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04/07/2005 | FRANCE | N°02MA02536

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 6eme chambre - formation a 5, 04 juillet 2005, 02MA02536


Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour le 26 décembre 2002, présentée par Me X..., avocat, pour l'établissement public Electricité de France (EDF), dont le siège est ... ;

Il demande à la Cour :

1°/ d'annuler le jugement du 9 octobre 2002 par lequel le Tribunal administratif de Nice a rejeté ses requêtes tendant à l'annulation de 49 états exécutoires émis à son encontre par la ville de Cannes entre le 19 décembre 1997 et le 18 octobre 2001 et à la condamnation de ladite ville au paiement de ses frais de procédure ;

2°/ d'annuler lesdits ét

ats exécutoires et prononcer la décharge des sommes correspondantes ;

3°/ de condamner...

Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour le 26 décembre 2002, présentée par Me X..., avocat, pour l'établissement public Electricité de France (EDF), dont le siège est ... ;

Il demande à la Cour :

1°/ d'annuler le jugement du 9 octobre 2002 par lequel le Tribunal administratif de Nice a rejeté ses requêtes tendant à l'annulation de 49 états exécutoires émis à son encontre par la ville de Cannes entre le 19 décembre 1997 et le 18 octobre 2001 et à la condamnation de ladite ville au paiement de ses frais de procédure ;

2°/ d'annuler lesdits états exécutoires et prononcer la décharge des sommes correspondantes ;

3°/ de condamner la ville de Cannes à lui verser la somme de 3.000 euros au titre de ses frais exposés et non compris dans les dépens ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la loi du 15 juin 1906 sur les distributions d'énergies ;

Vu la loi n° 46-628 du 8 avril 1946 sur la nationalisation de l'électricité et du gaz ;

Vu l'ordonnance n° 86-1243 du 1er décembre 1986 ;

Vu le décret n° 88-850 du 29 juillet 1988 relatif au prix de l'électricité ;

Vu le code des marchés publics ;

Vu le code général des collectivités territoriales ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 13 juin 2005 :

- le rapport de M. Brossier, premier conseiller ;

- les observations de Me X... pour l'établissement EDF ;

- et les conclusions de M. Firmin, commissaire du gouvernement ;

Considérant que la distribution de l'énergie électrique par la ville de Cannes a fait l'objet d'une convention de concession en date du 12 mai 1931, d'une durée de quarante temps à compter du 30 mai 1931, qui a été reconduite au bénéfice de l'établissement public Electricité de France (EDF) en vertu des articles 36 et 37 de la loi du 8 avril 1946 sur la nationalisation de l'électricité et du gaz ; que ladite convention a été tacitement prolongée à compter du 31 mai 1971 ; que toutefois, à partir du 19 décembre 1997, date d'un premier titre exécutoire émis à l'encontre de l'établissement EDF, la ville de Cannes a estimé que son cocontractant EDF lui avait irrégulièrement facturé la fourniture d'énergie pour l'éclairage public à compter du 1er janvier 1990, en méconnaissance alléguée de la clause de fourniture gratuite d'une telle énergie prévue par les stipulations de l'article 12 du cahier des charges de la convention du 12 mai 1931 ; que les règlements correspondants à cette fourniture d'énergie ont donné lieu à répétition de l'indu par l'émission par la ville de Cannes, entre le 19 décembre 1997 et le 18 octobre 2001, des 49 états exécutoires objets du présent litige ;

Sur la fin de non-recevoir opposée à la requête d'appel :

Considérant qu'il résulte de l'instruction que le jugement attaqué a été notifié à l'établissement appelant, le 30 octobre 2002, avec demande d'avis de réception n° RA 0020 6057 1FR ; que dans ces conditions, la ville de Cannes n'est pas fondée à soutenir que la requête susvisée, enregistrée au greffe de la Cour le 26 décembre 2002, aurait été déposée après l'expiration du délai d'appel de deux mois ; qu'ainsi la fin de non-recevoir tirée de la tardiveté de cette requête doit être écartée ;

