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05/07/2005 | FRANCE | N°02MA01312

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 3eme chambre - formation a 3, 05 juillet 2005, 02MA01312


Vu la requête et les mémoires enregistrés les 15 juillet 2002 et 27 décembre 2004, présentés pour A... Chantal X ... par Me X... ; A... X demande à la Cour :

1°) de confirmer le jugement n° 9900506 en date du 7 mai 2002, par lequel le Tribunal administratif de Bastia a reconnu la responsabilité du centre hospitalier d'Ajaccio de sa contamination par le virus de l'hépatite C et de le réformer en tant qu'il a limité l'indemnisation de son préjudice à la somme de 7 622,45 euros ;

2°) de porter l'indemnité réparatrice à la somme de 304 898,03 euros ;

3°) de

condamner le centre hospitalier d'Ajaccio à lui verser, au titre des frais d'instanc...

Vu la requête et les mémoires enregistrés les 15 juillet 2002 et 27 décembre 2004, présentés pour A... Chantal X ... par Me X... ; A... X demande à la Cour :

1°) de confirmer le jugement n° 9900506 en date du 7 mai 2002, par lequel le Tribunal administratif de Bastia a reconnu la responsabilité du centre hospitalier d'Ajaccio de sa contamination par le virus de l'hépatite C et de le réformer en tant qu'il a limité l'indemnisation de son préjudice à la somme de 7 622,45 euros ;

2°) de porter l'indemnité réparatrice à la somme de 304 898,03 euros ;

3°) de condamner le centre hospitalier d'Ajaccio à lui verser, au titre des frais d'instance, la somme de 2 000 euros ;

……………………………………………………………………………………………………..

Vu le code de la sécurité sociale ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 9 juin 2005 :

- le rapport de Mme Massé-Degois, rapporteur ;

- les observations de Me Y..., substituant Me X..., pour A... X, et de Me B..., de la Selarl Baffert-Fructus et associés pour l'Etablissement français du sang ;

- et les conclusions de M. Trottier, commissaire du gouvernement ;

Considérant que A... X, née le 20 février 1967, a subi au centre hospitalier d'Ajaccio un traitement chirurgical des contusions abdominales et un traitement par ostéosynthèse des fractures qu'elles présentaient à la suite d'un accident de circulation dont elle a été victime le 26 mai 1985 ; qu'une hépatite C a été diagnostiquée chez elle en 1991 ; qu'elle fait appel du jugement en date du 7 mai 2002 en tant que le Tribunal administratif de Bastia a limité la réparation de son préjudice, consécutif à cette contamination, à la somme de 7 622,45 euros ; que, l'Etablissement français du sang venant aux droit et obligation du centre hospitalier d'Ajaccio en tant que fournisseur des produits sanguins sur le fondement d'une convention conclue le 29 décembre 1999, conteste par la voie de l'appel incident, la mise en jeu de sa responsabilité ;

Sur la responsabilité :

Considérant qu'en vertu de la loi du 21 janvier 1952 modifiée par la loi du 2 août 1961, les centres de transfusion sanguine ont le monopole des opérations de contrôle médical des prélèvements sanguins, du traitement, du conditionnement et de la fourniture aux utilisateurs des produits sanguins ; qu'eu égard à la mission qui leur est ainsi confiée par la loi, qu'aux risques que présente la fourniture de produits sanguins, les centres de transfusion sont responsables, même en l'absence de faute, des conséquences dommageables de la mauvaise qualité des produits fournis ;

Considérant qu'aux termes de l'article 102 de la loi du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé : « En cas de contestation relative à l'imputabilité d'une contamination par le virus de l'hépatite C antérieure à la date d'entrée en vigueur de la présente loi, le demandeur apporte des éléments qui permettent de présumer que cette contamination a pour origine une transfusion de produits sanguins labiles ou une injection de médicaments dérivés du sang. Au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que cette transfusion ou cette injection n'est pas à l'origine de la contamination. Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles. Le doute profite au demandeur. Cette disposition est applicable aux instances en cours n'ayant pas donné lieu à une décision irrévocable » ;

Considérant qu'il résulte de ces dispositions qu'il appartient au demandeur, non pas seulement de faire état d'une éventualité selon laquelle sa contamination par le virus de l'hépatite C provient d'une transfusion, mais d'apporter un faisceau d'éléments conférant à cette hypothèse, compte tenu de toutes les données disponibles, un degré suffisamment élevé de vraisemblance ; que si tel est le cas, la charge de la preuve contraire repose sur le défendeur ; que ce n'est qu'au stade où le juge, au vu des éléments produits successivement par ces parties, forme sa conviction que le doute profite au demandeur ;

