obtenue par une optimisation de la fréquence de certaines collectes ; que la commission d'appel d'offres a décidé le 6 juillet 2001 de retenir cette variante libre n°1 et de profiter de l'économie ainsi réalisée pour retenir une option en faveur de l'environnement (véhicules à propulsion électrique et GPL), prévue par le cahier des charge lors de la consultation, représentant une plus-value de 262.547 € HT par an ; que par ailleurs, et à la suite des réponses de l'entreprise à la lettre susmentionnée du 11 avril 2001, la commission d'appel d'offres a décidé de ne pas retenir deux prestations pourtant prévues dans l'offre de base (abonnement « météoflash » et fourniture de caisses de collecte sélective en carton), pour un montant total de 201.403 € HT par an, au motif de l'incertitude de leur efficacité sur le plan technique ; que compte tenu de ce faible montant de 201.403 € (environ 1%) et des réponses techniques de l'entreprise pressentie, de telles modifications doivent être regardées comme ne modifiant qu'à la marge l'offre de base de cette entreprise, initialement proposée à hauteur 18.501.410 millions d'euros HT par an, pour atteindre le montant finalement signé de 18.436.002 €HT par an (- 0,36 %), correspondant à l'offre en variante libre n°1, augmentée de l'option environnementale choisie et diminuée des deux prestations susmentionnées finalement supprimées ;
Considérant, en cinquième et dernier lieu, que la circonstance que le représentant de la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes ait cru nécessaire de demander un complément d'information s'avère sans influence sur la légalité de la procédure, dès lors que les éléments demandés figuraient dans les rapports d'analyse des offres des 3 avril et 28 juin 2001 ; qu'il s'ensuit qu'est inopérante la circonstance que ce complément d'information n'a été établi que le 6 juillet 2001, après le choix définitif de la commission d'appel d'offres du 3 juillet 2001 ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la COMMUNE DE MONTPELLIER est fondée à soutenir que c'est à tort que les premiers juges ont estimé que le choix de la commission d'appel d'offres était entaché d'irrégularité au regard des dispositions précitées du code des marchés publics et ont, par voie de conséquence, annulé la délibération du conseil municipal du 25 juillet 2001 ; qu'elle est, dans ces conditions, fondée à demander l'annulation du jugement attaqué ; qu'il appartient à la Cour, saisie par l'effet dévolutif de l'appel, de statuer sur la légalité de cette délibération ;
Sur les conclusions à fin d'annulation de la délibération attaquée :
Considérant que M. Bardoux demande l'annulation de la délibération du conseil municipal du 25 juillet 2001 attribuant le marché public de collecte des ordures ménagères et de nettoiement de la ville à la Société Méditerranéenne de Nettoiement (SMN) et autorisant son maire à le signer, motifs pris d'irrégularités entachant le choix de la commission d'appel d'offres ;
En ce qui concerne la légalité externe ;
Considérant que M. X soutient que la commission d'appel d'offres a été convoquée tardivement le 3 avril 2001 pour sa séance du 5 avril 2001 et qu'ainsi, d'une part, certains de ses membres n'auraient pu siéger, d'autre part, les membres présents n'auraient pu prendre connaissance du rapport de vérification des offres établi par les services techniques ;
Considérant, toutefois, qu'aucune disposition du code des marchés publics ne fixe de quorum particulier pour la tenue des séances de cette commission ; qu'elle pouvait ainsi valablement délibérer dès lors que la moitié de ses membres étaient présents ou régulièrement représentés, ce qui fut le cas lors de la réunion litigieuse ; que, par ailleurs, il résulte de l'instruction que le premier rapport de vérification des offres établi par les services techniques comportait 12 pages d'analyse des offres de deux sociétés ; qu'il était par suite consultable en deux jours ; que, dans ces conditions, les moyens de légalité externe soulevés doivent être écartés ;
En ce qui concerne la légalité interne :
Considérant, ainsi qu'il a été dit, qu'en ne déclarant pas l'appel d'offres infructueux, en écartant l'offre de base de la société Polyurbaine et en portant son choix sur la variante libre de la Société Méditerranéenne de Nettoiement (SMN) après lui avoir demandé des compléments d'information, la commission d'appel d'offres de la ville de MONTPELLIER n'a pas entaché sa décision d'erreur manifeste d'appréciation ou d'erreur de droit au regard des dispositions précitées du code des marchés publics ou du règlement de consultation ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. X n'est pas fondé à demander l'annulation de la délibération litigieuse du conseil municipal de la ville de MONTPELLIER en date du 25 juillet 2001 ;
Sur les frais exposés par les parties et non compris dans les dépens :
Considérant qu'en vertu des dispositions de l'article L. 761-1 du Code de justice administrative, la Cour ne peut pas faire bénéficier la partie tenue aux dépens ou la partie perdante du paiement par l'autre partie des frais qu'elle a exposés à l'occasion du litige soumis aux juges ; que les conclusions présentées à ce titre par M. X doivent dès lors être rejetées ; qu'en revanche il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de condamner ce dernier à verser à la commune de MONTPELLIER la somme de 1.500 euros au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;
DECIDE
Article 1er : Le jugement du Tribunal administratif de MONTPELLIER en date du 27 mars 2002 est annulé.
Article 2 : Les conclusions de M. X sont rejetées.
Article 3 : M. X est condamné à verser à la COMMUNE DE MONTPELLIER la somme de 1.500 euros au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. X, à la COMMUNE DE MONTPELLIER, à la Société Méditerranéenne de Nettoiement (SMN) et au ministre de l'économie, des finances, et de l'industrie.
N° 02MA01005 2