Sur l'irrecevabilité opposée à la requête présentée devant le Tribunal administratif de Nice :

Considérant que le Tribunal administratif de Nice a rejeté comme irrecevable la requête de l'établissement EDF tendant à l'annulation des 49 états exécutoires litigieux, au motif de l'absence de saisine, préalablement à toute instance devant le juge du contrat, du Conseil supérieur de l'électricité et du gaz, en méconnaissance des dispositions alors en vigueur du deuxième alinéa de l'article 45 de loi du 8 avril 1946 selon lesquelles ledit Conseil arbitre en dernier ressort les conflits qui peuvent survenir entre les divers établissements créés par cette loi et les autorités concédantes ;

Considérant que si, lors d'un litige entre deux cocontractants portant sur les difficultés nées de l'application de leur contrat, une procédure préalable est rendue obligatoire avant la saisine du juge du contrat par stipulation contractuelle ou disposition d'ordre public, cette procédure préalable ne s'impose aux parties cocontractantes que si le litige procède directement du contrat ; qu'en revanche, elle ne s'avère pas obligatoire avant un recours juridictionnel formé contre un état exécutoire, même si celui-ci porte sur une dette contractuelle ; qu'il en résulte que l'établissement Electricité de France est fondé à soutenir que le Tribunal administratif de Nice a commis une erreur de droit en lui opposant l'absence de saisine préalable du Conseil supérieur de l'électricité et du gaz dans un litige de plein contentieux portant sur le recouvrement d'états exécutoires ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que l'établissement appelant est fondé à demander l'annulation du jugement attaqué ; qu'il y a lieu de procéder à l'évocation de l'affaire pour y statuer immédiatement ;

Sur les conclusions à fin d'annulation des 49 états exécutoires attaqués et sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres moyens d'annulation soulevé par l'établissement EDF :

Considérant qu'aux termes des stipulations de l'article 5 du cahier des charges annexé à la convention du 12 mai 1931 : «(…) La commune remet gratuitement au concessionnaire, qui accepte, l'ensemble des installations d'éclairage des voies publiques lui appartenant, (canalisations, matériels et appareils) (...) Les installations ainsi remises par la commune concessionnaire, pour la durée de la concession, font partie intégrante de la distribution, en particulier, l'entretien et le renouvellement en incombent au concessionnaire» ; qu'aux termes des stipulations de l'article 27 du même cahier des charges : «Les redevances pour occupation du domaine public communal sont fixées à la somme de 1 franc par an pour l'ensemble des installations du concessionnaire. Toutefois, après un délai de quinze ans à partir de l'approbation définitive de la concession, la ville aura la faculté de remplacer à un moment quelconque pour les années restant à courir la fourniture gratuite de quantité d'énergie définie à l'article 12 par des redevances en numéraire (...)» ; qu'aux termes des stipulations de l'article 12 dudit cahier des charges : «(…) Le concessionnaire assurera gratuitement l'allumage et l'extinction des lampes, l'entretien courant de la totalité du réseau d'éclairage public, l'entretien des appareils d'éclairage proprement dit, le remplacement des lampes normalement usées (…) L'énergie électrique nécessaire pour l'alimentation de l'éclairage des voies publiques, à l'exclusion de celle nécessaire à tous autres services municipaux, sera fournie gratuitement par le concessionnaire à la ville jusqu'à concurrence d'un maximum annuel de 2 millions de KWH (...) Dans le cas où la ville, usant de la faculté que lui réserve l'article 27, substituerait par la suite à la fourniture gratuite de la quantité d'énergie ci-dessus définie des redevances en numéraire, elle serait tenue de payer au concessionnaire la totalité de l'énergie consommée par l'éclairage électrique (...) Les avantages particuliers stipulés dans le présent article au profit de la commune sont consentis par le concessionnaire en contrepartie, d'une part de l'abandon gratuit par la ville des installations d'éclairage public définies à l'article 5, d'autre part de la réduction des redevances relatives à l'occupation du domaine public communal et du droit d'occupation par le concessionnaire de certaines parties du domaine privé de la commune» ;