Considérant, d'une part, que si l'Etablissement français du sang fait valoir que le dossier médical de A... X ne fait pas état de transfusions sanguines au cours des interventions chirurgicales qu'elle a subies au centre hospitalier d'Ajaccio en mai 1985 et que la livraison de produits sanguins n'implique pas la transfusion desdits produits, il résulte cependant des conclusions du rapport de l'expertise diligentée devant la juridiction administrative que A... X a reçu, à cette occasion, des transfusions sanguines tant le jour de son hospitalisation que le lendemain ; que, dans ces conditions, en l'absence d'éléments contraires, lesquels ne pourraient être produits que par le défendeur, A... X doit être regardée comme établissant la réalité des transfusions subies ; que, d'autre part, l'enquête transfusionnelle qui a été menée n'a pas permis de conclure à l'innocuité de l'ensemble des produits sanguins administrés, certains des donneurs n'ayant pu être soumis au test de séropositivité et l'Etablissement français du sang n'établit pas que la transfusion ne serait pas à l'origine de la contamination de A... X en se bornant à faire valoir, sur la seule base de données statistiques, qu'elle pourrait avoir pour cause les actes chirurgicaux eux-mêmes, notamment du fait d'une infection nosocomiale ; que, par suite, et en l'absence de risque propre à la victime, le doute doit, conformément aux dispositions législatives précitées, profiter à la victime et le lien de causalité entre la transfusion dont la patiente a fait l'objet et sa contamination par le virus de l'hépatite C doit être considéré comme établi ; qu'enfin, si l'Etablissement français du sang soutient que l'intéressée a subi une transfusion sanguine lors d'une intervention chirurgicale réalisée dans un autre établissement de santé en 1986 et que l'enquête transfusionnelle n'a pas permis d'établir l'innocuité des lots qui lui ont été alors administrés, cependant, en présence comme co-auteur éventuel du dommage d'une personne autre qu'elle-même, la personne publique dont la requérante demande la condamnation doit supporter la réparation de l'intégralité du préjudice subi, à charge pour elle, si elle s'y croit fondée, de mettre en cause devant le juge compétent la personne qu'elle estime conjointement responsable de la contamination ;

Sur le préjudice de A... X :

Considérant qu'il résulte de l'instruction et notamment du rapport de l'expertise diligentée devant le tribunal administratif que A... X a été contaminée par le virus de l'hépatite C à l'âge de 18 ans ; que le diagnostic a été porté en 1991 alors qu'elle souffrait d'une fatigue anormale ; qu'elle a subi une ponction biopsie hépatique qui a mis en avant une fibrose inflammatoire et qu'elle a dû se soumettre à un suivi biologique régulier pendant la période 1991 à 1992 ; que si les taux de transaminases supérieurs à la normale avant l'année 1992 se situent depuis cette date dans des limites normales, en revanche, la recherche de virémie C par technique PCR effectuée en 1996 puis en 1997 a permis de révéler et de confirmer la multiplication virale dans le sang ; qu'au vu des résultats d'analyses médicales, l'expert a qualifié l'hépatite C dont souffre A... X de « peu sévère » mais « avec réplication virale » provoquant une asthénie profonde et persistante ; que, par suite, compte-tenu de l'âge de la victime à la date de sa contamination et des troubles dans les conditions d'existence que connaît A... X du fait de cette pathologie et du retentissement dans sa vie personnelle, il y a lieu de porter à 30 000 euros l'indemnité qui lui a été accordée à ce titre par les premiers juges, cette indemnité réparant les troubles de toutes natures au nombre desquels figurent les préjudices d'agrément et sexuel ainsi que les souffrances physiques endurées et l'anxiété que provoquent les risques liés à l'évolution de sa maladie ; qu'elle ne peut cependant obtenir une réparation spécifique au titre de la perte de salaires, faute d'établir un lien direct et certain entre la cessation de son activité professionnelle et la contamination litigieuse ;

Considérant que le centre hospitalier d'Ajaccio n'est pas fondé à soutenir que A... X bénéficierait d'une double indemnisation dès lors, qu'en tant que passagère de la voiture à l'origine de l'accident, elle a dû être indemnisée au titre de la loi de 1985 dans la mesure où la somme de 30 000 euros ne répare que le seul préjudice lié à la contamination par le virus de l'hépatite C ;

Sur les conclusions de la Mutuelle générale :

Considérant qu'il n'est pas établi par les pièces du dossier et notamment pas par la production d'un relevé de prestations que le montant de 15 880,98 euros, dont la Mutuelle générale demande le remboursement au titre des indemnités journalières de perte de salaires versées à A... X pour la période du 16 avril 1995 au 31 juillet 1996 et pour la période du 5 décembre 1996 au 30 avril 2000, trouve son origine dans la contamination transfusionnelle de la victime par le virus de l'hépatite C ; que, par suite, il n'y a pas lieu de faire droit aux-dites conclusions ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'il y a lieu dans les circonstances de l'espèce, en application des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative, de condamner l'Etablissement français du sang venant aux droit et obligation du centre hospitalier d'Ajaccio à verser à A... X la somme de 1 500 euros au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ; qu'en revanche, en application de ces mêmes dispositions, il y a lieu de rejeter les conclusions présentées sur ce même fondement par la Mutuelle générale ;

D E C I D E :

Article 1er : La somme de 7 622,45 euros à laquelle l'Etablissement français du sang venant aux droits et obligation du centre hospitalier d'Ajaccio est condamné à verser à A... X est portée à 30 000 euros.

Article 2 : Le jugement n° 9900506 du 7 mai 2002 du Tribunal administratif de Bastia est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de A... X est rejeté.

Article 4 : Les conclusions du centre hospitalier d'Ajaccio et de la Mutuelle générale sont rejetées.

Article 5 : L'Etablissement français du sang venant aux droit et obligation du centre hospitalier d'Ajaccio versera à A... X la somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à A... X, au centre hospitalier d'Ajaccio, à la Mutuelle générale, à la compagnie AXA France IARD, à l'Etablissement français du sang et au ministre de la santé et des solidarités.

Copie à Me X..., à la SCP Romani-Clada-Maroselli, à Me Z..., à la SCP De Cesseau-Gladieff et au préfet de Corse du Sud.

N° 02MA01312 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 3eme chambre - formation a 3
Numéro d'arrêt : 02MA01312
Date de la décision : 05/07/2005
Sens de l'arrêt : Satisfaction partielle
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. BOURRACHOT
Rapporteur ?: Mme Christine MASSE-DEGOIS
Rapporteur public ?: M. TROTTIER
Avocat(s) : BENSA

Origine de la décision
Date de l'import : 05/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2005-07-05;02ma01312 ?
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