Considérant qu'il résulte des stipulations précitées que les parties cocontractantes doivent être regardées comme ayant entendu mettre en place un échange d'avantages économiques consistant en la fourniture gratuite par le concessionnaire de l'électricité nécessaire à l'éclairage public à concurrence de 2 millions de KWH et en la prise en charge gratuite par ce dernier de l'entretien des installations d'éclairage des voies publiques, en contrepartie de la remise par la ville desdites installations au concessionnaire et de la notable réduction des redevances relatives à l'occupation par ce dernier du domaine public communal et de certaines parties du domaine privé de la commune ; qu'aux fins de son action en répétition de l'indu pour la période en litige, courant à compter du 1er janvier 1990, la commune entend invoquer l'accord ainsi conclu sur la fourniture d'avantages économiques réciproques ;

Considérant, cependant, qu'aux termes des dispositions de l'article 1er de l'ordonnance n° 86-1243 du 1er décembre 1986 relative à la liberté des prix et de la concurrence : «L'ordonnance n° 45-1483 du 30 juin 1945 est abrogée. Les prix des biens, produits et services relevant de ladite ordonnance sont librement déterminés par le jeu de la concurrence. Toutefois, dans les secteurs ou les zones où la concurrence est limitée, soit en raison de situations de monopole ou de difficultés durables d'approvisionnement, soit de dispositions législatives ou réglementaires, un décret en conseil d'Etat peut réglementer les prix après consultation du Conseil de la concurrence (…)» ; qu'aux termes de l'article 1er du décret en Conseil d'Etat n° 88-850 du 29 juillet 1988 relatif au prix de l'électricité, édicté pour application de ladite ordonnance : «Les prix de vente hors taxe de l'électricité transportée et distribuée par les réseaux publics sont fixés conformément aux dispositions qui suivent, nonobstant les dispositions contraires des cahiers des charges et des contrats» ; qu'il résulte de ces dispositions d'ordre public que, sur la période en litige, les prix de vente de l'électricité, y compris pour la fourniture de l'énergie nécessaire à l'éclairage public, ne pouvaient être fixés autrement que sur la base du système de référence ainsi déterminé ; qu'il s'ensuit que doit être regardée comme illégale la reconduction, sur la période en litige, de l'accord litigieux liant la fourniture gratuite de 2 millions de KWH d'électricité pour l'éclairage public de Cannes à l'abandon partiel des recettes provenant de l'occupation du domaine public ou privé de la ville ; que cette dernière ne peut, dès lors, invoquer un tel accord pour justifier son action en répétition de l'indu ; que, par suite, en l'absence de base légale des 49 états exécutoires attaqués, l'établissement appelant est fondé à en demander l'annulation ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L.761-1 du code de justice administrative :

Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions des parties tendant au remboursement de leurs frais exposés et non compris dans les dépens sur le fondement de l'article L.761-1 du code de justice administrative ;

DECIDE

Article 1er : Le jugement du Tribunal administratif de Nice du 9 octobre 2002 est annulé.

Article 2 : Les 49 états exécutoires attaqués sont annulés.

Article 3 : Le surplus des conclusions de l'établissement EDF est rejeté.

Article 4 : Les conclusions de la ville de Cannes tendant au remboursement de ses frais exposés et non compris dans les dépens sont rejetées.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à l'établissement EDF, à la ville de Cannes et au ministre de l'équipement, des transports, de l'aménagement du territoire, du tourisme et de la mer.

N° 02MA02536 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 6eme chambre - formation a 5
Numéro d'arrêt : 02MA02536
Date de la décision : 04/07/2005
Sens de l'arrêt : Satisfaction totale
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. GANDREAU
Rapporteur ?: M. Jean-Baptiste BROSSIER
Rapporteur public ?: M. FIRMIN
Avocat(s) : RICHER

Origine de la décision
Date de l'import : 05/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2005-07-04;02ma02536 ?
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